
eft celui qui eft de couleur d’o r , & qui, caffé fous
les dents, conferve cette couleur dans fon intérieur.
Le plus mauvais eft celui où l’on aperçoit au
contraire plus de blanc , lorsqu’on l’a ainfi cafte.
Ou n’a point en France de ces blés jaunes en
dedans ; ce font les meilleurs pour faire les pâtes ,
les vermicelles, les lazagnes & -les macaronis.
Dans le choix qu’cn fait du grain peur moudre ,
on doit préférer le vieux au nouveau. On a même
prétendu qu’il n’eft pas à propos de moudre les
grains dans l’année de leur récolte , et qu’il faut
leur donner le temps de fe bonifier.
On peut dire en général qu’il faut, que le blé
ait au moins paffé l’hiver avant que de l’employer ;
l’orfqu’il a paffé l’année , il eft plus fe c , il a moins
de fon , il eft plus nourriflant.
On ne peut tirer autant de farine des grains nouveaux
que des vieux, parce que les blés nouveaux
font moins fecs & moins parfaits. Les blés vieux
donnent au moins un 20e. de farine plus que n en
donnent les nouveaux ; il y a même des années où
ce défaut fait perdre jufqu’à un tiers de farine.
La totalité du grain eu en plus grande quantité
auffuôt après la récolte, au commencement de
fon année, qu’à la fin ; la maffe perd de fon volume
& de fon poids , parce que le grain en
^ieilliffant perd de fon humide : mais les mêmes
mefures de ce même grain pèfent moins au commencement
de l’année qu’à la fin ; ce blé étant
fec , produit plus de farine, 8c la farine en eft de
meilleure qualité. -
Pour ce qui eft des orges , il. y a prefque toujours
un quart de perte à les employer nouveaux.
A qualité égale , le vieux grain donne de meilleure
.farine que ne fait le bled nouveau , 6c il
n’eft pas échauffant ; je dis à qualité égale, par
rapport au terroir, à la température de l’année,
au climat, 6cc. Il n’eft pas douteux que du grain,
quoique vieux, mais provenant d’un fonds 8c d’un
pays froid, 6c dans une année humide , ne vaut
pas un grain d’une année chaude 6c fèche, d’une
plaine élevée, 6c d’un terrein pierreux, quand
même ce grain ferojt nouveau.
Cette obfervation fur la qualité des* grains qui
font meilleurs lorfqu’ils font vieux, eft encore plus
néceffaire à fuivre pour le feigle que pour les
autres grains, parce.que le feigle a quelque çhofe
de plus mauvais que le froment, quand il n’a
pas reflué.
Il ne faut cependant pas , pour avoir de belle
farine, 6c pour faire de bon pain, que les grains
foient trop vieux : tout demande une certaine
maturité, avant laquelle les chofes ne font point
parfaites; mais il eft à propos de tâcher de les
prendre dans cet état de perfeôion, parce qu’en
vieilliflant tout s’affoiblit 6c fe détériore ; les bonnes
qualités du grain diminuent après un certain temps ,
& enfin fe perdent entièrement : au refte , cela dépend
beaucoup des magafins dans lefquels le grain
a été ferré. Il peut être confervé fort long-temps
fans rien perdre de fa qualité, dans des lieux ou
il eft prélervé des variations de l’air 6c d autres
accidens fâcheux.
La plupart des blés de France font dans leur
perfeftion la 2e. ou .la 3e. année; apres ce temps,
ils ne profitent plus, ils dégénèrent même plus ou
moins promptement, félon le terroir 6c félon la
température de l’année où ils font venus. Il en
e ft, à cet égard , des grains comme des vins ; il
y en a qui font vieux à la fécondé année, au lieu
que d’autres ne le font qu’à la fixième. '
On a vu en 1764 l’expérience d’un vieux ble de
Chevreufe dans le Hurepoix, qui avoit été gardé 6c
confervé foigneufement huit ans : on ne put en faire
de bon pain, comme on en fait ordinairement dans
ce pays avec le même froment pris les premières
années : il fallut, pour employer ce vieux grain >
quoique bien conditionné, le mêler avec la moitié,
6c même les deux tiers de blé nouveau.
