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ayant appris par moi-même le prix 3e la vente de
ma cannelle brute en France, l’a regardé comme
un encouragement, & m’a marqué qu’il fe propo-
ioit d’exploiter fes cannelliers, & qu’il efpéroit en
envoyer en France cette année cent livres du crû
de Ton habitation à S. Benoît. Mais vous ferez parfaitement
inftruits, moyennant les fages précautions
que vous propofez de prendre. .
J’ai l’honneur d’être avec un profond refpeâ ,
Meilleurs , &c. CossiGNY. Extrait du Journal
général de France, d’avril 1788.
P o i v r e .
Le poivre eft une graine aromatique d’un goût
âcre St brûlant 9 dont il y a plufieurs fortes.
Poivre noir.
Le poivre noir eft un fruit defféché, de la grof-
feur 8t de la forme d’un petit pois rond. Lorfqu’on
l’a dépouillé de fon écorce, qui eft ridée & noirâtre
, il laiiïe voir une fubftance dure St compacte ,
grifâtre , ou d’un verd jaune en dehors, blanchâtre
en dedans , d’une faveur âcre, brûlante St
forte. C ’efl l’efpèce de poivre dont on fait la plus
grande consommation.
Le poivrier, ou la plante qui produit le poivre
noir, croît en abondance, fur-tout dans lesifles de
Java, de Sumatra, du Malabar, & autres ifles
dont les Hollandois font les maîtres.
La racine du poivrier eft petite , fibreufe, flexible
St noirâtre. Elle pouffe des tiges farmenteufes ,
noueufes, grimpantes, ou rampantes lorfqu’èlles
n’ont point d'appui.
Des noeuds de ces tiges, il fort" des fibres qui
pénètrent la terre, & y prennent racine : chacun
de ces noeuds porte des feuilles larges de trois pouces
& longues de quatre : elles font d’un verd
foncé en deffus 8c en deffous, folitaires, difpofées
alternativement.
Aux fleurs qui viennent en grappes à l’extrémité
delà tige, fuccèdent des fruits ou des grains ,
au nombre de vingt â trente , d’abord verdâtres ,
puis rouges, enfuite noirâtres.
Le poivrier fleurit jufqu’à deux fois dans l’année.
On récolte les fruits mûrs quatre mois après
que les fleurs ont dilparu, 8c on les expofe pendant
fept jours à l’ardeur du foleil, afin de faire
noircir & rider l’écorce.
On cultive cette plante en fichant en terre des
parties des branches que l’on a coupées, & que l’on
met près de la racine des arbres qui doivent les
foutenir.
On convertit par l’art, le poivre noir en poivre
blanc. Et voici, fuivant M* Geoffroi, le procédé
des Hollandois;
On enlève la première écorce du grain en fai-
fant macérer dans l’eau de la mer le poivre noir.
Cette écorce extérieure fe gonfle & fe crêYe y
on en retire alors facile ment le grain qui eft blanc
8c que l’on fait fécher.
Il eft dans cet état beaucoup plus doux & plus
commerçable.
Quand on fait tremper le poivre, il en fumage
beaucoup fur l’eau : on le retire aufîi-tôt. C’eft ce
qu’on appelle poivre noir léger de Hollande.
Celui qui fe précipite au fond de l’eau, fe nomme
poivre pefant <T Angleterre.
Enfin, lorfqu’il eft dépouillé de fon écorce , on
le nomme alors poivre blanc de Hollande.
Ce poivre blanc faétice eft plus pefant, à volume
égal, que le poivre noir ; fon grain eft cor-
riandé ; il eft quelquefois blanchi d’un peu de
poudre & de farine.
Ainfi le poivre blanc en poudre du commerce ,
eft fait avec le poivre noir écorné, foit en Hollande
parles négocians étrangers, foti en France
par les débitans.
P o i v r e b l a n c .
