
Supplément à l'HiJloire de la- platine
En parlant de la précipitation de la plattne
par le moyen du fel alkali fixe minéral, j’ai renvoyé
au fupplémcnt la manière d’obtenir cet alkali
de l’acide auquel il eft uni dans le tel
marin. C ’eft ici le lieu de donner cette me-
thode.
I. Purification du fel marin.
Le fel marin pur eft une combinaifon du fel al-
kali minéral avec l’acide marin. Mais toutes les
fortes ordinaires de ce fel ordinaire contiennent
un mélange d’une ou plufieurs matières falines
d’une compofition différente, leur bafe étant une
terre au lieu d’un fel alkali ; laquelle terre eft
ordinairement la même que celle appellee magné
fie., quoiqu’elle foit quelquefois de lefpece
.calcaire.^ ' |§
i ° . On découvre ces Tels qui ont une bafe
terreftre, en fondant du fel marin dans l’eau, &
y v e r fan td ’une folutiOn de quelque fel al-
. kali;
La terre fe précipite , de quelque nature
qu’elle foit : l’acide qui la tenoit diffouïe
la quitte pour , s’unir avec ljükali furve-
nant ; de forte qu’en continuant 4 ’y verfer encore
de la folution alkaline, jufqu’à ce quelle
ceffe d’occafionner ni précipitation , ni nuage ,
on produit dans la liqueur , au lieu du fel avec
une bafe terreftre, un vrai fel neutre avec une
bafe alkaline.
a°. dans certaines fortes de fel marin, l’acide
uni avec la terre eft celui du vitriol. On peut
le connoitre en verfant fur une folution de fe l ,
une folution de craie , ou autre terre calcaire ,
faite dans les acides nitreux, marin ou végé-
tal.
L’acide vitriolique quitte la terre avec laquelle
il étoit auparavant combiné , & s’unit à la terre
calcaire , formant avec elle un concret féléniti-
que, qui n’eft point foluble , ou né 1 eft que bien
peu*, & qui conféquemment fe dépofe au fond
en forme de poudre ; de forte qu’en continuant
d’y verfer une iqfte quantité de la folution calcaire
; tout l’acide vitriolique peut être féparé avec
la terre Calcaire , tandis que la magnéfie, alors
combinée avec l’acide, dans lequel la terre calcaire
étoit diffbute auparavant , refte dans la liqueur
avec le fel marin.
30. Il y aune autre méthode pour pouvoir fer
r e r l’acide vitriolique, & cela fans commmuniquer
à la liqueur aucune imprégnation étrangère.
A joutez à la folution du fel marin un peu
de forte eau de chaux.
L’acide vitriolique s’unit & fe précipite avec
la chaux ; & la magnéfie, ainfi privée de fon dif-
folvant acide, fe précipite aufïi.
Quoique ce procédé fimple purifie efficacement
le fel dés combinaifons vitriôliqueis & de
magnéfie, communément appelées fel amer , il
ne remplit pas fi bien l’objet, quand il s agit de
diftinguer purement cet acide, que la méthode
précédente ; parce que l’eau de chaux produit la
précipitation & l’épaifliffement dans beaucoup de
liqueurs qui ne contiennent point d’acide vitriolique.
4°. Il y a beaucoup de fortes de fel marin ,
où la terre hétérogène eft unie avec le véritable
acide marin ; on peut toujours juger que^ ce cas
arrive quand le moyen d’effai du n°. 1 découvre
que le fel contient une terre, & quand la folution
ealcaire, iî°. 2., en ne produisant point de
nuage, fait voir que l’acide n’eft pas celui du
vitriol.
La combinaifon , foit de magnefie, foit de terre
calcaire avec l’acide marin, ou avec l’acide nitreux
, fi un pareil acide peut jamais exifter dans
le fel marin, ne peut être féparée, à mon avis,
par aucun autre moyen , qu’en la décompofant
par les alkalis, comme dans le n9. 1 , ou en la,
cryftallifant avec foin.
J’ai trouvé que la combinaifon de terre avec
l’acide marin eft bien le mélange le plus fréquent
& le plus confidérable dans les fels marins dont
ori fe fert communément chez nous pour la table.
Ce compofé fe liquéfie aifément à l’air ; on
fait que c’eft une imperfeâion dans les fortes
ordinaires de fels marins , & c’eft cette difpofitjon
à fe liquéfier qui fait'en grande partie qu’on peut
le féparer par la cryftallifation.
Les fels de baie, cryftallifés par l’évaporation
lente , produite par la chaleur du foléil , ont
beaucoup moins de ce fel fujet à défaillance, &
par-là font beaucoup moins lujets à devenir humides
à l’air, que ceux qui font préparés en fai-
fant bouillir brufqtitment la faumure ; quoiqu’en
général ils aient un allez grand mélange du fél
amer , qui fe cryftallife aufii parfaitement, quoique
pas fi vite que le fel marin lui-même.
C ’eft de ce fel amer probablement que dépend
une propriété des fels marins ordinaires, qui a
donné lieu à quelques mépriles par rapport à
lèur compofition.
