
effet fur l’arbre tournant & fur le gros fe r , les
fait vaciller, leur fait faire des heurtemens, des
foubrefauts, fait bourdonner la meule, 8c la mouture
eft inégale & groflière, fur-tout lorfque la
roue a beaucoup de vîteffe.
Le. dérangement n’eft pas fi confidérable lorfque
la chute & le courant d’eau font foibles,
8c que les fufeaux font de bois; mais la lanterne
à fereine eft toujours fujette à fe déranger de
pas, lorfqu'on defcend le fer, ou que l’on cale
le chevrejier, c’eft-à-dire, la pièce de bois qui
lui fert -de chevet, 8c fur laquelle pofe l’axe
ou le grand arbre du moulin.- Ainfi il faut préférer
les lanternes à fufeaux 8c de bois, qu’on peut
étréfillonner lorfqu’ils dardent un peu, c’eft-à-
dire qu’on etaie ces fufeaux par de petits étréfil-
lons qu’on place horizontalement, oc qu’on fait
entrer de force entre chaque fufeau.
Le palier eft une pièce de bois d’environ un
pied carré fur neuf pieds de longueur entre fes
deux appuis, 8c dont les deux bouts, taillés en
dos de carpe, pofent fur deux pièces de bois
qu’on nomme braies. Cette forme de dos de
carpe eft néceffaire pour alléger ld meule plus
droite.
Le palier fervant à porter le gros fer fur lequel
la ,lanterne & la meule courante font arrêtées, il
eft évident que fa force doit être proportionnée
à la pefanteur des meules & à la force du moulin.
Les deux braies, qui fupportent le palier, font
deux pièces dé bois chacune de fxx pouces en quarré,
pofées en travers du béfroi, dans lequel elles entrent
par une rainure à couliffe.
Le béfroi eft compofé de quatre piliers de pierre
ou de bois debout, qui foutiennent la charpente
du moulin, ou l’étage des meules.
La trempure eft une pièce de bois de cinq à fix
pouces de gros & d’environ neuf pieds de long, qui
.fait l’effet d’une bafcule ou d’un levier; il fert à
hauffer & baiffer le palier à volonté. La trempure
traverfe fous le plancher des meules, & reçoit dans
l ’un de fes. bouts une pièce de fer debout, qu’on
nomme épée de la trempure, qui paffe à travers d’une
des braies. A l’autre bout de la trempure eft attachée
une corde qui va s’arrêter à côté de la huche, &
qu’on charge d’un poids par le moyen duquel on
foulève cette trempure. Quand on tire ce. poids ,
on foulève la braie qui porte le palier, 8c l’on
écarte ainfi plus ou moins la meule courante.
On m’a propofé, il y a long-tems , d’employer
pour l’allégement de la meule une efpèce de cric
fous le palier, au droit de la pointe de fer : je n’en
ai point approuvé l’u fage, i °. parce que ce cric
eft plus coûteux que la trempure; a°. parce que
l’ufage de la trempure eft plus facile pour le garde-
moulin; 3 0. parce que le garde-moulin doit conduire
à la fois & fans fortir de place, les trois
gouvernaux du moulin, favoir , Manche, le bail-
blé 8c la trempure ; il doit avoir une main à l’anche,
pour tâter la mouture & en juger la qualité; il
doit tenir de l’autre main le bail-blé & la corde de
la trempure ; le bail blé, pour donner plus ou moins
de blé dans la meule, félon le broiement que l’on
veut faire, & la trempure pour alléger ou approcher
, c’eft-à-dire hauffer ou baiffer la meule, félon
que la mouture l’exige ; 4 °. c’eft que le garde-
moulin ne pourroit pas gouverner fi facilement
ce cric avec l’anche oc le bail-blé.
Le gros - fer. La meule courante eft fupportée
par un arbre de fer, ou gros fer, dont le bout
fupérieur fe nomme papillon ; la partie au-deffous
du papillon fe nomme la fufée ; le bout inférieur
de cet arbre fe nomme le pivot, 8c la partie qui
eft entre la fufée 8c le pivot fe nomme le corps
de l'arbre.
Le papillon entre dans Vanille > 8c porte la
meule courante.
Dans un moulin d’une force ordinaire, le corps
de l'arbre de fer doit avoir environ trois pouces
de largeur fur un pouce 8c demi d’épaiffeur, depuis
la fufée jufqu’au commencement du pivot.