Les fruits du poivrier blanc font plus petits que
ceux du poivre noir ; mais les arbriffeaux qui donnent
ces poivres ont peu ou point de différence entre
eux. Au refte, on a peu de connoiffance fur le poivre
blanc naturel ; & , fuivant M.. Geoffroi, le poivre
blanc du commerce n’eft autre chofe que le
poivre noir dont on a ôté l’ieorce avant de le faire
fécher de la manière que nous venons d’expliquer
dans l’article précèdent.
Piment ou Poivre de Guinée.
Le poivre de Guinée eft également connu dans
le commerce d’épiceries fous les noms de poivre
d’Inde , de poivre du B réfil, de piment de Guinée ,
de corail de Jardin, de poivre d’Efpagne St de
Portugal, de poivre en gouffe.
Cette plante croit naturellement dans les deux
Indes, & fur-tout en Guinée & au Bré'fil : on peut
aufli la cultiver dans les pays chauds de l’Europe.
Sa racine eft courte & très-fibreufe ; elle pouffe
une tige à la hauteur d’un pied & demi, velue
St rameufe ; les feuilles font longues , en pente &
d’une couleur verte-brune. Les fleurs croiffent à
la naiffance des rameaux en rofettes à plufieurs
pointes de couleur blanche.
Le fruit qui fuccède aux fleurs, eft une capfule
large & groffe comme le pouce, formée par une
peau un peu charnue, & qui devient d’un rouge
de pourpre dans fa maturité.
Cette gouffe eft divifée intérieurement en deux
ou trois loges. Elle renferme beaucoup de femen-
ces plates 8c. d’un blanc jaunâtre*
Toutes les parties de cette plante ont un odeur
& une faveur fortes 8c âcres, mais fur tout fon
fruit
On fe fert de ces fruits pour affaifonner les ait-
mens.
On les confit aufli au fiicre, lorfqu’îls font encore
verds , l’on en fait ufage dans les voyage? fu*
mer
H fait macérer dans le vinaigre , &
PNous fommes obligés d’acheter des-Hollando.s
1e eirofle & la cannelle : mais pourquoi fe pourvoir
chez eux de la plus grande partie qui fe confonde
en France-, tandis qu;on pourro.t y cultiver
l’efpèce de poivre ou le piment que Ion vient
de décrire ? i ,
Cette plante, femée en bonne terre, donne des
nroduélions furprenantes, 8c un poivre excellent.
Sa bonne qualité, Sc le plus pu le moins de montant
qu’on veut lui donner, ne çonfiftent que dans
l’art de le façonner, qui eft très-fan pie.
Le piment fe fème tfru au printemps fur une
terre bien préparée.
Lorfque fa plante eft parvenue a la hauteur d environ
fixpouces , on la lè v e , 8c onia transporte fur
une terre également bien difpofee, ou Ion a pratiqué
avec une houe ou farcloir , des filions de
trois pouces de profondeur. On y efpace le plant
à un pied l’un de l’autre en tout fens. B
Les pirnens font dans leur parfaite maturité des
la femence. . .. c .
Mais pour •en faire du poivre * il faut les cueillir,
encore verds, & lorfqu’ils vont commencer à
rougir. Ôn les arrange enfuite dans des paniers
qu’on met au four auffi-tôt que le pain en eft retiré.
Ils y deviennent affez fées pour être facilement
pilés. . . . „
On paffe la poudre au tamis de crin, & 1 on
pile de nouveau ce qui n’a pu paffer.
Ce poivre a la couleur 8c l’odeur du poivre
d’Afie, lorfqu’il eft moulu ; & l’on affure qu’il eft
meilleur, plus fain 8c moins échauffant.
Il faut obferver feulement que ce poivre en
poudre doit être gardé en lieu fe c , parce qu il
prend aifément de l’humidité.
On cultive déjà de cette efpèce de piment en
Languedoc. ,
Les vinaigriers en font ufage pour donner plus
de force au vinaigre.
