
p l a t i n e , c Art de la )
RU eaucoup d arts utiles à la fociété étant fondés
fur différentes propriétés reconnues des métaux,
nous nous foin mes attachés, dans le cours
de cet ouvrage, à les examiner fucceflivement
dans leurs rapports avec les objets que nous
avions à traiter.
Il ne paroitra donc point étranger au plan de
ce dictionnaire des arts, d’y développer les con-
noiffahces nouvellement acquifes d’un métal récemment
découvert, dont l’expérience & la pratique
pourront tirer des avantages fenfibles, & faire
des applications heureufes.
Pour remplir ce' devoir intéreffant, dans toute
fon étendue, à l’égàrd de la Platine , nous n’avons
d’autre parti à prendre que de réclamer le traité
fa va rit & bien détaillé de M. Lewis , célèbre chy-
mifte & phyficien anglois, en y ajoutant quelques
expériences faites depuis fon travail interprété
en françois par M. de Puifieux;
Cemémoire fe trouve dans un excellent recueil
d’expériences chymiques & phyfiquès,-publié par
Denaint, libraire, en 1768. •
C ’eft M. Lewis qui va enfeignér lui - même
fur ce métal précieux fa doârine lümineufe.
La Platine.
Au commencement de l’année 1749 , on apporta
de la Jamaïque en Angleterre une quantité
d’une fubftance métallique blanche en grains,
qui étoit à peine connue jufqu’alors en Europe,
& qu’on nous dit être une production des Indes
occidentales efpagnoles tina , où elle efl appelée Pla
, Platina de Pinto., ou Juan blanco.
Le nom de Platina paroit être un diminutif de Plata~ qui figi ifie argent, & conféquemment exprimer
l’apparence la plus fenfible de ce corps ,
de ce métal en petits grains & de couleur d’argent.
Le nom de Pinto qu’on y joint, peut faire fup-
pofer qu,e c’elt ainfi qu’on appelle quelque canton
ou diftriél particulier où on le trouve. Je n’ai
pourtant rencontré ce nom dans aucune des def-
criptions que j ai lues de^ l’Amérique efpagnole ;
mais M. Crcnftedt, dans un effai pour un nouveau
fyftême minéral publié depuis peu en Suède ,
en parlant de la platine dans.le cours de fon fy fPtêimnteo
., appelle, le lieu d’où on l’apporte Rio di
San autre nom de Juan planco, vient peut-être
de quelques fraudés qu’on a pratiquées avec cette
matière , à caufe de la difficulté dont il eft de
féparer l'or qui s’y trouve mêlé , ou parce qu’elle
eu réfraClaire entre les mains des ouvriers car
de même que chez nous on appelle tout communément
Black-Jach , une terre de couleur
brune, c’eft-à-dire, un minéral qui a l’apparence
d’une mine métallique , mais qui foutient toutes
les fortes d’effais fans donner aucun métal , les
Efpagnols peuvent bien de la même manière avoir
donné le nom de Juan blanco , Jean blanc ou
efpèce de métal blanc , à ce corps métallique
fingulier qui , quoique avec,l’apparence & la
pelanteur vraiment métallique , & en quelque
forte malléable , a pourtant réfifté à tous les efi’ais
pour le fondre ou le mettre en. fufion.
Charles Wood, grand effayeur à la Jamaïque ,
a vu dans cette ifle un peu de Platine, huit ou
neuf ans avant qu’on en ait apporté en Angleterre.
Il dit qu’elle avoit été apportée dé Cartha-
gène ; que les Efpagnols avoient une méthode
de la fondre & d’en jetèr en moule différentes
fortes de bijoux ; que ces bijoux font fort communs
dans les Indes occidentales efpagnoles ; que
l’on avoit apporté à Carthagène quelques livres
de ce métal pour moins que’ le même poids d’argent,
& qu’oii le vendoit précédemment à beaucoup
plus bas prix : il en donna quelques échantillons
au dofteur Brownrigg, qui en fitpréfent, en
1750, à la Société Royale.
Le peu de rapport qu’il y a entre cé détail &
le précédent , par rapport à la fuftbilité de la
platine , fe -concilie aifément en examinant les
échantillons de M. Wood. Quelques-uns d’eux
étoient de la véritable platine en grains, appelée
Platine native ou minérale , que nous avons tout
lieu de croire que les Efpagnols n’ont jamais été
en état de fondre. Mais il y en avoit un d'un
métal, acluel coulé , qui étoit un morceau du
pommeau d’une épée. On m’en envoya une portion
pour en faire l’effai , & p.^r la fuite je fus
gratifie d’un grand morceau d’un lingot de la
même efpèce de métal , par milord comte de
MacclesfielH , ci-devant préftdent de la Société
Royale. Je/trouvai que ce métal fondot avec
beaucoup de facilité ; & , félon les apparences, ce
n’étoit pas de la véritable platine , mais une com-
pofition de platine avec quelques autres corps métalliques.
Comme on t fouvent confondu le métal com-
pofé avec la platine même , & qu’on lui a donné
le même nom , il en eft réfulté quelques mépri-
fes confidérabks par rapport aux propriétés de la
platine , dont je ferai de temps en temps la rein
arque dans le cours de nos expériences. Il me
fuffit ici d’avoir obfèrvé que le métal coulé diffère
matériellement de là véritable platine qui fait
l’objet de ce mémoire.
La platine ne tarda point à attirer l’attention
des philofophes & des métallurgiftes , parce qu’on
lui trouva du rapport avec l’or, dans plufieurs
particularités remarquables. •
Cette convenance qu’elle a avec l’o r , l’a fait appeler
par quelques-uns or blanc.
