
elliptique ; mais la première eft fans contredit
préférable.
Il eft vrai qu’il y a plus à craindre que le bout de
la navette, quoiqu’il foit d'acier, ne s’émouffe contre
les gardes du peigne, que quand elles font
d’une matière fort dure, comme de cuivre , d’acier
ou de bronze ; mais fi l’on préfère dé les
faire de canne, d’os ou d’ivoire, elles feront elles-
mêmes endommagées par la pointe de la navette ,
8c en peu de temps les premières dents de chaque
côté du peigne ne manqueront pas d’etre attaquées
: auffi femble-r-il que le nom de gardes,
qu’on a donné à ces deux pièces , leur vient
de l’emploi qu’elles ont de garder , ou préferver
les dents.
Lorfqu’on veutabfolument faire les gardes avec
de la, canne , il eft certain que les faces extérieures
arrondies fe trouvent tout naturellement fur
cette canne ; & alors, pour l’avoir plus dure ,
oa doit prendrô les tuyaux du bas , parce qu’ils
^ont plus de corps ; mais on ne fauroit dans ce
cas leur donner une forme plus avantageufe que
celle où la partie ronde de la canne fe trouve
en-dehors pour rejeter la navette lorfque l’ouvrier
la lance mal-adroitement.
Plufieurs peigners ont l’habitude de faire les
jumelles avec de la eanne , comme les dents mêmes
; & pour cela ils ont foin de la refendre, de
l’unir, & de tenir ces jumelles d’une égale épaif-
feur dans toute leur longueur. Quelque foin qu’on
y apporte, les noeuds dont la canne eft remplie
de diftance en diftancé , ne permettent pas qu’on
les dreffe comme il convient.
Le bois eft préférable à plufieurs égards ; il
eft fufceptible de fe dreffer parfaitement; & avec
de l’attention on peut lui donner une égalité d’é-
paiffeùr à laquelle on ne parvient prefque jamais
avec delà cange: d’ailleurs, le ligneul fe trouve
bien plus fixe lorfque ces jumelles font bien
dreffées.
La largeur des dents dont un peigne eft com-
pofé , doit être parfaitement égale ; maïs la grande
difficulté confifte à leur donner une égale épaif-
feur : chacune de ces lames eft fi mince,, que le
moindre coup les réduit à rien, fi l’on n’y porte
la plus grande attention, fur-tout lorfqu’on les
fait de canne.
Quant à leur longueur, on n’eft pas obligé de
fuivre précifément celle qu’elles doivent avoir
fuiyant le peigne : on les tient toujours un peu
plus longues ; & quand le peigne eft fini, on les
rogne à une égale hauteur.
Pour applanir les difficultés & faciliter les opérations
, on a imaginé plufieurs outils, tant pour
les jumelles & les gardes, que pour les dents.
On fe fert auffi d’un métier pour monter le
peigne , lorfque tontes fes parties font préparées,
& pour Içs arrêter commodément avec
je ligneul.
Maniéré de faite les jumelles»
Lorfqu'on fait les jumelles avec du bois, on fe
fert ordinairement de bois de hêtre , parce qu’il
eft trè s -lian tq u e fes fibres font courtes & fes
porres ferrés , ce qui lui donne de l’élafticité
en même-temps que de la confiftance. Il faut
croire que l’expérience a déterminé les ouvriers
à fe fervir de ce bois par préférence , après en
avoir effayé plufieurs autres.
Les jumelle^ des peignes pour les étoffes de
foie n’ont guère plus de deux lignes & demie d’é-
paiffeur, fur trois ou trois & demie de largeur.
Quant à leur longueur , c ’eft celle qu’on veut
donner au peigne , comme trois ou quatre pieds,
& quelquefois davantage ; mais cette longueur
n’eft pas celle dont il faut les faire, d’abord : on a
coutume, pour la facilité du tVavail , de leur
donner environ un pied de plus qu’il ne faut.
L e côté des jumelles qui doit appuyer fur la
rangée clés dents , doit être aplati & bien dreffe ,
& le côté extérieur eft arrondi.