Le pivot du gros fer porte fur une efpèce de
pas de métal qu’on nomme crapaudine ; il eft
effentiel que cette crapaudine foit dans le plein
milieu du palier, afin que la pointe du gros fer
foit bien droite 8c au niveau du milieu de l’arbre
tournant.
La fufée du gros fer doit être ronde, elle doit
avoir environ fix à huit pouces de long fur dix
pouces 8c demi de circonférence, toujours fuivant
la force du moulin : il faut lui donner environ
deux lignes de plus dans le haut que dans le-bas.
Si cette augmentation du haut de la fufée étoit
plus fenfible , elle allégerait trop la meule, la
ferait bourdonner, & en même tems cela pourroit
faire grener, c’eft-à-dire, faire paffer le grain
entre les boîtes 8c la fufée, pour venir tomber &
fe perdre fur la lanterne. Si l’eau eft foible, on
fera la fufée plus petite, le moulin en tournera
plus leftement.
On diftingue dans le papillon les plats & les
bouts ; les plats font les côtés les plus larges, &
les bouts font les côtés les plus étroits.
Le papillon doit avoir deux pouces de large
par en bas fur les plats, revenant à deux pouces
moins un quart par le haut, 6c un pouce & demi
par en bas fur les bouts, venant à un pouce &
un quart vers le haut. Dé cette manière , l’anille
ne porte pas fur les èpaulemens ou rébords de la
fufée, 6c la meule fe dreffe facilement. Lorfque,
par le frottement , la fufée s’ufe plus d’un côté
que de l’autre 6c qu’il fe forme vers le haut, des
lèvres ou rebords, ces rebords pôrtent fur les
boitillons, font éehauffer le fe r , 6c gênent pour
approcher la meule ; le moyen d’y remédier eft
de faire porter le fer à la forge, - de faire bien
arrondir la fufée, bien limer & adoucir les inégalités.
6c de remettre le fer dans le pleijj milieu
de la meule gifante.
La boîte & les boitillons fervent à contenir la
fufée dans l’ceilhrd du gîte ; là boîte eft une
efpèce de noyau ou de moyeu rond de bois d’orme,
creufé dans le milieu, où l’on place deux panneaux
ou bouillons de bois de cormier, allant de bout
en bout, _ de 3 à 4 pouces en carré fur 6 à 7
pouces de longueur, pour contenir la fuféé. On
eft dans l’ufage de faire une boîte ronde ; mais
j’ai obfervé qu’en la faifant quarrée , dans la
longueur des deux tiers de l’épaiffeur de la meule,
6c le refte rond ,Ja boite duroit dix fois plus, &
n’étoit pas fi fujette à defférer le fer. Les deux
boitillons font contrebandés par deux autres morceaux
de bois pofés en fens contraires ou de plat
en plat, qui fe nomment faux bouillons ; ils fervent
à foutenir les boitillons 6c le bourrage de chanvre
6c de graiffe , dont on garnit la fufée du gros-
fer. On peut employer, pour faire la boite, un
bon vieux moyeu de charrette, parce qu’ayant fait
Son effet, _ii n’eft plus fi fujet à travailler que
le bois neuf qui, en fe gonflant, pourroit faire
fendre la meule. Pour-éviter cet effort de la boîte,
il faut encore avoir la précaution de la fréter,
c’eft-à-dire ,' de la cercler de fer bien- exa&ement.
L'an lie eft une pièce de fer ayant la forme de
deux C adoffés 0 “ C , au milieu de laquelle eft un
trou carré qu’on nomme l’oeil de l’anille ; 6c dans
lequel entre le bout du papillon.
L’anille eft incruftèe 6c fceliée avec du plâtre ou
du plomb, dans le milieu de la partie intérieure de
la meule courante; fa grandeur 6c fa forme doivent
être proportionnées à la grandeur 6c épaiffeur de la
meule, 6c à la grandeur de l’oeillard ou trou de la
meule.
On diftingue , dans l’anillé , le corps Hz les
bras; le corps eft la partie du milieu, 6c qui a
dans fon jufte milieu un trou quarré. La longueur
du corps de l’anille doit être d’environ quinze
pouces, non compris les bras, qui doivent avoir
la même longueur au plus. S’ils étoient plus longs,
la meule ne fe manierait pas fi bien ; ils empêcheraient
de dreffer la meule, 6c d’en pefer les
bouts avec facilité.
