
gn e s & dans les v ille s . I ls o n t différens n o m s ,
fu iv an t les p ro v in c e s où on en fa it la cu e ille tte
& où o n les em p lo ie . O n les nomme peilles en
L im o u f in , en P é r ig o r d , en G a fc o g n e 6c en A n -
g o um o is ; pilots , en B reta gn e ; drapeaux, drilles
pattes y dans d 'autres p ro v in c e s : chiffonniers & drïllurs, les g en s o ccu p é s à les rama fier 8j. à les
v e n d r e .
E f r e f t iv em e n t , les chiffons fo n t recu e illis dans
le s v ille s & dans: les camp agne s pa r un grand
n om b re de perfonnes qu i em,fo rmen t d’ab ord de
p e t it amas , puis de plias gros : e n f in , le tout fe
p o r te dans d es magafins pour ê tre liv r é au x m a n
u fa c tu r ie r s , qui l’emploien t à la fabrication du
p a p ie r . I l pa roît qu ’o n tire b e au cou p plus de
lin g e 'des camp agne s qu e des v ille s . Le s o u v r ie r s
d es campagnes 8a les artifans des bo u rgs & des
pe tite s villes, liv ré s à des t r a v au x rudes & p é n
ib les , d échirent b e au cou p c e l in g e , parce que
le s toiles de ch a n v r e o u de -lin font fo u v e n t les
fe u le s étoffes qu i les habillent la plus grande
p a r tie de l’an n ée . Us u fgn t auffi beaucoup leur
lin g e par des le ffiv e s fo rtes & fréquentes.
C ’e n en c ou féq u en c e de c ette g ran d e d é fir a c tio
n du lin g e dans les camp agne s ., qu e les propriéta
ires des n o u v e lle s fabriques , d’ab ord fort
embarraffés p ou r leu r p io y ifio n de c h i f fo n , fe
tro u v en t au b o u t de d eu x ans , ab on d am m
en t p o u r v u s , & d ifpenfés d’a v o ir recours au x
ma rchands des v ille s . D e s femme s d e la camp
a g n e , au m o y e n de lég è re s a v an ce s qu e leur
fo n t ces fa b r ic a n s , p a rv ien n en t à é ta b lir , dans
u n arrondiffement de huit à dix lieue s des n o u v
e a u x mou lins , une cu eille tte tr is -ab o n d an te de
m a tiè re s qu i é to ien t perdues aup aravant. J ’ai v u
c e s fabricans r e c e v o ir ch e z e u x , la fé con d é
a n n é e , ju fq u ’à h u it milliers de chiffon par m o is ,
& , a y e c c ette r éco lte^ non-feu lem ent fa ire -to u s
le s tria ge s c on v en ab le s po u r le tra v a il d e d eu x
c u v e s , mais en co re v en d re au dehors de grandes
pa rties d e chiffons q u ’ils n’em p lo y o ien t pas. Je
d o is rem a rqu e r q u e c e com m e rc e fe monto it
ainfi , a v e c la plus grande fa cilité , dans des
cantons où l’o n n’en a v o ir au p aravant aucune
id é e .
L ’e xp é r ie n c e d es fabricans leu r a appris à
d iffin gu e r les différen tes qualités des chiffons que
leu r Fourniffent les p ro v in c e s v o ifin e s de leurs
m ou lins . Ils o n t r e c u e illi , à ce fu je t , d es pa rticu
la rité s in téreffan tes , fu r -tou t pa r rapport aux
différentes manipulation s au xqu elles i l con v ien t de
fo u mettre ces m a tiè re s , & pa r rapport au x réfultas.
