
C ’e ft, au furplus, encore une vieille erreur
de vouloir s’oppofer à cette fonte, d’autant qu’il
eft prefqu’impoflible de l’empêcher, lorfque l’intérêt
des artiftes la commande.
Le luxe ne confomme pas toutes les matières
qui entrent annuellement en France par l’effet de
la balance du commerce ; lorfque les manufactures
font pourvues de la portion de ces matières
dont elles ont befoin , l’excédant fe porte aux
hôtels des monnoies.
Si les artiftes fondent mille marcs d’efpèces,
ils prendront mille marcs de matières de moins
fur la portion qui leur eft deftinée ; celle des
monnoies fe trouvera conféquemment augmentée
de ces mille marcs, & le Roi y gagnera une!
augmentation de produit de fon droit de fei-
gn'euriage.
S i , dans une autre hypothèfe , l’orfévre fe
détermine à fondre les efpèces, parce qu’il ne
peut pas fe procurer d’autres matières, il eft encore
de l’intérêt du Roi de ne pas s’y oppofer,
parce que la converfion de ces efpèces en ouvrages
, fournit à la fubfiftance de cet artifte &
des ouvriers qu’il emploie ; elle le met en état
de payer les impofitions ; elle donne lieu à une
perception de droits de contrôle ; elle contribue
même à l’augmentation du numéraire, fi ces ouvrages
font pour l’étranger, parce que le produit
de la vente fait rentrer à-la-fois la valeur de la
matière & le prix de la façon, qui, comme on
l’a déjà obfervé, eft une des fources de la richeffe
nationale.
S’il arrivoit enfin que la défenfe de fondre les
efpèces , jointe à la rareté ou à la cherté des
matières, mît Fartifte françois dans l’impofiibilité
de fatisfaire aux demandes d’un grand nombre de
confommateurs , pour qui les ouvrages de l’o r-.
févrerie font devenus d’une néeefïité abfolue, &
les forçât de s’en pourvoir chez l’étranger, l’exportation
des efpèces deftinées au paiement de
ces ouvrages n’abforberoit-elle pas une portion
de numéraire plus confidérable que celle que cet
artifte auroit fondue, s’il en eût eu la permifiion,
puifqu’il faudroit ajouter à la valeur de la matière
le prix de la façon ?
Cette défenfe produiroit donc, fous ces rapports
, des effets directement oppofés à fon objet
; elle auroit de plus l’inconvénient de faire
valoir l’induftrie étrangère- au préjudice de celle
de la nation.
4°. On a pu fe convaincre, par tout ce qui
vient d’être expofé, que ie changement de proportion
n'empêche pas que les particuliers ne foient
lêfés dans réchange des métaux qui fe fait avec
l’étranger. Pour juger s’ils le font dans l’échange
des anciens louis avec lès nouveaux, il faut fe
rappeler qu’un marc d’or converti en efpèces,
contient 4149 grains de matières au titre de 24 ka-
rats. Ces 4149 grains divifès par 30 (ancienne
divifion du marc des louis ) , donnent 138^ grains
d’or pur pour chaque louis de l’ancienne fabrication.
.
On a vu ci - devant que chaque louis de la
nouvelle fabrication ne contient que 129 grains
de matières au même titre. Le marc des anciens
louis ayant été admis au change pour 750 liv,
& payé en nouvelles efpèces , chaque marc de
ces anciens louis a été payé avec 3.1 louis •§ de
'la nouvelle fabrication ; on n’a conféquemment
reçu que 4051 \ grains d’or en échange de 4149,
ce qui fait 97 grains d’or fin de perte par marc,
lefquels valent, au prix du dernier tarif, 17 livres
5 fols .3 deniers.
Si le public a porté au change 800,000 marcs
d’anciens louis, valant fix cens millions,. ( à rai-,
fon de 750 liv. le marc), fa perte s’ efi élevée à
13,800,000 livres.
