
Lorfqu’on veut faire entrer de l'or dans les or-
nemens & les draperies, on prend des morceaux
de verre de couleur jaune qu’on mouille d’un
peu d’eau de gomme, & fur lefquels on applique
une feuille d’or, qu’on met recuire fur une pelle
de fer à l’entrée du four à verre' ; lorfque le
verre eft devenu rouge, on le retire. Ce procédé
fait fi bien tenir l’or, qu’il s’y conferve toujours
, en quelque lieu qu’on l’expofe. On fait la
même opération pour l’argent.
Les couleurs étant préparées, on travaille à l’enduit
fur lequel on doit defliner l’ouvrage & placer
la mofaïque. Cet enduit eft un mélange de
chaux, de briques bien battues & bien faffées,
de gomme adragant & de blancs d’oeufs.
On le met affez épais pour qu’il fe tienne frais
pendant trois ou quatre jours, afin qu’on y applique
fucceffivement les verres & les émaux
avec do petites pincettes de fer ; on les arrange
fuiv.ant les contours & les couleurs du dèflïn;
& après les avoir enfoncés avec une règle ou
batte de bois, ou en rend la fuperficie égale
& unie.
Cette forte de mofaïque rend l’ouvrage très-
brillant; & fon enduit s’endurcit fi fort à l’air par
la longueur du temns , qu’on n’en voit jamais
la fin.
La mofaïque en inarbre 6* pierres de rapport-,
qu’on emploie au pavé des églifes & des palais,
ou en incruftation & placage des murailles intérieures
de ces édifices, a fon fond de marbre fur
un mafiif de marbre blanc ou noir, ou quelquefois
d’une autre couleur. Lorfqu’on veut y procéder
, on commence par calquer fur le fond le
deflin qu’on veut repréfenter ; on l’entaille en-
fuite au cifeau de la profondeur d’un pouce, quelquefois
même davantage ; on remplit enfuite l’entaille
d’un marbre de couleur convenable, après
l’avoir réduit d’épaiffeur & contourné conformément:
au.-deffin.
Pour faire tenir ces pièces de rapport dans les
entailles, on fe fert de ftuc eompofé de chaux &
de poudre de marbre , ou d’un maftic à la volonté
de l’ouvrier ; après quoi on polit l’ouvrage
à demi avec du giès.
Quand les figures ne font pas terminées par le
marbre du fond , le peintre ou le fculpteur fait
des traits ou hachures aux endroits où doivent
être les ombres, les gratte avec le cifeau, &
les remplit avec un mafiic noir, fait avec de
la poix de Bourgogne ; il polit enfuite le marbre
, 8c le rend fi uni „ qu’il paroît tout d’une
pièce. Le pavé de l’éelife des invalides 8c celui
de la chapelle de Verlailles font dans ce goût.
Lorfqu’on veut enrichir la mofaïque de pierres
& de cailloux p récieu xon les débite en feuillets
d’une demi-ligne d’épaiffeur, avec une feie fans
dents, comme celle des marbriers, mais qui eft
montée commue celle des menuifiers.. Ou attache
iortemeat avec des cordes la pièce, qu’on veut
fcîer ; on l'affermit au moyen de deux chevilles
de fer qui dirigent la feie : & avec de l’émeri
détrempé dans de l’eau, on ufe la pierre, on la
coupe infenfiblement, & on la partage en autant
de pièces qu’on le veut.
Ce procédé exige beaucoup de patience, mais
moins d’adreffe que quand il faut les contourner.
On met pour -lors ces feuilles dans un étau de
bois qui traverfe l’établi, fous lequel il y a. une
cheville en forme de coin pour le ferrer fortement.
Varchet, ou feie à contourner dont on fe fert
n’eft qu’un fil de laiton très-mince , bandé fur un
morceau de bois plié en arc , qui avec de l’émeri
détrempé , contourne peu-à-peu la feuille
en fuivant les traits du deflin qui eft fait fur du
papier, 8c qui eft collé fur la pièce.
