
par exemple , appellent un peigne de mille dents
du nom de cinquante portées ; & fi. ces portées
de la chaîne font compofées de vingt fils , le
même peigne fe nommera de cent portées.
Cette variété caufe un embarras affez grand à
ceux qui parcourent les différentes ptovinces :
il feroit à fouhaiter que les dénominations &. les
idées qu’on y attache fuffent uniformes.
Les fabricans de Paris ont remédié à cet inconvénient
; ils défignent leurs peignes par le nombre
de dents dont ils font compofés : ainfi ion ;
dit un mille, un neuf-cents ,. &c.
La feule difficulté eft , que quelques-uns compren-
nent dans ce nombre les lifières , & les autres ne
les y comprennent pas ; mais plus ordinairement ÿ
quel que foit le nombre par lequel on défigne
un peigne , on :n’y comprend-- pas les; lifières ; &
l’on regarde comme étrangère à l’étoffe , cette
partie qui ne fert qu’à en faciliter la fabrication ,
puifqu’on la coupe ou remploie toujours.
Les peigriers qui divifent la longueur des jumelles
par portées , doivent fur-tout connoitre
combien il , en faut placer entre les lifières ; alors
ils divifent cette difiance en autant de parties
égales qu’elle doit contenir de portées.
Par exemple:, fi l’on veut faire un mille de peigne
( expreffion adoptée qui fignifie un peigne à
mille dents, & non pas un millier de peignes ,
comme il feroit plus exaét ) , on divife fon étendue
en vingt-cinq parties égales; pour un huit cents
on le divife en vingt; pourun neuf cents en vingt deux
& demi, dont chacune contiendra quarante dents.
Mais comme il feroit difficile de les y placer
toutes , parce qu’on ne fauroit. juger dans un
auffi grand efpace fi on les ferre comme le nombre
l’exige , il eft plus fur de fubdivifer chaque
divifion en deux parties, dont chacune doit contenir
vingt dents.
Il y a même des peigners qui, pour plus d’exactitude
, fubdivifent en quatre & même en huit parties
: ils font plus fûrs d’obferver l'écartement
convenable entre chaque dent ; au lieu que les
divifions étant grandes, on ne s’aperçoit qu’à
la fin fi le nombre requis de dents pourra ou
ne pourra pas y entrer; & s’il ne peut y entrer,
on force avec la batte les: dernières à fe
rapprocher plus qu’il ne faut, tandis que les
premières font trop efpacées.
Cette régularité peut cependant devenir minu-
tieufe, fur-tout lorfque les comptes des peignes
font fort fins; car fi pour un mille , fur.vingt
pouces de largeur , on fait une divifion pour chaque
cinq dmts, chaque, divifion aura à peu près
une ligne de iarge , puifque chaque pouce doit
contenir cinquante dents , . ce. qui fait- quatre
dents & un fixième dgns chaque ligne; J? & il
faudroit dans l’efpace de vingt pouces deux cents
diftaoces, dont chacune contint un peu plus de
quatre dents. :
fl fembie qu’il feroit plus, àvpropos de divifer
la longueur des jumelles en pouces, demi-pouces
& quarts de pouces , parce qu’on peut avoir une
mefure d’une aune toute divifée, qu’il fuffit de
préfenter aux jumelles pour y tracer les divifions
qui font toutes faites ; & moyennant cette opération
, il fuffit au peigner de favoir combien le
peigne qui! va faire , doit contenir de dents par
pouce ; & comme on a vu que les dents & le
ligneul ont dû être jaugés fuivant la place qu’ils
doivent occuper fur le peigne , il lui eft facile de
s’y accorder.
Suppofons qu’il ait à faire un douze Cents fur
trente pouces , il entrera quarante dents par pouce;
fi c’eft un neuf cents fur vingt pouces, il y en
entrera quarante-cinq'. Et pour tous les cas iltuf-
fit de favoir le total des dents & le nombre des
pouces ; on en conclura aifément pour les demis !
& les quarts de pouce.
