
les porfes de la chambre de cuve à l’étendoir.
Ce font des poteaux garnis de liteaux, dans les
entailles desquels on fait entrer les extrémités
des perches ; ces perches font percées de trous,
dans lefquels on paffe lés cordes de manière
qu’elles fe trouvent tendues le plus qu’il eût pofîi-
ble ; lorfque ces deux perches font dans les entailles
des liteaux , l’étendeur de porfes prend quatre à
cinq feuilles de papier à la fois fur fon ferlet, outil
représenté fig. 5 de la. planche X I I , & les place
fur les cordes ; c’eft ce que l’on appelle étendre
en pages , c’eft-à-dire, les feuilles détachées de
la porfe dans l’état d’humidité, & collées enfem-
ble au nombre de cinq à fix.
Au fortir de la chambre de cuve, les feuilles
de papier qui compofent les porfes blanches, ont
trop peu de confiftan.cè, même après avoir été
preffées une fécondé fois , pour être étendues une
à une. On a donc été forcé de les placer fur
les cordes par petits paquets de cinq à fix , ou
de deux à trois , quand ce font de grandes fortes ;
ces paquets féchés fervent au fqccès de l’opération
de la colle, comme nous le verrons dans
la fuite.
L’étendeur commence paries cordes les plus élevées
, comme on peut le voir planche XII. Il prend
de la main droite un petit ferlet , 6c détache de la
gauche la page, en faififfanr les feuilles par le bon
caron, & les place fur le ferlet ; puis faififfant de la
gauche , devenue libre , deux cordes , il étend
deffusla page avec le ferlet qu’il tient toujours de
la droite. Pour les pages des grandes fortes, il
prend trois cordes , afin qu’étant entr’ouvertes
davantage , elles puiffent mieux fécher.
Après que le, papier eft féchè ainfi en pages,
on le ramajj'e, c’eft-à-dire, qu’on le tire de deflùs
les cordes , 6c qu’on en fait des tas , dans lefquels
on a foin que toutes les feuilles foient tournées du
même coté que deffus la felle du leveur , & deffus
les cordes de l’étendoir ce qui fie reconnoît affez
facilement par l’imprefijon des pouces du leveur
qui relie aux deux coins des feuilles quand on lève
à felle inclinée ; on laiffe les tas dès pages appuyés
contre les piliers de l’étendoir , en attendant qu’on
vienne les difpofér à recevoir la colle.
Ré flexions fur nos étendoirs, & fur ceux de Hollande,
Suivant la pratique confiante des manufaéhires
françoifes, on tranlpofte, comme on l’a vu, à l’éreji-
doir le papier dès qu’il a paffé rapidement fous
la preffe de la cuve ; dans .cet état, il conferve
beaucoup d’inégalités & d’afpérités à fa furface,
parce que fiongrain n’a pas .été adouci par l’échange :
enfin , il eft encore pénétré d’une très-grande quantité
d’eau fura’bondânte. Les étendoirs, en France ,
font-fort élevés-, & régnent ordinairement fur. les
-autres bâti mens delà papeterie., outre cela on les
ferme avec dès planches mobiles qui laiffent beaucoup
d’ouvertures, par lefquelles l’air extérieur
peut pénétrer très-àifément , & en affez. grande
quantité pour y porter une température prefque
I égale à celle qui règne au dehors, enforte que le
papier étendu fur les cordes, s’y trouve expofé
•fouvent à la chaleur ou au froid, fans qu’on ait
penfé à en ménager les effets. Comme le grain
n’en a pas été adouci par l’échange , cette étoffe,
en féchant par l’aétion d’une chaleur v iv e , acquiert
une roideur & une dureté prefque ir.flêxibles. Il refaite
delà, que dès le commencement des apprêts,
la defiiccation prompte 6c complète qu’éprouve le
papier , donné aux afpérités & aux inégalités de
fa furface, une donfiftance qui fait qu’elles réfif*
tent à toutes les manipulations deftinéss à les détruire.
Nous avons vu que les Hollandois préviennent
ces inconvéniens par le moyen de l’échange ,qui,
en adouciffant la furface de leurs papiers, leur fait
perdre aufli une partie de leur eau furabondante ;
& ils complètent ces bons effets en les faifant fécher
graduellement dans leurs étendoirs.
