
fubir aux dents pour les tirer d’épaiffeur , avoir
foin que l’écorcc foit toujours du côté du fer ,
& quelle ne touche jamais à la lame de rafoir.
On fe fert d’une efpèce de filière , dont
la vis paffe dans un morceau de fer qui eft taraudé
, & pouffe une pièce dans laquelle entre un
collet qu’on pratique au bout de la v is , & qui
étant rivé par-deffus , fans cependant avoir perdu
la liberté de tourner, rappelle cette pièce quand
on détourne’ la vis pour donner plus d'écaitement
à la filière.
La méthode que je rapporte ici eft fans contredit
la meilleure pour s’aifurer de l’èpaifTeur des
dents ; mais par un malheur attaché à tous les
tons procédés elle n’efi prefque pas en ufage :
les peigners fe fervent ordinairement des filières à
ébaucher , avec lefquelles ils terminent les dents ,
Cn s’affurant du mieux qu’il leur eft poffible de
l’écartement dont ils ont befoin.
Puifque nous en foin mes au point effentiel de
la fabrique des peignes, je veux dire l’épaiffeur
qu’il convient de donner aux dents, félon le nombre
qu’on doit en faire entrer dans une longueur
donnée du peigne , il eft à propos de remarquer
que c’eft à ce travail qu’on diftingue -l’habile
homme de i’ignorart, i’euvrier que guide le génie
, de celui qui ne fuit qu’une aveugle routine.
La détermination de l’èpaiffeur convenable aux
différentes dents n’eft pas une chofe aifée à faire :
il femble naturel que celles dont on fera tenir
une plus grande quantité dans un pouce de peigne,
par exemple, doivent être plus minces que
fi dans le même efpace on en faifoit entrer beaucoup
moins ;_ce n’eft.cependant pas toujours cette
règle qu’il faut fuivre : il ne s’agit pas ici de l’é-
paitTeur des parties que le peigne doit contenir,
mais de leur nature.
Il faut donc diflinguer fi le peigne qu’on fe pro-
pofe de faire doit fervir aux étoffes de foie, à celles
de laine , aux toiles de fil, ou à celles de coton ;
& pour donner là-deffus quelques notions générales
, on fait que le brins de foie font tout d’une
longueur , & qu’étant dépourvus de. leur gomme
par le décruage de la teinture , ils font réunis
par un double tors qu’on leur donne.
Air;fi des feize & quelquefois vingt brins dont
on compofe chaque divifion d’une chaîne, &
qui paffent entre deux dents , on n’en forme pas
un feul & même brin , & ils ont la lîbe; té de
fe porter fui vint la hauteur des dents : on n’eft
donc point gêné pour l’écartement , & l’on
peut en faire entrer jufqu’à cinquante dans un
pouce de long. Les ouvriers fe fervent dans ce
cas , de cette expreffion : la matière de la chaîne
tCemplit pas.
Le fil de lin ou de chanvre , dont on fait des
toiles, quoique dans la filature chaque brin ne
foit pas couché de toute-fa longueur, mais pris
par (on milieu & couché double, eft cependant
plus dur & plus ferré.
Il n’eft perfonne qui n’ait vu travailler un cor-
dier ; voici comme il s’y prend : il entoure fon
corps d’une certaine quantité de fils de lin , ou
de chanvre , qui ont été paffés au fe an, & font
par conféquent entre eux à peu-ptès paralièles; il
noue les bouts des plus longs emêre fon dos
6c arrête ainfi le tout à la haut ur de l'a cein»
ture ; il prend Ion fil au miîi- u de tous 1 s brins
qu’il a devant lui , & qui par ce moyen fe trou,
vent fans ceffe doubles.
Une femme à la quenouille s’y prend de lj
même façon , elle ne tire jamais fon fil des b uts
de la fiiaffe , mais du milieu ; raifon pour laquelle
on voit au fil moins d’éialticité & pliu de roideur
qu’à toute autre matière.