1 II eft'à propos de divifer les jumelles en demis
& en quarts de pouces , pour être plus fur 1
de la jufteffe des opérations; néanmoins , comme
ces foufdivifidns donnent fouvent des fra&ions,
je vais prendre pour exemple deux cas où il s’en
rencontre.
Nous venons de voir qu’un neuf cents , fur
vingt pouces de largeur, doit contenir quarante-
cinq dents par pouce, ce fera vingt-deux &
demi par demi-pouce , & onze un quart par quart
de pouce; il faut avoir attention à chaque quart
de pouce, fi l’on remplit à infiniment peu près
l’efpace déterminé, de même aux demi-pouces ,
& enfin on vient à bout de tomber jufte aux
pouces. "
Le fécond exemple que je vais propofer eft tel,
que les fra&ions qui viennent à chaque pouce ,
s’accordent avec quelques-uns & ne s’accordent
pas à d’autres : je m’explique. Ces fra&ions font
telles, que de pouce en pouce‘elles ne tombent
pas jufte , & ne compofent pas un nombre entier
de dents ; mais dans un retour égal d’un
certain nombre de pouces , les fraétions s’eva-
noüiffent. . .
Soit un huit cents dents ' de' peigne fur dix-
huit pouces de longueur , chaque pouce contiendra
quarante-quatre dents; f , & ces fractions
11e formeront dè nombre complet qu-à" là moitié
du peigne , parce, que de tous les nombres dans
lefquels on peut divifer dix-huit pouces, il n’y
en a que neuf qui donnent un nombre entier , &
que les autres font tous fraâionnaires.
On ne fauroit éviter ces frayions ni fe dif-
penfer de cette exa&itude', lorfqu’on monte un
! peigne ; car comme les largeurs des étoffes font
ordinairement limitées , ;ori ne s’en écarte que
très-rarement: d’ailleurs les peigners ne font pas
maîtres; d’ajouter des dents ; ni d’en retrancher,
pour rt-ndré leurs nombres ronds , parce que le
nombre dé dents doit s’accorder avec celui des
. fils-, qu’rpn met à la chaîne & avec la largeur de
> l’étoffe. :,r r. ■;
Il eft vrai'cependant que", fur une quantité de
dents fort minces, on peut en ajouter une ou
deux’ ; mais fi dans le dernier exemple on né-
(rlieedi-t la fràâion £ par pouce , il manqueroit
fur6la totali é du peigne huit dents ; & fi on
vouloit les ajouter au bout du peigne , on le
rendroit trop long d’environ deux lignes & demie
: ainfi l’on tomberoit toujours dans le même
inconvénient. • . . ,, , , , „
Plus le nombre de dents eft conkderabie dans
la totalité du peigne , moins les frayions deviennent
fenfibles fi on les néglige ; & quand ce
nombre eft petit , il faut en tenir compte foi-
gneufement. .
On vient de voir que fur un peigne de -huit
cents dents , les fra&ions négligées: faifoient une
différence de plus de deux lignes-; fi ce peigne
n’avoit que cinq dents fur la meme largeur , il
contiendroit vingt-fept dents f par pouce ; eette
fra&ion, négligée à chaque d entd onneroit un
déficit de quatorze dents ; & fi on vouloit les
ajouter enfuite, le peigne auroit près d un demi-
pouce de plus qu’il ne doit avoir.
On peut éviter les fraôions dans beaucoup de
cas, en rempliffant néanmoins la longueur du peigne
du nomDre de dents qu’il doit avoir : voici
comme il faut s’y prendre.
Je fuppofe que le nombre de dents donne une
fraélion par pouce, qui rende le travail difficile ;
on peut alors abandonner la divifion par pouces ,
& fe fervir de celle par portées , demi-portées ,
quarts , &c. ou tel autre nombre. x
Les fubdivifions que je recommande font tres-
utiles pour corriger les erreurs que l’inégalité des
coups de batte occafionne fouvent ; & lorfqu a
chaque fubdivifion on 's’aperçoit qu on ne le
rencontre pas jufte fur chaque paire de jumelles
, on frappe un peu plus fur le cote qui avance
trop.