Le froment fe conferve beaucoup mieux dans
fon épi que battu. Pline , 1. x v u i . C. Xiv. dit
d’après Varon, que le blé peut fe conferver 5^
ans dans fon épi. On conçoit que le blé fe Pef.j
feâionne encore mieux dans l’épi , • que lorfqu il
eft battu : on ne devroit le battre que la fécondé
année, fi ce n’eft pour la paille, qui eft meilleure la
première année, même dès trois ou quatre mois
après la moiffon.
Enfin, il eft un terme au-delà duquel le blé
perd à vieillir ; ce terme eft different félon § la
qualité du b lé , 6c félon la façon dont il a été
confervé. C ’eft un inconvénient 6c un des plus
grands qu’il y a it, par rapport aux^ magafins de
blé : ce qui engage le gouvernement à en procurer
AJfortiment & mélange des grains à moudre.
Pour avoir du bon pain, on emploie des blés
mêlés, dont on fait l’affortiment 6c le mélangé
avant que de les moudre. Les particuliers fopt plus
dans cette obligation que ne le font les meuniers ,.
parce qu’on n’eft pas dans le cas, pour une maifon
particulière , de faire moudre les grains féparé-
ment, 6c d’en mêler enfuite les farines ; cependant
lorfqu’on a une bonne forte de blé , il faut le
mêler, dans l ’efpérance de le rendre meilleur»
Il eft certain qu’en général il y a à gagner à
connoître les rapports des grains les ups aux autres
, leurs affinités 8t leurs contrariétés. Dans,,
différens effais , en les mêlant enfemble, on peut
trouver par diverfes proportions à en faire le pain
de meilleur goût , ôc quelquefois même en plus
grande quantité , parce que les farines de ces différens
fromens, pourront par ce mélangé, prendre
plus d’eau 6c d’air en les pétrifiant, ou parce
que la pâte en lèvera mieux.
Pour bien moudre à profit , il ne faut pas que
le grain foit exceffivement fec ni humide : lorfqu’on
moud du blé trop fe c , une partie de fon
écorce qui doit faire le fon , fe met en poudre fine ;
elle fait partie de la farine en paffant avec elle car
le bluteau ; d’ailleurs il fe diflipe plus de folle farine
de ce blé fec en le moulant.
Quand au contraire le blé eft humide, il ne fe
broie pas bien , 6c il donne une farine molle ,
groflière , qui empâte les meules , qui graiffe le
bluteau , qui fe blute mal , 6c qui ne fe garde pas.
On remédie à tous ces inconvéniens en mêlant
enfemble des blés différens en féchereffe, pour
que l’un corrige l’autre : par exemple, pour moudre
du blé gris ou glacé , qui eft dur , il eft bon
de le mêler avec du blé jaune, tendre 6c moins
fe c , parce que cela retient la farine du blé gris.
Il fe fait plus de diflipation en moulant un ble fe c ,
qu’en moulant un blé tendre ; on eft obligé de
moudre plus -fort un blè dur, qu’un ble tendre.
Lorfque le blé n’eft pas d’une année très-fèche,
il fe moud mieux, la meule le met plus aifernent
en farine ; 6c le grain fe moulant plus facilement,
il fe met moins de fon en poudre, qui altère la blancheur
de la farine ; d’ailleurs la chaleur de la meule,
en moulant fort le grain , diminue encore la blancheur
de la farine ; c’eft ce que l’on nomme en
terme de l’art, rougir la farine.
Lorfqu’avant la mouture, on mêle enfemble
différens grains pour mieux moudre , 6c pour avoir
de meilleure farine, il ne faut faire ce mélange que
lorfqu’on eft tout prêt à les moudre, parce qu’ils fe
gâteroient, fi ondes gardoit enfemble ; par exemple,
un blé nouveau avec du vieux. Il faut aufli ne
pas tarder à en employer la farine , parce qu’elle
ne pourroit fe conferver, elle fermenteroit.
Préparation du blé pour moudre.
ïl n’eft pas néceffaire de recommander de nettoyer
le grain avant que de le donner à moudre ,
pour le féparer de la poulfière ou du mauvais
grain étranger, 6c de toute ordure. Il y en a qui
font aufli dans l’ufage de laver le froment, dans
les pays où l’on a coutume de battre les grains
dehors, fur la terre, 6c où l ’on ne fait pas vanner,
ni cribler aufli bien qu’autour de Paris ; ils font
enfuite fécher au foleil ce grain lavé , avant que
de le moudre.
