
trituration , que le mélange des chiffons , gros
blancs ou his, d’une égale dureté &
reljitance. Ils doivent fentir la néceffité d’un triage
exaét lorlqu’ils font ufage des cylindres , dont le
travail, plus précis que celui des maillets, exige
une plus grande exaditude dans le triage , fi l’on
veut obtenir des pâtes égales & homogènes, &
éviter, fur-tout, des pertes confidérables. On ne
peut rien faire de mieux, que d’imiter en cela
les Hollandois, qui ont mis le plus grand foin dans
cette partie, parce qu’ils en ont fenti les avantages
& même la néceffité. Nous allons expofer
luccintement le fond de leur méthode.
On commence par faire un triage général, en
quatre lots, en mettant à part les chiffons fu-
Pe™ > les fins , les moyens & les bulles -; on
0 lit noue, enfuite chacun de ces lots à d’autres
tneufes, qui font chargées d’en faire cinq fubdi-
yilions, qu’elles jettent dans cinq caiffes particulières,
au milieu defquelles on les place : on
leur donne outre cela un banc, fur lequel on a
attache verticalement un crochet & une portion'
de taulx, qui fe. termine par le haut en pointe
recourbée. r -
Je fuppofe, par exemple , qu’on ait chargé une
meule du lot des chiffons fins ,elle mettra dans une
caille les chiffons durs, ou qui font très-peu ufés,
ans une autre les tendres ;|dans la troifième , ceux
2 , lont *a^es » dans la quatrième , les coutures
Ci ies ourlets, & enfin dans la cinquième , les
c liions luperfins qui fe trouvent coufus après,
les fins. r
A mefure que cet examen des chiffons s’exécute,
les femmes qui en font chargées, ne laif-
lent échapper aucun morceau fans enlever les
coutures, & fur-tout les noeuds des fils à coudre
, les ourlets, par le moyen du crochet ou de
la taulx qu’elles ont fous la main; elles ont foin
aulli de couper & de réduire chaque morceau
1 chiffon à un petit volume, & de déchirer
la toile par la trame, après avoir fait une
ouverture à une extrémité avec le bec de la
faulx : le moindre effort de la trieufe fuffit pour
que la féparation des morceaux fe faffe jufqu’à
1 autre : elles coupent enfuite avec le bas de la
faulx, les morceaux déchirés fur leur longueur &
dans le fens de la chaîne, car la toile ne peut céder
dans le fens de la trame, qu'à un infiniment tranchant.
S’il y a plufieurs morceaux coufus enfemble,
il convient d’abord de les féparer, pour Amplifier
le travail, avec le bec de la faulx ; on peut noir-
feulement entr’ouvrir une couture dans un point,
mais encore appuyer un des deux morceaux
qu’ofl veut féparer, &favorifer l’effort néceffaire
pour détruire les coutures fur toute leur Ion-
gueur.
C ’eft un principe effentiel pour ne pas perdre
beaucoup de matière, de couper & de déchirer
,l€S morceaux de chiffon dans le fens des tiffus,
fo it de la t r am e , lo it de la ch a în e ; car alors les
fils des b o rds de ch a qu e mo rc eau déchiré ou
c o u p é , t'èftent engagés dans l e r e f t e d u tiffu ; au
lieu q u ’un e cou p e o b liq u e , o utre qu’e lle efb pl>JS
lo n g u e & plus d iff ic ile , m e t à d é c o u v e r t plufieurs
fils qu i tomb en t au x p ie d s des trieufes , ce qui
o cca fio n n e une perte de matière confidérâble.
O n a fo in en H o llan d e qu e les trieufes coupent
les m o rc e au x d e chiffon d e la grandeur 8c
du v o lum e qu i co n v ien n e n t au tra v a il d u cylindre;
c e la les e x em p te d ’a v o ir reco u rs au dérompoir,
dont les opéra tions fe ro ien t impo ffib les av e c du
Chiffon no n -pou r r i. J’a i' remarqué q u e cette pratique
a v o it des a v a n ta g e s , m ême lo r fq u ’on pourrit i
le c h i f fo n , & q u e le tria ge en d e v en o it d’ autant
plus e x â é t , q u e les tn e u fe s é to ie n t o b lig ée s à réduire
les m o rc e au x de chiffon à un moindre vo- I
lume.
