
lades , il les mettra également à l’abri de la pluie
& des vents froids’.
F a i t s q u i confirment la p o j jîb ilit ê & le s a v a n ta g e s de
t e n ir le s t r o u p ea u x d e m ou ton s jo u r & n u it au grand
a i r en to u te f a i f o n , p a r M . Q u a t r e m e r e
d I s j o n v a l .
L e s expériences de M. Daubenton ont été
faites à Mombard. La plupart des bêtes à lainage,.
ré*inies dans fa bergerie , étoient de belles & de
bonnes races, toutes de diverfes Provinces delà
France & des Royaumes étrangers , où. ces animaux
font vigoureux & de haute taille : on pré-
tendoit ne pouvoir rien en conclure pour la bête à
laine de petite taille & foible.
Pour prouver combien uns pareille obje&ion étoit
peu fondée , M. d’Isjonval a choifi le Berry
comme la Province où l’efpèce eft la plus
chétive fous tous les rapports ; en conféquence
il a fait fortir , le premier Décembre 1782 , d’une
bergerie chaude & étouffée, comme elles le font
toutes dans cette Province * cent deux bêtes à
laine. Ge troupeau a été établi dans un clos que
M. d’Isjonval pofsède près Paris , c’eft-à-dire à
foixante-quatorze lieues plus nord que leur pays
natal. A dater du 9 Décembre qu’elles font
arrivées dans ce clos, elles ont été expofées à toutes
les injures de l’air ; & cet hiver, remarquable
par une humidité froide , par la continuité
du vent de nord-oued:, le feul défagréable au
mouton , étoit par cela même le moins favorable à
l’expérience. Cependant au premier avril un feul
. de ces moutons étoit mort.
M. Daubenton confent qu’on abrite le troupeapv,
pour quelquesjours, dans les mauvais temps, après
la tonte. M. d’Isionval n’a pas cru devoir fe permettre
cette condefcendance pour le fien ; d’ailleurs elle
lui étoit interdite par le fait : à l’exception d’un
très-petit logement pour lé berger , il n’y a
pas d’abri dans lé clos dont il s’agit ; en copfé-
féquence M. d’Isjonval a fait tondre ce troupeau
le premier avril , par un froid très-vif & très-pénétrant
: il eft tombé Ta nuit fuirante de la neige
fondue, & le tout fans inconvénient.
Ce troupeau , qui, pendant tout l’hiver, exci-
toit la pitié du voifinage , en fit l’admiration à
l’automne fuivant, que M. d’Isjonval s’en défit.
La paroiffe-de Villedieu eft connue pour pof-
féder l’efpèce de mouton la plus délicate & la
plus chétive du Berry ; c’eft-là que M. d’Isjonval
a été chercher • le troupeau qu’il vouloit mettre
en expérience pour l’année fuivante : il étoit de
cent ioixante-dix bêtes , & , prefqu’entièrement
compofé de brebis. Ce troupeau, arrivé dans les
premiers jours de décembre , h’a pas tardé à recevoir
les frimats & la neige , qui ont été le prélude
de cet hiver , dont la rigueur fera fi long?
temps mémorable. L’efpèce dont il s’agit n’a guère
que quinze pouces de haut , l’animal étant fur
fes jambes \ & fept ou huit quand il eft couché.'
Or , comme il tomba , pendant la nuit du 31 décembre
& celle du 31 janvier fuivant, neuf pouces
de neige , il en eft réfulté que le lendemain
matin le troupeau étoit invifible , mais il ne
donnoit .aucun figne de déplaifance ou de douleur.
Dans le nombre de ces bêtes, M. d’Isjonval en
avoit exprès choifi vingt qui paroiffoient menacées
de la,pourriture ou pulmonie les trois quarts ont
guéri, cinq brebis feulement on; fuecombé.
Une troifième expérience , celle que M. d’Isjonval
a faite l’hiver dernier , porte jufqu’à la dé-
monftration , que ni l’âge., ni l’état le plus foible
dans le mouton ni la privation même totale de fa
laine ne le mettent en danger de périr , quoiqu’ex-
pofé à toutes les rigueurs de la pluie ou du
froid.