T R O I S I È M E M O T I F
D E L A D É C L A R A T I O N ,
Ce motif confifte en ce que « les monnoies d’or ont
« actuellement, comme métal, une valeur fupé-
u rieure à celle que leur dénomination exprime,
<1 & fuivant laquelle on les échange contre les
« monnoies d'argent, n
On a dit ci-devant que l’or au titre des louis
fe vendoit en feptembre 1785, 740 liv. 5 f., le
marc : trente de ces efpèces , reprèfentant un
marc, équivaloient, à cette époque, à 73 5 liv. 8 fols
8 den., en fuppofant que depuis leur fabrication
elles n’euffent perdu chacune qu’un grain
de leur poids ; la valeur intrinféque de chaque
louis excédoit conféquemment de 10 f. 3 den.
celle que fa dénomination exprimoit & pour
laquelle on l’échangeoit contre les monnoies
d’argent-
Cet excédant provenoit de l’augmentation du
prix des matières; & comme cette augmentation
étoit, ainfi qu’on l’a démontré ci-devant, l’effet
des mefures prifes par le gouvernement, pour
faire verfer aux hôtels des monnoies une, plus,
grande quantité de ces matières, la ceffation de
ces mefures étoit'tout à - la - fo is le moyen le
moins fujet à inconvénient, le plus efficace, &
le plus prompt que l’on pût employer pour rétablir
l’équilibre entre la valeur intrinféque & la
valeur numéraire des efpèces : l’exemple du paffé
l’indiquoit , & l’expérience en garantifibit le
fuccès.
La fuppreffion des furachats auroit indubitablement
fait retomber le prix des matières à
708 liv. 12 fols , ainfi que cela étoit arrivé au
mois de mai 1778 , peu de temps après que
M. Necker eut fait fupprimer le furachat général
accordé par M. Turgot.
Comment a-t-on pu préférer à un moyen auffî
faE- le parti, non-feulement de renoncer, en
refondant les efpèces d’o r , & en altérant leur
poids , au fyftême de fiabilité dont on avoit reconnu’
fi authentiquement les avantages en 17 71,
mais encore d’augmenter le feigneuriage, & de
fixer, par un nouveau tarif, à 747 hv. 13 fols
_ den., le prix du marc de ces matières, c’eft-à-
dire, à un pour cent au-deffus de celui fur lequel’
on établiffoit la néeefïité de la refonte?
Comment parviendroit-on à prouver qu’une
augmentation provenant dit fait du gouvernement
, en néceffitoit une plus confidérable de fa
^En vain diroit-on, pour jufiifier. une opéra-
'tion aufli inconféquente , que la première augmentation
en ayant déterminé une plus, forte de •
la part du commerce , l’adminiftration fe trou-
y0;t forcée d’élever encore le prix qu’elle aVoit
adopté, pour fe rapprocher de celui du commerce;
H a été démontré que tous les facrifices
que fait le gouvernement pour parvenir à ce but,
font inutiles, & produifent des effets aufli oppofés
à fes vues , que contraires aux intérêts de
l’état .& du commerce'. . : '
Dût-on d’ailleurs admettre la prétendue .necef-
, plt£ de ce rapprochement, ce qui en excède le
terme dans la nouvelle fixation, ne pourroit être
iuftifiè par aucun motif. , .'
Ce n’eft pas, au furplus, la première fois que
les efpèces d’or fe font trouvées avoir , comme
métal , une valeur fupèrieure à celle que leur
dénomination exprimoit.
Le marc d’or , au titre des louis, fe vendoit,
en avril 17.80, 734 liv. à fols 11 den.^ en fup-
pofaht que chaque louis n’eut perdu qu un grain
de fon poids, la Valeur intrinféque de 30 de ces
efpèces, reprèfentant un marc, étoit, d apres ce
prix , de 729 liv... 11 fols 4 den., quoiqu elles
n’euffent cours que pour 720 liv.. La valeur de
chaque louis confidéré comme métal, excedoit
conféquemment de 6 fols 4 den. y, fa, valeur numéraire..