L o r fq u ’on a trié un e certa ine qu an tité de chacu
n e de ces ftibdivifio>ns J, on les po r te fa r un
g r illa g e atta ché à la pa rtie fu pè rieure d’une grande
c a i ffe ; alors un e fem m e , q u i diftribue les tâches
^ a u x trieufes , & qu i préfide à toute s leurs opérations
, e xam ine a v e c fo in le s chiffons ; & fi elle
n e t ro u v e pas l’exaéfitude c o n v en ab le dans le
ch o ix des qualités , e lle rend les chiffons à
la trieufe ; mais fi au con tra ire to u t e ft bien af-
f o r t i , e lle ba t les chiffons & les fe c o u e pour en
d é g a g e r les fa letes & la po u ffière , leiquelles
pa ffent à tra v er s les ma illes du g r illa g e , & tomb
en t au ‘fo n d de la caiffe.
L e n ombre des lo ts q u e le s d éliffeu fe s' forment
dans leu r s - tr ia g e s , d o it v a r ie r b e au cou p fuivant
les p ro v in c e s o ù fe rama ffe le chiffon , fuivant
la m a ffe fu r laq u e lle fe fa it le t r ia g e , fuivan t le
tra v a il d es fabriq ue s & leurs d é b o u c h é s ; ainfi
je n ’ai pas p ré ten du d onn er u n e rè g le générale
d e d iv ifio n des chiffons , en in diqu ant ci-devant
im certa in nom b re d e lo ts .
Q u e lq u e s fabriques d on t le tra v a il e ft confidé-
rab le , & q u i o n t plufieurs c u v e s , diftinguent
ju fq u ’à n e u f lô ts d e chiffons , les fu p e r fin s , les
f in s , les mi-fins , les m o y e n s , les bulles ; les
traffes b la n ch e s , les traffes g r ife s , les maculatures
blanches & g r i f e s , & l e s déche ts du d éliffa g e ,
com me c o u tu r e s , & c .
D a n s le tra v a il commun d es m o y en n e s manu-
fa & u r e s , on ne fa it guère qu e q u a tre lots : ceHx
des chiffons f in s , c eu x des m o y en s x puis des
bu lles & des traffes.
I l y a d es moulins qu i ne fo n t q u e d eu x lots,
en con fon d an t dans le premie r les fins & mo yens,
& dans le f é c o n d , les bu lles & les t r a f fe s , & il
faut a v o u e r q u e leu r tra v a il e ft affcz recherché.
J ai d é jà o b fe r v é c i-d e v a n t q u e le * chiffons
d é v o ien t ê tre triés tr è s -e x a é lem e n t, qu an t à la
fineffe & quant au d eg ré de d ure té d es ma tières,
& j ai rem arqu é qu *iHmpo rto it fu r-tou t de mettre
au tant d’e xa& itud e dans le fé c o n d tria ge que
dans le premie r , p a rce qu ’ il e ft d e la dernière
importance pour obtenir des pâtes bien égales & <89 une grande perte. J’a|oute ici quil y a des
f lc h o q u a n t à la fineffe & à ia beauté de la
matière , il eft utile de. ne pas faire le triage des
chiffons fi rigoureufement; tl eft fort utile, par
exemple, de ne pas priver les moyens de quell
e partie des fins , & les fins des matières fu-
uerfines ; car le fond de la fabrication des fortes
inférieures, eft tellement appauvri par ce fyftême,
aue quelque apprêt qu’on donne à ces fortes
inférieures , on na peut en obtenir un papier
d'un fervice agréable ; &. par confisquent d un
débit facile. „ , i
Le défaut le plus commun, eft de porter les
chiffons des lots inférieurs dans les lots fupérieurs,
ce qui dégrade la fabrication ; car fi l’on augmente
la quantité des papiers, on s’oppofe à la beaute
des étoffes & au fuccès des apprêts. Il vaut beaucoup
mieux porter les parties de lots fupeneurs
dans les inférieurs , que des inferieurs dans les
| fupérieurs. . .
J’ai vu certaines fabriques, renommées par la
beauté des fortes fupérieures, & dont les fortes
inférieures n’avoient aucun débit, parce qu elles
ètoiènt privées entièrement d’un certain mélangé
des lots fupérieurs, qui eft néceffaire pour leur
donner les qualités qui affurent le débit.
