
f i t , lequel il pôuvoit prendre s’il lui plalfoit,
mais vouloit qu’il demeurât au peuple. Louis XIII
& Louis XIV ont fuivi une ou deux fois cette
méthode.
Il convient de remarquer que ce que nos anciens
rois prenoient fur la fabrication de leurs
monnoies, étoit un des principaux revenus de leur
domaine : ce qui a duré jufqu’à Charles VII.
Auffi, lorfque le befoin de l’état le demandoit,
le Roi non-feulement augmentoit ce droit, & le?
voit de plus groffes fommes fur la fabrication
des monnoies , mais par une politique bien malentendue
, il les affoibliffoit, c’eft-à-dire, en di-
minuoit la bonté : c’eft ce que nous apprend un
plaidoyer fait en l’an 1304, par le procureur du
roi Philippe -le-Bel, contre le comte de Nevers,
qui avoit affoibli fa monnoie : « abaiffier &
« amenuifier la monnoie , dit le procureur-géné-
« ral, eft privilège efpécial au Roi, de fon droit
« roy al, fi que à lui appartient & non à autre;
« & encore en un feul cas, c’eft à favoir en
« néceffité, & lors non pour le convertir en fon
« profit efpécial, mais en la défenfe d’un com-
« mun. » *
Sous la troifième race, dès que les Rois man-
quoient d’argent , ils affoibliffoient leurs monnoies
, pour fubvenir à leurs befoins ou à ceux
de l’état, n’y ayant encore ni aides, ni tailles.
Charles VI ; dans une de fes ordonnances, déclare
qu’il eft obligé d’affoiblir fes monnoies, pour
réfifter à fon adverfaire d’Angleterre ,. & obvier
à fa damnable entreprife, attendu, ajoute-il, que
de préfent nous n’avons aucun autre revenu de
notre domaine, dont nous nous puiffions aider.
Les grandes guerres que les fucceffeurs de
St. Louis eurent à foutenir contre les Anglois,
les obligèrent fouvent de pratiquer ce dangereux
moyen pour avoir de l’argent. Charles V I I , dans
la preffante néceffité de Tes affaires, pouffa l’af-
foibliffement fi loin, & leva un fi gros droit fur
les monnoies, qu’il retenoit les trois-quarts d’un
marc d’argent pour.fon. droit de feigneuriage & de
brajfage ; il prenoit encore une plus groffe traite
fur le marc d’or.
M. Leblanc dit avoir lu dans un manufcrit de
ce temps-là, que le peuple fe reffouvenant de
l’incommodité & des dommages infinis qu’il avoit
reçus de l’affoibliffement des monnoies, & du fréquent
changement du prix du marc d’or & d’argent
, pria le Roi de quitter ce droit, confentant
qu’il impofât les tailles & les aides : ce qui leur
fut accordé ; le Roi fe réferva feulement un droit
de feigneuriage fort petit, qui fut deftiné au paiement
des officiers de la monnoie, & aux frais de
la fabrication.
Un ancien registre des monnoies, qui paroît
avoir été fait fous le règne de Charles VIII, dit
que : ongu.es puis, que le roi rneit les tailles des
pojjxjjions, rabondance des monnoies ne lui chalut
plus. On voit parla que l’impofition fixe des
tailles & des aides fut fubftituée à la place d’un
tribut infiniment plus incommode que n’étoient
alors ces deux nouvelles impofitions.
Sur achat.
On appelle furachat la remife que des particuliers
favent fe procurer du bénéfice que fait le
Roi fur la monnoie, ou de partie de ce bénéfice
fur une quantité de marcs' qu’ils fe chargent
de faire venir dé l’étranger. Traçons, d’après
l’auteur des confédérations fur les finances, les
idées faines qu’il faut avoir fur une pareille opération.