C’eft pourquoi les dents du peigne pour les
toiles doivent avoir plus de conftftance & d’é-
pailfeur que pour les toiles de coton ou les étoffes
de laine , dont la matière eft par elle-même
très-èlaftique ; les parties qui en comjofent les
brins, font toujours féparées les unes des autres,
& l’on ne parvient à les unir qu’à force dé
les tordre ; encore s’aperçoit on que , pour peu
qu’elles ceffent d’être tendues, le brin groffit
à vue d’oeil.
Auffi dans lafabrication a-t-on fouvent befoin de
les coller ou dé les huiler, pbur qu’elles fe prêtent
plus aifément à l’emplo» qu’on en veut faire.
De toutes ces obfervations il fuir que les dents
pour une étoffe de foie ne doivent pas être auffi
minces à proportion que pour une étoffe de laine
ou de coton ; & en fuppofant qu’on voulût faire
un peigne pour une étoffe de foie qui exigeât
vingt dents par pouce, il ne faudroit pas Liifer
un auffi grand efpace entre chaque dent, que fi
pour une même étoffe on devoit y faire entrer
cinquante dents : il faudroir que les premières
fuffent une fois & demie plus épaiffes que les
autres.
Mais fi avec le premier peigne on vouloit fabriquer
une étoffe de laine, on n’en pourroirpas
venir à bout, à caufe de l’épaiffeur de ces dents,
ou plutôt parce qu’elles n’auroient pas allez d’écartement
entre elles.
Il faut donc que le peigner fâche ce qu’il coir
vient de déterminer pour le genre auquel ondef-
tine le peigne qu’il entreprend , & qu’il tire les
dents d une épaiffeur convenable, à chacun, &
d’une largeur proportionnée ; car c’eft un principe
reçu, que ce qu’elles perdent en-, épaiffeur, on
le leur donne «n largeur : par ce moyen la force
en eft un peu .augmentée.
Telle eft la méthode que l’expérience, de concert
avec la théorie la mieux entendue , a fait
adopter par nos plus habiles peigners , & ils ont
fur cela établi des règles dont ils ne s’écartent
que dans quelques octafions.
Pour fuivre la méthode dont je viens de parle
r , on fe fert d’une jauge , dans l’entaille de laquelle
on place un nombre déterminé de dents:
mais on a eu foin auparavant de s’affurer que
pour tel compte de peigne cette entaille , qui
n’a ordinairement qu’un pouce de large , doit
contenir un nombre connu de dents.
Si elle en conrient moins que le nombre connu ,
c’eft un figue alluré qu’elles font un peu trop
épaiffes pour le peigne qu’on veut faire ; fi au
contraire elles tiennent trop au large, on en conclut
avec raifon qu’elles font trop minces ; il faut
donc refferrer ou relâcher la filière jufqu’à ce
que la jauge fe trouve être la mefure exaéle de
ce nombre de dents.
Il eft certain que par un femblable procédé l’on
ne rifque pas de faire l’ouvrage au hafard.
On n’emploie que les dents qui ont été jaugées :
celles qui fe font trouvées trop épaiffes , peuvent
êrre repalTées à la filière ; mais celles qui font trop
minces ooivent être abfolument rejetées & mifes
en réfèrve pour un autre peigne , auquel elles
pourront certainement convenir.
Il arrive fouvent que l'entaille ou jauge doit
come-iir un plus petit nombre de dents par rapport
à certains peignes , que par rapport à un
a u tre : je m’explique.
Comme nous venons de voir que l’épa-ffeur des
dents ne dépendoit pas toujours du nombre qu’il
doit en entrer dans un efpace déterminé du peigne ,
mais de l’emploi qu’on doit leur donner, & que
les efpaces qui doivent les féparer les unes des
autres font l’objet auquel on doit faire attention ,
toutes çhofes égales d’ailleurs , & les combinai-
fons étant une fois faites de l’èpaiffeur des dents
& de l’écartement qu’on doit obferver entre elles ,
il eft toujours à propos de vider un peigne autant
qu’il eft poffible , pourvu que ce ne foit pas aux
dépens de la folidité ; car il eft confiant que plus
les dents font larges & épaiffes , plus le peigne
a de folidité.
