
arts , on n’en trouve pas la moindre mention.
Ces voyageurs croient avoir rempli toute leur
million , s’ils nous ont parlé du Sphinx & des
pyramides, & répété ce que les autres en ont
dit. Quelques inftruétions qu’on leur ait données,
il n’a pas été poffible d’obtenir le moindre éclair-
ciflement fur cet art, qu’on ne connoît que par
les beaux papiers que quelques curieux nous
ont rapportés du Levant , & qui font très-
blancs , & d’une étoffe fine , folide & cartonneufe.
Il faut efpérer que quelque jour on nous apprendra
des détails curieux.fur l’emploi du coton ,
6c fur la manière de préparer une fubflance qui
eft infiniment plus difficile à réduire en pâte ,
propre à faire le papier, que le lin & le chanvre
.A
u refie, cette fabrication, telle qu’elle fubfifte
maintenant dans le Levant , ne paroît pas être
fui vie de manière à remplir tous les befoins du
commerce du Levant ; car on exporte de Provence
& d’Italie , une affez grande quantité de
papier de chanvre & de lin , qui n’eft pas
die la première qualité, & qui fert à plufieurs ufa-
ges dans l’E gypte, la Syrie , &c.
P a p i e r d ’ E c o r c e . ( A r t s a n c ien s ). Ce papier
des anciens efl improprement ainfi nommé , car
il étoit. fait du lib e r , ou de la pellicule blanche
la plus intérieure qu’on trouve renfermée entre
l'écorce & le bois dans différens arbres, comme
l’érable , le platane , le hêtre , l’orme , je
mûrier , & fur-tout le tilleul-jfuAop«, dont on
fe fervoit le plus communément à cet ufage.
Les anciens écrivoient fûr cette pellicule après
l’avoir détachée de l’écorce battue & féchée. On
prétend qu’il exilte encore desv livres entièrement
formés de ce papier. On petit confulter fur
cette préparation du l ib e r , Pline, H i f l . n a t . , lib .
X l l l . ç à p . X ï , & les notes du père Hardouin ,
fuid. le x ic . in v o c e ÇiXvça I f id . o r ïg. lïb . V I . cap.
X I I I . Alexafid. ab. Alexandre, lib . I I . ca p . X X X .
Salmuth, a d P a n c ir o l. l ib I I . tom . X I I I . p a g . 252
& f e q . . .
Les PP. Mabillon & Montfaucon parlent,
fouvent de manufcrits & de diplômes écrits
fur le papier <£écorce., & le diflinguent bien po-
fitiveruent du papyrus dont les Egyptiens fe fer-
voient : ces deux efpèces différoient, en ce que
le papier d’écorce étoit plus épais , & compofé
de parties moins adhérentes enfemble que le
papier d’Egypte : il efl donc plus fujet à le fendre
& à fe caffer , & pour lors l’écriture s’ècail-
loit infailliblement ; c’efî ce qui efl arrivé, à un
manufcrit fur écorce , qui efl à l’abbaye S*. Germain
, où le fond du papier efl refié , mais la
furface fur laquelle les lettres ont été tracées ,
efl enlevée en plufieurs endroits. Voyez Mont-
faucon , Paleogr. grec. lib. I. cap. II. pag. 1$ ;
Mabillon, de re diplomat. lïb. I. cap. VIII. Reim.
idea, Syft. antiq. litter. pag 311. .
