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On voit par ce tableau, que le nombre de feuilles
& de quais qui compofent les porles , eft
beaucoup plus confidérable dans les petites fortes
que dans les moyennes , &c.
/ Le même tarif peut fervir à guider les fabri-
cans, lorfqu’ils coupent les feutres qu’ils defti-
nent à la fabrication des petites , des moyennes ou
des grandes fortes , puifque les feutres doivent être
en même nombre que les feuilles de papier contenues
dans les porfes.
Lorsqu’on travaille à formes doubles, on coupe
un même nombre de feutres que pour les formes
{impies en obfervant cependant de leur donner
une longueur double de la feuille , plus , l’inter-,
va'le de la couverte qui fépare les deux formats *
le tout fur la largeur ordinaire.
Dans les moulins Hollandois , la "journée
moyenne d’une cuve eft d’environ cent cinquante
livres de matière. Comme on y fait ufage de
formes doubles pour la fabrication de toutes
les petites fortes , & même de quelques-unes de'
moyennes dimenfions, il eft vifible qu’on y emploie
beaucoup plus de matière qu’il ne s’en emploie
dans nos cuves, où la. journée moyenne n’effc
guère que de cent dix à cent vingt livres : ce qui fait
environ trente livres de matière mife en oeuvre
dans une cuve Hoilandeife , de plus que dans une
Frasçoife, malgré la vîteffe avec laquelle on
travaille à la cuve en France. Outre cela, il faut
confidérer que des tâches journalières des ouvriers
Hollandois, il en refte beaucoup plus à la falle,
que des tâches qui fe fabriquent dans un grand
nombre de nos moulins, où il y a tant de papier
défeâueux , & une fi grande proportion de caf-
fés relativement au bon ; ainfi l ’on voit qu’il en
réfulte encore un défavantage de ce côté-là pour
les fabricansFrançois. Un bon fabricant, qui fait
apprécier le travail de fes moulins, ne doit faire
entrer en ligne de compte que le papier qui "refte
à la falle , qui forme des rames, en un mot qui
eft d’un débit avantageux. Je ne fais ft l’on.peut
conftdérer les additions à la tâche ordinaire ,
comme un vrai gain pour la main-d’oeuvre des
papeteries en France.
Grain du papier.
La pâte qui fert à former une feuille de papier,
eft reçue, comme nous l’avons dit, fur une toile
de fils de laiton plus ou moins fins, tendue &
affujettie par les extrémités à un cadre de bois,
•& foutenue dans le milieu par plufieurs traverfes
aufli de bois, qu’on nomme pontufeaux : en confé-
qu°ace de cette conftruétion, il eft aifé de fentir
que la fouille de papier formée fur cette toile ,
doit prendre & conferver les impreffions de toutes
les pièces qui compofent fon tiffu, & des vides
qui fe trouvent entre ces pièces.
Les traces des fiis -de laiton font en creux fur
le côté de U feuille adhérent à la forine, & cha-
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cune de ces traces eft féparée par une faillie
que produit la pâte, qui s’infinue dans les intervalles
des fils de laiton : enforte que la feuille
préfente l’afpeâ d’une étoffe cannelée.
Sur la face oppofée, au contraire, la trace des
verjures eft relevée en boffe, & forme un affem-
blage d’éminences parallèles & arrondies qui couvrent
la moitié de la feuille. Il en eft de- même
de la trace en relief du manicordion , des lettres,
& des enfeignes.
Voilà donc la première ébauche de la feuille
de papier qui fe trouve foumife à toutes les opérations
fubféquentes de la papeterie ; c’eft de cette
bafe qu’il, faut partir fi l’on veut connoître plus
particulièrement l’efprit de certaines manipulations
que nous avons vues , & de certains apprêts
dont nous nous occuperons par la fuite.
Comme dans le papier qui a reçu fes dernières
préparations, on reconnoît encore la régularité
de ces imprefîions , il eft vifible que tous les
apprêts auxqùels on foumét la feuille de papier,
n’ont d’autre but que d’adoucir ces impreffions
fans les détruiré. Il importe donc ^de fuivre les
1 principales nuances du travail qui agit fur ces
impreffions.
