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nues pays un fi grand nombre de blutoirs , que
les moulins ne peuvent pas les faire mouvoir fans
inconvénient.
Mais il y a un moyen d’éviter toutes ces difficultés
; c’eft d’adopter la mouture laxonne , oc
de chercher pour cela à la bien connaître. Lata-
fine ne s’échauffe point avec les moulins que 1 on
a en Saxe. Pour empêcher qu’elle ne je blute parfaitement
à mefure qu’on moud , elle entre immédiatement
dans léilutoir en fortant de deffous
les meules; au lieu que dans quelques moulins ,
elle paffe dans un canal pour y aller ; ce qui 1 e-
chauffe plus facilement. , , ,.
En Saxe, l’on n’a point cette multitude de blutoirs
; l’on n’en a qu’un pour chaque forte de
mouture , favoir , un pour le froment, & un au - ...
tre pour le feiglé.° _ , 1
Celui dont on fe fert pour le bourgeois.eit plus
fin que celui pour le boulanger. Mais comme on
l’a vu précédemment, on repaffe plus fouvent en
Saxe la farine au moulin , en forte qu elle elt
toute également fine, quoiqu’elle ne foit pas toute
de la même blancheur. , . .
Tout cela ne peut pas fe pratiquer dans les
moulins dont les meules courantes font fi pefantes,
parce que la fariné s'échaufferait a un tel point,
fi on la faifoit paffer auffi fouvent au moulin ,
qu’elle en ferait altérée. ; ■ .
On nomme meule ardente celle qui eu plus mordante
par les inégalités qu’elle a naturellement, oc-
par celles qu’on a faites en la piquant. Et on dit
en France que pour faire une bonne mouture , il
faut que la meule courante foit plus ardente que
ia h mêmg chofe p?ur les meules’
d’Allemagne. Les deux meules doivent être également
ardentes ; on dit alors qu elles tournent en-
femtle. Cette différence vient de la nature des
pierres , celles de France devenant plus pefantes
& plus faciles à échauffer lorfqu’ elles font trop
ardentes. .,
C ’eft fans doute pour cette raifon que Ion préféré
dans ce pays-là, pour avoir de belle farine ,
de fe fervir d’un moulin qui a moulu pendant fept
OU huit jours après avoir eu fes meules r ha \ ees,
c’eft-à-dire , piquées nouvellement , plutôt que
d’un autre qui n’a fervi que fort peu de temps.
C ’eft le contraire en Saxe, ou 1 on r habille les
meules toutes les vingt-quatre lieures, fi l on moud
de fuite. I . . ' . ,
Il paroît, après cela , bien étrange de voir qu on
les laiffe en France quelquefois deux ou trois mois
avant que d’y toucher. Ces meules émouffees ,
avec le poids confidérable qu’elles ont, doivent
néceffairement échauffer fortement la farine. Auffi
l’on dit en Saxe qu’une meule émouflee brute,
& qu’une meule nouvellement piquee moua
^ En Allemagne, un moulin qui a fuffifamment
d’eau , & dont la meule courante n’eft point trop
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ufée , peut moudre dix-huit fetiers de Dresde en
vingt-quatre heures. En France, il en moud dans
le même temps , dix-huit à vingt fetiers de Fans
par économie , & un tiers de plus fi c e e g •
Mais on ne peut guère faire ici d e.“ “ F?™1“ ” ’
car la mouture faxonne eft encore bien diftêrente
de la mouture économique. . ,
La quantité de farine qu’un moulin fournit dans
un temps déterminé , dépend beaucoup de la com-
midion, Pour en donner une.idée, nous entrerons
dans un petit détail.
Il faut obferver que la meule courante a un
double mouvement : elle tourne fur Ion ax e, oc
elle s’élève & fe baiffe perpendiculairement. Le
dernier mouvement , qui pourrait , etre appeie
tremblant , eft produit par le mouvement du pa er
qui porte la lanterne,de frein & la meule ellemême.
