
des njsules, par la vîteffs 6c par la force du
moulage. - # . •
On eft donc obligé d’approcher moins les meules
en moulant le blé ; ce qui fait du gruau, qu’il
faut remoudre pour le réduire en une farine
qui foit plus facile & plus propre à être mife
en pâté pour en faire du pain.
Ce que l’on nomme la première farine de blé,
eft la partie la plus tendre , la plus douce du
grain ; elle vient plus de l’intérieur du blé lorsqu'il
eft fec. -
Le fécond gruau, qui eft moins blanc' par la
Seconde écorce du blé , qui y eft attachée , & *
par un peu de germe , auquel il eft mêlé , vient
encore moins du centre du grain, que le premier
gruau, que le gruaû blanc, qui ne participe plus
à- l’écorce du grain , & qui en eft comme 1 a-
mande.
C’éft' ce qui fait que le Second gruau donne le
fleurage , lorsqu'on le remoud ; c eft encore la
raîfon pour laquelle ce Second gruau boit plus
d’eaü , qu’il a plus de goût &• qu’il eft préféré
par les pâtifliers.
Le fleurage Ou le remoulage éft donc le Son du
gruau ; c’eft une iffuè de la mouture du gruau,
comme le Son ordinaire Vêft du grain.
On a été long-temps aVànt de Savoir tirer le
gruau du Son gras. Autrefois le Son gras ne fervoit
qu’à faire de l’amidon & à en engraiffer des
beftiaux. Enfuite on effaya de faire du pain avec
la groffe farine qu’on avoit tâché de Séparer de ce
Son ; mais le tamis qui étoit aflfez gros pour laiffer
paffer le gruau , laiffoit palier en même temps
beaucoup de Son.
D ’ailleurs, indépendamment de ce Son dans
lequel Se trouve mêlé le gruau, il y en a encore
qui eft attaché à une grande partie du gruau ,
«e qui fait le gruau bis : 8c on ne peut Séparer
ce Son qu’en moulant le gruau, comme on a moulu
le grain, ce qu’on nomme rengrener.
C ’eft à Senlis qu’on a commencé à Séparer le
gruau, & à le remoudre avec Succès * il y a e n -
viron un Siècle ; ce fut un des ancêtres des Pigeaûts,
qui font encore de bons 8c riches meuniers a
Senlis, 8c qu’on peut regarder en France, comme
on regardoit les Pifons en Italie. Cette méthode
de féparer le gruau & de le remoudre fut portée
dans le voifinage de cette ville , à Beaumont &
à Chambli , par des garçons meuniers fortis de
Senlis. . A .
Il y eut dans les commencemens des meuniers
qui firent remoudre le Son gras, tel qu il e ft, pour
en avoir la farine; mais n’ayant point encore lart
de bluter'comme on l’a perfectionné depuis , cette
farine étoit toujours grofîière 8c mêlée de fon.
Quelques boulangers, au lieu de faire remoudre
& de tamifer le fon gras, le mirent tremper avec
de l’eau dans des fines, pour, par ce moyen,
en ôter le plus gros & le plus léger fon „ qui
ftynageoit.
Enfuite ils prenoient le gruau amolli, 8c apres
avoir délayé les levains, ils le pêtriffoient en y
ajoutant de la farine, 8c ils en faifoient du pain.
Le pain provenant du gruau ainfi trempé chez
quelques boulangers, ou tamifé 8t remoulu par
d’autres-, étoit le pain du gruau quon nommoit
vulgairement le gruau.
Q § fait encore a&uellement de ce pain de gruau
en Bretagne ; on le nomme aujourd’hui pain
mouffaut.
C'êtoitlé psin le plus gros & le plus bis; mais
malgré lé préjugé , & la mauvaife fabrication
de ce pain , il n’étoit pas le plus mauvais qu il
y eût , parce que le gruau qu’il contenoit lui donnoi't
du goût. , r ■ .i
Néanmoins c’étoirprévariquer, que de faire du
pain avec du gruau : on s’en cachoit, 6c on n o-
foit y travailler que de nuit. Ce fut pendant la
mauvaife année de 1709 , que cette fraude eut
lieu plus que jamais.
