
dans un mortier en une efpèce de pulpe ; d’autre
part on pulvérife une demi-livre de pois d’Ef-
pagne, autant de millet jaune & de femence de
pavot ; on pulvérife aufli le plus fin qu’il efl: pofli-
b le, une demi-livre d'amandes douces , dont on a
ôté la peau auparavant ; on caffe douze oeufs ,
dont on prend feulement les jaunes , que l’on met
dans un plat ; on les bat avec une livre de miel
blanc , & un gros de fafran en poudre ; lorfque
ces trois ingrédiens font bien mêlés enfemble, on
y incorpore fucceflivement la viande, les amandes
douces & les farines ; on en fait une efpèce de
bouillie, que Ton fait cuire dans un vaiffeau de
terre, que l’on a frotté avec un peu de beurre
pour empêcher qu’elle ne s’attache. On fait cuire
cette pâte jufqu’à confiftance de bifcuit ; lorfqu’elle
eft à fon point, elle fe conferve très-bien dans une
boîte de fer-blanc qu’on tient dans un lieu fec.
Cette pâte peut fe conferver fix mois, 8c cette
quantité peut lùffire pour la nourriture d’un roffi-
gnol pendant un mois. Dans la faifon où chantent
les rofiignols, il eft bon de mêler dans leur pâte
du coeur de mouton haché , 8c de leur donner
quelques vers de farine.
Sur les ferins.
Leferin e fl, fans contredit, après le roflignol,
l’oifeau qui a le plus de douceur 8c de mélodie
dans fon ramage ; il apprend avec facilité quelques
airs de mufique, 8c fe familiarife très-aiiément.
Les ferins, originaires des ifl.es Canaries, font
devenus chez nous des oifeaux domefliques. Quoi- j
qu’il paroiffe qu’ils n’ayent pas été affez robuftes
pour fe multiplier en plein air dans nos bois, ils
fe confervent 8c fe multiplient très-bien dans ce
pays-ci, par les foins que l’on prend de les tenir
pendant l’hiver dans les appartemens.
On voit parmi ces oifeaux, ainfi que dans toutes
les efpèces d’animaux domefliques, une multitude
infinie de variétés ; il y en a de gris, de blonds ,
de jaunes, de couleurs d’agate, de couleur ifa- I
belle, de blancs, de panaches, 8c cela dans toutes
les nuances. 11 y en a de dorés tirant fur la jonquille,
au duvet, 8c aux yeux rouges.
Comme nous avons dans notre climat des
efpèces d’oifeaux voifines de celle des ferins ,
tels que la linotte , le chardonneret, le pin fon , le
bruant, on a accouplé les mâles des ferins avec <*
les femelles de ces oifeaux, 8c les mâles de ces
oifeaux avec les femelles des ferins , on a eu par
ce moyen des efpèces de mulets variés, fuivant
les différens oifeaux que l’on avoit appareillés ;
félon leur origine , on les a appelés ferins mulets
de linotte, ou ferins mulets de chardonneret, 8cc.
La faifon d’appareiller les ferins eft le printemps
: on doit mettre d’abord dans une petite
cage » pour qu’ils s’appareillent plus promptement,
un mâle 8c une femelle ; il faut prendre garde de
fç tromper, 8c de ne pas mettre enfemble deux I
males ou deux femelles, ce qui arrive quelque,
fois lorfqu’on a beaucoup de feçins, 8c qu’on n’a
pas mis à part les mâles 8c les femelles : car au
printemps il y a des femelles qui chantent prefqu’aufli
fort que des mâles , 8c il fe trouve quelquefois des
mâles qui ont uifthant fi bas 8c fi mauvais, qu’on
.les prend aifétnent pour des femelles.
Si l’on a mis enfemble deux mâles, il y en a un
des deux qui, plus foible, plus timide, n’ofe point
chanter ; fi ce font des femelles qu’on a mifes
enfemble, elles pondent, mais elles n’ont que
des oeufs ftériles. qui n’ont point été fécondés.
Comme les ferins font d’un tempérament délicat
, il eft bon de placer leur cabane dans une
bonne expofition : la plus favorable eft celle du
levant ; l’ardeur du foleil du midi ou du couchant
ne peut que les fatiguer , 8c quelquefois leur être
mortelle.