C’eft ici le lieu de parler de la graine dune
autre plante qu’on peut cultiver en France avec
fuccès. Cette graine , dite toutes epices, ou nielle
fauvage , tient lieu du poivre, du girofle, 8c d’une
partie du fel. En petite dote elle donne aux légumes
un goût agréable. Il faut avoir foin de bien pul-
vérifer cette graine pour s’en fervir.
Les Indiens font avec les gouffes de ce piment ,
une poudre de la manière fuivante : ^
Ils font fécher ces goufles d’abord a 1 ombre ,
puis à un feu lent avec de la farine dans un vaif-
feau de terre. Enfuite ils les coupent bien menues
avec des cifeaux, ils jettent fur chaque once de ces
gouffes hachées, une livre de fine farine, dont ils
font une pâte bien pétrie avec du levain. Cette
pâte étant levée, on la met au four j quand elle
Arts & Métiers, Tome V , Partie. 1%
eft cuite on la coupe par tçanches ; on la fait cuire
de nouveau comme du bifeuit. Enfin, on la réduit
en une poudre paffée au tamis. Cette poudre eft
excellente pour affaifonner les viandes, pour
exciter l’appétit, St fortifier l’eftomac.
P o i v r e d e l a J a m a ï q u e .
C ’eft une efpèce de baie aromatique que l’on
tire de l’Ifle de la Jamaïque, 8c qui fe nomme
aufli dans le commerce piment des Anglois, toutes
épices , poivre de Thévet , amomi, piment a couronne
, coque d'Inde aromatique , tête de clou.
Cet aromate réunit à lui feul le goût de la
cannelle, du girofle 8c du poivre ; ce qui le fait
rechercher.
L’arbre qui porté ce fruit, eft une efpèce de myr-
the à feuilles de laurier, mais plus grand que les
noyers d’Europe. Il eft touffu 8c d’un bel afpeô.
Il fe plaît dans les terrains fées. Son tronc eft affez
droit St haut ; le coeur du bois eft dur & pefant ;
il devient en vieilliffant d’un noir d’ébène. Son
écorce eft liffe 8c mince : fes feuilles font d’un
beau verd , fort longues 8c très-larges. Sa fleur ,
qui eft petite & difpofée en rofe, croît fur des
pédicules à l’extrémité des tiges : elles ont une
odeur & une faveur à la fois de cannelle & de
girofle.
Le fruit qu’on fait deffécher avant fa maturité ,
eft rond, plus gros 8c plus léger que le poivre
ordinaire ; fon écorce eft brune St un peu ridée :
il eft garni d’une petite couronne au haut, partagée
en quatre, contenant deux noyaux noirs ,
couverts d’une membrane noirâtre , d’un goût aromatique
un peu âcre, 8c qui approche du clou de
girofle.
P o i v r e l o n g .
La plante qui porte cette forte de poivre croît
dans le Bengale, à la hauteur de fept à huit pieds.
Elle diffère du poivrier à fruits verds par fes tiges,
qui font moins ligneufes, par fes feuilles plus longues,
plus vertes , plus minces , j k ornées de trois
• nervures très-faillantes ; fes fleurs font monopétales,
partagées en cinq ou fix larjières fortement attachées
au fruit de cette plante.
Le fruit eft cueilli St defféché avant fa maturité.
Il eft grifâtre, de la groffeur d’une plume de
cygne , long d’un pouce 8c demi, cannelé, St garni
de tubercules preffés, 8c placés en forme de réfeau.
Il eft partagé intérieurement en plufieurs cellules
membraneufes ,dans chacune defquelles eft contenue une feule graine arrondie, très-petite, noirâtre en
dehors, 8c d’un goût âcre 8c un peu amer. Beaucoup
de nations fe fervent du poivre long pour affaifonner
leurs alimens.
On confit le poivre long dans de la faumure,
ou dans du vinaigre, pour s’en fervir au befoin,
V y !