
OE U F S *
( Art de conserver et de faire éclore les )
L a e S oeufs font d'une uti’ité fi générale, qu’on
s’eft toujours appliqué à en t.rer tout le parti
poflible. Dans les Indes orientales , orf a le fecret
de les conferver aufli long-temps qu’on veut, en
les faifant cuire, & en les falant fans caffer leurs
coquilles, ce qui leur donne un goût très-délic
a t, & les rend en même-temps très-propres
à être tranfportés dans les voyages de longs
cours.
C ’eft une pratique obfervée dans quelques
grandes maifons où l’on fait venir des oeufs de
fermes ou de terres éloignées, on a foin de les
faire cuire avant de les envoyer, en forte qu’il
n’y a plus qu’à les réchauffer pour les manger;
& ils font aufli frais que des oeufs du jour ou de
la veille.
Une autre méthode de les conferver, confifte
à les enduire d’une pâte avec de la terre grade,
des cendres communes & du fel marin ; on les
met enfuite dans le four ou fous une braife ardente
; où on les laiffe autant de temps qu’il faut
pour les cuire. Ils fe confervent fi bien après
cette préparation, que les vaiffeaux Européens
en font provifion pour leurs voyages.
M. de Réaumur, dont les expériences ont toujours
eu pour butFutilité publique, imagina d’empêcher
la corruption des oeufs en fupprimant leur
infenfible tranfpiration , & par ce moyen de les
conferver pendant três-long-temps, non-feulcment
frais & bons à manger, mais encore propres à
être tranfportés d’un pays à un autre, pour na-
turalifer des volatiles dans des climats où ils font '
étrangers.
Pour cet effet il crut d’abord devoir les enduire
d’un vernis compofé de laque plate & de colophane
diffoute dans de l’efprit-de-vin.
Dans la fuite il y fubftitua de la graiffe de
mouton comme étant une matière moins chère
& plus commune : voici quel en eft le procédé.
V
On fait fondre de la graiffe de mouton fraîche ,
on la paffeà travers un linge, & on la met dans
un pot de'terre; lorfqu’on veut s’en feivir, on
la liquéfié par la chaleur du feu, & on y plonge
un oeuf qu’on a fufpendu par le milieu à un brin I
de fil long de fix à fept pouces : on fait enfuite *
la même chofe fur tous les oeufs qu*on veut con«
fer ver.
On peut encore boucher les pores de la coquille
d’oeuf, foit avec de l’huile, foitavec de la cire
liquéfiée.
On a l’expérience qu’un oeuf ainfi préparé &
gardé fix mois, fait encore le lait, & n’a pas le
moindre mauvais goût. Mais il faut obferver que
pour les conferver plus long-temps & plus fure*
ment , on dojt choifir des oeufs qui n’aient pas
été fécondés , autrement le germe, étouffé fous le
vernis, ne manquera pas d’en corrompre une
partie.
Lès oeufs vernis n’ont pas feulement l’avantage
de fe conferver bons pour être mangés comme
frais, ils ont encore celui de pouvoir être couvés
en toute fureté, pourvu qu’on n’attende pas au-
delà de fix femaines.
En pareil cas on ôte le vernis qui eft fur la coque
dé l’oeuf fécondé. Ceci eft encore un moyen
d’élever les oifeaux étrangers qu’on ne peut tranf-
porrer vivans qu’avecbeaucoup d’embarras^ & qui,
pour l’ordinaire , ne s’accouplent point hors de
leur pays.
T ai obfervé , dit Mufchembroeck , que des
oeufs que j’avois gardés pendant l’efpace dequure
années dans de l’huile de raves , s’étoient confer-
vés très frais ; car en les faifant cuire dans de
l’eau ils s’y durcirent ; & lorfque j’ouvris la coque
, ils flattèrent encore l’odorat & le goût «.
Ils ne fe gardent pas fi long-temps dans la graiffe
de boeuf.
Si on les plonge dans de l’huile de lin & de térébenthine
, ils y contractent une mauvaife odeur
propre à donner des naufêes à ceux qui les nun-
geroient.
Ils fe pourrtffentdans la faumure, dans le lait,
dans l’emulfion de myrthe , dans l’infufion d’aloës,
de racine de feipentaire de Virginie, dans la dé-
co&ion de quinquina, de contra-yerva, & dans
celle de terre de cachou.
Si on les enduit de cire , cet enduit ayant une
certaine épaiffeur fe fend, & ne peut garanrr l’oeuf
de la pourriture, de forte, ajoute M. de M iffchem-
broeck, que dans toutes les éprenyes que /ai faites
|ulqu*
jufqu’à préfent, je n'ai rien trouvé de préférable
à l’huile de rave «. .. ,
Ces différentes manières d’interdire l accès de
l’air extérieur dans les oeufs & dans tous les corps
aué l’on veut pr'éferver de corruption ou d alteration
, expliquent en même temps la caute qui au-
roit fait conferver, pendant trois cens ans trois
oeufs dans un mur d’èglife en Italie , & quon a
trouvés après ce temps très-bons & tres-trais.
Moyens de cennoître f i les oeufs font frais.