Ce font des galeries conftruites au rez-de-cbauf*
fée à côté des autres falies , fermées par. des contrevents
& des jaloufies qui joignent très-;exaéle-
ment,& qui laiffent très-peu de paffage à l’air exté'
rieur. La rédu&ion du toit eft ordinairement fort
élevée, & occupe prefque la moitié de toute la
hauteur du bâtiment ; par le fyftême de cette
conftruâion , ils font parvenus à ménager la chaleur
& l’évaporation autant qu’ils le. jugent convenable
, & autant que l’exige la température extérieure.
Avec la reffource de leurs étendoirs, les Hollandois
peuvent obtenir non-feulement que leurs
papiers fèchent doucement, mais encore qu’ils ne
fèchent pas trop ; enforte que ces papiers en pages,
tirés de i’étendoir avant la colle , confervent une
foupleffe très-grande. J’ai remarqué encore qu’ils
s’étoient^procuré d’autres avantages dans leurs
étendoirs. On étend, commenous l’avons vu, dans
nos moulins le papier en pages, qu’on place fur
des cordes en paquets de fept à huit feuilles ;
comme on n’a pas loin de ménager la deinceation,
les premières feuilles expofèes a l’air commencent
à fécher par les bords , & la defiiccation gagne le
centre. Les autres feuilles recouvertes par ces premières,
confervent la plus grande partie de leur
humidité dans le milieu, & fur-tout celles qui touchent
aux cordes. Lorfque les premières feuilles
font entièrement fèches , & ont changé de dimen-.
fions en éprouvant une retraite d’environ un trente*
deuxième, comme elles reftent adhérentes aux
autres encore humides & plus longues , elles y
occafionnent des plis qui font Je réfultat de la différence
des dimenfions d’une feuille fèche & d’une
feuille humide : en fuivam la marche fimple ce
ces efte s , on découvre non-feulement la C2ufe
des plis & des rides, mais cncoie la raifon pQüT
laquelle ces plis & ces rides affèaenf prefque tou-
tours le milieu deS feuilles de papier.
Les plis & les rides ont encore une autre caufe
combinée avec ces premières eirconftances ; nos
étendoirs font garnis de cordes de chanvre, qui
boivent d’abord l’humidité du papier, & qui la
lui rendent à mefure qu’il feche. Les feuilles inferieures
des pages reftent, en conféquence » humides
pendant un certain temps le long delà ligne
de leur contai , avec les cordes; elles y confervent
donc une extenfion plus grande que dans les
autres parties de leur furface , & beaucoup plus
grande encore que celle des feuilles fupérieures
qui font expofèes à l’air libre. L’effet de cette extenfion
eft de forcer les dimenfions. des feuilles
inférieures dans ces parties humides ; & comme
elles ■ adhèrent par les extrémités aux autres feuilles
plus courtes & fèches , cet excès doit être occupé
néceffairement par des plis & des rides qui ne fe
détruifent pas , quoique la defiiccation entière
vienne à la. fuite.
On étend en pages dans les fabriques Hollan-
doifes ; cependant on voit rarement des plis & dès
rides fur leurs papiers. J’indiquerai ici trois moyens
principaux, qui contribuent à préferver ces papiers
de ce défaut, & qui pourraient produire les
mêmes avantages dans nos fabriques fi on les
adoptait.
Le premier moyen eft que les Hollandois font
leurs pages beaucoup moins épaiffes que les nôtres.
■ ' -
Le fécond eft que les feuilles des porfes blanches
, en Hollande , ayant été fou.mifes à plufieurs
reprifès à la prefle , dans l’échange » v elles
font très-peu humides quand on les porte à i e-
tendoir ; enforte que par les progrès d’une defiiccation
ménagée , elles acquièrent très - peu d’adhérence
enfemble. D ’ailleurs, comme elles ont
perdu une certaine quantité d’eau dans l’échange,
elles n’éprouvent pas une retraite fi grande pour
parvenir à l’état de defiiccation convenable. La
différence entre leurs dimenfions, lorfqu’on les
étend &. lorfqu’on les retire des étendoirs, eft
beaucoup moindre que celle qui fe trouve entre
les dimenfions de nos papiers dans ces deux cir-
confiances ; car ils font plus humides lorfqu’on
les étend,& plus fiées lorfqu’on en fait la cueillette.