Il y a quelques peigners qui font eux-mêmes les
jumelles , mais la plupart les font faire par des
menuifiers. Auffi font-elles fouvent mieux faites,
parce que ces ouvriers ont piu* d’habitude detra*
vailler le bois , & font plus en état de juger de
celui qui eft le plus convenable à cet ufage.
Voici comment on doit s’y prendre. On dreffe
quatre règles de bois , chacune fur leurs quatre
faces , puis les pofant à plat fur un établi , on
abat les angles fur une face ; & enfin on-afrondit
cette face avec un rabot dont le fer foit d’une
courbure convenable ,& qu’on nomme , en terme
de menuferie mouchette.
Lorfque les peigners font les jumelles avec de
la canne , ils n’ont pas recours au travail du me-
nuifier , parce que cette matière a par-dehors à
peu-près là forme requife. Elle préfente tine fur-
face unie , interrompue par des noeuds, & c’eft
à les aplanir que le peigner doit s’occuper avant
tour.
Il faut bien fe donner de garde d’entamer cette
furface qui eft très-dure & lorfqu’on aplanit les
noeuds, qui ne font autre chofe que les aiffelles des
feuilles de cette plànte , on doit ne toucher qu’au
noeud , & même quelques ouvriers négligent d’ô-
ter ces inégalités , màis cela ne porte aux jumelles
aucun préjudice fenfible.
L’ufage des peignes , dont toutes les parties
font faites de canne , eft plus univerfellement reçu
dans le Languedoc , 4a Provence , le comtat Ve-
naiffin, 8c dans les provinces méridionales , où
les cannes naiffent en abondance.
On a dans ces endroits 4a facilité de choifir les
cannes les plus droites,, ainfi que les plus grof-
fes , & celles où les noeuds font le plus écartés
les uns des autres , pour en faire les jumelles }
celles enfin qui, par leur parfaite maturité, ont acquis
line plias grande confiftance, qui les rend propres
à être amincies pour former les dents.
pour faire ces jumelles de canne , l’ouvrier
coupe une tige à peu-près à la longueur convenable
; puis l’ayant çefendue en quatre parties
égales , i l les y trouve toutes quatre ; par ce
jnoyen les noeuds fe rencontrant au même endroit à
chaque couple , on eft affuréque le ligneul embraf-
fera parfaitement chaque dent , & les tiendra plus
également ferrées que fi les noeuds de différentes
tiges Te trouyoient dans divers endroits de leur
longueur-. b
ta. précaution recommandée ici nelt pas auiii
indifférente à la bonne conftrudion qu’on pourroit
(e penfer , il pourroit s’enfui vre une inégalité dans
l’écartement des dents ; & de-là une très-grande
dpfeâuofiré dans l’étoffe : car, pour le dire en
paffant, de quelle autre fource procèdent ces défauts
.qu'on vpit affez fouvent fur la longueur d une
étoffe, fi non de la: mal-façon du peigne qiii règle
lapofition refpeftive de tous les.fils de la chaîné ?:
Lorfqu’o« a- fendu- en quatre parties égàles une
tige de canne , on les paffe l’une après l’autre
dans une. èfpèee de filière , pour les mettre d’é-
galelargeur ; après quoi on les rend le plus unies
qu’il.eftpoflible, fur la face intérieure de la-canne ,
en les paffant dans une autre filière , afin qu’elles
| foieiit par-tout d’une égale épaiffeur.
0Voici comment font ordinairement faites ces
filières. Dans une pièce de bois eft folidement
fixée la lame d’un rafoir, vis-à-vis d’un morceau
de fer , dont l’écartement avec -la lame détermine
l’épaiffeur de la jumelle , en le rapprochant a
volonté par le moyen d’une vis.
Lorfqu’on dégro(fit les jumelles, on a foin de
tenir fur l’un & l’autre fens plus écartées ces deux
pièces, & lorfqu’il ne s’agit plus que de les finir ,
! on arrête la vis au point le plus convenable.