A" mefure qu’on a des feuilles préparées, on les
place avec des pincettes fur un maftic, ou une
forte de ftuc qu’on met par petites couches fur
des pierres de liais qui foutiennent ordinairement
cette mofaïque.
quelque pièce contournée n’a pas la figure
qu’il faut, ou qu’elle foit trop grande, on la met
de proportion avec la lime de cuivre ; fi elle eft
trop petite, on fe fert du touret & des petits
outils des lapidaires pour couper & polir ce qu’il
faut de plus pour le rempliffage.
Les gobelins ont fourni long-temps les beaux
cabinets & les belles tables en ce genre » qui or*
nent les appartemens de Verfailles.
M. Pingeron dit que lorfqu’on veut travailler
en mofaïque à Rome, on commence par tirer une
tres-belle copie du tableau qu’on veut repréfenter
; on difpofe enfuite verticalement de grands
morceaux de pierre dure les uns fur les autres,
de manière qu’ils faffent la furface d’un grand
tableau.
Dans ces morceaux de pierre on pratique des
rainures transverfaîes & inclinées pour retenir
l’enduit dont ils doivent être couverts ; on commence
le tableau par le haut, & on remplit
toutes les rainures qui doivent le retenir comme
autant de crochets, avec un pouce de maftic fait
avec de la poudre de pierre de Tivoli, broyée
avec de l’huile de lin..
Ce maftic- étant applani avec une truelle, le
peintre defline fon fujet,; le calque ordinairement
pour plus d’exaâitude , & enfonce enfuite dans
ce maftic des pièces de mofaïque d’un pouce
& demi de long fur deux lignes d’êquarriffage.
Lorfqu’on eft obligé de donner certaine forme
à la mofaïque pour remplir quelqu’intervalle, on
fe fert d’un taffeau reffemblant à un coin >
fur lequel on taille la mofaïque avec un marteau
affez lourd, dont les deux côtés fe terminent
en forme de coin.
Le tableau étant fini, on fépare les différentes
pierres qui en forment le fond, pour les tranfpor-
ter dans un atelier voifin où on les polit ; afin
de kur donner un plus beau luftre 3 on fe fert de
„rès mis en poudre dans de l’eau, de potée H j
tain broyée avec de l’huile de lin ; enfin on
fuit le même procédé que pour polir les glaces.
Pour rendre ces tableaux également polis dans
toute leur étendue, on fixe à une longue barre
de fer piufieurs morceaux circulaires d’une pierre
dure & poreufe en même temps.
Deux hommes, ou quelquefois un plus grand
nombre tiennent les extrémités de cette barre 8c
la font mouvoir.
Les pièces ' de mofaïque étant polies ; on les
place avec beaucoup de précaution, & le petit
intervalle q»i refte entre chacune fe remplit avec
du maftic & fe polit fur la place ; de forte qu un
tableau de cette efpèce étant vu en face , paroît
d’une feule & même pièce.
Nous ajouterons ici ce que l’ancienne -Encyclo-
pèdie dit fur ce travail en pierres de rapport.
Nos «ouvriers modernes exécutent une mofaïque
avec des pierres naturelles", pour repréfenter
des animaux, & généralement des fruits, dès
fleurs, & toutes autres..fortes de figures, comme
fi elles étoient peintes.
Il fe voit de ces fortes d’ouvrages de toutes
les grandeurs : un des plus confiderables & des
plus grands, eft ce beau pave de 1 égUfe cathédrale
de Sienne, où l’on voit reprefenté le facri- -
fice d’Abraham. Il fut commencé par un peintre
nommé Duccio , 8c enfuite achevé par Dominique
Beccafumi. Il eft eompofé de trois fortes de marbres
, l’un très-blanc, l’autre d’un gris un peu
obfcur, & le troifième noir ; ces trois differens
marbres font fi bien taillés & joints enfemble,
qu’ils repréfentent comme un grand tableau peint
de noir & de blanc. Le premier marbre fert
pour les reffauts & les fortes lumières, le fécond
pour les demi-teintes, & le troifième pour- les
ombres.
