
Aubry Olivier s’affocia Jean Rondel & Etienne
de Laulne, les plus habiles graveurs du temps,
qui firent les poinçons & les carrés.
Cette monnoie fut la plus belle qu’on eût encore
vue ; mais parce que la depenfe excédoit
de beaucoup celle de la monnoie au marteau,
il arriva qu’en 1585 , Henri III défendit de faire
à l’avenir de la monnoie au moulin, & les machines
d’Aubry Olivier ne fervirent plus qu’à frapper
des médailles, des jetons, & autres pièces
de ce genre.
Nicolas Briot tâcha, en 1616 & en 1623, de
faire recevoir à la monnoie l’ufage d’une nouvelle
machine très-propre au mon noyage, qu’il
difoit avoir inventée ; mais n’ayant pu la faire
goûter dans ce royaume, il fe rendit en Angleterre,
où on l’approuva peu de temps après.
Les machines d’Aubry Olivier ayant paffé des
mains de fes héritiers dans celles de Warin,
celui-ci les perfe&ionna, de façon qu’il n’y eut
plus rien de comparable pour la force, la viteffe
& la facilité avec lesquelles on y frappoit toutes
fortes de pièces, qui y recevoient l’empreinte
d’un feul coup, au lieu qu’auparavant on ne
pouvoit les marquer que par fept ou huit coups,
dont l’un gâtoit bien fouvent l’empreinte des
autres.
Des avantages fi fenfibles, firent qu’en 1640
on commença à Paris à ne plus fe fervir que
du balancier & des autres machines néceffaires
pour monnoyer au moulin ; & jufqu’àu mois de
mars 1645 > on fnpprima entièrement en France
l’ufage du monnoyage au marteau.
Pour lors Warin fut nommé maître & direâeur-
général des monnoies dans le royaume, & nos
efpèces .devinrent fi belles & fi parfaites, qu’elles
ont été admirées de toutes les nations policées.
A cette invention on en a ajouté une autre,
qui eft celle de marquer au cordon fur la tranche
des efpèces d’or & d’argent, en même-temps
qu’on marque la pile. La machine fervant à cet
ufage a été inventée par le fieur Caftaing , ingénieur
du Roi : on commença à l’employer -en
1685.
Pour le monnoyage au laminoir & au balancier
, il faut les poinçons des matrices ou des
carrés avec lesquels on puiffe imprimer fur les
flans , c’eft-à-dire, fur les morceaux de métal
difpofés à recevoir l’effigie du prince , & les autres
marques & légendes qui caraâerifent les efpèces,
& qui règlent leur poids & leur prix.
Les monnoyeurs ne fabriquent point d’efpèces
d’or & d’argent fans alliage, & mettent toujours
du cuivre avec ces deux métaux. Les raifons de
ces coutumes font la rareté de ces métaux, la
néceffité de les rendre plus durs par le mélange
de quelque corps étranger, & en outre, par ce
moyen, d’éviter les dépenfes delà fabrication, qui
fe doivent prendre fur les efpèces fabriquées.
Il y a deux fortes d’alliage qui fe font dans k
fabrique des monnoies : l’u n , quand on emploie
des matières d’or & d’argent qui n’ont point en«
core fervi pour le monnoyage ; & l’autre, lorfque
l’on fond enfemble diverfes fortes d’efpèces ou
de lingots de différents titres, pour en faire une
nouvelle monnoie.
L ’évaluation, ou plutôt la proportion de l’alliage
avec le fin, eft facile dans le premier cas ;
mais elle a plus de difficulté dans le fécond. Tous
les auteurs qui ont traité des monnoies , ont donné
des tables pour faire cette rédu&ion ; & les calculs
donnent auffi des méthodes & formules d’alliage
dont on peut fe fervir.