M. l’Archevêque de Bourges , qui ne croit pas
l’extenfion des connoiflances phyfiques étrangère
au devoir d’un prélat, dans une grande province,
fait fuivre depuis trois ans , avec autant de foin
que de fucdès , près de Bourges , les expériences
de M. Daub.enton. M. d’Isjonval a pris, dans ce
troupeau nombreux , cent foixante-cinq bêtes,
toutes fortement atteintes de la gale la plus opiniâtre
, inconvénient qui provenoit de l’achat peu
foigné de quelques béliers.
Quoique la plupart fuffent des agneaux de huit à
1 neuf mois, ils ont été tranfportés près Paris : la
moitié du troupeau étoit nu en janvier & février;
. la gale dont ils étoient couverts ayant fait tomber
leur laine, ils ont reçu dans cet état les pluies
& les neiges de l’hiver ; & ils font dans le mo
ment aéluel bien portans & vigoureux.
M. d’Isjonval fe propofe de conferver ce troupeau
pendant tout le -printemps & une partie de
l’é té , pour que la capitale ait fous les yeux cette
preuve , que le régime à l’air, par toutes les fai-
ions-, eft le feul moyen d’amélioration, tant pour
l’animal que pour le lainage.
On ne pourra s’empêcher d’être furpris que les
étables., c’eft-à-dire îe parti le pins difpendieux
pour la conftruéfion , le plus rifquable du côté des
incendies , aient prévalu & prévalent dans tout
le Royaume.
On peut aflùrer que dans cent ans il n’exiftera
pas une bergerie en France ; mais pourquoi ne
pas jouir dès-à-préfent de cet avantage ? le voeu ,
de la nature n’eft-il pas (fuftifamment exprimé s
En couvrant le mouton d’une épaiffe fourrure,
en abreuvant cette fourrure d’un fuint, d’une humeur
on&ueufe qui la rend impénétrable à l’eau,
n’indique-t-elle pas fuffifamment l’éducation qui
lui convient ? -
Enfin l’expérience de l’Efpagne , de l’A n g le te r r e
dont la température eft différente, ne, p ro u v e -
t’elle p a s que cette éducation convient à tous les
c l im a t s ?
Tout propriétaire ou cultivateur ayant un m*
térêt peffonnel à fuivre ces expériences , & à cont
r é les détails de cette éducation , peut fe transporter
au clos de M. d’Isjonval , fitué à une petite
lieue de Paris , au-deffus du moulin Jânfènifte ,
entre Vanvres & Clama-rd. Les habitans de Van-
vres particulièrement, l’indiqueront au jufte.
Suit e de l ' e x p o f è de AL d ’ I s jo n v a l f u r f o n troupeau
en e xp é r ien c e .
Les bornes que je m’étois prefcrites dans le
Mémoire que j’ai lu à la dernière, féance publique
de l’académie des Sciences , ne m’ont pas
permis d’y inférer un fait fur lequel, d’ailleurs,
l’émis bien moins avancé qu’aujpurd’hui. Les
agneaux que j’ai expofés pehdant tout l’hiver ,
fans aucun abri, ont encore fubi le pius grand froid,
ce qui fera, félon quelques perfonnes, une rigueur
de plus que toutes celles dont j’ai expofé le détail.
Tant que la force des gelées n’a pas été telle
que le berger n’ait pu enfoncer dans, la terre les
fiches qui affurent les claies du parc , & notamment
dans toutes les nuits de pluie ou de dégels ,
le troupeau a conftamment parqué fur une portion
de pré que j’avois deftinée à m^éclaircir fur
une autre opinion. C ’en eft une généralement accréditée
parmi les propriétaires ou cultivateurs,
que fi on fait parquer des moutons fur un pré
ou une portion de prairie , par une fatalité, bien
digne d’effrayer fi elle étoit réelle,Tes moutons
& la portion d’herbage parquée périffent également.
