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MO R T E L L I E R - (Art du)
C et art étoit fort Ample ; il confiftoit à battre
dans des mortiers certaines pierres dures, & à
les réduire en pouffière pour en faire du ciment.
Les ouvriers qui travailloient à ce pénible métier,
habitoient à Paris, près la grève, une rue qui a
été appelée rue de la mortellerie.
Ces mortelliers ont eu des ftatuts très-anciens,
qui fe trouvent confondus avec ceux des maçons,
des tailleurs de pierres & des plâtriers. Dans le
cinquième, article de ces anciens llatuts, il eft dit
que le mortellier & le plâtrier font « de la même
« condition & du même établiffement des maçons
« en toutes chofes ; que le maître qui garde le
«c métier des maçons , des plâtriers & mortelliers
« de Paris de par le Roi, peut avoir feulement
« deux apprentis.' »
Comme le moilon qu’on dépofe au port de la
grève, & qu’on nomme très-improprement pierre
meulière, eft un moilon plein de trous & fort dur,
qu’il eft recherché pour conftruire les murs de
fondation, & principalement ceux qui font dan*
l’eau, il y a tout lieu de croire que les Mortel-
liers pulvérifoient ce moilon pour en faire un
certain ciment impénétrable à l’eau, & que l’u-
fage de ce moilon mis en poudre, n’a ceffé que-
lorfqu’on lui a fubflitué de la brique pulvérifée.
Peut-être auffi cette poudre de moilons faifoit'
elle un ciment plus dur, plus durable que la
pouffière fa&ice d’une terre cuite, & qu’elle étoit
d’une meilleure qualité pour faire lés liaifons
& les joints des pierres dans les bâtimens, &
pour empêcher la filtration des eaux.
. Quoi qu’il en foit, il eft confiant que les Mortelliers
d’alors étoient employés à un travail
plus pénible, plus long & plus coûteux que les
manoeuvres d’à-préfent, qui, au lieu de piler la
tuile & la brique dans un mortier, l’écrâfent
avec un gros marteau, & la paffent enfuite pour
la rendre propre aux ouvrages auxquels elle doit
fenrir. ‘
MO R U E S , MERLUCHE S , C O N G R E S .
(Art de pêcher et de préparer ces poissons.)
De la Morue.
L a morue eft un poiffon de mer, dont la
longueur s’étend jufqu’à trois à quatre pieds, &
dont la largeur eft d’environ neuf à dix pouces ;
il a le corps gros & arrondi , le ventre fort
avancé, le dos & les côtés d’une couleur olivâtre,
fale ou brune, mêlée de taches jaunâtres;
les écailles petites & très-adhérentes à la peau;
les yeux grands & couverts d’une membrane
lâche & diaphane, & l’iris des yeux eft blanc :
il y a fur les côtés une large ligne blanche, qui
s’étend depuis l’angle fupérieur des ouies jufqu’à
la queue , en fuivant la courbure du ventre.
Ce poiffon n’a qu’un feul barbillon, long à
peine d’un doigt, qui tient au coin de la mâchoire
inférieure. La langue eft large , molle,
ronde; les mâchoires ont des dents difpofées en
plufieurs rangs, dont l’un eft compofé de dents
beaucoup plus longues que les autres. Il fe trouve,
comme dans le brochet, plufieurs dents mobiles
entre les dents folides. On découvre encore de
petites dents placées fort près les unes des autres
entre les dernières ouies, fur le haut du palais,
& même plus bas y près l’orifice de l’eftomac.
La morue a trois nageoires fur le dos , une à
chaque ouie, une de chaque côté de la poitrine,
&deux derrière l’anus, l’une au-devant de l’autre.
La queue eft prefque plate & non fourchue.
On diflingue deux fortes de moruer, l’une qui
s appelle morue verte ou blanche , l’autre morue
fiche y ou parée, ou merlu, ou merluche.
La pêche s’en fait dans la baie du Canada, au
grand banc de Terre-neuve , au banc V e r t, à 1’ifle Sainte-Pierre & à l’ifle de Sable.
On fe fert de vaiffeaux à deux ponts , ordinairement
du port de 100 à 150 tonneaux , pour
charger 30^35 milliers de morue verte..
On a des lignes, des calles dé plomb, des hameçons
& des rêts.
Parmi ceux qui s’embarquent pour cette pèche,
il faut de bons trancheurs, de bon décolleurs &
de bon faleurs.
On attribue la découverte du grand & petit
banc des m oruesà des pêcheurs basques qui y
arrivèrent en pourfuivant des baleines, cent ans
avant Je voyâge de Colomb; d’autres en font
honneur à un Malouin nommé Jacques Cartier.
Cette pêche fe fait ordinairement depuis le
commencement de février jufqu’à la fin d’avril ;
tout eft fait ordinairement en un mois ou fix fe-
maines , quelquefois auffi on emploie quatre à
cinq mois.
Chaque pêcheur ne pêche qu*une morue à la
fois ; mais ce poiffon eft fi abondant qu’il ^en
prend depuis 350 jufqu’à 400 par jour.
La pefanteur du poiffon & le grand froid rendent
ce travail fatigant.
La morue verte qui n’eft pas deftinée à £tre
féchée, fe fale à bord du vaiffeau. Le dècolleur lui
coupe la tête, le trancheur l’ouvre , le faleur l’arrange
à fond de cale tête contre queue, & queue
contre tête.
Quand il en a fait une couche d’une brafle ou
deux en carré , il la couvre de fe l, & ainfi de
toute la pêche du jour.
On ne mêle point enfemble la pêche de (üffé-
rens jours.
On laiffe auffi la morue trois à quatre jours
égoutter fon eau, puis on la fait placer dans un
autre endroit : on la refale ; alors on r»*y-touche
plus que l’on n’en ait la charge d’un navire.
Les habitans des fables d’Oionne font ceux qui,
parmi nous, s’adonnent le plus à cette pêche ; &
pour encourager le capitaine & fon équipage,
on leur dorine le tiers de la morue qu’ils rapportent.
Avant de pêcher la morue verte, ils font une
galerie fur leur bâtiment, dans toute fa longueur
; quelquefois elle n’eft que depuis le grand
inât en arrière.
Lorfque la galerie eft conftruite, ils mettent
en dehors des barils défoncés par un bout, dans
chacun defquels entre un matelot pêcheur ( qui
y eft à l’abri du mauvais temps par un toit goudronné
tenant au baril ). Ce matelot paffe fa tête
par-deffus ; un moufle prend les poiffons à
mefure qu’ïl les pêche, les porte au dècolleur qui
eft fur le pont, qui leur coupe la tête & qui en
arrache les noues ou les entrailles, qu’on fale avec
la langue ; il leur ôte enfuite le foie qu’il met
dans des cajots, efpèce de cuves où on les laiffe
corrompre pour en tirer l’huile.
Cette opération faite, le décolleur, par l’ou-
yerture d’une petite écoutille ou trou carré, faif