Quand le fel commun a été fondu au feu, il
fe liquéfie enfuite fort promptement à l’air, quoi-
qu’auparavant il fut d’une efpèce à être peu fii-
. jet à devenir humide. ,
Cela rte paroît pas venir de ce que le fel ait
été rendu alkalin, ni qu’il ait rien perdu de fon
acide , mais d’une tranfpofition de fes acides ,
telle qu’on en voit arriver quand des mélangés
artificiels des mêmes ingrédiens font traites de la
même manière \ l’acide vitriolique du fel amer ,
debaraffé de fa terre par la chaleur , s unit
avec autant qu’il en peut prendre de^l alkali du
fel marin ; & l ’acide marin dégagé par l’autre de
cette partie de l’alkaü, s’unit avec la magnefie
que l’acide vitriolique a abandonnée , formant
par-là, au lieu du fel amer cryftallifable, le corn-
pofé fort liquifiable dont on vient de parler.
On.a-trouvé, en effet, que le fel commun
donne une portion d’acide marin , quand ^on
fait bouillir prorrptement fes foiutions , ou qu on
expofe le fel fec à un feu violent ; mais le compofé
de terre & d’a:ide marin fe t.éfait dun peu
de fon acide dans les mêmes circonftances ; &
M. Baumé a fait voir, dans fon Manuel deGhy-
mie , que le fel marin purifié de ce compofé n en
fait pas de même.
La purification du fel marin d’avec fa terre,
par l’addition des fels alkalis, quelqu’uttle qu elle
puiflie être dans les falmes , eft un m^yen,auquel
il ne faut jamais avoir recours pour l’intention
a&uclle, à moins qu’on n’ait un alkali exactement
le même que l’alkali exactement le même que
l’alkali marin lui-même ; car de quelque façon
qu’on puiffe défunir l’alkali marin d’avec fon
acide , on féparera en même-temps cet allcali
étranger. ; & en effet, on n’a aucun befoin ki
de cette purification ; car en féparanr 1 acide de 1 alkali
, on le fépare aufli de la terre ; &. enfuite
on purifie l’alkali de cette terre en même-temps
que de l’autre matière terreftre qu’ l a contractée
dans l’opération, en le diffolvant dans de
l ’eau.
Pour les deux procédés de l’article fuivant, il
-fuffit que le fel foit bien purifié de l’acide vitriolique
; & pour le troifième, cette purification n’eft
même pas néceffaire.
II.- Précipitation du nitre cubiquef
On ne peut, autant que je fâche , ni expulfer
l’acide du fel commun de fon alkali par le feu ,
ni le tranfporter à aucun autre corpsr.
Mais quoiqu’on ne puiffe pas transférer 1 acide
marin de l’alkali , on peut transférer l’alkali de
l’acide marin à l'acide nitreux, & de ce dernier
acide on peut féparer l’alkali pur.
La combinaifon de cet alkali avec l’acide nitreux
eft app.Uée nitre cubique, de la figure
qu'il prend dans la cryftallifation.
Arts & Métiers. Tome V, Part. IL
i°. On peut préparer le nitre cubique en mettant
dans une cornue de verre un peu de fel commun
, dégagé d’acide vitriolique, entièrement fâché
fur le feu & réduit en poudre ; mettant la
cornue fur autant de fable qu’il en faut pçur la
tenir droite, dans un pot de fer placé dans un
fourneau convenable ; en y verfant trois fois la
pefanteur du fel , d’un bon efprit fumant de
nitre , & prenant garde d’en éviter les vapeurs
luttant immédiatement fur Hn grand récipient
, dans lequel il y aura un peu d’eau pour
exciter la condenfation des vapeurs, 6c procédant
enfuite à la diftillation avec un feu fort
gradué , qu’on augmente à la fin , julqu’à faire
rougir le fond de la cornue.
L’acide marin , avec une partie du nitreux,
p affe dans le récipient j l’alkali marin avec le
refte de l’acide nitreux , demeure dans la re-
torte.
Il faut diffoudre la mafle de fe l, & la tirer de
la retorte avec de l’eau diftillée ©u de 1 eau de
pluie pure ; enfuite on filtre la folution , on la
tait évaporer à une chaleur modérée , jufqu’à ce
qu’il commence à parpître une pellicule à la fur-
.face , après quoi on la met refroidir.
Le fel poufle des cryftaux cubiques , ou pli>
tôt rhomboïdes , qui communément font entrelaf-
îés enfemble.
M. Marggraf , dans une differtation fur la
meilleure méthode de féparer la fubfiance alkaline
du fel commun , a trouyé que deux parties
d’efprit fumant de nitre , d’une force capable
d’enflammer à l’inftant l’huile pure de gérofle ,
fuffifoient pour une partie de fel commun purifié
; mais à l’égard de l’efprit nitreux plus foi/•
ble appellé eau-forte , il en preferit huit fois la
pefanteur du fel.
Il prétend que les cryftaux qu’on obtient avec
Pefprit fumant, (car jl paroiffoit alors n’avoir
pas eiïayé l’efprit plus foible ) eft le nitre cubique
pur, quife bru.e fur un charbon ardent fans
pétiller , & qui n’a pas le moindre mélange de
fel commun.
Quelques-uns ont rapporté que , quoi qu’on
eût employé un efprit de nitre allez fort dans
une quantité plus que double de la pefanteur
du fel , le réfidu , après la diftillation , confiftoit
principalement en fel marin fans altération, mêlé
feulement avec une petite proportion de nitre
cubique.
De quelle caufe procédoit le défaut ? le peu
d’expériences que j’ai faites fur ce fujet ne me
mettent pas à portée de le décider ; peut-être
qu’il feroit néceffaire que l’efprit nitreux fut très-
fort ; car un acide concentré peut produire des
dècompofitions aulfi bien que des diffolutions ,
que le même acide délayé n’eft plus capable de
produire.