
vir. C’efl par fuite de cse préjugés qu’on ne
tranfvafe prefque point la colle dans nos moulins
, qu’on la laiffe fur les tripes, & qu’on l’emploie
le plus fouvent encore chargée de matières
étrangères qui terniffent fenfiblement le blanc
naturel de nos plus belles pâtes. Les fucéès de
la pratique contraire des Hollandois, prouvent que
nous pourrions laiffer prendre à la colle toute
fa tranfparence par un refroidiffement infenfible
& bien ménagé, fans rifquer de l’affoiblir beaucoup.
L’ouvrier qui veut coller en Hollande, prend
une- des poignées, & la plonge dans le mouilloir
plein décollé clarifiée & réchauffée comme on vient
de voir ; il entrouvre la plus, grande partie des
feuilles de la poignée, afin de faciliter l’introduction
de la liqueur par toutes les furfaces, C ’elt
à ce but que tendent enfuite les petites manoeuvres
dont il eft occupé pendant tout le temps
du trempage.
Comme le colleur tourne & retourne fa poignée
dans tous les fens , il étoit néceffaire que
le papier gris contînt, pendant ces divers mouve-
mens , les feuilles des bords q u i, n’ayant plus
d’adhérence avec les feuilles intérieures, auraient
flotté féparément dans la colle , ce qui aurait
occafionnè des cajfés ; cette précaution a été
d’ailleurs infpirèe par. la confidération du long
féjour que le papier de-.Hollande fait dans le
mouilloir, avant d’avoir pris une quantité fuf-
fifante de colle.
Ce n’efl pas au refie pour le ramolliffement de
l ’étoffe dans la colle, qu’on a pris ces précautions,
car elle conferve toujours , même après avoir
bu une fuffifante dofe de colle, affez de fermeté
pour réfifler aux tranfports ordinaires : auffi n’ai-je
pas remarqué que pendant le collage il fe caf-
fat aucune feuille fimple, à plus forte raifon on
ne voit pas des pages entières fe caffer; ces ac-
cidens, que nous éprouvons affez fouvent avec
nos pâtes pourries , prouvent que c’e fi; à la nature
à la conftitution des pâtes que l’on doit ces
différences,
Lorfque les poignées font collées fuffifamment,
on les retire du mouilloir avec les - papiers gris ,
qui les fuivent même fous-la preffe, J’ai oblervé
que la quantité de liqueur qui fe dégage d’elle-
même du papier , lcrfqu’on le foulève, & qui
retombe dans le mouilloir, efi infiniment moins
abondante que celle qui quitte pour lors les poignées
de nos pâtes pourries & fpongieufes.
Quand les papiers font placés fous la preffe,
on la fait agir doucement d’abord, enfuite plus
ou moins vigoureufement, fuivant leur force &
leur capacité : on juge des nuances de ces états ,
par le temps, qu’il leur a fallu pour fe pénétrer
de la coîle. Plus ils font de temps, plus on preffe
fortement , afin de. -faire pénétrer également les
principes coîlan-s dans l’étoffe, & de faire dégorger
en même temps au dehors la partie furabon*
dante.
Quoique le papier de Hollande boive difficilement
la colle, il peut en prendre fuffifamment
au moyen du long féjour qu’il fait dans le
mouilloir ; cependant, la quantité qu’il en prend
eft beaucoup moindre, que celle qu abforbent nos
papiers ; mais cette moindre quantité lui fuffit,
parce qu’il la conferve plus fidèlement ; il rend
auffi fort peu de liqueur par l’effort de la preffe.
On remarque même, que comme ce papier s’eft
renflé à la colle par l’effet de fon reffort naturel,
il ne perd que très-peu de cette augmentation
de volume , ni fous la preffe , ni pendant la
defliccation. C ’eft tout le contraire pour les papiers
de pâtes pourries , qui ont été gonflés
par la liqueur , & qui perdent, quant à l’épaif-
îeur, à mefiire qu’ils paffent fous la preffe ou à
l’étendoir.