A i n f i , par e x em p le , les fabriquans d e T À n -
g oum o is ont re connu que les chiffons de G a fco gn e
p o u r riffen t plus fa c i lem e n t , fe triturent en moins
d e temps , 6c donn ent un plus be au b lanc q u e les
chiffons qu ’ ils tiren t de la Sa in to n g e. Ma is auffi
l e s chiffons de G a fc o g n e cou len t plus à l’ e a u ; &
n e ren den t fo u v e n t qu’une é toffe mo ljaffe 8c fans
c o n fifta n ç e , s u lieu q u e c eu x de SaintQogç éprop -
v e n t mo ins d e d éche t pa r le tra v a il de la tritura,
tion , & ren dent un papier fe rme & cauonneuv
A p rè s ces chiffons v ie n n en t les peilles du Berry*
du P é r ig o r d , du Q u e r c y , q u i e x ig en t beaucoup
de ch o ix . L a p e ille du Limou fin & d.u Haut-Poitou
bien t r a v a i llé e , fa it un; papier ferme & carton-
n e u x , & fo r t b on po u r l’im preffion ; il efi bis
mais étoffé. ' , . ’
D e m êm e , les chiffons de la B o u rg o gn e 8c de
la B reffe font fo rt recherchés pa r les fabricans
d ’A n n o n a y & d ’A u v e r g n e , parce q u ’ en général
ils fo n t de bo n n e qu alité , qu ’ ils blançhiffent
fa c ilem e n t , & fo rmen t de belles étoffes . Les chiffons
des en v iron s de L y o n font encore fo r t efiimés1
mais c eu x qu e fou rn iffent le D a u p h in é , le V iv a n t
& les montagne s fo n t de m édiocre qualité ; ils rp
rendent p a s , à b e au cou p p r è s , la même quantité
de p a p ie r , ni aufîi beau.
O n a remarqué qu e certa ine s pro vin c es four-
nifient b e au cou p plus de chiffon q u e d’autres, à
p ropo rtion de leu r p o p u la tio n , & q u e .p o u r lors
les chiffons de c e s p ro v in c e s pourriffoient pins
a ifém en t , & d on n o ien t b e au cou p plus de déchet
dans le tra v a il de la trituration q u e le s . chiffons
des pro vin c es qu i en fourn iffo ient moins ; ce qui
.p rou v e qu e les lins & les ch an vre s n’ont pas, à
b e au cou p p r è s , le më ine n e r f & * le même degré
de fo rce. I l e ft v ra i auffi qu e les différentes méthodes
de le f fiv e r le l in g e ,. o n t paru entrer pour
b e au cou p dans les cau ie s des différens états de
ces chiffons.
Q u a n d on p e n fe q u ’il y a au mo ins n e u f cents
cu v e s da'ns le r o y a um e , d o n t cha cune emploie
en viron quarante milliers de ch iffo n ; q u ’il ne fe
fa it pas de cu e ille tte de chiffon dans plufieurs
cantons fo r t étend u s o ù il n’y a pas d e moulins
à p a p ie r .; enfin , qu ’il s’en e xp o r te , hors du
ro y aum e , dê grandes parties pa r d e petites fabriques
v o ifin e s des fro n tiè res , qui n e font ufage
q u e des chiffons les plus g r e ff ie r s , & fe ' bornent
à faire des papiers bulles. & traffes , & qui livrent
fort chè rement les lo ts d es fins & des moyens
au x é t ra n g e r s , o n d oit ê tre é tonné de l’immenfe
deftruéfion de lin g e qui fe fa it en F r a n c e , & de
la grande quan tité de chiffon q u i s’y ramaffe .pour
l’ u la g e d es papeteries. Ma is on d o it ê tre raffuré
par les be fo ins immerifes d 'une n ombreu fe population
, qu i d oit toujou rs fou rn ir à la dépenfe de
l ’in dufirie , d on t le s produits c roiffent comme
e lle .
Réflexions fur Vemploi des plantes brutes pour
fuppléer au ckljfon.
D ’après ces c o n fid é ra t io n s , on eft furpris que
cer ta in s phyficie.ns , & d’autres pe rfonnes livrées
à de m auv a ife s com bin aifons , a y en t çonfidéré,
en différens temps., l’ emploi des plantes & des
é co rc es d ’arb res com m e une reffou rce contre la
difgtte cl il chiffon dans la fabrication du papier.