Il eft important, pour fe procurer de belles efpèces
, de faire choix de mâles qui ayentHin beau go-
fier, 8c, d’entremêler les efpèces de diverfes couleurs,
mâles 8c femelles. On réuflit toujours decette
manière, 8c la nature fe plaît même quelquefois
à former des oifeaux plus fins, plus beaux que
ne le font les pères 8c mères; lorfqu’on n’appareille
enfemble que des ferins de même couleur, on
n’obtient point de variétés.
De toutes les efpèces de ferins, la plus rare 8c
la plus eftimée eft celle .qu’on appelle ferin plein :
c’eft l’efpèce dans fa plus grande perfeâion. Pour
fêla procurer, il ne s’agit que d’appareiller enfemble
des ferins couleur de jonquille , tant le mâle que
la femelle. On fe procure encore de très-beaux
oifeaux en appareillant enfemble un mâle panaché
avec une femelle blonde à queue blanche : il faut
toujours que la couleur que l’on défire obtenir
prédomine dans le mâle ; car on a obfervé parmi
les'oifeaux, ainfi que dans les autres animaux ,
que la race tient plus du mâle en général que de
la femelle.
Lorfque le mâle 8c fa femelle fympathifent
bien enfemble, il faut leur fournir les matériaux
néceffaires pour la conftruâion de leur nid. On ne
peut leur donner rien de mieux que du petit foin
menu 8c fort délié pour faire le corps du nid ;
on peut aufli couper 8c leur jeter un peu de petit
chiendent à vergettes avec quelque peu de moufle,
dont les oifeaux font ufage en dernier, pour rendre
leur nid plus chaud 8c plus mollet. Le coton haché
ne vaut rien , parce qu’il s’attache à leurs pattes ,
non plus que la bourre de cerf, qui occasionne
trop de chaleur , s’attache à l’anus des petits nou*
vellement éclos , y forme une croûte qui les
empêche de fe vider, 8c' les fait périr le jabot
plein, fans qu’on puifle Apercevoir du fujet
de leur mort.
Pour épargner aux oifeaux la partie la plus
difficile dans' le travail de la conftru&ion de leur
nid, on leur met de petits fabots de terre ou de
bois ou des paniers d’ofler : on doit même préférer
l’ufage de ces paniers. Dans les fabots de bois ,
le nid s’échauffe trop ; d’ailleurs le nid y adhère fi
neu, que le père 8c la mère l’entraînent quelquefois,
8c font tomber les oeufs 8c les petits. Ceux
de terre ont aufli l’inconvénient de s’échauffer trop’,
pour peu que le foleil donne deffus.
Il eft bon de mettre dans la cabane, fur la planche
d’en bas, du fable très-fin , afin que les oeufs
ne foient pas caffés , fi. par hafard la femelle pond
par terre, ou quelle faffe tomber par accident
quelque petit.
Quand on acheté des ferins, il faut tâcher de
favoir quelle efpèce de graine on leur donnoit,
car ces oifeaux jfont d’un tempérament fi délicat ,
qu’un changement trop prompt de graine peut leur
être fatal. Une des meilleures nourritures qu’on
puiffe donner aux ferins, lorfqu’ils mangent tout
feuls, eft un mélange d’un litron de, millet, de fix
litrons de navette, d’un demi litron de chenevis ,
8c d’autant d’alpifte , que l’on conferve dans une
boîte pour leur en donner à mefure qu’ils en ont
befoin.
Dans les premiers jours où l’on met ces oifeaux
en cabane, il eft bon de leur donner de la graine
de laitue ; elle les purge des mauvaifes humeurs
qu’ils ont contrariées en hiver.
On doit apporter les plus grands foins aux ferins,
lorfque les petits font prêts d’éclore , ce qui arrive
ordinairement au bout du treizième jour.
Il faut alors donner au père 8c à la mère une
nourriture préparée, füccuiente8c facile à digérer
pour les petits : c’eft de la graine pilée que l’on
niêle avec de l’échaudé, 8c un peu d’oeufs frais
durcis, le tout humeété avec de l’eau : on la renouvelle,
pour ne la point laiffer aigrir. On peut mettre ,
dans l’eau que l’on donne pour boiffon aux ferins ,
un peu de régliffe, 8c leur donner dans un petit
pot de la graine d’oeillet, de laitue 8c d’argentine :
avec ces foins on voit toutes les couvées réuffir.