Dans la fuite l’Indigence particulière fit contt-
nuer ce que la difette publique avoit occafionne.
la néceflité perpétua l’expérience. Rien neft plus
propre à inftruire , que l’expérience 8c la neceliite.
On profita encore plus de ces recherches quelques
années après, dans la difette Suivante , qui
fut en 1725 : on perfe&ionna beaucoup alors ces
connoiffances par les efforts nouveaux qu’on fit
cette année-là. .
La plupart des boulangers 8c des meuniers,
quivendoient leur fon pour faire de l’amidon, ou
pour nourrir les beftiaux, difoient que remoudre
du Son gras , c’étoit vouloir faire de la farine
avec du Son ; faire manger aux hommes ce qui
ne devoit Servir de nourriture quaux betes j enfin, que c’ètok tiret d’un fac deux moutures , ce qui
pourtant ne doit s’entendre que des meuniers
qüi recevant de l’argent pour moudre , prennent
encore de la farine.
Quelques marchands de fon , du nombre defi*
quels a été M. Maliffet, s’avifèrenr de féparer le
gruau des fons qu’ils achetoient, 8c ils fe mirent
dans l'ufage de le faire remoadre pour le revendre
eu farine. Iis étoient d’autant plus encouragés à
ce travail, qu’il leur reftoit'encore à peu-prés la
même mefure de fon après en avoir retiré le
gruau ; ce qui leur faifoit un profit aüure , parce
que , quoique le fon gras fe vende plus cher que
le gros Son, que le (on maigre , on ne le vend
jamais à proportion du gruau qu’on en peut tirer,
Sur-tout parce qu’on l’achete a la mefure 8c non
au poids.
Les marchands qui font ce commerce de fon ;
qui en firent lé gruau ; 6c qui font remoudre ce
gruau, font nommés grenailleurs : ceft ordinairement
dans les moulins-à-vent quils font remoudre
leurs gruaux-, dont ils revendent la farine aux
boulangers, fouvent à ceux même de qui ils ont
acheté le gruau ou le fon gras.
M B U
La plupart des meuniers 8c des boulangers apprenant
dans la fuite que les marchands de Son
profitoient beaucoup Sur le gruau qu’ils retiroient
de leur Son , Se mirent depuis à bluter 8c à retirer
eux-mêmes le Son du gruau, pour le vendre
ou pour l’employer..
On a ainfi tenté bien des moyens différens avant
d’être parvenu à tirer le gruau pur du fon gras,
8c à le remoudre. Ces travaux ont été d’autant
plus utiles, que le gruau donne en le remoulant,
la plus belle 8c la meilleure farine : elle eft plus
fubftantielle 8c plus Sèche que la première farine
même qu’on tire du blé : elle boit plus, 8c par
conséquent elle fait une plus grande quantité d e ,
pain.
A Paris 8c aux environs , les meuniers 8c les
boulangers Savent tous présentement tirer ie gruau
du Son, 8c la plupart le font remoudre.
Plus loin que dix à douze lieues de la capitale ,
les boulangers qui Savent faire ou tirer les gruaux
du Son gras, les vendent aux grenailleurs; enfin
au- delà de cette diftance de Paris, non-feulement
on n’eft pas dans l’ufage de remoudre les gruaux,
mais on ne fait pas même les tirer du Son gras ;
on ne moud qu’à la groffe ruftique.
Enfin on peut dire en^gênéral qu’on moud 8c
qu’on blute d’autant plus mal, oh tire d’autant
moins de farine des grains, qu’on eft plus éloigné
de la capitale : dans les campagnes qui n’en
font pas voifines, les Sons reftent chargés d’une
partie farineufe fi confidérable , qu’un boulanger
nommé Marin, qui eft allé s’établir, il y a quelques
années, à Nangis, qui n’eft qu’à douze lieues
de Paris , n’achetoit ni grain ni farine pour faire
du pain ; il achetoit Seulement du Son gras , dont
il tiroit le gruau, qu’il faifoit remoudre pour en
faire du pain ; & ce boulanger de Nangis eut la
réputation de faire le meilleur pain du pays.