Il peut arriver, auffi , quoique très-rarement ,
qu’on ait trop frappé avec la batte , & qu alors
les dents occupent moins d’elpace que la fubdivifion
ne marquait. Lorfqu’on s’en aperçoit , c eft
une preuve, non pas qu’on a trop ferré, car on
ne fauroit trop le faire , mais que le ligneul eft
trop menu, & alors il faut en prendre de plus
gros. ,
Lorfqu’un ouvrier a une fols adopte une manière
de divifer la longueur de fon peigne , il ;
doit continuer de s’en fervir , fans quoi il rifque
de confondre Tune avec l’autre , & de fe tromper
dans le nombre de dents. j
Il eft certain que la divifion par .pouces , demi-
pouces, &c. éft plus fûre que celle par portées ,
parce que celle-ci ne contient pas un efpace égal
dans toutes fortes de comptes de peignes , &
qu’elle varie dans prefque tôus. Je. vais rendre cela
fenfible par des. exemples.-.. _ j
Ayant à-eonllruire deuxopeignes , dont l’un ait
nplle dents .fur vingt polices , & l’autre quinze!
cents fur trente,, les portées de l’un fe rapporteront
avec celles de l’autre ; mais fi 1 on veut
faire un neuf cents fur vingt pouces , ou un mille
fur d ix -neu f ou fur vingt-deux pouces, ou un
neuf cents fur dix-huit pouces, il nefl pas pof-
fible de trouver de rapport entre les portées des
uns & des autres : il faudra donc autant de différentes
mefures pour divifer chacun par portées ;
ou plutôt, il faut à chaque changement de peigne
, combiner les moyens de divifer les jumelles
en autant de parties quelles doivent contenir
de quarantaines, de vingtaines , de dixaines
de dents, &c.
Cette difficu’tê n’exiftoit pas autrefois, parce
que les comptes des peignes ètoient prefque fixés
pour toutes -fortes d’étoffes ; les | largeurs & le
nombre des brins dont une chaîne devoit être
compofée , étoient même fixés par des arrêts &
édits, ainfi qu’on j peut le voir par les ftatuts &
réglemens de toutes les communautés des fabricans
d’étoffes qui font en jurande.
Les peigners avoient des divifions faites pour chaque
compte de peignes en particulier ; mais à prélent
que les fabricans ont la liberté de donner aux
étoffes la largeur qu’ils jugent à propos , & d’employer
des chaires, à tel nombre de brins qu’ils
veulent, on trouve une variété infinie dans la
longueur des peignes , parce que tel fabricant eft
libre de mettre foixante portées pour un taffetas
en demi-aune de largeur , pour lequel fon confrère
n’en met que cinquante - cinq. Il faut donc
que le peigner qui travaille pour tous deux, faffe
deux peignes différens pour un même ufage.
Un fabricant fera fon taffetas de la même largeur
qu’un autre ; mais pour trouver moyen de
lâcher quelque chofe du prix courant fans y perdre,
il affamera la chaîne du nombre de brins quelle
devroit avoir, ce qui rend l’étoffe moins bonne ;
& l’acheteur croit avoir bon marche dune étoffé
dont la largeur le féduit & la modicité du prix le
détermine , ne pouvant apprécier a la main la
1 différence des deux. Cette l"rberté(’à fes inconvé-
niéris , fans doute , mais c eft s! 1 acheteur a fe
tenir fur fes gardes: du reftéj, elle a influé beaucoup
fur la perfe&ion des' manüfaftures , en répandant
une variété infinie fur les1 tiffus de tout
genre „ & le génie n’a plus Connu de bornes à fes
produirions.
Les ouvriers fe fervent ordinairement d’un compas
pou-r divifer la longueur de leurs jumellés.
■ Get inftrûmeht eft trop connu pour qu’on s’arrête
à lé décrire r il faut avoir grande attention dans
: eette operation , qué le compas ne varie pas, &
que la main foit bien fûre ; la plus petite erreur
devient de la plus grande conséquence , parce
que d’erreurs en erreurs les différences deviennent
très-fenfibles. "3-‘‘
Indépendamment de l’égalité que doivent avoir
•les divifions & ,fub divifions entre elles & furies
. jumélles , il faut encore que chacune, réponde à