Il y a des traits en hachures remplis de marbre
noir ou de maftic qui joignent les ombres avec
les demi-teintes ; car, pour faire ces fortes d’ouvrages
, on affemblêf les différens marbres les uns
auprès des autres, fuivant le deflin que l’on a ;
& quand ils font joints 8c bien cimentes , le
même peintre qui a difpofé le fujet , prend du
noir, 8c avec le pinceau, marque les contours
des figures, & obferve par des traits 8c des hachures
, les jours & les ombres , de la même
manière que s’il deflinoit fur du papier ; enfuite
le fculpteur grave avec un cifeau tous les traits
que le peintre a tracés : après quoi l’on remplit
tout ce que le cifeau a gravé d’un autre marbre
, ou d’un maftic eompofé de poix noire ou
d’ autre poix qu’on fait bouillir' avec du noir de
terre.
Quand ce maftic eft refroidi 8c qu’il a pris
corps, on paffe un morceau de grès ou une brique
par-deffus, & le frottant avec de l’eau & du
grès ou du ciment pilé, on ôte ce qu’il y a de
fuperflu , 8c on le rend égal & au niveau du
marbre. C ’eft de cette manière qu’on pave dans
piufieurs endroits 4e l’Italie, & qu’avec deux ou
trois fortes de marbres , on a trouvé l’art d’embellir
de différentes figures des pavés des églifes
6c des palais.
Mais les ouvriers dans cet art ont encore pouffé
plus avant ; car comme vers l’année 1563 , le
duc Corne de Medicis eut découvert dans les
montagnes de Pietra fanSta, un endroit dont le
deffus était de marbre très-blanc, & propre pour
faire des ftatues, l’on rencontra deffous un autre
marbre mêlé de rouge 6c de jaune ; & à mefure
qu’on allcftt plus avant, on trouvoit une variété
de marbres de toutes fortes de couleurs , qui
étoient d’autarit plus durs 8c plus beaux, qu’ils
étoient cachés dans l’épaiffeur de la montagne.
C ’eft de ces fortes de marbres que les ducs de
Florence, depuis ce temps-là, on fait enrichir
leurs chapelles, 6c qu’enfuite on a fait des tables- .
6c des Cabinets de pièces de rapport, où l’on
voit des fleurs, des fruits, des oifeaux, & mille
autres chofes admirablement repréfentées. On a
même fait avec ces mêmes pierres, de tableaux
qui femblent être de peinture ; 6c pour en augmenter
encore la beauté 8c la richeffe, on fe fert
de lapis, d’agate, 6c de toutes les pierres les plus
précieufes. On peut voir de ees fortes d’ouvrages
dans les appartemens du R o i, où il s’en trouve
des plus beaux.
Les anciens travailloient auflî de cette manière,
car il y avoit autrefois à Rome, au portique de
Saint-Pierre, à ce que dit Vaffari, une table de
porphyre fort ancienne, où étçient entaillées d’autres
pierres fines qui repréfentoient une cage ; &
Pline parle d’un oifeau • fait de différens marbres,
6c fi bien travaillé dans le pavé du .lieu qu’il décrit,
qu’il fembloit que ce rut un véritable oifeau
qui bût dans le vafe qu’on avoit reprefenté auprès
de lui.
Pour faire ces fortes d’ouvrages, on feie par
feuilles le bloc ou le morceau d’agate , le lapis,
ou d’autres pierres précieufes qu’on veut employer
; on l’attache fortement fur l’établi, puis
avec une feie de fe r , fans dents, on coupe la
pierre en verfant deffus de l’émeri mêlé avec de
l’eau , à mefure que l’on travaille. Il y a deux
chevilles de fer aux côtés de la pierre, contre
lefquelles on appuie la feie , 6c qui fervent à la
conduire.
Quand ces feuilles font coupées, fi l’on veut
leur donner quelque figure pour les rapporter
dans un ouvrage , on les ferre dans un étau de
bois ; 6c avec un archet qui eft une petite feie
faite feulement de fil de laiton , de l’eau 8c de
l’émeri qu’on y jette,, on la coupe peu-à-peu,
fuivant les contours du deflin que l’on applique
deffus , comme l’on fait pour le bois de marqueterie.
On fe fert dans ce travail, des mêmes roues ,
tourets , platines d’étain ôc ailles outils dont il
H ha