
quarante ou cinquante fois au-delà de ce qu’il
pefe, fi ce n’eft qu’il eût quelque revers qui
en augmentât le prix. Si même il arrivoit que
l’on recouvrât des premières monnoies dont les
hommes fe font fervis, qui n’étoient que de cuir
battu , comme celles que le roi Numa diftribua
au peuple Romain, & que l’hiftoire nomme ajjes
fcorteos, l’on n’épargneroit rien pour en mettre à
la tête d’un cabinet.
Il y a des médailles d’or fin , toujours plus
pur & d’un plus bel oeil que le nôtre ; d’autres
d’or mêlé plus pâle, & d’un aloi plus bas, qui
eut cours dès le temps d’Alexandre Sévère ; d’autres
enfin d’or notablement plus altéré, tel que
nous le voyons dans certaines Gothiques.
L’or des anciennes médailles grecques eft extrêmement
pur ; on en peut juger par celles de Philippe
de Macédoine .& d’Alexandre le Grand, qui
vont, félon Patin, à 2,3 karats & 16 grains.
Les Romains ne commencèrent à fe fervir de
monnoies d’or que l’an.546 de Rome; par-conséquent,
fi l’on trouvoit l’un des rois de Rome
ou des premiers confuls frappé fur l’o r , il fau-
droit en conclure que c’elt une fauffe médaille.
L’ufage des médailles d’argent commença l’an
. de Rome 484 ; l’on en trouve beaucoup plus que
d’o r , mais l’argent n’en eft pas bien fin. Les curieux
ont remarqué par les fontes, que les Romains
ont toujours battu les médailles d’or fur le
fin, & que celles d’argent ont toujours été frappées
à un titre plus bas que nos monnoies.
Il y a des médailles de pur billon qui n’ont
prefque point d’argent.
Il s’en voit qui rie font que faucèes, c’eft-à- dire,
battues fur le feul cuivre, & argentées enfuite.
Eufin il y en a de fourrées > qui n’ont qu’une petite
feuille d’argent fur le cuivre , mais battues
enfemble fort adroitement, & qui ne fe connoif-
fent qu’à la coupure. C ’eft une efpèce de fauffe
monnoie qui commença dès le triumvirat d’Aus
ufte*
Tout le cuivre, dans la diftinâion des fuites dont
les cabinets font composés, porte le nom de bronze.
On voit plufieurs médailles de cuivre rouge
dès le temps d’Augufte, particulièrement parmi
ce qu’on appelle U moyen bronze.
On en voit aufli de cuivre jaune dès les mêmes
temps, parmi le grand bronze, comme parmi le
moyen.
Il s’en trouve de vrai bronze, dont l’oeil eft incomparablement
plus beau.
On en voit quelques-unes qui paffent pour
cuivre de Corinthe, qui eft un alliage d’ôr & d’argent
avec une plus grande quantité de cuivre ; on l’appelle
ainfi, parce qu’on a prétendu qu’à la prife de
Corinthe, le feu y ayant été mis, & la ville abandonnée
au pillage, les différens métaux fondus
enfemble, formèrent un alliage fortuit qui à gardé
le nom de cette ville faccagée, & qui donne
aux médailles la même beauté & le même prix
que les vafes de Corinthe ont touiours eu parmi
les vafes de bronze.
L’on trouve des. médailles de plomb , la plu.
part modernes & de nulle valeur. Les antiquaires
ne croient pas même qu’il nous refie des médailles
de plomb antiques.
On trouve dans quelques cabinets des cuivres
dorés, qui font des médailles gâtées par des curieux
qui ne favoient pas le prix des chofes,
femblables à ceux qui eltiment la perfonne par
I habit, & l’honnête homme par la fortune.
Ces différens métaux ne forment dans les cabinets
que trois fortes de différentes luîtes. Celle
d o r , qui eft la moins nombreufe, n'excédant guère
mille ou douze cent dans les imr ériales. Celle
d’argent, beaucoup plus nombreufe puifqu’elle peut
paffer 3000 des feules impériales. Celle de bronze
qui va beaucoup plus loin , puifqu’en y comprenant
les trois différentes grandeurs, elle peut
aller au-delà de fix à fept mille. Je ne compte que
les impériales, car fi l’on vot loit y comprendre
celles des rois & des villes, on iroit beaucoup
plus loin.