, . , .
La livre d’or au titre des guinées, fe vendoit
à Londres 48 liv. 13 fols fterlings a la fin de
l'année 1782, quoique 44£ de ces efpeces, com-
pofant une livre, n’euffent cours que pour 46I1V.
14 fois 6 den, fterlings.
Il ÿ avoit entre ces deux valeurs une différence
de 38 fols;,6 den. fterlings, reprèfentant (au
change de: 30 deniers .fterlings pour un ecu) 46liv.
4 f. tournois, enforte que la valeur intrinféque
d’une.guinée excédoit de 20 fols 9 deniers celle
pour laquelle ce tte mon noie avoit cours.
Le prix des matières éprouve fouvent de pareilles
révolutions, fur-tout en temps de guerre ;
mais elles n’ont , jamais porté .le gouvernement
Anglais à s’écarter du plan de Habilite qu il fuit
invariablement, parce que l’experience 1 a çonvaincu
qu’elles ceffent ordinairement avec le*
caufes qui les ont produites.
Les repréfentations que l’on fit à M. Necker
en 5 7 8 0 fur ce que la valeur intrinféque des
louis excédoit alors leur valeur numéraire, ne le
déterminèrent point à propofer au Roi d’ordonner
la refonte de ces.efpèces, & d’en altérer le titre
ou le poids ; il penfa que l’augmentation dii prix
des matières, d’où provenoit cet excédent, cefib-
roit avec les circonfiances qui y avoient donné
lieu, & l’événement a pleinement juftifié fon opinion
, puifque, dès la fin de l ’année de la figna-
ture de la paix, ces matières ètoient retombées
au prix auquel elles fe vendoient en janvier 1773 :
elles feroient vraifemblablement encore à ce prix ,
peut-être même au-défions, ainfi que cela eit arrivé
en Angleterre , fi l’adminiftration n’avoit fait
aucune opération qui en eût provoqué l’augmentation.
11 réfulte de ces obfervations , que la différence
qui exiftoit en feptembre 1785 , entre la valeur
des efpèces d’o r , confidérées comme, métal,
& celle que leur dénomination exprimoit, ne
pouvoit pas être un- motif, ni fervir de prétexte
pour en ordonner ia refonte, même dans le cas
où l’augmentation du prix des matières , d’ouy
provenoit cette différence, auroit eu des caufe*'
étrangères à l’adminiftration.
R É F L E X I O N S G É N É R A L E S .
Lorfque les hommes font convenus d’échanger
une certaine mefure de blé contre Une quantité
déterminée, d’or ou d’argent, ils ont reconnu la
néceffité de divifer ces métaux en différentes portions,
qui les rendiffent propres à ces échanges;
S’étant aperçus enfuite qu’ils pourroient être trompés
fur le titre de ces matières , par les alliages
dont elles étoient fufceptibles, ils ont penfé que
le feul moyen d’obvier à cer inconvénient, fe-
roit de remettre entre des mains pures. & définté-
reffées , le foin de faire faire cette divifion, &
d’imprimer fur chaque portion de métal une marque
qui en indiquât le poids, en même temps
qu’elle en garantiroit le titre.
C ’eft de la confiance du peuple, de leur jufiiee
& de leur défintéreffement, que les fouverains
tiennent originairement le droit.exclufif de faire
fabriquer les efpèces & de les faire frapper à leur
coin : cette prérogative eft, fous ces. rapports,
un des plus nobles attributs de la fouveraineté. '
Il étoit convenable, fans doute, que les frais
de cette fabrication fuffent payés par le tréfor
public , parce qu’il n’eût pas été jufte que le«
dépenfes d’une manipulation dont Futilité conj--
mune étoit le principal objet, fuffent à la charge
de celui à qui elle étoit confiée , ni à celle du
propriétaire des matières.
Ces confidérations portèrent les Romains -à or-
i donner que les monnoies feroient fabriquées aux