- .. -, j_r
Lorfque le palier eft tellement coigne par del
fous, qu’il ne peut plus fe plier, la meule courante
ne s’approche & ne s’éloigne plus alternat
vement de la meule gifante, & le moulin ne don-
ne pas de la farine, mais du bled egrugê. La )utte
proportion du palier contribue beaucoup a fournir
dans un temps donné , la plus grande quantité
poflible de farine. Peu de meuniers faififfent cette
différence, & ceux qui la connoiffent en font un
myflère. Si le palier eft trop for t, il donne peu
de farine , tout comme s’il étoit trop foible.
Pour trouver la jufte proportion, il faut taire
des effais jufqu’à ce qu’on ait attrape le point.
On a obférvè qu’un moulin bien fait dans cette
partie , moud trois fetiers de plus en vingt-quatre
heures. - c . .
Un habile meunier faxon entend parfaitement
toutes ces chofes ; non feulement il fait r’habiller
fes meules , mais il eft encore en état de coni-
truire le moulin , ou tout au moins de reparer
beaucoup de chofes q ui, par un frottement confidérable
, font bientôt ufées.
Il feroit à fouhaiter que quelque habile meunier
de ce pays-là voulût donner au public un traite
de la conftru&ion des moulins ; car. quoiqu’on en
trouve de bonnes defcriptions dans les ouvrages
allemands fur la conftuâion des moulins, cependant
il faut convenir qu’il n’y a point de traite
complet.
La bluterie.
Gommé l’on fe propofe par la mouture de réduire
tout le grain en farine & en fon , on cherche
de même par la bluterie à féparer toute la farine
du fon. . r • r j
On peut dire que plus la partie fanneuie du
grain eft féparée de fon écorce , qui fait le fon ,
& que plus elle eft épurée aufli du germe , qui
compofe en partie les recoupettes, plus elle eft
blanche. C ’eû pourquoi ce qu’on tire de plus blanc
des grains , eft la première farine de gruau & la-
I midon. La
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La farine d’amidon eft encore plus blanche que
celle de gruau , comme la première farine de gruau
eft plus blanche que la première de bled, parce
que la farine d’amidon eft encore plus épurée de
fon que n’eft le gruau , comme la première farine
de gruau eft plus purgée de fon que la première
farine de bled : en réduifant le gruau blanc en
farine., on n’en tire aucun fon. Si ce gruau etoit
pur, il ne pourroit y avoir que quelques, filets imperceptibles
, provenant des' pellicules qui renferment
les globules de farine, daps le grain.
Pour le gruau gris, il.ddnne du fon lorfquon
le remoud , parce que c’eft ce fon qui le rend
gris. Le gruau bis a encore plus de fon que le
gris ; il contient plus du germe, qui en altère
auffi la blancheur , non la qualité,f ■
Par le moyen d’une bluterie bien entendue,
on purge toute la farine du fon , & on en fepare
les gruaux , qu’on peut enfuite pétrir pour en
faire du pain pour le bourgeois, qui eft ce qu’on
nomme pain de minage ; ce pain bis-blanc , qui
réfulte ainfi de la mouture-en-grofîe proprement
dite, a meilleur goût que le pain blanc qui eft
le produit de la mouture économique, parce que
la farine n’a pas perdu , par trop de moutures ,
fon goût naturel.
- Ainfi la mouture en groffe proprement dite , qui
travaille autant par les blutaux que par les meules
, n’a pas les inconvéniens non plus de la mouture1
ruftiqüe , qui ne fe fervant pas bien des
meules , ni allez des blüteaüx, met dans le cas
d’employer à nourrir des bëftiàux ou à faire de
l’amidon, ce qui peut fervir à nourrir mieux les
hommes.
La bluterie rie fe fait nulle part auffi bien qu’en
France, pas même dans les pays où l’on fait ré-
moudfe : on n’y fait pas bien nettoyer les gruaux
avec les blutoirs.
Pendant qu’on a perfectionné les moyens de
moudre les grains , on a appris auffi à en bluter
la farine : ©ri srift -fervi d’abord- pour cela de ces
toiles claires qu’on nomme canevas ,• & on a employé
auffi des tamis dé Crin :i on a encore fait
pour cet ufage, dés fefpèees dè cribles avec des
peaux apprêtées & trouées. On a nommé fas: divers
tamis , du nom fêta b foie , parce qu’on en
a fait autrefois avec des foies de cochon & de
fanglier.