On laiffe le papier de Hollande au moins
un quart-d-’heure fous la preffe, après quoi on
l’enlève par paquets, dont les feuilles de papier
gris fervent toujours à déterminer l’épaiffeur, &
l’on en fait des piles particulières, qu’on arrange
tout autour de la table deftinée au relevage de
l’échange , afin que les ouvriers occupés de ce
dernier apprêt, puiffent fe partager leurs tâches.
Réflexions fur Vétendage après la colle,•
Dès que les porfes font collées, nous les portons
à l’étendoir , & l’on a pour principe de les
placer toutes chaudes de colle fur les cordes.
Le papier , ainfi placé, par les étendeufes feuille à
feuille, fèche très-rapidement & perd, par. la
circonftance d'une évaporation auffi peu ménagée
, une grande partie de la fubftance collante
qui avoit pénétré l’intérieur de fétoffe & qui la
verniffoit à fa furface. Quoique i’ètendoir foit
fermé pour lors, comme il reçoit l’impreffion
de la température extérieure par des ouvertures
multipliées qui font-diftribuées- de toutes parts,
la colle ou s'évapore, ou coule à terre, &c.
On a cru pouvoir éviter ces inconvéniens en
introduifant l’ufage de coller de grand matin, & d’y
occuper tous les ouvriers pour prévenir le coup
de la chaleur : on choifit d’ailleurs un temps peu
chaud , & où il ne règne pas certains vents
qui font trop defféchans ; mais il s’en faut beaucoup
qu’on foit parvenu, avec çes précautions, à
fe mettre à l’abri de tout accident ; i°. parce
qu’il refie encore beaucoup de papier ou à coller
ou à étendre, lorfque la chaleur fe fait fen-
tir ; %°. parce que fouvent le temps, qui annon-
çoit une température douce, fe décide à l’orage
lorfque la colle eft cuite. On obvierait à tout ,
en changeant la conftruéfion des étendoirs, qul
font la principale caufe du mal, & en adoptant
celle .des étendoirs Hollandois, avec laquelle on
n’a rien à redouter de la chaleur extérieure.
j
J)i l'échangé après la colle.
Un autre avantage que les Hollandois ont encore
fur nous , c’eft la pratique de l’échange fur
le papier qui vient d’être collé.
On commence cette opération par relever
feuille à feuille les papiers des poignées , on les
relève, ou encore chauds de colle, ou bienlorf-
qù’ils font refroidis. La pratique des fabricans
Hollandois n’a rien de confiant fur ce point;
mais après le relevage , on a la plus grande attention
de ne foumettre à la preffe les piles des
poignées, que lorfqu’elles ont entièrement perdu
la chaleur de la colle; car fi la colle étoit encore
un peu chaude & liquide , elle pourrait,
fous l’effort de la preffe de l’échange, ou fortir
du papier, ou bien éprouver à la furface des
feuilles une nouvelle diftribution qui y cauferoit
beaucoup d’inégalités & détruirait le bon effet
de l’échange. Il vaut mieux que le papier, encore
chaud de colle , prenne pendant les relevages
une certaine confiftance, & .que le vernis de la
colle s’affermiffe à mefure que s’opère le refroidiffement
de toute l’étoffe: qu’enfuite ces effets
fe perfection ne nt tous la preffe , qui achevé de
donner au papier le glacé matte fi convenable
pour l’écriture & pour le deffin. C’eft donc par
une fuite dé relevages & de preffages, que le
grain des papiers collés devient égal & doux ,
que la colle prend corps , s’étend 6c fe fixe fur la
furface du papier de Hollande.
D’après ces confidérations, il me femble que
l’échange après la colle eft d’une très-grande
importance, par les avantages qu’il procure. Auffi
l’exécute-t-on affez généralement en Hollande,
fur toutes les fortes de papier, au lieu qu on le
fupprime quelquefois . pour les porfes blanches
des petites fortes qui fèchent fans inconvénient
avant la colle : l’apprêt du fécond échange
mérite d’autant plus d’être foigné, qu’il refte invariablement
fur les papiers, & qu’il n’eft pas
altéré par des opérations fubféquentes.