Voici une méthode que l’on fuit affez communément
, quand on veut faire un alliage ou
plutôt l’évaluation de l’alliage pour ajouter ou
diminuer ce qui manque au titre ; on dreffe un
bordereau des matières qu’on veut fondre, contenant
leurs qualités, leurs poids & leurs titres ;
on partage enfuite ce bordereau en deux autres,
dont l’un comprend toutes les matières qui font
au-deffus du titre auquel fe doit faire la fonte,
& l’autre , toutes celles qui font au-deffous.
Ayant calculé chaque bordereau féparément,
on voit, par le calcul des premières, ce que les
matières fortes de titre ont au-deffus du titre ordonné
; & par le calcul du fécond , ce que les
matière foibles ont au-deffous ; enforte que les
deux rèfültats étant comparés , on fait précifé-
ment par une fouftraâion, combien il faut ajouter
ou de fin ou d’alliage pour réduire toutes les
matières au titre réglé pour la ■ nouvelle fonte.
A l’égard de la fonte, fi c’eft de la monnoie
d’o r , elle fe fait dans les creufets de terre, de
peur que l’or ne s’aigriffe ; mais fi c’eft de l’argent
, du billon ou du cuivre , on fe fert du creu-
fet de fer fondu ^ en manière de petits féaux
fans anfes, ou de caffes.
Deux fortes de fourneaux font propres pour la
fonte des monnoies ; ceux à vent & ceux à
foufflet.
Quand l’o r , l’argent, ou les autres métaux
font en bain, c’eft-à-dire, entièrement fondus,
on les braffe avec des cannes ou braffoirs de terre
cuite, appelés quilles, pour l’o r , & de fer, pour
l ’argent, billon & cuivre..
En cet état on les coule dans les moules. ou
châffis' pour faire les lames ; ce qui fe fait de la
même manière que les fondeurs en fable, tant
pour les maffifs, que pour la manière de corroyer
la terre & d’y arranger les modèles.
Les modèles des monnoies font des lames de
bois élevées de relief fur la planche gravée, longue
d’environ quinze pouces , & à peu-rprès de l’,é-
paiffeur des efpèces à fabriquer.
Les moules pour l’or & l’argent en ont communément
fept pour le tour des louis., écus, &
dix pour les demi-louis & petites pièces d’argent
OU de b i l lo n : o n e n f a i t à p r o p o r t io n p o u r l e
cuivre. . ..
La feule diftérence qu’il y a entre la maniéré |
de jeter l’or en lame, & celle dont on fe fert
pour les autres métaux, c’ eft que l’argent, bil-
lon ou cuivre fe tirent des creufets avec de
grandes cuillers à long manche, pour les verfer
par le jet du moule ; & que pour l’or ç>n fe fert
de tenailles à croiffant, faites comme celles des
fondeurs, avec lefquelles on porte auffi , comme
eux, le creufet tout plein d’or en bain pour en
remplir le moule.
Monnoyage au laminoir.
Les lames ayant été retirées des moules, les
parties baveufes en font emportées avec une ferpe,
ce que l’on appelle èbarber ; on les gratte &
nétoie avec la gratte-broffe ; enfuite on les paffe
plufieurs fois au laminoir, pour les applatir, &
fuccelfivement par différens laminoirs, pour les
réduire à la jufte épaiffeùr qu’elles doivent avoir :
ces lames font deftinées à faire des flans.
Il faut obferver que les lames d’or font re-
cuites avant de paffer au laminoir.
Pour les recuire, . on les met fur un fourneau
de recuite ; on les fait prefque rougir ; enfuite
on les jette dans l’eau pour les adoucir, faire
qu’elles s’étendent plus facilement, & empêcher ;
que leur aigreur ne les faffe caffer au dégroffi, ;
ce qui arrive néanmoins quelquefois, malgré cette
précaution.
Quant aux lames d’argent, elles paffent en
blanc, étant recuites, au degroffiement pour la
première fois ; enfuite on les recuit, ’on les laiffe ;
refroidir d’elles-mêmes & fans les mettre à l’eau, :
de crainte que, par un effet contraire a 1 or , la
matière ne s’aigriffe. On les recuit trois eu quatre
fois, & on.les pâffe fept ou huit au laminoir.