Dans les climats chauds , où les blés font excef-
fivement fecs, on eft obligé de les humefter avec
un peu d’eau , quelques heures avant que de les
moudre, pour que l’écorce s’en détache mieux ,
6c que la farine en foit plus blanche.
M. Duhamel, dans fon fupplément à la con-
fervation des grains, dit que pour procurer au
pain fait de blé étuvé une blancheur égale à
celle du pain fait avec du blé non étuvé, 6c pour
diminuer le déchet du moulage, il n’y a qu’à jeter
cinq livres d’eau fur cent livres de blé , 24 heures
avant que de donner à moudre. Pline dit aufli
qu’il faut arrofer le grain, du moins l’orge, avec
un onzième d’eau , avant que de le moudre.
Le produit du blé ainfi mouillé eft plus grand
en farine, 6c non point en pain, parce que cela
n-a fait que gonfler un peu le grain. La farine en.
eft plus blanche, parce que le fon s’en eft détaché
plus aifément, 6c il s’en met moins en poudre ;
mais cette farine n’eft pas bonne à garder , elle
perd promptement de fa qualité , ôc elle eft dans
le cas de la farine d’un grain d’une année humide ,
que ne fe blute pas bien. Le blé qui a été mouillé ,
a perdu par l’eau ce principe fpiritueux, qui dans le
grain germé, donne à l’eau, pour faire la bière, la
qualité fermentante. C ’eft pourquoi la pâte faite avec
de la farine de blé qui a été mouillé , ne lève pas.
Si l’on, a mouillé le grain de beaucoup d’eau,
ôc fi on l’a gardé" mouillé plus de douze ou quinze
heures, par un temps chaud, non-feulement le fon
s?amollit, mais encore la farine du contour du
grain s’attendrit, 8c elle colle le fon , qui devient
ainfi plus difficile à détacher : de cette façon on a
moins de farine du blé trop mouillé , 6c le déchet
en eft plus grand, comme quand au contraire le
blé eft trop fec. En toutes chofes les extrémités
fe reffemblent ; il faut les éviter.
Des différentes moutures.
La fcience du meunier confifte à favoir tirer
d’une certaine quantité de grains le plus qu’il eft
poffible de bonne farine propre à la nutrition. Pour
atteindre ce but, on a imaginé différentes manières
de moudre , dont nous allons parler maintenant.
De toutes les moutures aucune n’étant auftï
parfaite que la Saxonne, qui d’ailleurs eft encore
d’ufage dans d’autres parties de l’Allemagne, nous
nous nous contenterons de donner une idée fuc-
cinéte de quelques autres qui font fuivies en France ;
après cela nous expofe;ons plus au long celle
qui paffe pour la meilleure..
On diftingue ordinairement différentes mou*
i tures ; favoir, la méridionale ôc la feptentrionale.
Celle-ci eft de deux efpèces ; l’une eft nommée
mouture en grojfe , l’autre mouture économique ou
mouture par économie. Ce qui diftingue la première
de la fécondé, c’eft que dans ce'.lt-là on moud le
grain en une fois, 8c que dans celle-ci on le moud
plufieurs fois.
On diftingue encore dans ce pays-là, la mouture
en grojfe proprement dite, de la mouture en.
grojfe de payfan , ou mouture rujtique.
La mouture en groffe diffère de la mouture
ruftique , en ce que pour la mouture. ruftique
on n’emploie qu’un bluteau, 8c que dans la mouture
en groffe proprement dite , on en emploie
plufieurs, 8c de différentes groffeurs.
Dans la mouture ruftique il n’y a qu’un feul
bluteau , attaché obliquement au moulage , où il
reçoit par l’anche Ce qui tombe des meules qui
moulent le grain.
Ce bluteau eft compofé d’une étamine de laine,
qui eft plus large au bout fupèrieur où eft l’anche,
6c plus étroite à l’autre extrémité. II y a deux
cordes parallèles auxquelles ce bluteau eft attaché
dans fa longueur, qui eft d’environ huit pieds.
B ij