J’ai dévoué un arpent au clos dont j’ai parlé ,
précédemment, à être parqué-pendant deux nuits
de fuite par chaque place : jVi choifi la portion la
plus haute du clos * ainfi qu’il eft déterminé par
la pente d’un ruiffeau , afin que cette partie
*eùt toute elpèce de défaveur , par comparaifon
au refte du pré plus bas ,& par conféquent plus
propre à la fertilité des herbages. Màis quelle eft
ma fatisfaftion, en ce. moment d’une calamité
générale pour les, pâturages & les beftiaux , de
pouvoir annoncer que la partie parquée offre au
moins trois fois plus de fourrage que la portion
qui lui- eft immédiatement contiguë ! la vue
du carré parqué & celle du terrain voifin , pré-
fentent l’image de deux provinces ou fols , dont
l’un n’auroit abfolument rien de commun avec
l’autre;, la couleur des herbes, leur touffu, fomt
suffi difter.ens que. ft ce n’étoient. pas. les mêmes
plantes., §
Qb fervation s f e r le c h o ix d e s belle r s , . l e s a v a n tag e s
& inconvéniens d e ten ir le s tr o u p ea u x à l ’ a b r i ,
durant le s f r o id s v io len s & lesjg randes p lu ie s .-
M. Daubenton avoit fénti.ia nécefiité pour
perfeftionner l’èfpèce d^s.bêtes à laine en Erance,
de fe procurer des. béliers-de Maroc „ ci’Efpa-
|sPe ». d’Angleterre.. Enhardi par fes premiers
fiiebès , par la beauté des hêtes provenues de cçt
accouplement, par la qualité de leurs laines,
M. Daubenton a cm pouvoir nous affranchir de
cette* fervitude , en n’exigeant plus d’autres béliers
que ceux de la Flandre & du Rouffillon pour
relever , dans les provinces de France , les efpèces
communes des troupeaux.
Plus févète fur cet objet, M. de Lormoy veut
qu’on ait des béliers de ces belles races étrangères
-;"qtie tous les mâles qui en proviennent
foient coupés , & que le même bélier continue
de couvrir les femelles qui proviennent de fa
race, & cela pendant plufieurs générations : ce
n’eft pas qu’une brebis du pays , couverte par
un bélier de pure race , ne donne accidentellement
de très-beaux mâles, mais l’efpèce ne tarde
pas à retomber dans la médiocrité.
Si M. de Lormoy eft plus rigide que M. Daubenton
fur le choix des; races de bélier , il l’eft
moins que lui fur l’éducation des troupeaux. M.
Daubenton leur interdit tout abri dans les faifons
les plus froides, dans les temps les plus, pluvieux.
M. de Lormoy , tout en condamnant, avec M.
Daubenton , les bergeries , accorde aux troupeaux
un hangar, où ils puiffent s’abriter , au moins
quand ils le veulent, les abandonnant à cet égard,
à leur itiftinél. M. de Lormoy obferve que les
plus belles laines proviennent des pays les plus
chauds que la chaleur du climat contribue à
porter le fuint depuis la naiffance de la laine jufqu’à
fon extrémité ; que c’eft ce fuint qui donne
aux laines la fineffe, la foupleffe , l’élafticité &
la folidité qui en font le prix ; que les laines du
nord , celles de Suède , du Danemarck font dures,
ôç fèches , & que les laines d’Angleterre , o ii.
les troupeaux n’ont point d’ahr itiennent de ces
défauts-là.
M. de Lormoy ajoute qu’il n’a jamais vu d’ours
fortir de fa tanière , lorfque le froid eft à trente-
deux degrés ; & que fi un animal aufli robufte,
aufli fauvage , qui paroît deftiné. à fupporter les
froids du nord , fe met à l’abri de fes rigueurs, à
combien plus forte raifon- le mouton doit-il en
chercher un , lui dont la conftitution eft infiniment
plus délicate.
Cependant M. de Lormoy regarde le froid
comme bien moins préjudiciable aux troupeaux
que les pluies ; il obferve que fi les rofées & les
pluies douces- contribuent à. là bonté de la laine ,,
il n’en eft pas de même des neiges, des frimats,
. des brouillards , & fur-tout de la continuité des
pluies ; que les Anglois perdent,. & que lui-même
a perdu, dans les années pluvieufes beaucoup
de bêtes. D ’ailleurs M. de Lormoy. remarque qu^à.
la fuite, des hivers pluvieux v la laine, eft infiniment
moins belle.
M. de Lormoy-a»pour lui:une expérience de-
trente années depuis lefquelles il fe livre à l’éducation
des troupeaux , &.la comparaifon qu’il
. a été à portée de faire dans les divers pays d e
; . l’Europe & de_VAfrique. ,, qu’il, a parcourus.en;