Je dois dire que , malgré ces avantages , on fe
difpenfe cependant,dans un grand nombre de moulins
Hollandois, du fécond échange, fur-tout lorfque
le premier a été bien foigné. En France, où
l’on ne paraît pas auffi occupé d’adoucir la furface
du papier, c’eft fur-tout après la colle que j’ai
obfervè un plus grand nombre d’afpérités, lorfque
la jeteufe lance fur le ferlet les feuilles imbibées
de colle, lefquelles fe détachent avec peine
les unes des autres , à caufe de la grande adhérence
qu’elles ont contrariée en féchânt dans
l’état de pages. On voit, 'en fe plaçant de manière
qu’ori foit oppofé au jour, qu’elles font prefque
toutes hériffées d’une infinité de petits poils,
que la colle & l’effort brufqué de la jeteufe contribuent
à faire lever dans toute l’étendue de leur
furface. Séchées enfuite rapidement & intime-
Arts & Métiers. Tome V. Partie II.
ment ~t ces feuilles confervent les mêmes afpérités ^
qui ne fe détruifent que très-imparfaitement fous
la preffe de la falle ; car on foumet à cette preffe
le papier dans un état de féchereffe fi complette ,
que les poils ne peuvent plus rentrer dans l’étoffe
, très-roide & très-dure. Les Hollandois , au
contraire, ont foin de faire la cueillette de leurs
papiers lorfqu’ils font moins fecs, & qu’ils peuvent
obéir à l’aélion de la preffe de la falle,
où ils achèvent de prendre ce beau luftre qui les
fait rechercher dans toute l’Europe.
De l'étendage en pages après la coÏÏc.
Lorfque le papier collé & relevé a paffé quatre
à cinq heures fous la preffe , on l’en retire & on
le porte à l’étendoir : l à , on le diftribue fur les
cordes en pages de deux, de trois, de cinq
feuilles, fuivant la grandeur du format. Les petites
fortes s’étendent à cinq feuilles & les grandes à
deux feuilles feulement. Cet étendage fe fait avec
la plus grande facilité, au moyen de ferlets dont
les manches font affez longs pour que le falerant
atteigne aux divers rdngs des cordages. Le pa-
piér fèche doucement en cet état, & la colle s’y
conferve très-bien, fans un déchet fenfible, parce
que les feuilles des pages fe préfervent réciproquement
d’une defliccation trop fubite. Comme
la colle a déjà pris corps, & s’eft fixée à la fur-
face du papier pendant toutes les opérations de
l’échange, les progrès infenfibles d’une defliccation
ménagée, ne font que perfectionner ces bons
effets à mefure que ces feuilles fe défoeuvrent
d’elles-mêmes.
Les Hollandois, en étendant ainfi en pages le
papier collé & échangé, évitent très-adroitement
l’opération la plus pénible & la plus hafardeufe
de la méthode françoife.
Quoique le papier de France foit en général
fort mollaffe, fur-tout lorfqu’il fort du mouilloir,
cependant la fuite de nos procédés nous a mis dans
la néceflité de féparer pour lors chacune des feuilles
qui compofent les poignées,& de les étendre
ainfi toutes féparées ; fans cela , au lieu de feuilles
minces & légères, on n’obtiendroit après, la
defliccation que des efpèces de cartons, ou affem-
| blages de feuilles exaâement collées enfemble. En
! Hollande, la facilité de manier le papier, même
après la colle, a introduit l’échange, qui, quant
aux relevages , reffemble affez à notre manière
d’étendre feuille à feuille; mais il s’en faut bien
qu’il entraîne les mêmes inconvéniens , foit dans
fes effets, foit quant à la manière de l’exécuter. Premièrement
, les manipulations de l’échange après
la colle, font moins pénibles, exigent moins de
coopérateurs que celles qui y correfpondent en
France. Trois ouvriers peuvent faire en Hollande
le travail que quatre ne pourraient pas exécuter en
France. Il faut moins de temps pour relever les
papiers collés, pour les mettre fous preffe, pour