On a fabriqué 'depuis des étamines plus fines
en laine , en •• poil dè ‘Chèvre & en foie.
Enfin on a imaginé de donner à toutes ces différentes
efpeces d’étamines & de toiles à tamifër
une forme cylindrique, & fon en fait ce qu’on
nomme blutoir ou bluteau , qui eft compofé d’un
arbre tournant, de fufeaux, de'Cercles, de bâtons ,
d’une baguette ,. d’une manivelle , d’une trémie
& d’un; auget.
On fait des bluteaux de deux à trois pieds.de
diamètre, qui font compofés de plufieuvs échantillons
, c’eft-à-dire , qui ont dans leur longueur plu-
Arts & Métiers. Tome V% Partie ï.
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fieurs lés ou largeurs d’étamine & de canevas,
placés de façon que ce qui : fait la largeur des
étamines compofe la longueur des blutoirs ; ils
ont depuis cinq pieds jufqu’à neuf de longueur.
On attache des cordes o u , des baguettes dans
ces bluteaux, pour aider à agiter & à féparer les
farines & le fon , qui fe mettent en pelottes ; d’ailleurs
ces cordes foutiennent auffi les blutoirs ;
il ne faut pas qu’ils foient lourds & matériels ; ils
ne fauroient être trop leftes.
Il faut les bien monter , & leur donner environ
un pouce de pente par pied, fuivant la longueur
de la huche. On donne au bluteau , dans une
huche de huit pieds , huit pouces de pente.
Les étamines à bluteau portent ordinairement
un tiers de largeur ; il y a de ces étamines qui n’ont
qu’un quart, & elles font de vingt aunes à la
■ pièce'.
Les étamines font de différentes fineffes ; on
les défigne ordinairement depuis le n°. 11 , jùi-
qu’au n°. 44 , c’eft-à-dire , elles ont depuis 11 jufqu’à
44 fils dans chaque portée & elles ont douze
à quinze portées.
Ces portées font les bouts des fils dont eft com-
pofée l’étamine, & qui font raffembles en petits
I paquets , qu’on peut voir au bout de chaque pièce
{ d’étamine. / .' ■
On conçoit aifément que moins les étamines
ont de fils dans la même largeur, moins les blutoirs
font fins, parce que les intervalles des fils
font d’autant plus grands, qu’il y a moins de fils de
même groffeur dans la même étendue. Ges etamines
font faites de laine fine.
Le blutéaù pour le blanc & pour le blanc bourgeois
eft ordinaifiement dü n° 38, c’ëft-à-dire , que
ce bluteau eft aujourd’hui compofé de .38 fils 5 ce
qui cependant eft fujet à varier.
Les etaminës de foie portent un quart & demi en
largeur, & environ un pouce de plus , ce qui fait
: un pied cinq pouces ; -ib y en a de cinq fortes
différentes en fineffe.
Ordinairement les meûniers ! fe fervent: de tamis
de laine de mouton , & les boulangers emploient
des tamis de ’ foie & des quintins.
Les bluteaux de foie font employés pour les
farines les plus fines, pour les farines de gruau. On
fe fert aujourd’hui de blutoirs de foie , beaucoup
plus qu’on ne, faifoit autrefois ; les bluteàux de foie
durent plus long-temps que les autres ; c eft cè qui
'fait qu’ils cpûtent moins, quoique le premier achat
en foit plus cher. r , . ■
Les étamines à bluteau en laine fe fabriquent à
Rheims ; on y en fait .aufli de foie ; mais les
tamis -de foie fe font plus communément à
Paris. ; -
, Pour ce qui eft des canevas , il y en a d’un quart
• & demi, d’une demi-aune, de deux tiers & de trois
• quarts. ! * » a
' Lq qpintin. eft une efpèce de canevas ; c’eft une
toile apprêtée & bleue , qui a une demi-aune moins