Le coucheur , en renverfànt. fur le feutre la
forme chargée de la feuille de papier , aplatir un
peu les éminences arrondies qui font en relief
fur une de fes furfaces, & fait qu’une partie des
j creux produits par la verjure fur l’autre , fe remplit
j en même temps. Cependant l’effort qu’il fait pour
détacher de la forme les parties de la pâte qui
fe trouvent engagées entre les fils de la verjure,
produit une infinité de petits poils diftribués fur
les bords des parties faillantes.
Sons la preffe , avec les feutres d’abord, en-
fuite en porfes blanches fans les feutres, ce travail
fe continue : les vefliges des baguettes arrondies
qui font le relief des verjures, s’apla-
tiffent totalement, & , ce qui en eft une fuite , les
creux fur la face opp'ofée difparoiffent aufli ;
mais les traces des parties faillantes formées
dans l’intervalle des fils de la verjure , deviennent
apparentes des deux côtés, en conféçuence
de leur épaiffeur, & s’arrondiffent par l’effet de
la preffe. On trouve donc en fuite fur les deux
facès des feuilles de papier , deux fÿftêmes de
baguettes proéminentes , dont on voit aifément la
caufe. Après que les feuilles des porfes blanches
ont paffé fous la preffe de la cuve , il s’en faut
bien que toutes les afpérités, tous les petits fila-
mens occafionnés par l’effort du coucheur aient
difparu ; & comme c’eft à ces feules opérations
que fe bornent, dans la plupart des fabriques de
France, tous les apprêts qui ont pour but d’adoucir
la furface du papier , il n’eft pas étonnant
qu’elle le foit fi peu. Les Hollandois ne laiffent
pas leurs papiers dans > cet état d’imperfe&ion.
Nous aurons occafion de faire connoître par la
fuite, les principales manipulations dont ils font
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ufage pour completter les apprêts de leurs I
^ïîes baguettes aplaties, tracées des deux côtés
de la feuille de papier par la pâte engagée dans
l’intervalle des fils de laiton, & qu’on peut fuivre
à l’oeil fur la furface du papier, même apprêté,
forment ce que l’on appelle U grain, du papier,
orain que les manipulations doivent adoucir ,
comme je l’ai déjà obfervé , fans le faire difpa-
roître ; grain qui fe détruit entièrement fous la
lifte & fous le marteau. C ’eft ce grain, recon-
noiftable dans les papiers de Hollande les plus
doux , qui a fervi à me prouver que les Hollandois
ne les adouciffoient pas par le liffage ni
par le battage, mais par des manoeuvres infiniment
fimples & ingénieufes.
Le grain du papier eft fouvent défiguré par
les feutres, lorfque ces étoffes n’étant pas garnies
d’un lainage abondant qui en doit couvrir
exaftement le tiffu intérieur, en laiffent aufli les
impreffions fur le papier. Si l’on couche les
feuilles de papier deffùs ces fortes d’étoffes peu
garnies de laine, & qu’on les foumette à l’aéhon
de la preffe , au milieu de ces étoffes , elles prennent
la trace de la chaîne & de la trame de ces
étoffes mal couvertes , & ces nouvelles empreintes
réunies à celles du grain, compofent une ef-
pèce de furface chagrinée irrégulièrement. Pour
prévenir cet inconvénient, il eft bien important,
comme nous l’avons dit à l’article des feutres ,
de compofer la trame de ces étoffes de laines
longues qui recouvrent facilement & abondamment
le tiffu.
Le grain du papier fert à des yeux exercés
à reconnoître la fineffe & l’égalité de la pâte,
fur-tout lorfque ce grain a été adouci & perfectionné,
pour ainfi dire, par l’échange, comme
nous le ferons voir dans l’article fuivant.