Si la différence de la largeur qu’il convient de
| donner aux jumelles eft trop grande par rapport
[ à leux épaiffeur pour qu’une feule filière' puiffe
| opérer l’un & l’autre effet, on peut en.avoir deux,
dont l’une fervira pour la largeur , & l’autre pour
l’épaiffeur ; mais comme l’une & l’autre de ces
| dimenfions peuvent varier confidérablement, il eft
1 plus à propos de placer à chacune de ces filières
un morceau de fer qui , avançant &. reculant à
[ volonté au moyen d’une v is , aflure invariablement
la largeur ou l’épaiffeur. ' ^
Comme le tirage de la canne à la filiere ne fau-„
roit fe faire fans quelques efforts, on réferve au
I bas de la pièce de bois dont on la forme, un fort
I tenon carré, au moyen duquel on la place-dans
l’une des mortaifes pratiquées fur la table v dont
[ nous allons nous entretenir.
Il eft aifé de fentir que le moyen le plus fimple
pour empêcher que cette table & la filière ne vacil-
lentiaux efforts multipliés qu’on leur fait éprouver ,
eft delà faire fort lourde &fort folide : auffi a-t*on
coutume-d&prendre pour cela un .morceau de bois
carré en furface, & dont l’épaiffeur lui donne de
l’affiétte.
On le monte fur quatre pieds entrés à force dans
des t*6us pratiqués vers les quatre angles, & fi/r
cette table on perce différentes mortaifes pour recevoir
le tenon de la filière qui doit y entrer jufte:
par ce moyen l’ouvrier peut , pour plus grande
commodité, la changer de place , & même avec
une fécondé filière , un autre ouvrier peut travailler
à la même table.
La grandeur qu’on doit donnera cette table peut
varier fuivant l’idée des ouvrière ; mais ordinairement
elles ont deux pieds & demi de long , fur
dix-huit à vingt pouces de large.; & étant montée
fur fes quatre pieds , elle doit avoir par-deffus
deux pieds deux pouèes : ce qui , avec environ
dix pouces qu’on donne aux filières , fait une
élévation totale de trois pieds.
Gette hauteur eft fuffifante pour qu’un ouvrier
puiffe paffer , les jumelles étant debout \ pour plus
de commodité.
Manière de faire les gardes.
Lorfqu’on les fait de bois , il eft à propos de les
faire toutes deux à un même morceau , pour
qu’elles foient plus parfaitement femblables ; &
pour pouvoir les couper fans crainte, on les tient
un peu plüs longues ; de manière que lorfqu’on
a marqué fur .cette pièce la longueur exaâe des
deux gardes , on les coupe, & on fait les
quatre tenons un peu plus longs qu’il ne faur.
Il faut avoir grande' attention de donner aux
tenons l’épaiffeut; fuffifante pour que les jumelles
puiffènt contenir les dents fans ballotter ; ainfi
cette épaiffeur doit être égale à la largeur des
dents.
Il faut auffi que le corps des gardes contenu
entre les deux tenons foit parfaitement é g a l, &
ait la hauteur qu’on veut donner de foule au peigne
, car ce font ces gardes qui la déterminent ;
& lorfque le peigne eft achevé , les dents excèdent
d’environ une ligne aü-deffus des jumelles
pour retenir chaque tour dé ligneul.
Les gardes qu’on faifavec de la canne doivent
être faites à peu - près comme celles de bois, fi ce
n’eft qu’on ne touche point à la partie polie de la
■ canne , & qu’on a foin de les choifir entre deux
noeuds; du refte il eft à propos de les prendre
auffi toutes deux au même morceau , refendu
■ en plufieurs parties égales.
On y forme les renons comme on vient de le
voir , mais ils ne font pas auffi faciles à faire
qu’aux gardes en bois.
Il tam choifir des morceaux de canne gros 8c
: épais , entamer, la partie polie qu’on met en-dehors
du peigne , & y pratiquer un tenon , tant fur la
partie-convexe que fur la partie'concave , fans
quoi- on né pourroit fixer folidement les deux
• jumelles à un'ecarrement convenable.