Un moyen de connoître fi les oeufs font frais
eu non, eft de les prêfenter au feu ; fi alors î.pa-
roît de l’humidité fur la coquille , c’eli une preuve
qu’ils font frais , finon l’on peut juger qu ils lont
vieux. . .
Un oeuf frais a plus d’humidité qu un vieux ,
& fes humeurs étant plus tenues ou plus déliées ,
percent plus aifément les pores de la coquille.
Au relie, tout le monde fait qu’il iumt de les
mirer à la lumière pour diftinguer un oeuf frais
d’un vieux: l’oeuf frais paroit plein &. fans bulles
d’air ; l’oeuf vieux , au contraire , paroit extérieurement
rempli de petits coins occafionnés par 1 air
dilaté dans l’intérieur, à mefure que le fluide de
l’oeuf s’eft évaporé par la tranfpiration à travers
les pores de la coquille.
Méthode pour avoir des oeufs toute l année.
Le grand froid eft un obftacle à la fécondité des
poules : elles ne pondent que très-peu dans la fat-
fon rigoureufe. La méthode ufitée dans certains
pays pour prévenir cette interruption, conhite a
renfermer les poules dans une forte d enveloppe de
fumier chaud. Pour cet effet, on établit dans quel-
que endroit clos & couvert, d’abord un roua de
fumier de l’épaiffeur d’environ deux pieds : on
foule & on aplatit autant qu’il eft poflible le milieu
du plancher enfuite on élève dans tout ion
contour une efpèce de mur de fumier encore
chaud , Si auquel on donne une fcale tuniiante
pour que ce rebord puiffe fe foutehir à la hauteur
de quatre pieds. .
Cela fait, on ne donne à mànger aux pou.es
que dans cette forte de parc , en obfervant de
mettre leur nourriture dans quelques uftermles de
bois pour qu’elle ne fe perde pas dans le fumier.
Cependant on y répand de temps en temps un
peu de grain pour amufer les poules, qui aiment
à gratter & à chercher.
On met de l’eau à côté du manger. Il faut que
le fumier occupe tout ce réduit ; & quand on
s’aperçoit que la chaleur diminue , on renouvelle
avec du fumier chaud tout le pourtour.
On a foin de mettre des lattes en deffus, on y
attache des nids bien garnis, afin que les poules
y perchent & s’y logent pendant la nuit.
Arts & Miniers. Tom. V. Partie 1.
-Comme le fumier produit une fumée confidé-
rable lorsqu’il eft dans fa première chaleur , il
faut, pour la faire évaporer , pratiquer une ouverture
grillée, qu’on ferme par un vitrage lorfque
le grand feu eft paffé : on fe fert d’un vitrage , afin
que les poules ne foient pas dans une trop grande
obfcurité. . ,
On doit-pourtant obferver que les poules (font
la fécondité eft ainfi excitée & prolongée , s’ufest
promptement, & deviennent ftériles à la troifieme
& quatrième année : on y remedie en les remplaçant
par de nouvelles.
Méthode pour foire _ éclore les ttufs fans meu-
bation.
La manière de faire éclore en Egypte les oeufs
de poules dans les fours , eft au fit ancienne dans
ce pays, quelle y eft ufitée , particulièrement
à Bermè , village fitué à cinq lieues du-Caire ,
oit il fe fai: un commerce conftdérable d oifeaux .
domeltiques éclos de cette façon. $
Ces fours ne différent des nôtres qu en ce qu us
font bâtis de briqués cuites au foleil, & qu’ils
ont par le haut une ouverture ronde d environ,
dix-huit à vingt pouces de diamètre.
Chaque fournil a vingt-quatre fours, douze de
chaque côté , qui forment deux étages de fix
fours chacun, avec une allée très-étroite qui les
fépare dans le milieu.
Pour faire éclore les oeufs , on les met dans
les fours d’en bas, & l’on entretient pendant huit
jours un feu lent, fait avec de la paille dans les
fours d’en haut, après quoi on bouche les fours
où font les oeufs, & on ne les ouvre qu’au bout
de fix jours, pour féparer les oeufs clairs d avec
ceux qui font féconds. . . .
Ce triage étant fait, on remet les bons dans
les fours de l’étage d’en haut, & l’on fait pendant
deux jours un petit feu de paille dans ceux d en
baÔn attend enfuite que les pouftins foient totalement
éclos, ce qui arrive vingt-deux jours après
qu’on a commencé à mettre les oeufs au four.
On n’en fait ufage que depuis le mois de décembre
jùfqu'au mois d’avril.
■ On ne paie rien au fournier pour fa peine &
la fourniture de fa paille ; comme il rend, les pouf-
fips au même boiffeau qu’il a pris les oeufs , il fe
trouve amnlement dédommagé de fes dépenfes par
la différence de volume qu’il y a entre l’oeuf &
le pouflin.j
Cette nètvératioa artificielle peut reuflir partout
où l’on obfervera un jufte degré de chaleur relatif
à la différence des climats.
On a fait, il y a une quarantaine d années, a
Chantilly, -des tentatives inutiles pour faire éclore
des poulets. _ • , n
On fe fervoit , au rapport de M. 1 abbe Ixollet,
A a a