
Les noix qu'on deftine pour le commerce fe
corromproient bientôt, fi on n’avoit le foin de
les confire avec de l’eau de chaux, faite de coquillages
calcinés, qn’on détrempe avec de l’eau falée ,
& qu’on réduit à la coufiftance d’une bouillie
fluide. Ayant mis les mufcades dans une petite
corbeille à claire-voie-,-, on les plonge dans cette
eau préparée jufqu’à ce qu’elles foiènt totalement
enduites de cette liqueur.
On les met enfuite en un tas, où elles s’échauffent
, & où s’évapore toute l’humidité fuperflue ;
après qu'elles ont fuè fuffi(animent, elles font propres
a paffer ta mer fans courir aucun danger.
Lopfqn’on veut confire de ces mufcades pour
le deflert, on les cueille avant d’être mûres ; on
les perce avec une aiguille ; on les fait bouillir dans .
l’eau , & on les y laifle tremper pendant dix jours
pour qu’elles perdent fâpreté de leur faveur ; on
les cuit légèrement dans un fyrop de fucre ; &
lorfqu’on veut qu’elles foient fermes, on y jette
un peu de chaux.
Cette première opération n’étant pas fuffiffante ,
on la répète huit jours après dans un nouveau
lirop, d’où on les retire encore pour les mettre
dans un troifième qui foit un peu plus épais ;
on les confervc enfuite dans un pôt de terre
bien fermé.
Il y a une autre manière de les confire, qui éft
de les mettre d’abord dans de la faumüre ou dans
du vinaigre ; quand on veut en manger, on les
fait macérer dans l’eau douce, après quoi on les
fait cuire dans un fyrop dë fucre.
Les Hoilandois ont trouvé le moyen de s’emparer
de prefque tout lé commerce de la mufcade -,
foit à titre de conquête , foit en payant aux Infu-
laires des penfions qui leur font plus utiles que
le produit de leurs arbres. Cependant les foins dè
M. Poivre font efpérer de tirer un jour des mufcades
de l’Ifle-de-France, où, plufieurs milliers de
plants de mûfcaaiërs ont déjà très-bien reufti.
G i r o f l e ' , c l o u de G i r o f l e
Le girofle eft un fruit aromatique, pu pluiçtla
fleur deflechée du giroflier avec le calice , le germe
& le bouton.
Ce fruit a la figure d’un clou de fix à huit lignes
de longueur ; il .eft prefque quadrangulaire -,
ridé, & d’un brun noirâtre. Son fommet eft couronné
par quatrë petits pointes en forme d’étoile ,
entre lefquélles s’élève une tête de h grofleur
d’un petit pois, laquelle éft formée par des’feuilles
très-petites, appliquées les unes fur les autres
comme des écailles.
Lorfqu’op écarte ces 'feuilles, on aperçoit plusieurs
fibres rouflatres, & dans leur centre un ftyle
droit qui porte le petit bouton, de la fleur.
Le giroflier, eu l’arbre qui produit ces fruits, croît
dans les Ifies Moluques,' fituées près de l’Equateur.
Cet arbre eft de la grandeur & de la forme
du laurier. Le bois en eft dur 2 branohu, & revêtu
d’une écorce pareille à celle de l’olivier. Ses
branches fe portent au large, font d’une couleur
ronfle - claire, & garnies de beaucoup de feuilles
alternes, fufpendues à une queue longue d’un pouce.
Les fleurs fe groupent à l’extrémité des rameaux:
elles font en rofe à quatre pétales bleus , d’une
odeur forte & pénétrante.
Le milieu de ces fleurs eft garni d’un grand nombre
d’étamines purpurires avec leurs fommets.-
Le calice des fleurs eft cylindrique , partagé en
quatre parties à fon extrémité ; il fe change, par
là maturité en , un fruit ovoïde, ayant une capfule
dont la couleur, après différentes nuances , devient
d’un brun noirâtre.
Ell&renferme une amande oblongue, dure, &
çreufée d’un fillon longitudinal.
