
P A R C A G E . (Art du)
I l faut entendre par le mot Parcage , l’art de
renfermer les bêtes à laine dans une enceinte de
claies , à l'air libre , fur la portion de terrain qu’on
veut fertilifer.
Peur le développement de cet art. , nous ne
pouvons mieux faire que de rapprocher ici plufieurs
petits traités très-inilruâifs-, qui donneront une
eonnoidan.ee fnffifante fur les avantages & les inconvénient
» du parcage.
InJlruSlion fur le Parcage des- bêtes à■ laine , publiée
par^ ordre du- roi,. en tySp.
Si l’ùfage de faire1 parquer les bêtes à laine fur
les terres diftinées à la culture du froment, &
même de beaucoup d’autres plantes , eft avantageux
dans les années ordinaires, il devient indif-
penfable pour fuppléer à la dilettè des pailles ,
& pour- empêcher que les défaftres de la féche-
r-effe n’influent fur. les révoltes,fuivantes.
C ’eft dans la vue de répandre de plus en plus
cette pratique importante , de l’introduire dans les
Provinces où elle n’a pas lieu , d’engager, dans les
autres, les cultivateurs à- mettre plus de bêtes à
laine au parc ; enfin, pour leur donner des principes
certains qui puiflent leur fervir de règle,. que
la préfente infiruélion a été. rédigée».
De Vetendûe du pure, & de la.maniéré dé le former.
Faire parquer les moutons , c’eft les renfermer
dans une enceinte de claies, fur la portion., de
terrain qu’on veut fertilifer..
Une bête à laine peut fumer dans un parc environ
dix pieds carrés de furface ;-un troupeau
de trois cents, bêtes féconderoit par conféquent
trois mille pieds carrés en un feul • parc ;■ & fi on
le change de place trois fois dans les vingt-quatre
heures , il ne faudra guère plus de cinq jours
pour fumer un arpent, mefure de ro i, c’eft-à-dire,
un efpace de cent perches carrées , de vingt-
deux pieds chacune : on fumera, donc avec troi».
cents bêtes , environ fix arpens par mois, &. comme
le parc peut durer trois à quatre mois , un
fermier qui a trois, cents bêtes à laine fumerafa-
cilement vingt arpens».
Les claies qifi forment le parc, doivent^réunir
*feux qualités ;, >1 faut qu’elles foient affezhautes
|our que les loups ne puiflent pas fauter parrdef-
f u s & en. même-temps. qu’elles foienLaffez. légères
pour que le berger puiffe l’es franfporter facilement
; la proportion la plus ordinaire eft de
quatre pieds «. demi à cinq pieds de hauteur, &
de fept , huit ou- neuf de longueur ; on les conf-
truit de biguettes de coudrier, ou de tout autre
bois léger & flexible, entrelacées entre des mon-
ta-ns un peu plus gros que les baguettes. On en
fait aufli avec des voliges aflemblées- ou clouées
fur des montans.
On laiffe aux claies faites avec-le coudrier trois
ouvertures placées à la hauteur de quatre pieds;
l’une au milieu , de fix pouces de large fiir un pied
de longueur-; les deux autres aux deux bouts : ces
deux dernières, de trois pouces feulement- de largeur
fur un pied de longueur , fervent à 'paffer le
bout des croffes deflinées à fou tenir les claies.
On donne le nom de ‘croffes à des bâtons dè
fept, huit à neuf pieds de longueur , ayant au
gros bout une courbure qui forme patte, qui eft
percée d’un trou , & qu’on-fixe en- terre avec un
piquet ; le bout le plus menu, deftinè à paffer dans
les ouvertures des claies, eft percé de deux trous
ou l’on,plaça des chevilles de neuf à dix pouces de
long, :, ces chevillés font efpaçées & difpofées de
manière qu’en faifant anticiper deux claies? l’une
fur l’autre, au-point que l’ouverture de.la droite
de l’una réponde à celle de .la gauche de l’autre,
les deux claies fe trouvent fetréesAIune..fur l’autre
par les deux chevilles lorfque le gros bout de h
croffe touche à terre.
Lorfqu’un berger veut former un parc , il le:
commence communément au coin du champ; il
y difpofe fes claies carrément, en attachant celles
de Pangle avec des ficelles ;. il feutrent toutes
les autres par le moyen des croffes.
La croffe entre aifément toute armée de fes.
chevilles dans..les ouvertures correfpondantes des
deux ebies, en préfentant. les chevilles félon la
longueur-;- on ne fait paffer que la première cheville
, & retournant la . croffe à. l’équerre, on tient
les deux claies prifés entre les deux chevilles qui
débordent de trois à quatre pouces de chaque côté
les deux montans ,. l’ouverture étant moins large
que longue : l’une dé ces chevilles fe trouve ainfîi
derrière le montant, & J’autre devant ; enfuite
on abaiffe contre terre le gros bout dje la croffe,,
& l’on-enfonce avec un maillet la clé ou le pi*
quet qui, traverfant la patte, dé la,,croffe.affure:
tout l’édifice.
Pour tranfporter chaque e b iê ,, le berger paffe:
I le bout de fa houlette, ou Couvent même le bout
Idiwe croffe, lorfqu’elles.font affèz fortes, dans
! l’ouverture qui eft au milieu de la claie ; il ap-
Inuie fon dos contre cette claie , il la foulève & la
Iporte en faifant paffer la houlette.fur fon épaulé,
I & en la tenant ferme avec les deux mains ; l’on
[peut auffi tranfporter les claies en paffant le bras
I droit à travers la voie du milieu.