Mais M. Maffei combat tout ce fyflême des manufcrits
& des chartes écrites fu r l’é co rc e des arbre
s , & fo u tien t q u ’on n’a jamais é c r it de diplômes
fu r c e papier d’écorce ; qu ’o n ne fe fervoit
d’é co rc e de tilleu l q u e p o u r de$ ta b le t t e s , fur lcf
qu e lle s o n é c r iv o it des d eu x cô té s , com me cela
fe fa it parmi nous ; a v an ta g e qu ’o n n’a v o it pas
a v e c le papier d’E g y p te , à cau fe de fa fineffe : au
refie , la d ift in â io n des papiers d’é co r c e 6c du papier
d’E g y p t e , d on n ée pa r les PP. Ma b illo n 6c
M o n t fa u c o n , m e pa roît très -b ien fo n d é e , quoi-
q u ’en d ife Maffei , & les cara& è res du premier papier
affignés pa r c e s fa va n s B én éd ic tin s , font bien
n a ture llemen t dériv é s de la c o n flitu tio n du liber. -;.j
I l y a plufieurs pa lmiers des In d e s & d’Amériq
u e , au xqu els les bo tan ifles o n t d onné la dénomination
de papyracées, pa rce q u e les peuplés des
c on tré e s o ù croiffent ces arbres ; é c r iv e n t av e c des
po in çon s fu r les feu ille s o u fu r l’é co rc e de ces fortes
d ’arbres qu i leu r fe rv e n t de papier. T e l efl le
pa lmier d’Am ériq u e , nommé tal par les Indiens ;
te l efl en co re le guajaraba de la n o u v e lle Efpagne.
T o u t pa lmier d on t l’é co rc e e fl lifté , & dont la
feu ille e ft grande & é p a i f le , peu t fe rv ir au même
u fa g e . A in f i ^on peut écrire fu r l ’é co rc e du mûrier
b lanc & fu r c e lle du b ambou , a v an t q u e ces matières
aient é té réd u ite s en pâ te p o u r faire à Ta
•Ch ine & au Japon le papier q u i s’y fabrique avec
ces ma tiè re s triturées.
Papier de la Chine. ( Arts étrangers. ) D e tous
les peu ples d e la te rre , c e lu i ch e z qu i l’art de fabr
iqu er un papier d e pâ te a é té con n u & pratiqué
plus an cien n em en t, e ft le peu ple C h in o is ; il en a ,
de temps im mém or ia l ,* de très-be au & d ’ une grand
eur de fo rm a t à laq u e lle l ’in d u ftr ie des ouvriers
europé ens les plu s habiles , n ?a p u atteindre.
L e be au papier de la C h in e a auffi cet avan tage,
qu’il e fl plus doux & plus un i qu e c e lu i d ’Europe,
& c e s qu a lités font afforties au x be fo in s des Chino
is ; c a r le pinceau d on t ils fe fe r v e n t pour écrire
n e po u r ro it c o u le r fa cilem en t fu r u n e furface un
p e u inégale" p ou r y fixer certa ins traits délicats.
N o u s connoilTons plufieurs fo r te s de papiers fabriq
u é s à la C h in e , qu e notre com merce induftrieux
nous a pro curé s : ils an n on cen t tous un grand art,
un e grande adrefTe, 8c p e u v e n t ê t re appliqués utilem
en t à différens u fa g e s . J’en ai v u réu ffir parfaitemen
t à l’impreffion des le t t r e s , des éflampes &
des cartes de géo g raph ie , & il prenoit-très-bien
la te inte des caractères & des ta i l le s , qu o iqu e peu
épais.
C e s différen tes fo rtes de papier v a r ie n t , fur-tout
par les ma tières d on t ils fo n t fa b r iq u é s , & par
les d iv e r fe s manipulation s au xqu elles on fou met
ces ma tières ; c ’e fl ainfi q u e chaque p ro v in c e de la
C h in e a fo n p apier pa rticu lier : c e lu i de Se-çhwen
e f t fait a v e c des chiffons de ch a n v re com me celui
d ’E u ro pe ; c e lu i d e E o -k ien e fl fab riq ué av ec du
jeu n e b ambou ; c e lu i des p ro v in c e s feptentrio-
n a le s , de l’é co rc e in té r ie u re d’un mûrier ; celui de
la p ro v in c e de K ian g -n am , de la peau qu’on trouve
1 ns les coques de vers-à-foie. Enfin, dans la pro- ■
viuce de Hu-quang, l’arbre chu ou ko-chu, fournit
la matière principale dont on fait le papier.