Tous ceux qui font ufage du papier, ont pu
apprécier les avantages de celui qui a fon grain
adouci, & la préférence qu’il mérite fur le papier
qui, l’ayant prefque perdu totalement fous
la liffe ou fous le marteau, ne .préfente qu’ùne
furface unie, fur laquelle les mouvemens de la
plume font incertains. D ’un autre côté , ils ont fenti
les obftacles qu’un grain trop gros, inégal, couvert
de filamens mal couchés, oppofe à ces mouvemens.
Il réfulte de-là, que l’art de la papeterie doit
renfermer les procédés propres à communiquer
au papier le degré d’apprêts le plus favorable à
la confervation de fon graiii, & à fon adoucif-
(ement. Les Hollandois ont enrichi l’art de tes
procédés , que nous allons faire connoître en
détail.
Echange.
Au travail de la cuve fuccède celui de l’échange,
opération que nous avons empruntée
ÿ s Hollandois , & qui n’bft bien connue en
France que depuis la publication de mon pre-
Arts 6» M étierr . Tome V. Part ie 11.
mier.mémoire fur la papeterie, en 1774. C ’eft
en préfentant les mêmes détails qui fe trouvent
dans ce mémoire avec quelques additions importantes,
que je me propofe de donner une idée de
cette opération aufli utile qu’ingénieufe.
Un ouvrier, ( c’eft; ordinairement celui qui
préfide à tous les travaux de la papeterie , )
prend le papier après qu’il a paffé deux fois fous
la preffe de la cuve , comme en France, le tranf-
porte dans une falle, qui ordinairement eft féparée
de la chambre de cuve : elle eft garnie de
plufieurs preffes d’une force moyenne , & d’une
table peu large & fort longue. L’ouvrier arrange
fur cette table le papier nouvellement fabriqué
par piles ,. qui contiennent huit à dix porfes ; chaque
porfe eft diftinguée par un feutre : il établit
deux piles à côté l’une de l’autre, fous chacune
des prefles ; lorsqu’elles font garnies , il les fait
jouer fur le papiçr ^ en ménageant d’abord la
compreffion ; il revient aux preffes plufieurs
fois, & il exprime, par leur aâion fucceflive , l’eau
furabondante qui fort des porfes blanches. Après
que le papier a féjoùrné fous les^ preffes le
-temps qu’il juge convenable , ce même ouvrier
le retire par parties d’une ou de deux porfes, &
les dift ribue le long de la table ; enfuite i l s’attache
à la porfe la plus avancée, & la prenant
par un des coins , il en détache les feuilles , puis
levant feuille à feuille, îl forme à côté de lui,
fur la gauche, une nouvelle porfe , qui ne diffère
de la première qu’en ce que les furfaces des
feuilles qui fe touchoient & qui ont été preffées
les unes contre les autres , correfpondent à d’autres
furfaces. En entremêlant ainfi les feuilles
par une diftribution différente, les furfaces de
chaque feuille font détachées des furfaces contiguës
auxquelles elles adheroient , & font expo-
fées à d’autres furfaces, contre lefquelles elles
font comprimées de nouveau par laâion de la
preffe.
C ’eft la fuite de ces" deux opérations, le pref-
fage & le relevage, qui conftitue ce que j’appelle
échan -<■ , & qui fait le fond de la méthode des
Hollandois, pour les apprêts de leurs papiers.
Après que l’ouvrier a fait paffer ainfi à l’échange
toutes les porfes d’une p ile, il foumet les autres
piles à la fuite des mêmes manipulations ,
& les arrange de nouveau fous les preffes. Je
dois obferver ic i, qu’il fe fait aider fort fouvent
pour le relevage, par des apprentis , par les aides
du leveu’r , lefquels relèvent avec beaucoup d’a-
dreffe & de célérité.
A la fécondé preffée, il ménage moins la com-
preftion, mais il a foin de l’augmenter par des
progrès infenfibles. Au travail de la preffe , fuccède
celui du relevage, & ces deux opérations
fe réitèrent jufqu’à trois ou quatre fois, fuivant
la forte du papier, fon épaiffeur & la qualité de
la pâte. Plus la pâte eft fine , plus le papier eft
mince, moins il a befoin d’être preffé & relevé. Ttt