Quand ce fruit eft mûr , on l’appelle antoflè de
girofle, clou matrice. Il ne tombe de l’arbre que
l’année fuivante , en perdant beaucoup de fon
odeur & de fa faveur aromatiques ; mais il eft
alors dans l’état propre à la plantation ; étant
femé, il germe , & dans l’efpace de huit à neuf ans
il forme un grand arbre en bon rapport. On récolte
l#s clous de girofle depuis le mois d’octobre ju(-
qu’en février, avant que les fleurs s’épanouiffent.
La cueillette s’en fait avec les mains , ou bien on
les fait tomber avec de longues verges. On dépofe
ordinairement ces. fruits lur des linges étendus
fous les arbres ; & fi on les reçoit à terre, on a foin
auparavant d’en ôter l’herbe & toutes les faletés.
Les clous de girofle, qui font d’abord d’une couleur
rouflatre, deviennent noirâtres en fe féchant,
foit au foléil, foit à la fumée dii feu auquel ils
font expofés pendant quelques jours fur-des claies.
• Ce font les Hoilandois établis à Ternate & à
Amboine, quife font èm parés de la culture , de la
récolte & de la préparation des clous de girofle,
dont ils font l’exportation & le commerce excluftf.
Leurs magafins orientaux font à Amboine-, dans
le fort de la Vi&oire , & c’eft-là que les habitans
font obligés de porter leur , récolte.
On confit dans du fucre les clous matrices venus
du girofle.; & Ton prétend qu’ils font alors excel-
lens dans les voyages fur mer , pour faciliter
la digèftion & garantir du feorbut.
Les clous de girofle rendent'par expreflion une
huile épaifle, rouflatre, très-aromatique ; & par
là diftillation une huile effentielle , qui eft d’abord
claire , légère & jaunâtre, &. qui devient enfuite
rouflatre , épaifle & pelante.
On a eflayé à l’Ifle-de-France, des plants de
girofliers, comme on a fait des mufeadiers , &
l’on efpère qu’ils rapporteront dans quelques années
des fruits en affez g-ande quantité pour la
confommation du royaume.
•C AN N ELLE.
La cannelle, ou Cinnamemum , eft la fécondé
écorce d’un arbre appelé cannellier , qiji croît principalement
dans rifle de Ceylan.
Cet arbre s’élève à la hauteur de trois à quatre
toifes. Ses racines, groffes & fibreufes , font couvertes
d’une écorce qui a une odeur de camphre.
Le bois du cannellier eft dur, blanchâtre, &
fans odeur. Le tronc & les branches, qui font en
grand nombre, ont une écorce verte d’abord , &
qui devient rouge avec le temps. Les feuilles font
odorantes, & reffemblent à celles du' laurier. Ses
fleurs font d’une odeur déliçieufe ; elles font petites
, étoilées, blanchâtres elles ont fix pétales , &
forment des bouquets à l’extrémité des rameaux.
A ces fleurs fuccèdent des baies ovales , longues
de quatre à cinq lignes, d’un brun bleuâtre ,
& tachetées de petits points blancs.
Ces baies contiennent fous une pulpe verte ,
onéhieufe & aromatique, un petit noyau qui couvre
une amande de couleur purpurine.
Quant à la récolte de la cannelle, elle fe fait
dans là faifon où la fève eft abondante, & où les
arbres commencent à fleurir. Alors on détache la
fécondé écorce des petits canneliiers de trois ans ,
on rejette comme inutile l’écorce extérieure , qui
eft épaifle grife , & raboteufe.
La cannelle ou cette fécondé écorce qui eft mince ,
fe coupe par lames longues de trois à quatre
pieds ; on l’expofè au foleil , & elle s’y foule
d’elle-même de la groffeur du doigt. Sa couleur
devient alors d’un jaune rougeâtre. Son goût eft
âcre& piquant, mais d’un parfum agréable.
On diftingue trois fortes de cannelle , la fine, la
moyenne & la grojjiète, fuivant l’âge des arbres, leur
pofition, leur culture, & leurs différentes parties.
Après que la cannelle a été enlevée , l’arbre
refte nud pendant deux ou trois ans; mais au bout
de ce temps le cannellier fe trouve revêtu d’une
nouvelle écorce, & donne un nouveau produit.
Il n’y a rien à perdre de toutes les parties du
cannellier. Son écorce, fa racine, fon tronc, fes
tiges, fes feuilles, fes fleurs, fon fruit fournif-
fent des eaux diftillées , des fels volatils , du camphre
, du fuif ou de la cire, des huiles précieu-
fes : l’on èn compofe des firops, des paftilles ,
des effences odoriférantes.