La manière de fabriquer le papier avec les diverses
écorces d’arbres , efl à-peu-près la même qu’on
fuit iorfqu’on fait ufage du bambou : ainfi en 'décrivant
cette méthode à l’égard du bambou, nous
donnerons une idée de celle qu’on fuit quand on
emploie les écorces intérieurës du mûrier, de
l’orme, & fur-tout de l’arbre de coton.
Le bambou eft une efpèçe de canne ou rofeau
creux & divifé par des noeuds , mais beaucoup
plus large, plus u n i, plus dur que toutes les
autres fortes de rofeaux.
Pour fabriquer le papier avec le bambou, on
prend ordinairement la fécondé pellicule de 1 écorce
qui efl encore tendre & blanche ; on la met macérer
dans de l’eau claire , & on la bat jnfqu’à ce
qu’elle foit réduite en une forte de filafie , & en-
fuite de pâte; on la dèpofe dans des cuves, & avec
des moules ou formes, on putfe de cette matière
ce qu’il en faut pour en faire des feuilles de papier
de la grandeur qu’on défire ; on le fait fecher enfui
te ; & lorfque les feuilles font fèches & compo-
fent une étoffe folide , on les colle, en les trempant
feuille à feuille dans de l’eau d’alun ; cet apprêt,
qui eft le feul collage qu’on donne au papier
<b bambou , l’empêche de boire l’encre , 6c
le difpofe à prendre' les couleurs qu’on peut y
mettre : on achève de lui donner un kftre &
un coup-d’ceil verni, en lè liffaçt, & la mi-
t ère du bambou fe prête facilement à ces derniers
apprêts.
Le papier qu’on fait de la forte eft âfîez blanc,
deux , bien feutré, & l ’on n’y remarque pas à la
furface la moindre inégalité qui puifte arrêter le
mouvement du pinceau, ni occafionner le rebrouf-
fement d’aucuns des poils qui le compofenr. Cependant
ces fortes de papiers faits d’écorces d’arbres,
font fufceptibles de fe caffer plus facilement
que le papier d’europe : outre cela ils prennent rapidement
l’humidité de l’air ; la pouffière s’y attache
& les vers s’y mettent en peu de temps. Pour obvier
à ce dernier inconvénient, on efl obligé de
battre fouvent les livres à la Chine, & de les expo-
f-V au foleil. D’ailleurs leur grande fineffe ne fup-
portnnt pas de .grands & de fréquens mouvemens ,
les Chinois fe trouvent fouvent dans la nécefiité de
renouveler leurs livres en les faifant réimprimer.
Voyez le Comte , nouveaux mémoires fur la Chiner
Kuît. bïblioth. nova, lïb. an. 1697 t i£ttr' édif. & cu~
rieuf <s} tom. XIX.
On doit remarquer ici , que des parties, affez
confidérables de papier de la Chine, gardées pendant
plufieurs années à Paris, fe -font, très-bien
confervées , fans prendre l’humidité & fans deve-
uu- la proie des infectes. Ce quia été employé à
limpreftipn des lettres., deseftampes & des cartes,
paroît également bien confervé : ainfi l’Europe eft Ans & Métiers. Tome V. Partie II.
peut-être" u n pa y s plu s p ro pre à la co n fe rv a tio n du
papier de la C h in e , q u e certa ines p ro v in c e s de la
C h in e .
I l e ft bo n de rem a rqu e r q u e le papier de b am b
o u n’ eft ni le me illeu r , ni c e lu i d o n t o n fa it le
plu s d’u fa g e à la C h in e ; p a r rap po rt à fa qu a lité ,
il- c èd e la pr im au té au papier, fa it de l’arbriffeau
q u i pro du it le c o to n , parce q u e c e lu i-c i e fl plus
blanc , plus fin , moins fu je t au x in co n v én ien s
d o n t nous v e n o n s de pa rler , q u ’ il fe c o n fe r v e
auffi bien , 6c d ure auffi lon g -tem p s q u e le papier
d ’E u ro p e .