C ’eft donc à jufte titre que la méthode de féparer
le gruau du fo n , 8| de le remoudre, eft
nommée mouture économique , puisqu’elle ménage
plus de farine , 8c qu’elle la donne meilleure,
pourvu qu’on ne remoule pas trop de fois.
D ’après ce'qui vient d’être d it, on peut diftin-
guer trois claffes de meuniers ; la première eft de'
ceux qui ne favent moudre qu’en groffe ruflique.
La fécondé , de ceux qui favent moudre 8c
remoudre, mais qui ne favent point faire l’affor-
timent des farines.
La troifième, de ceux qui non-feulement font
dans l’ufage de moudre & de remoudre , mais
qui encore favent faire un bon mélange des farines.
Suivant la mouture méridionale, on moud le blé
premièrement, 8c on le blute enfuite à part. Cetjte
mouture eft pratiquée dans quelques pays méri-
f 1'a"ailX 1 ^art meunerie s’eft plutôt perfectionné
par la façon de bluter que par celle de
moudre.
Après que le grain eft moulu , on laiffe paffer
quelque temps avant que de procéder au blutage ;
M :E V i?
de cette façon , on retire de la ra,me ( c’eft le
nom que l’on donne à la farine 8c au fon qui ne
font point féparés ) plus de farine, 8c de meilleure
qualité.
Au Sortir du moulin la rame eft chaude, c’eft
pourquoi on la laiffe refroidir ; mais elle commence
bientôt à fermenter d’elle-même , 8c pour
que la chaleur ne foit pas plus forte au milieu
du tas qu’au dehors, on a foin de remuer la rame
de temps en temps.
Quand cette fermentation a ceffé , 8c que la
rame n’eft plus chaude , on examine fi elle eft
en état d’être blutée ; pour cet effet, on en met
une poignée fur une palette, 8c on la fait fauter
en l’air : fi la farine retombe la première fur la
palette, 8c que le fon paroiffe être fans farine ,
on , peut alors la bluter.
Pour tirer les farines de la rame, on la fait
paffer par un bluteau qui eft de trois groffeurs
différentes qui fe fuivent.
La farine qui tombe la première par la partie
la plus fine du bluteau, eft la farine du minot,
qu’on envoie en Amérique.
Celle qui paffe par la partie du blutoir qui
eft moins fine que la première , fe nomme farine
Jimple ; c’eft pour le bourgeois ou pour le boulanger.
Enfin la troifième fa r in e q u i eft la plus groffe
eft celle que l’on nomme le grèfillon , dont le
pauvre fait fon pain.
Le fon fort par le bout du,bluteau , il eft encore
mêlé avec une groffe farine que l’on nomme
repajfe, parce que l’on repaffe cette farine par
un blutoir qui la fépare du fon.
De la mouture Saxonne pour le froment.
La manière de moudre le froment pour les
boulangers eft celle-ci : avant que de le conduire
au moulin , on le nettoie , c’eft-à-dirè , on le
vanne , afin qu’il n’y refte aucune femence étrangère
, après quoi on le lave : fi le grain eft plus fec
qu’humide , on n’en humeâe que la moitié. Voici
comment on procède à cette dernière opération.
Un boiffeau de Drefde eft partagé en deux
portions égales : on en met la moitié dans un
\ tonneau, 8c on verfe deffus de l’eau bien pure,
que l’on agite fortement avec une pelle ou avec
les mains, pour détacher toute la pouflière qui
pourroit être adhérente au grain , enforte que le
froment refte entièrement net. On laiffe écouler
A’eau , 8c l’on jette fur le grain mouillé l’autre
moitié du boiffeau , qui a été vannée encore une
fois. On mêle bien ces deux parties l’une avec
l’autre , afin que celle qui eft mouillée humeâe
l’autre. On couvre le froment avec des facs , 8c
©n le laiffe repofer ainfi pendant vingt - quatre
heures.
Si le grain eft plus fèc qu’humide on en lave
les trois quarts, & on y mêle l’autre quart encore
fe c , après l’avoir nettoyé avec le plus grand foin.