On appelle médaillons celles qui n’étoient point
monnoies courantes, & que l’on frappait comme
des monumens-publics, pour répandre parmi le
peuple, dans les cérémonies des jeux ou des
triomphes, ou pour donner aux ambaffadeurs &
aux princes étrangers. Ces pièces étoit;-; t nommées
par les Romains, mïjfilià, & les Italiens les
appellent aujourd’hui medaglioni, nom que nous
avons emprunté d’eux pour marquer les médailles
d’une grandeur extraordinaire. Il en eff une efpèce
que l’on appelle contourniates, du mot Iralien qui
marque la manière dont ils font frappés , fa voir,
avec une certaine enfonçure tout autour , qui
laiffe un rond des deux côtés, & avec des figures
qui n’ont prefque point de relief, en cômparaifon
des vrais médaillons. On croit que- c’eft un ouvrage
né en Grèce : on s’en fervoit principalement
pour honorer la mémoire des grands
hommes, & de ceux qui avoient remporté le prix
aux jeux publics.
Il fembie que les anciens ayent voulu faire de
leurs médailles des images & des emblèmes , les
unes pour le peuple & les efprits greffiers ; les
autres pour -les gens d’un ordre fupérieur & pour
les efprits délicats; des im-iges pour pré feu ter
aux yeux le portrait des princes;- des emblèmes
pour reprefenter à l’efprit leurs vertus & leurs
grandes a&ions..
Moyens de découvrir les falfifi cations des Médailles.
II y a des médailles qui étant rares fe paient
fort cher, ce qui a donné l’idée de. les falfifier
& cet art coupable a été pouffé fi loin, que les
curieux de médailles ne fauroient .trop avoir de
connoiffances pour fe mettre à l’abri de toutes les
fupercheries que l’on fait en ce genre.
On a vu en Italie *un Padouan & un Parme-
fan, célèbres artiftes, former des coins & frapper
des médailles qu’ils faifoient paffer pour des antiques.
Ils ont même frappé des médailles qui
îi’ont jamais exifté : telles font celles de Priam,
d’Enée, de Cicéron, de Virgile, & d’autres per-
fonnages illufires.
Un autre artifice eft de mouler des médailles
antiques, de les jeter en fable, enfuite de les réparer
fi adroitement, qu’elles paroiffent frappées ;
rfiais on peut les reconnoîtreà leur poids, qui
eft toujours moindre; car le métal fondu fe raré-
fie* au lieu que celui qui eft battu fe condenfe.
Lorfque la médaille a été jetée en moule, il
refte ordinairement la marque du jet, qu’il eft difficile
de bien effacer avec la lime, quelque foin
que l’on y apporte.
Les grains de fable occafionnent aufli de petites
enfonçures auxquelles on peut les reconnoître;
mais ceux qui contrefont ont aufli quelquefois
recours à une induftrie qui mafque ces défauts.
Ils appliquent fur la médaille un vernis obfcur qui
remplit tous les petits creux ; mais lors qu’outre
cela ils parviennent encore à polir le champ avec
le burin , la tromperie devient plus difficile à reconnoître
; mais avec un peu d’habitude, en piquant
le vernis, on reconnoît qu’il eft moins dur
que le vernis antique, qui s’eft formé de lui-même |
fur les médailles par le féjour qu’elles ont fait "
dans les terrains où ou les a trouvées.
Enfin, lorfqu’on a le toucher délicat, on reconnoît
ces faillies médailles au fimple taâ , parce
que le métal en eft doux, poli, au lieu que celui
des antiques a quelque chofe de plus fort & de
plus rude. Il y a des connoiffeurs qui, à la fimple
infpeétion, diftinguent les médailles contrefaites,
parce qu’ils n’y retrouvent ni la fierté, ni la fû-
reté, ni la pureté du deflin de l’antique.