Au milieu de ce grand zèle, tant de la part des
de bonne-foi que des charlatans , aucun
Sricant intelligent n’ a penfé à cette prétendue ref-
fôurce ; aucun n’a pu fe flatter qu’à une petite diftance
papeterie, il pût faire une récolte de plantes
va es & fans culture, affez confidérable pour entretenir
une cuve pendant une année entière. Dans 1 hy
nothèfe de ces perfonnes qui nous vantent l j j
niantes, il n’eft quellion qae de végétaux quon
n-ut fe procurer facilement , & prefque fans
fais • car fi l'on eft ohligé à de longs transports, a
des récoltes difpendieufes, on voit que 1 économie
dont on fait valoir les avantages, ceffe d avoir heu.
En fuppofant les plantes fans culture abondantes
à la portée de la papeterie, fuppofition
hafardée, les fabricans ont du être alarmés de
l’immenfe encombrement que leur occafionneroic
la proyiflon d’une cuve où l’on fabriqueroit trente
milli-rs de papier; car, en calculant fur les deux
tiers "d- déchet, il leur faudrbit une «latte de
quatre-vingt-dix milliers d’une feule plante fans
culture • & ft l’°u a recours au mélangé de
plufieurs plantes, on ne. peut compter fur une
étoffe d’une force & d’une foupleffe égale , &
par conféquent fur les produits d’une fabrication
uniforme : ce qui eft très-efientiel pour plufieurs
arts où l’on fait ufage du papier. -
A juger de ce qifon pourroit fe promettre le
plus raifonnablement de l’emploi des plantes dans
la fabrication des papiers , par les eflais des
phyficiens dont j’ai parlé, & de ceux de M. Schoeffer,
en particulier, il paroît qu’il n’y a guere que
les plantes filamenteufes qui puiflent etre dune
certaine utilité ; mais alors on voit clairement que
le fabricant qui fe propoferoit d’en faire ufage,
ne pourroit le faire avantageufement fans ajouter,
aux manipulations de la papeterie afforties à 1 emploi
du chiffon, d’abord le rouillage, long & difficile;
enfuite, s’il veut dégager les principes filamenteux
des fubflances qui les mafquent & en altèrent la
couleur, il fera néceffaire qu’il ait recours à des
leffives réitérées plufieurs fois. On aperçoit^ ai-
fément que, dans le choix d’une nouvelle matière
première, il feroit indifpsnfable d introduire dans
nos papeteries deux nouveaux atteliers celui du
rouiffage & celui du leffivage des plantes. J ajoute
que., comme on feroit aftreint, dans cette hy-
pothèfe, à n’employer, que certaines efpèces de
plantes, on ne pourroit s’en procurer une quantité
fuffifante, fans prendre le parti de les cultiver ;
& , pour lors , je vois augmenter. Iqs foins &
les avances. primitives du fabricant. Quelle étendue
immenfe de terrain ne fera-t-il pas obligé de
confacrer à cette culture, puifque la quantité de
ces plantes qu’exigeroit l’entretien d une cuve,
monteroit au moins à quatre-vingt-dix^ milliers
pefant. Je ne parle pas ici des greniers neceffaires
pour y -ferrer ces récoltes, qui ne pourroient fe
faire qu’une feule fois dans-l’année.
D’après ce« confidérations , qu’on n’a point
e x a g é rée s , 'o n c o n ço it q u e to u t fa b rican t fe n fé ,
qui fa it c om p t e r , a d û s’en ten ir à l ’emploi du
c h i f fo n , & donn er tous fe s r*in s p ou r en an imer
là cu e ille tte dans fo n a r ro n d iffem en t, & p o u r fe
pro cu re r une m a tiè re q u ’il t ro u v e dans un é ta t
qu i le d ifp en fe dê toutes manipulation s co u -
teu fe s ; car c ette m a t iè r e , lo r fq u ’e lle lu i a r r iv e ,
a é té c u lt i v é e , r é c o lt é e , r o u i e , le f fiv é e 8c blan ch
ie à d ’autres in tentions qu ’ à c e lle de fe r v i r à
fo n u fa g e . I l fe t ro u v e donc fo r t h e u r eu x d e re c
e v o ir le chiffo n com me un e ma rch and ife de
rebus , & d e la p a y e r com m e te lle .