Dreffer la meule , c’eft la charger du côté
oppofé à celui qui baiffe. Pefer la meule , c’eft
chercher fon équilibre en appuyant fur les quatre
points, pour voir fi elle ne pèfe pas plus d’un côté
que de l’autre.
. ^ ànille, dans toutes fes parties, doit avoir environ
deux ponces 8c demi d’épaiffeur, fur environ
emq pouces 6c demi de large.
Les quatre pipes. Pour dreffer les meules convenablement,
on fe fert de quatre petits coins
e . c r» qu on pomme pipes. Ils doivent avoir
environ trois lignes d’épaiffeur fur deux pouces
e ^ ongueur, être plus minces en bas qu'en haut ;
c? p S f 'yonc.s * coups de maffe entre le papillon
: . ^ 7 Pour é le ve r ou ràbaiffer la meule du
e es plats ou des bouts qui l’exigent. La largeur
de ces coins doit être moindre que celle du
papillon, afin de pouvoir les ferrer au befoin.
Depuis quelques années on a trouvé une manière
plus commode de dreffer le fer de là meule fans
donner aucun coup de maffe, 6c par le moyen
de vis placées ainfi qu’il fuit.
La crapaudine eft encadrée dans fine boite qu’on
nomme poêlette ; cette boîte eft dans un châffis de
cuivre ou de fer à travers duquel paffent deux vis de
prelîïon de chaque côté fur la longueur, 8c une
autre à chaque bout fur la largeur , pour faire
couler la poêlette ; ces vis fe ferrent avec des clefs.
Cette machine épargne beaucoup de main d’oeuvre,
diminue le chommage du moulin, 6c ménage la
crapaudine.
Par économie, on fait faire la crapaudine à
trois pas; quand elle n’en a qu’un, quatre vis
fuffifent fur fa longueur. Il arrive quelquefois
que la pointe du fer fiffle, ou fait du bruit en
tournant, 6c qu’alors la meule s’allège ou fe foulève
toute feule fans y toucher-; en voici la raifon :
quand l’acier eft dans le feu, il fe gonfle 6c s’a-
longe ; de même l’acier de la pointe du gros-fer
s’échauffe 6c fe gonfle en tournant, 6c occafionne
le foulévement de la meule, mais cela ne dure
pas long-tems, parce que l’acier s’ufe', 6c la meule
fe rapproche toute feule. En pareil cas, lorfqu’on
voit que le fer s’échauffe trop, il faut arrêter le
moulin , vider le pas, c’eft - à - dire, ôter l’huile
qui s’y eft encraffée, 8c le rafraîchir avec de l’eau
froide; cela durcit l’acier du pas 6c de la pointe ,
enfuite on les effuie , 6c l’on y remet de la
nouvelle huile d’olive.
Il convient que la pointe du fer foit en pointe
d’oe uf, plus ou moins fine félon la force du moulin
6c la pefanteur de la meule ; car, dans un moulin
foible, fi la pointe du fer eft groffe , elle le
défayantage. Pour remédier à l’inconvénient de
réchauffement de cette pointe, de fon fifflement
8c du foulévement de la meule, on a imaginé de
faire faire le pas ou la crapaudine d’un métal composée
de cuivre , d’étain fin 6c de régule d’antimoine
fondus enfemble ; ces crapaudines durent
beaucoup plus long-temps, 8c pour les ménager
encore, on a foin , chaque fois qu’on fait recharger
d’acier la pointe du gros-fer, de le faire tourner
pendant huit jours fur une crapaudine d’acier pour
le polir , l’adoucir, afin que l’on frottement fur le
pas métallique foit enfùite plus doux. Quoique cette
crapaudine de métal foit meilleure, onfe fert encore
généralement de celle d’acier.
Les meules. Il y a dans un moulin deux meules
placées horizontalement l’une fur l’autre ; la meule
inférieure eft à demeure, 6c fe nomme la meule
g<feinte ou le gîte. La meule fupérieure eft mobile
8c tourne fur l’autre ; on la nomme par cette raifon
la meule courante.
.. Il faut beaucoup de cônnoiffances théoriques 6c
pratiques pour bien choifir les meules.