Voyei les planches 7 , 8 & 9 , qui repréfentent
les laminoirs, à la fin du tome 3 des gravures, art
du monnoyage.
Les lames , foit d’or , foit* d’argent, foit de
cuivre, ayant été réduites autant qu’il eft poffible
à l’épaiffeur des efpèces à fabriquer , on les
coupe avec la machine appelée coupoir, qui eft
faite d’acier bien âcre , en forme d’emporte-
pièce , dont. le diamètre eft proportionné à la
pièce qu’on veut frapper.
Le morceau de métal emporté par cet infiniment
eft appelè flan, & ne prend le nom de
monnoie, qu’après que l’effigie du Roi y a été
empreinte.
Le coupoir eft compofé du coupoir dont on
vient de parler ; d’un arbre de fe r , dont le haut
eft à v is , & au bas duquel eft attaché le coupoir
; d’une manivelle pour faire tourner l’arbre ;
d’un écrou *>ù s’engraine la partie de l’arbre qui
eft à vis ; de deux platines à travers defquelles
l’arbre paffe perpendiculairement ; & au-deffous
du coupoir eft une troifième platine taillée en
creux.
Par le milieu du diamètre du flan qu’on veut
couper fur la platine en creux, on applique la v is ,
baillant le deffous du coupoir par le moyen de
la manivelle.
L’emporte-pièce coupe à l’endroit où elle porte
à faux.
Les flans coupés, on les livre aux ouvriers
ajufteurs & taillereffes , pour les rendre aux
poids denéraux, qui font des poids étalonnés,
fur lefquels doivent être réglées les monnoies,
chacune félon fon efpèce.
Si les flans font trop légers, on les cifaille;
s’ils font trop forts, on les lime avec une écouenne,
qui eft une forte de lime.
Les ajufteuts & les taillereffes répondent de
leurs travaux.
Après que les flans ont été ajuftés , on les
porte à l’attelier du blanchiment y c’eft-à-dire, au
;lieu où l’on donne la couleur aux flans d’o r , &
l’on blanchit ceux d’argent ; ce qui s’exécute en
les faifant recuire dans un fourneau, lorfqu’ils
ont été tirés & refroidis, en leur donnant la
bouillitoire.
Donner la bouillitoire aux flans, c’eft les faire
bouillir fucceflivement dans deux vaiffeaux de
cuivre appelés bouilloirs, avec de l’eau, du fel
commun & du tartre de Montpellier ou gravelle ;
& lorfqu’ils ont été bien épurés avec du fablon,
& bien lavés avec de l ’eau commune, les faire
fécher fur un feu de braife qu’on met deffous un
crible de cuivre où on les a placés au fortir des
bouilloirs.
Le blanchiment des flans fe faifoit autrefois
bien différemment *, & même l’ancienne manière
s’eft encore confervée parmi plufieurs orfèvres ou
ouvriers qui emploient l’or & l’argent pour blanchir,
& donner couleur à ces métaux.
Avant l’année 1685 , les flans qui avoient reçu
la bouillitoire étoient immédiatement portés au
balancier, pour y être frappés & y recevoir les
deux empreintes de Veffigie & de Yécuflbn ,* mais
depuis ce temps , en confèquence de l’ordonnance
de 1690, on les marque auparavant d’une
légende ou d’un cordonnet fur la tranche , afin
d’empêcher par cette nouvelle marque, la rognure
des efpèces, qui eft une des manières dont les
faux monnoyeurs altèrent les monnoies.
La machine pour marquer les flans fur la
tranche, quoique fimple, eft très-ingénieufe. Elle
confifte en deux lames d’acier faites en forme de
règle épaiffe d’environ une ligne, fur lefquelles
font gravées les légendes ou les cordonnets,
I moitié fur l’une, moitié fur l’autre ; l’une de ces
lames eft immobile, & fortement attachée avec
des vis fur une plaque de cuivre, qui l’eft elle-
même à une table fort épaiffe.
L’ autre lame eft mobile, & coule fur la plaque
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