On emploie aufli plufieurs ftratagêmes pour
donner un grand prix à une médaille. Les uns
effacent un revers pour y en fubftltuer un autre,
comme on a v u , par exemple, un Tite mis au
revers d’un Vefp*fien ; un Otaclle au revers de
Philippe. D ’autres, pour que rien ne paroiffe réparé,
coupent deux médailles , & avec un certain
mVftic collent à la tête de l’une le revers de
1 autre, pour faire des médailles uniques, & qui
n ayent jamais *été vues : on a même l’adreffe
de réparer fi bien les bords, qu’au coup-d’oeil
les plus fins y font trompés. On reconnoît cette
supercherie par la différence qui fe trouve immanquablement
dans les traits d’une tête antique
& d un revers moderne; mais fi le revers eft
antique, & Amplement appliqué^ on le découvre
en fondant les bords de la médaille, qui ne peu-'
vent etre fi parfaitement unis, que l’on n’aper-
Çoive quelques traits de la jonCtion : tel étoit un
ç f rres auquel on avoir attaché un Lucilè pour en
taire une médaille rare, fans avoir pris garde
que leLucile étoit de cuivre jaune, & le Verrès
de cuivre rouge.
Une des fineffes auxquelles on a encore recours
, eft de mettre fur le.s médailles moulées,
un vernis qui puiffe donner lieu de les faire prendre
pour des antiques. Pour cet effet les uns
frottent leurs médailles avec du fol ammoniac
fondu dans du vinaigre; d’autres les frottent avec
du papier brûlé; quelques-uns les mettent en
terre , pour leur faireN prendre un vernis , ou du
moins une efpèce de rouille qui en impofe ; mais
on n’a pas la patience de les laiffer affez longtemps
en terre pour qu’elles puiffent avoir
cette belle rouille qu’on eftimé plus que le plus
beau métal : au refte, le vernis moderne fe reconnoît
facilement, parce qu’il eft tendre, fe
pique aifément ; au lieu que le vernis antique
eft dur comme le métal même.
Il n’eft forte de ftratagême auquel on n’ait eu
recours. On change quelquefois les lettres des
légendes, lorfqu’il y en a peu, & l’on fait paffer
ainfi une médaille affez commune pour une médaille
fort rare.
On a aufli l’adreffe de réparer des médailles
antiques, enforte que d’ufées, d’effacées quelquefois
d’éclatées qu’elles étoient dans quelques
endroits , on les fait revivre en enlevant la
rouille ail burin , reflufeitant les figures qui ne
paroiffent prefque plus, •■mettant fur les endroits
mangés & détruits de la médaille, une efpèce *
de maftic qui s’y incorpore, qu’on taille enfuite
proprement avec le burin : on recouvre le tout
d’un vernis ; & d’une médaille rare, mais qui
étoit toute maltraitée , on en fait un morceau
que les curieux achètent fort cher. On peut reconnoître
la fraude, en fondant la médaille avec
un burin : les endroits réparés font bien plus
tendres que le refte.
Le moyen le plus certain pour fe précautionner
contre toutes les fourberies des brocanteurs, c’eft
de s’attacher à la connoiffance de l’antique , qui
comprend le métal, la gravure des coins, & le
poinçonnement dés cara&éres.
Manière de tirer Vempreinte des Médailles.
Puifqu’il s’agit de médailles, on fera bien aife
de trouver ici. la manière d’en tirer exactement
l’empreinte fur du papier.
On commence d’abord par faire une empreinte
la plus nette qu’il eft poffâble fur de la cire à cacheter;
on ôte exactement toute la cire qui déborde
la médaille, foit avec des cifeaux , foit
avec la pointe d’un canif.
Lorfque cette empreinte eft bien-faite, on prend
au bout d’un pinceau très-délié de l’encre dont
fe fervent les imprimeurs' en taille-douce, & on
en met avec adreffe dans toutes les lettres & dans
tous les creux qui formoient le relief de la médaille.
Comme il n’eft; pas poflible de le faire avec