D’ailleurs , en cherchant à vider ainfi les
peignes , on peut donner aux dents une courbure
qui leur foit préjudiciable , & les fils de la chaîne
ne feront pas mus auffi librement que fi l’efpace
à parcourir étoit libre ; il fuit de ce défaut une
j raie fur toute la longueur de l’étoffe ; & fi le même
| défaut fe répète plufieurs fois dans un même peigne,
j cefont autant de dèfeéhiofités, telles qu’on en voit
fouvent dans les petites étoffes qui eniont plus fuf-
ceptibles, même les taffetas des Indes , & c.
Ce que je dis eft fi vrai, que i’ai connu plu-
fieurs pygners qui n’ont jamais pu réufiir à faire
paffer un peigne paffable dans les comptes fins , &
j’ai eu occafion de m’apercevoir que ce défaut
provenoit de l’inégalité dans l'épaiffeur des d.nts ,
ainfi que dans leur largeur.
La connoiffance effentielle pour les peigners ,
eft donc l’épaiffeur relative à donner aux différentes
dents fuivant les differens peignes ; fans
i cette connoiffance , ils ne parviendront jamais
a travailler que par routine.
horfqu’on a tiré une certaine quantité de dents
à l’épaiffeur qu’on croit convenable dans la dernière
filière , on en met un nombre connu dans
la jauge ; 8c fi elle en contient plus qu’il ne faut ,
l’ouvrier écarte un tant foit peu la lame de la filière »
& les rend par ce moyen un peu plus épaiffes ;
il la refferre au contraire , fi elles fe font trouvées
trop épaiffes ; mais il eft certain que les dents
trop minces ne fauroient qu’etre mifes à part pour
un autre peigne.
Quant à celles qui font trop épaiffes, on peut
ou les réferver pour un autre peigne, ou les re-
paffer à la filière.
La variété d’épaiffeur des dents ne provient
pas toujours de l’écartement de la filière : la m in
de l’ouvrier y contribue beaucoup ; car fi , comme
nous l’avons déjà dit , il ne rire pas bien droit
à lui les dents qu’il fait paffer à la filière, il leur
donne plus ou moins d’épaiffeur félon qu’il s’eft
plus ou moins écarté de cette ligne direéle.
Mais pour ti’être pas obligé de recommencer
la befogne faite , quand on en a beaucoup , oïl
les jauge , & ce qui eft bon eft mis à part pour
le peigne actuel, 6c toutes les jaugées où il s’en
trouve plus ou moins font ferrées dans des boîtes
avec des numéros pour fervir au befoin, & c’eft
de la befogne d’avance.
On a pour cela des boîtes à double compartiment
, qu’on place fur des rayons contre le mur ,
& dont on peut former un corps de tiroirs.
Si l’on fuppofe que les dents font parfaitement
tirées à l’épaiffeur convenable, on n’a pas encore
pour cela atteint le but qu’on fepropofe par rap^
port à la précifion que ce travail exige.
Si les dents font d’une telle épaiffeur qu’elles rem-
pliffent le compte que le peigne exige , il faut encore
avoir attention à la groffeur du fil ou ligneul qui
doit les entourer, &. qui doit lui - même être
affujetti à des groffeurs différentes , félon les
différens comptes ; fans cette précaution ,
vingt dents, par exemple , qui doivent occuper
une demi-pouce, en occuperont un tout
entier, fi le fil dont on les entoure eft trop gros.
Mais ce ligneul varie lui-même de groffeur félon
qu’il doit entrer un plus ou moins grand nombre
de dents dans un efpace déterminé , & 1 elon l’ef-
pace qu’il convient de réferver entre les dents.
Nous venons de voir que le moyen qu’on met
en ufage pour s’affurer de l’épaiffeur des dents ,
eft de les paffer à la jauge : c’eft aufli une jauge
dont on fe fert pour mefurer la groffeur du
ligneul ; mais elle eft d’une conftruâion toute
différente.
Voici l’opération. On couvre en partie de ligneul
le cylindre de la jauge ; on le ferre comme il
doit être fur le peigne; on compte le nombre de
tours qu’il contient; & après ‘.’être affuré du rap-
■ port de cet inftrument avec les jumelles, on fait
que telle groffeur conviendra ou ne conviendra
’ pas au peigne dont il s’agit.
M m m m ij