Lorfque la cannelle eft récente, on retire d’une
livre plus de trois gros d’huile effentielle ; mais fi
elle eft vieille, elle en rend très-peu : suffi la bonne
sffence a-t-elle été diftillée à Ceylan , ou à Batavia.
Cette huile étant d’un bon débit & fort chère',
jnifqu’uneï once coûte jufqu’à quatre-vingt-dix
Ivres , il eft affez ordinaire qu’on la débite faififiée
svec l’huile de girofle ou même avec l'huile de Ben.
L’huile effentielle de l’écorce du cannellier ,
-qiand elle eft pure, tombe au fond de l’eau. On
ik peut la conferver que dans un flacon hermè-
ticuement bouché. Quelquefois elle fe convertit
en un Tel qui a les vertus de la cannelle , & qui
fe diffous dans l'eau.
On retire -par la diftillation de l’écorce de la
rae'iae, une huile & un fel volatil ou du camphre.
Cette huile eft d’un goût fort v i f , & fe volati-
life aifémenr. Son odeur participe de celle de la
cannelle & du camphre.
Le camphre qu’on tire de la cannelle eft blanc ;
fon odeur eft moins forte que celle du camphre
ordinaire. Il eft très-volatil & fort facile à
s’enflammer., il ne laifle point de réfidu après fa
cpmbuftion.
Les feuilles du cannellier mifes en diftillation ,
donnent une huile qui a l’odeur de girofle : elle eft
d’abord trouble ; mais elle s’éclaircit enfuite , &
elle acquiert prefque les mêmes propriétés que
celles de l’ccorce. Son odeur eft très-fuave & très-
agréable.
On tire des fruits, par la diftillation, une huile
effentielle dont l’odeur tient du girofle , du genièvre
& de la cannelle.
On en tire par la décoétion une efpèce de graiffe
d’une odeur pénétrante , qui a la couleur & la
confiftance du fu if, & qu’on met en pains comme
le favon : cette fubftance eft appelée cire de la
cannelle, parce qu’en effet le roi de Cane!y, dans le
Mongoliftan , en fait faire des bougies qui répandent
avec la lumière une odeur très-fuave.
Les vieux troncs du cannellier préfentent des
noeuds réfineux qui ont l’cdeur du bois de rofe ,
& qui feroient très-propres pour certains ouvrages
{fébénifterie.
La cannelle matte eft l’écorce des vieux troncs de
canneliiers, qu’on rejette comme étanrfort inférieure
à tous égards à la fine cannelle.
La cannelle dont les Hoilandois font Teuls le
, commerce, fe récolte dans un efpace d’environ
; quatorze lieues , le long des bords de la mer à Ceylan;
cet endroit porte le nom de champ de la cannelle
, & s’étend depuis Négambo jufqu’à Gal-
lières. Ils ne laiffent croître que la quantité d’arbres
ijéceffaires à leur négoce, & ils ont foin de faire
arracher tous les plants qui croiffent ailleurs.
Cependant on eft parvenu à naturalifer, depuis
plufietirs années , lé cannellier dans quelques-unes
de nos ifles de l’Amérique ; mais c’eft au temps, à
la perfévérance & à l’intelligence à perfectionner
la culture de cet arbre fi précieux, & fi fécond
en propriétés de toute efpèce;
On peut être trompé de deux façons dans l'achat
de la cannelle, ou par fubflitution ou par altérations
i°. Dans le premier cas, on vend pour la vraie
cannelle l'écorce du cajjia lignea. Mais voici les
différences par lefquelles on peut diflinguer l’une
de l’autre.
La cannelle de Ceylan eft longue^ mince, caf-
fante, roulée fur elle-même en .bâtons rougeâtres
, d’une faveur piquante, mais agréable &
aromatique ; au lieu que le cajjia lignea l’eft
beaucoup moins ; fon écorce eft épaifle, & quand
on la mâche elle devient muciiagineufe , ce qui
n’arrive pas à la bonne cannelle.
La cannelle blanche qu’on tire des Ifles de faint
Domingue & de Madagafcar eft plus épaule, d’ua