Le troifième moyen eft que les Hollandois ont
garni leurs étendoirs* de cordes de rotin cirées ,
qui ont cinq à fix lignes d’épaiffeur. Ces cordes
n’abforbant pas l’humidité des papiers qu’on étend
deffus, cette humidité ne féjourne pas long-temps
' le long de la ligne du contaél du papier avec les
cordes, & n’y produit pas des extenfions forcées
& des plis qui en font la fuite.
Au furplus, la groffeur de la corde n’eft pas
«ne circonftance indifférente. On ne voit guère *que de petites cordes dans nos moulins ; & lorfqu’on
étend en pages, on en place deux ou trois
cous les pages : en multipliant ainfi les points de
eonta&, on multiplie les plis & les rides : suffi
n voit-on -plufieurs rangées qui dénotent la -
trace de plufieurs cordes. Les groffes cordes me
paroiffent préférables aux petites, en ce qu’entrouvrant
les pages, elles facilitent la circulation
de l’air par deflous, ce qui produit & hâte la
defiiccation uniforme de toutes les parties de ces
pages. C ’eft à toutes ces attentions qu’on doit attribuer
ces dos bien arrondis qu’on trouve aux mains
de papier de Hollande, quand on en déballe ks
rames.
De Vatelier de la colle &• du collage.
Lorfque le papier étendu en pages eft fe c , on le
recueille, on le redreffe, on le rompt, on l’afi-
fouplit, & on le remet par paquets dans la chamr
bre de colle. C ’eft l’atelier 6c la manoeuvre des
ouvriers colleurs, que la planche XI repréfente.
L. eft un fourneau de maçonnerie, fur lequel eft
montée la chaudière K , de 5 pieds de diamètre
& de trois pieds de profondeur, dans laquelle
on fait cuire la colle. On voit en F , la porte
du foyer & du cendrier du fourneau. La colle,
comme l’on fait , eft faite avec les rognures des
peaux que les tanneurs, les mégifliers & les par-
cheminiers préparent : on a foin de faire le triage
de ces différentes rognures, en écartant fur-tout
les morceaux pourris, qui pourroient infeéler le
bouillon de la colle ; on en tire aufli. la chaux
qu’on peut en détacher. Après ce triage, on met
ces morceaux dans le panier de la fig. 7 ., qu’on
vo it, fig. i re. de la vignette , fufpendu au def-
fus de la chaudière, à une corde entortillée fur
le treuil horifontal M N. Ce treuil porte une ef-
pèce de dévidoir femblable à l’engin des moulins
à vent, fur lequel s’enroule une autre corde,
par le moyen de laquelle on ajpaiffe ou l’on
élève avec facilité le panier E , pour le placer
dans la chaudière; on l’en retiré apres que la
colle eft cuite. L’avantage de ce panier, qui n’eft
pas en ufage dans toute les papeteries, eft ,de
pouvoir retirer du bouillon de la colle , les matières
dont la cuiffon a 'fourni les parties collantes,
& qu’on nomme tripe s ; ce qui fait que leur
mélange ne trouble pas ce bouillon, qu’il importe
I tant d’obtenir clair & limpide. D’ailleurs, au
moyen de ce panier, on peut s’affurer fi les tripes
font entièrement cuites, ou ont fourni toutes
les parri'es collantes qu’elles peuvent donner.
Lcrfqu’on s’en.eft affuré, on retire la cfiau-
| «Hère, & aptès un certain temps de repos, on
tire le- bouillon de la colle , par le moyen du
robinet 6 , dans la bafline H , d’où l’ouvrier la
retire avec les petites bafiines C , peur la filtrer
à travers la paffoire, qu’on place fur la caiffe A.
•
Cette paffoire eft compofèe d’une pièce d’étoffe
de laine, foutenue par un chaffis 1 , 2, 3 , 4 ,
‘ garni de cordes lâches. On voit en D ce chaflis,