Lorfqu’on veut rendre les ferins bien familiers ,
on les élève à la brochette ; mais on doit retirer
plus tard de deffous la mère les efpèces qui font
les plus délicates. Les ferins gris, qui font les plus
robuftes , peuvent être fevrés à dix à onze jours ;
s ils font panachés on ne le doit faire qu’à treize •;
tes jonquilles, qui font les plus délicats , ne doivent
être fevrés qu’à quatorze ou quinze jours.
On don nourrir les jeuues ferins avec une pâte
femblable à celle que l’on donnoit aux pères 8c
meres s lorfqu’ils élevoient eux - mêmes leurs
petits.
Voici une pâte pour les ferins qui peut fervir
quinze jours au moins fans fe gâter.
On verfe fur une table ou dans un mortier , ]
un demi litron de navette bien fèche 8c bien van-
uêev qu’on écrafe avec un rouleau ou pilon de bois 4e façon à en faire fortir toute l’écaille ; on y ajoute
trois échaudés fecs 8c réduits en poudre après en
avoir ôté la première croûte ; on y mêle un bifcuit
d’un fol. Le tout étant bien broyé enfemble, on l’enferme
dans une boîte de chêne ; on prend enfuite
de cette pâte, fuivant le befoin , 8c l’on a une
nourriture toute préparée, à laquelle il ne s’agit
plus que d’ajouter un peu de jaune d’oe uf, qu’ôn
humeâe avec quelques gouttes d’eau.
Quand on fèvre les oifeaux, il faut leur donner
la becquée dix à onze fois dans la journée , 8c jamais
au point que leur jabot foit trop bouffi, ce
qui pourroit les étouffer. Au bout de vingt-quatre
ou vingt-cinq jours , les ferins font ordinairement
en état de manger feuls. On voit quelquefois des
oifeaux qui, après avoir été plus d’un mois à
manger feuls, fe remettent à demander la becquée,
comme s’ils n’avoient pas plus de quinze jours ;
on ne doit pas faire difficulté de la leur donner,
c’eft; le moyen de les réchapper de la mue, état
cruel qui les jette en langueur , 8c leur ôte la force
8c le courage de manger.
Les ferins mâles font difficiles à diftinguer lorfqu’ils
font encore tout jeunes. Une des marques
les plus diftin&ives, c’eft une efpèce de fève jaune
qu’on obferve fous le bec du mâle , 8c qui defcend
beaucoup plus bas que dans la femelle ; de plus , il
a les tempes fort dorées , la tête plus longue, plus
groffe ; il eft pour l ’ordinaire plus haut monté fur
tes pattes que la femelle. Le mâle, prefqu’auflitôt
qu’il mange feul , commence à gazouiller ; mais
ce n’eft qu’après qu’il a paffé laterrible crife de
la mue qu’il commence à faire entendre fon ramage.
On diftingue les vieux ferins d’avec les jeunes,
en ce que les premiers font ordinairement d’une
couleur plus foncée , 8c qu’ils ont les ergots plus
longs que les jeunes. ,
Quand on veut faire apprendre quelques airs
à un ferin , il faut, quinze jours après qu’il commence
à manger feul, le mettre dans une cage
couverte , 8c lui fiffier les airs qu’on a deffein de
lui enfeigner, foit avec une fermette, foit avec
un flageolet orgdnifè, qui reçoit fon vent par des
foufflets, 8c que l’on touche, comme l’orgue, fur
un clavier.
On doit, en inftruifant les ferins, prendre les
mêmes foins que nous avons indiqués pour inf-
truire les roffignols. Il y en a parmi ces oifeaux,
qui ont bien plus de talent les uns que les autres :
quelques-uns répètent l’air qu’on leur a montré au
bout de deux mois, d’autres n’y parviennent qu’au
bout de fix.
Les uns aident les femelles dans leur ménage ;
les autres, au contraire, les tuent, caffentles oeufs,
les mangent ; ou , s’ils laiffent éclore leurs petits ,
il les traînent dans la cabane avec leur bec 8c les
font périr. On doit féparer ces mâles d’avec les
femelles auflitôt qu’elles commencent à pondre.
Pendant que les ferins élèvent leurs petits, il
leur furvient quelquefois des maladies , foit parce
qu’ils font trop fatigués , foit parce qu’ils ont trop