Beaucoup de gens auffi ont été engagés par là
à penfer qu’en effet la platine n’étoit autre chofe
que de l’or déguifé par une enveloppe de quelque
matière étrangère ; & on a èfpéré pouvoir
découvrir des moyens dé la dépouiller de cetre
enveloppe , & de mettre à découvert l’or qu’on
fuppofoit y être caché.
Maïs plus 6n l’examine , plus cette notion a
paru ridicule & peu probable, & plus on a trouvé
de raifons pour croire que là platine eft un métal
d’une efpèce particulière, diftingué d’avec l’or
par fa nature, auffi bien que d’avec les autres
métaux , quoique revêtu des propriétés qu’oa a
cru jufqu’à préfent conftituer lès véritables carac-_
tères de l’or , ou n’être poffédées que par l’or feui ;
de forte qu’on rapporte que quelquefois on a
mêle fràuduleufement de ce ■ nouveau métal avec
l’or dans une quantité fort confidérable , fans qu’il
fût poffible de l’en féparer, ni de le diftïnguer
par aucune des méthodes qu’on emploie ordinairement
pour effayer l’or ou pour le rafiner.
L’examen complet d’un pareil corps a paru de
la dernière im ortance , parce qu’il regarde non- .
feulement la découverte des diverfes propriétés
de la platine , objet déjà affpz intéreflant par lui-
même , mais parti lient eut;, ce qui l’eft encore plus,
le moyen d’empêcher les abus auxquels elle pourrait
donner lieu , & de s’affurer de la fincffe &
& de la valeur du précieux métal ; en forte que
fi on ne parvient pas à faire de la platine une
matchapdife utile , • du moins elle ne puiffe pas
davantage en être une ^dangereufe. 3’ai commet ce cet examen eu 1749, mais- je
n’ai pas éü . lors ila commodité'’ de me procurer
affez-de p'atine , pour pouffer .mes expériences
a'-ffi loin qù'é je mt propofois; car un métal fi extraordinaire
,. eni’ièi ni nt nouveau / du moins
pour c tte partie du monde , dont an ne con-
noifoit que peu des propriétés générales , & en
core par partie & imparfaitement, méritoit d’êtie
fournis à-toutes les fortes d’o. ératidrs que l’on
pratique-‘fur les au'trës ' métaux , & à tous' les
agens dent on trouvé que lès autres métaux fontaff.
aés/'* g j $
Au commencement de' l’année 1754, fon excellence
le général Wall , pour lors ambaffadeur
d'Efpagne me mit en état de pourfuivre mes expériences
, en m’en envoyant environ cent onces ,
& dans la fuite j’en reçus encore des quantités
plus confidéràbles par le moyen de quelques autres
psrfonnes.
Les chymifles les plus habiles & les plus experts
de l’Europe, fuivirent mon exemple ; dès
quMs purent fe procurer de ce nouveau métal ,
& plufieurs d’entre eux ont déjà de temps en temps
publié le fruit de leurs recherches.
La première chofe que j’ai vu imprimée fur
cette matière, eft le mémoire de M. Wood , dans
le 44/ volume‘des Tranj'aElions phïlofophiques,
pour les années 1749 & 1750. Aux remarques
hiftoriques dont je viens de donner l’extrait ,
M. Wood ajoute quelques expériences faites en
partie , comme on peut le préfumer par leur évènement
, fur la véritable platine en grains , &
en partie fur le métal coulé. Une de ces expériences
, favoir, le traitèment du métal coulé avec
du plomb à. la coupelle , a été répétée depuis
avec plus de circonfpeélion par le doéicur
Brownrigg.
On a inféré , dans la fécondé partie du quarante-
huitième volume des TranfaElions pour l’année
1754 , le détail des principales expériences que
j’avois faites alors fur la platine. Elles font di-
vifées en quatre mémoires, qui ont été" fuivis de
deux autres, qui font imprimés dans le volume
fuivant. ,
Après avoir publié les quatre premiers , je fus
informé que M. Scheffer avoir auffi donné un
examen de ce métal dans le H a n d lin g a r, de l’académie,
des fciences en Suède pour l’année 175.2.
Ces livres n’étant pas faciles à fe procurer dans
ce pays-ci, & d’ailleurs étant écrits dans une
langue que. je n’entends pas , il s’eft paffé quelque
temps avant que je puffe tirer aucun avantage
de fes recherches que j’ai trouvées curieufes
& intéreffantes , & portées , quoique moins que
je n’aurois fouhaité , beaucoup plus- loin pourtant
que je ne m’y attendois , d’autant plus que pour
faire fes principales expériences , il n’avoit que
cent grains de métal crud , dont il ne put tuer
que quarante grains de platine fur quoi travailler.,
& que d’abord il n’avoit aucune notion qu’elle
poffédât aucunes propriétés remarquables , mais
la regardoit d’abord comme un minéral qui con-
tenoit du fer. Il eft vrai que dans la fuite il en
obtint un peu plus , mais ce n.e fut encore qu’une
autre petite quantité.
Ces expériences furent faites à la recommandation
de M. l’affeffeur Rudenfchoeld , qui m’a informé
depuis peu , dans une l.ttre de Stockholm,
qu’il apporta la platine de l’Efpagne en 1745 ,
environ quatre ans avant qu’elle fût connue en
Angleterre. Dans un des volumes fui vans du Handlingar füèdois , - il y a un autre mémoire
du même fayant, contenant des obfervations fur