S i no us fu iv o n s en déta il la cu eille tte ’des ch i f fo n s ,
nous v e r ron s effe ctiv ement qu e le fa brican t ne
p a y e g u è re q u e la pe in e de c eu x qu i le ram a ffen t;
c’e ft pa r cette ra ifon qu e cette cu eille tte ne s’é ten d
g u è r e qu ’ à u n e diftance pro po rtio n n ée au prix
qu e le s fabricans y p e u v e n t me ttre & y ont
mis ju fq u ’à pré fent. P lus le tra v a il des papeteries
eft fo ig n é , plus il fu p p o fe d’e x a& itud e dans le
tr ia ge des ch iffo n s , plus les chiffonniers s’é lo ign en t
des fabriq ue s ; & p ou r p e u qu ’ ils fo ien t fa vo r ifé s
pa r des r iv iè r e s n a v ig a b le s , l ’a r rondiffement de
1a - cu e ille tte s’é ten d en c o r e d a v an ta g e . I l fu it de
l à , q u e l ’on n e rama ffe pas de chiffon d ans le s
endroits é lo ign é s des p a p e te r ie s , & au -de là 'des
limites qu e le p r ix de c ette d en ré e fem b le a v o ir
fixées ; & je puis* dire q u e le n ombre de ces e f pè
c es de v id e s e ft en co re con fid éra b le en
F ran c e .
N o u s a v o n s d on c d eu x reffou rc es p o u r au g menter
la qu an tité d e chiffon q u ’o n emploie maintenant
dans nos fa b r iq ue s . N o u s p o u v o n s d ’ab ord
hauffer les prix de la plupa rt de nos c-hiffons ; en
fé c o n d lie u , nous pourrons d iftribuer nos p ape teries
plus é co n om iq u em e n t , eu e ga rd à la cu eille tte d u
chiffon , lo r fq u e là d ife tte de c ette ma tiè re fe fera
fentir. C e s d eu x reffou rces ’m e , pa roiffent d e v o ir
fe rv ir lo n g - tem p s , dans le cas o ù no us ju g er ion s
c o n v en a b le d ’ au gmenter nos. ufin es .
Du triage des chiffons.
T r ie r les chiffons , c’ e ft en fa ire différens lo t s ,
fui v au t leurs qu alités & fu iv a n t le tra v a il des
fabriques. En g é n é r a l, le tria ge du chiffo n e ft fo r t
n é g lig é dans la plupa rt de nos mou lins. C e t te lé -
pa ration n e fe fa it gu ère q u e d’après les d egrés
de fineffe & d e b lan ch eu r des to ile s qu e les trieu fes
rem arqu ent du premier cou p -d ’oe i l ; cep end ant le
c h o ix des chiffons d o it ê tre ré g lé fu r be au cou p
d’autres qu alités ; n o n -feu lem en t o n d o it fa ire
a tten tion à le u r fineffe & à leu r b la n c h e u r , mais
en co re à c eu x qu i font plus o u mo ins ufés &
plus o ù moins durs : c ette dernière d iv ifio n e ft
b e au cou p pius e ffen tie lle q u e la p r em iè r e , f i l’on
v e u t a v o ir des pâtes pures & hom o g èn e s .
L e s fabrican s les moins attentifs , d o iv e n t
fa v o ir q u e le mé lange des chiffons tendre s Sc
d » jÿ , s’o ppo fe bien plus au fu c c è s d’une bonne-
P p p H