Nul homme, dit-il, au fait des principes politiques
de l’adminiftration, ne doute qu’il ne foit
avantageux de payer au gommerce les matières
qu’il apporte, fuivant la valeur entière, c’eft-à-
dire , de rendre poids pour poids , titre pour
titre ; car fi le prince retient un bénéfice fur fa
monnoie , il délivre en monnoie une moindre
quantité de grains pefant de métal pur, pour une
plus grande qui lui eft apportée. Ainfi, il eft
évident qu’une telle retenue eft une impofition
fur le commerce avec les étrangers ; o r , le commerce
avec les étrangers eft la leule voie de faire
entrer l’argent dans le royaume : d’où il eft aifé
de conclure que toute remife générale des droits
du prince fur la fabrication de la monnoie, eft
un encouragement accordé à la culture & aux
manufactures; puifque le négociant eft en état,
au moyen de cette remife, ou de payer mieux
la marchandife qu’il exporte, ou de procurer à
l’état une exportation plus abondante, en faifant
meilleur marché .aux étrangers : unique moyen de
fe procurer la préférence des ventes, & dès-lors
du travail.
Cette police occafionne encore des entrepôts
de matières pour le compte des autres nations :
or, tout entrepôt eft utile à celui qui entrepofe.
On fe contente ici de pofer ces principes évidens,
qui fuffifent pour détruire les fophifmes que peuvent
fuggérer fur ce fujet de petites vues in-
téreffées.
Dans ces matières, il n’eft qu’un intérêt à con*
fidérer, c’eft celui des hommes qui produifent,
c’eft-à-dire, du cultivateur, du manufacturier, de
l’armateur ; mais lorfque l’état ri’eft pas dans une
fituation qui lui permette de faire cette gratification
entière au commerce, il eft dangereux qu’il
l’accorde à des particuliers qui s’offrent de faire
venir de grandes fommes dans le royaume : prétexte
ridicule aux yeux de ceux qui font quelque
ufage de leur efprit.
Nous ne pouvons recevoir de l’argent que par
la folde du commerce, lorfqu’il rend les étrangers
nos débiteurs.
Si nous en recevons d’eux qu’ils ne nous
doivent pas, il eft clair que nous devenons leurs
débiteurs : ainfi ils auront plus de lettres-de-
change fur nous que nous n’en aurons fur eux:
par cohféquent le change fera contre nous, le
commerce total du royaume recevra moins de
valeur de fes denrées, qu’il ne de voit en recevoir,
& fa dette à l’étranger lui coûtera plus
cher à acquitter.
Pour faire ceffer cette perte, il n’y auroit qu’un
feul moyen, c’eft de folder cette dette, en envoyant
des marchandifes, ou en envoyant des
efpèces.
Si l’étranger n’a pas befoin de nos marchandifes
, ou bien elles y relieront invendues, 'ce
qui ne le rendra pas notre débiteur ; ou bien
elles y feront vendues à perte, ce qui eft toujours
fâcheux.
Si l’étranger a befoin de nos marchandifes, il
eft clair qu’il les auroit également achetées,
quand même nous n’aurions pas commencé par
tirer fon argent ; il eft également évident qu’ayant
été payés avant d’avoir livré, nous aurons payé
-l’intérêt de cet argent par le change ; & dès-
lors nos denrées ne nous auront pas rapporté ce
qu’elles ' nous auroient valu , fi nous ne nous
étions pas rendus débiteurs de l’étranger par des
• furachats de matière.
f Si nous faifons fortir notre dette en nature
pour faire ceffer le défavantage du change, il eft
[clair que l’entrée de cet argent n’aura été d’au-
\ cune utilité à l’état, & qu’elle aura troublé le
■ cours du commerce général pour favorifer un
; particulier. Tel fera toujours l’effet de toute im-
i portation forcée de l’argent dans les monnoies.
[. Concluons qu’il ne doit entrer que par les béné-
I fices du commerce avec les étrangers, & non
; par les emprunts du commerce à l’étranger,
i Enfin, dans le cas où l’étranger fe trouveroit
| notre débiteur, il eft fénfible que tout furachat
eft un privilège accordé à un particulier pour
[ faire fon commercé avec plus d’avantage que les
| autres; ce qui renverfe toute égalité, toute concurrence./.