L e papier d o n t on fe fe r t le plus com mun ém en t
à la C h in e , eft celu i q u e l ’on fait d’un arbre ap p
e lé k u - ch u , q u e l e père du H a ld e com pare tantô
t au m û r ie r , tan tôt au f ig u ie r , tan tô t au f y c o -
mo re , & c . ; en for te q u e nous n e connoilTons au cunem
ent c e t a r b r e , pa r c e qu ’ il v e u t nous en apprendre.
Q u o i q u ’il en f o i t , v o i c i la m anié ré de
prépa re r les d ép ou ille s du k u - c h u p o u r en fa ire
d u papier.
O n ratifie' d ’abord lé g è rem e n t l’é co rc e e x té r
ieu re de c e t a r b r e , qu i e f l v e r d â t r e , en fu ité o n
e n lè v e la pe au in tér ieu re en lon g s file ts minces ,
q u ’on fa it b ’ anchir à l’e au & au f o le i l : après qu o i
on le prépare de la même m aniè re q u e le bam bo u .
I l ne fa u t pas o u b lie r d e rem arqu e r q u e lo r f-
qu ’ on em plo ie les arb res différen s d u bam bo u
p ou r fa ire le p a p ie r , c’e ft to u jou r s l’é co rc e in tér
ieu re o u le lib e r qu ’o n prépa re ; au lieu q u e dans
le bam bo u & d ans l ’arb re q u i pro d u it le c o t o n ,
on fa it u fa g e d e to u te leu r fu bftan c e , q u i e ft com -
po fé e d e filamens , & d ’une m a tiè re fibreu fe très-
a b on d an te ; i l n’e ft q u e ftio n ap rès c e la q u e de
lu i d on n e r les prépa ra tions fu iv an te s . O u t r e les
bo is dès plus gros b am b o u s , o n ch o ifit pa rticu liè
rement les rejetons d ’ un o u de d eu x a n s , qu i fo n t
à-peu-près de la gro ffeu r de la jambe d’un homme ;
on les d ép ou ille d e s feu ille s qu i fe tro u v en t rècou^
v r ir la tig e ; o n le s fen d en fu ite e n pe tite s b a g
u ette s de qu atre à c inq pied s d e lon g : o n en fa it
plu fieu rs paquets qu ’ on met m a cé rer dans de l’e a u ,
ju f p i'à ce qu e c e s ba gue tte s fo ien t attendries ; o n
les retire alors , c e q u i a r r iv e ord in airemen t au
bo u t d e qu in ze jours ;\on les la v e d ans de l’e au
pu re , puis ô n le s m e t dans u n grand fo ffé f e c ,
& o n les cou v r e de chaux pend ant qu e lq u es jo u rs ;
on les arro fe p o u r fa ire fo n d re la ch aux ; o n
les retire en fu ite de c ette fo f f e , & après les a v o ir
la v é s une fé con d é fo is à g rand e e au , on., cou p e
ch a cu n e d e c e s ba gue tte s par tron çons o u pa r fiîa-
mens , q u 'ôn -e x p o fe au x r a y o n s du fo le il p o u li e s
fa ire fé che r & les blan chir : alors on en rem plit
d e grand es ch aud iè res , o ù Ils é p ro u v en t to u te
l’aélipn de l’ eau b o u illan te ; après c ette prépa ration
o n a c h è v e de les réd u ire en une pâ te tr è s -
fine , en les triturant dans des mo rtie rs de b o is
pa r le m o y e n d’un ma rteau à lo n g u e q u e u e , q u ’un
Ouvrier fa it m o u v o ir a v e c le pied»
O o o