I Lorfque le parc a été une fois commencé au
I coin du champ, on le continue de proche en pro- ché dans toute fon étendue, en ne relevant jamais à chaque changement que trois côtés des claies ,
I le quatrième fert pour le nouveau parc.
Le berger doit toujours avoir foin de tracer
I fon parc pendant le jour , & d’en marquer les ex-
| trémités avec des piquets garnis de chiffons blancs, I afin qu’il les puiffe apercevoir pendant la nuit I lorfqu’il changera le parc, & qu’ils lui fervent
[ de guide. , .
On .peut éviter cette difficulté , & ménager la
peine du berger, en faifant le jour un parc divifé
en deux parries par une cloifon de claies ; le berger
quatre de plus fi elles n’en ont que huit. Il eft
aifé de calculer de même ce qu’il faut de claies -
pour un parc double , quand on veut éviter au
bercer la peine de le changer pendant la nuit.
Ces calculs font encore fufceptibles de quelques
variations, félon la taille & la force des bêtes a
laine: il faut un plus grand efpace pour la haute
& longue efpèce angloife & flamande ; il en faut
un moindre pour la petite efpèce berrichone ou
cfpagnole. . ... .
L ’intelligence du propriétaire doit luppleer a
ce qu’on né peut lui dire avec prècifion ,. faute
de connoître de quelle race font fes moutons.
Le parc le plus petit que l’on puiffe faire elt de
cinquante bêtes ; autrement la dépenfe neceffaire
pour l’entretien du berger excéderoit le benence ,
mais plufieurs cultivateurs peuvent réunir leurs
troupeaux pour les faire parquer enfemble fous la
conduite d’un même berger ; de meme un cultivateur
n’a qu’à faire paffer les moutons de l’une dans -
Vautre pour les changer de parc: cette.pratique
eft indifpenfable dans quelques provinces , pour
éviter que les bêtes à laine ne loient expofèes a
devenir la .proie des loups pendant qu’on change
le parc elle a un autre avantage , c’eft de fumer
avec plus d’égalité. 1
On aobfervé que les bêtes à laine fument beau- j
! coup plus abondamment dans la première moitié |
de la nuit que dans la fécondé ; on difpofe donc
la rangée intérieure des claies qui fepare le parc
du foir de celui du matin , de façon que la fur-
face de celui-ci foit 'à celle du premier dans la proportion
de deux à trois , alors la fumure fe trouve
très-égale.
G’eft la méthode d’Angleterre & celle du pays
de Caux ; elle exige un plus grand nombre de
claies, mais la répartition plus égale de 1 engrais, J
la fureté des moutons dans les pays expofés aux
loups , & en tout pays la diminution de la peine
du berger , qui n’a qu’une claie intérieure à lever
pour changer fes moutons du parc, & qui , par
conféquent, fait fon devoir avec plus d’exaâitu-
de, doit faire préférer généralement 'Cette méthode.
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La grandeur du parc doit être proportionnée
à là quantité de bêtes à laine que l’on veut faire
parquer , & à la quantité de terre que chaque
bête fertilife : on a vu plus haut que chaque bête
à laine pouvoit fertilifer une étendue de dix pieds
carfés ; ce calcul eft relatif au parc du foir.
lleftaifé, d’après cela, de proportionner lé nombre
des claies à la force du troupeau : par exemple
, il faut pour un parc de cinquante bêtes ,
douze claies de fept à huit pieds de long , ou de
neuf à dix pieds ; & pour un parc de quatre-vingt-
dix bêtes, douze claies de dix pieds ; il en faut
deux de plus fi les claies n’ont que neuf pieds, ôc
induftrieux peut louer des moutons pour
le temps du parc feulement, & réunir plufieurs
petits troupeaux pour former un parc plus conkr
dérable.
De la maniire de gouverner un parc,
La manière de gouverner le parc n’eft pas la
même dans toutes les faifons : dans les longs jours
on y fait entrer le troupeau une heure apres le
Soleil couché , c’eft-à-dire , vers neuf heures ;
alors , comme les herbes ont beaucoup de lue ,
comme la fiente & les urines font tres-abondan-
H B parc de quatre heures fuffit pour amender
la terre & on le change trois fois depuis le loir jul-
qu’au matin ; la première à une heure du matin g
la fécondé à cinq heures , & la troifieme a neuf
heures du matin.
Le dernier parc fe fait de jour, ■ & on peut
même fe difpenfer de l’enfermer de dates , parce
qu’on n’a point également à craindre d être lur-
pris par le loup :,il fufiut de placer les chiens de
manière qu’ils contiennent les moutons dans 1 ei-
nace deftinè au parc , c’eft ce qu’on nomme par-
. quer en blanc : on peut au furplus avancer ou reculer
le changement du parc lorfqu’on le juge a-
propos; mais il-faut alors les faire de grandeurs
inégales, & leur donner d’autant plus d étendue
que les bêtes doivent y fèjourner plus longtE
Lorfque le mois de Septembre arrive, les nuits
font plus longues , les bêtes à laine ont moins
de temps podr pâturer , les herbes ont moins de
fuc , les urines & la fiente font moins abondantes ;
il faut alors ne faire que deux parcs par nuit, &
fi l’on continuoit à parquer pendant 1 hiver, on
n’en feroit qu’un par vingt-quatre heures. •.
La cabane du berger doit toujours être a cote
du parc , afin qu’en ouvrant l'une des deux portes, I il puiffe voir le troupeau ; elle doit être tres-légere,
& pofée fur des roues pour être d’un tramport
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