! En effet, ce particulier pouvant, au moyen du
bénéfice du furachat^ payer les matières plus cher
que les autres, on le rend maître du -cours du
change, & c’eft pofitivement lever à fon profit
un impôt fur la totalité du commerce national,
conféquemment fur la culture, les manufactures
& la navigation. Voilà au jufte le fruit de ces
fortes d’opérations, où les propofans font leurs
> efforts pour ne faire envifager aux miniftres qu’une
* grande introduction d’argent, & une grâce particulière
qui ne coûte rien au prince.
On leur cache que le commerce perd réellement
tout ce qu’ils gagnent, & bien au-delà. Et
peut- on dire férieufement qu’il n’en coûte rien
au prince quand tous fes fujets perdent, & qu’un
monopoleur s’enrichit ?
nous foit permis d’ajouter à ce qui vient
d etre dit fur le furachat & fur les droits de
Jeigneuriage & de brajfage, les excellentes obfer-
vations publiées en novembre 1787, par M. D. P.
C . D. M. fur l’augmentation progreffive du prix
des matières d’or &. d’argent depuis le premier
janvier 1716.
Cet écrit lumineux doit être configné dan*
cette Encyclopédie.méthodique, avec d’autant plus
de raifon qu’il contient la véritable doÇlrine fur
la refonte des monnoies, & qu’il met en évidence
les grands intérêts du prince & de l’état
dans une matière fi délicate, où l’on a tant varié
de fentimens & commis tant d’erreurs défas-
treufes.
Obfervations fur la Déclaration du 30 oElobrc 1787,
& Vaugmentation progreffive du prix, des matières
d'or & d'argent, depuis le premier janvier 1726,
Les dépenfes, & les dettes immenfes’ fous le
poids desquelles la Fance gémiffoit à la fin du
règne de Louis XIV, & pendant la minorité de
Louis XV , forcèrent le gouvernement à employer
, pour fe procurer des fonds, tous les
moyens qui fembloient lui offrir quelques ref-
fources : le furhauffement des monnoies fut un de
ceux auxquels on eut plus fréquemment recours.
On multiplia les refontes & les réformations
d’efpèces ; & fouvent on vit paroître, dans l’ef-
pace de quinze jours, deux arrêts qui affignoient
à la même monnoie une valeur différente. Ces
variations furent principalement fenfibles pendant
le cours de l’adminiftration de M. Law.
Les révolutions produites par le fyftême, portèrent
jufques à 1963 livres 12 f. 8 den. le prix
du marc d’o r , & à 130 liv. 18 f. 2 den. celui du
marc d’argent. On obfervoit alors, .dans la fixation
du prix de ces matières, la proportion
d’un à 15.
La refonte générale , commencée en janvier
1726,” fut la dernière opération de cette nature,
du règne de Louis XV ; les difpofitions de l’édit
qui l’ordonna, ont fervi de réglement pour la
fabrication des efpèces d’or & d’argent, depuis
cette époque jufqu’au 30 oâobre 1785.
Ces difpofitions portoient que les louis fe-
roient fabriqués au titre de 22 karats, au remède
( ce remède fut porté à | f , par une déclaration
du 12 février de la même année,) & à
la taille de trente au marc, au remède de 15
grains par marc ; & les écus au titre de 11 deniers
, au remède de — ou grains, & à la taille
de 8 75- au marc, au remède de 3 6 grains par
marc, ce qui avoit établi entre les valeurs in-
trinféques de ces efpèces (confidérées comme
matières) le rapport d’un à 14- ■**■***,
Ce rapport eft fondé fur la fuppofition que les
louis font fabriqués à 21 karats vingt-un trente-
deuxièmes , & les écus à dix deniers vingt-un
vingt-quatrièmes, & que les directeurs emploient
neuf grains du remède de poids dans la fabrication
d’un marc de louis, & dix-huit grains de ce
même remède dans celle d’ un marc d’écus; d’où
il réfulte qu’un marc de louis contient 4149