Les triages des chiffons étant faits avec exactitude,
comme je l’ai d it, & les lots de chiffons
étant pourris & triturés féparément, on peut en
mêler les pâtes ; & fi ces mélanges fe font avec
intelligence, il n’y a pas de doute que^ ces com-
binaifons ne fe falfent avec beaucoup d avantage ;
mais je penfe qu’il faudroit fuivre dans ces mélangés,
les principes que j’ai expofés ci-deffus ,
quant au mélange des chiftons. Ainfi je melerois
au moyen une certaine proportion de mi-fin, &
au mi-fin une certaine proportion de fin, de telle
i forte que la pâte des lots inférieurs dominât fur
la pâte des lots fupérieurs, & non pas la qualité
fupèrieure fur l’inférieure ; dans la première com-
binaifon , les papiers des fortes inférieures gagnent
plus, après les apprêts, en beauté & en
bonté, qu’on ne perd par le mélange de la belle
pâte ; au lieu que fi les belles pâtes recevoient
une certaine quantité de pâtes inferieures, elles
en feroient plus gâtées & plus dégradées, qu on
ne gagneroit par la quantité. On voit que 1 intérêt
des fabricans eft ici lié, comme il l’eft toujours,
avec la bonté des produits de leur fabrique.
Du lavage & du pourrijj'age des chijfons.
Dans certaines fabriques le pourriffoir eft divifè
en deux parties , dont l’une fert à laver la peille
pour enlever les ordures les plus groffières. Apres
l’avoir bien humedée ia v u i r uic iiiiuLiiti-Lv 'S &wt li’ aa wvo»i*r laif—fé t--r-e--m-- per dans
un grand b a c 'd e pier re , o n la braffe , & o n la in e
déborder l’eau c o u r qu’ e lle fe r e n o u v e lle en efi-
O n d o it foigner plufieurs ch o fe s d ans cette o p é ration.
L a p remiè re e f t de laiffer trem pe r le chiffon
dans la m êm e eau , fans la r e n o u v e le r , en v iro n
c in q o u f ix h eu res . L a fé con d é , dé laiffe r enfu ite
c o u le r l’e au potfr la r en o u v e le r pend ant trois^ a
q u a tre h eu res ; pa r c ette e fp è c e d e le f liv a g e , j ai
é té tém o in q u ’on peut e n le v e r au chiffon qu an tité
d e parties graffes qui terniffent p r c fq u e toujou rs
la p â t e , qu e lle qu e fo it l’exaâitude qu ’ on ap po r te
fu ite pour la tr itu re r. , ",
L o r fq u è le cfiiffon e ft bien p éné tré d eau , qu il -•
a été bràffé à plufieurs r e p r ife s , & q u e l’e au a
em p o r té to u t c e q u e lle p o u vo ir en le v er d ans un
la v a g e affez im p a r f a it , o n le m e t en tas po u r
pou rrir. D a n s c e t é t a t , il é p ro u v e une fe rm en ta tion
q u i d’ab ord s’ an nonce pa r des mo ifiiiure s
mu ltip liée s , d ifp er fé es fu r le s d ifféren s m o rc eau x
de to ile . E n fu ite la maffe s’é ch au ffe , & alo rs il
e ft très-impo rtant d e fu iv r e les p ro g rè s d e c e tte
ch a leu r , afin d’e n mo dé rer les effets.
C ’e f t dans c e s v u e s qu’o n a fo in d e ch a n g e r le
chiffon , en mettant deffus les cou che s q u i fo n t au
m ilieu , pa rc e q u e c’ e ft au m ilieu o ù la fe rm en ta tio
n v a plu s v it e . S u iv a n t n o tre fy ftêm e d e fa b r ica
tion en F ran c e , i l e ft bo n q u e le chiffon fo it
fu ffifamment p o u r r i , pa rc e q u ’il n e fe tr itu re ro it
pas fa cilemen t s’ il n’a v o it pas. acquis le d e g ré d at-
tendriffemen t né c effa ire p o u r d on n e r u n e pâ te
auffi fine & au fli h om o g èn e q u e l l e p eu t l’ê tre a v e c
nos ma illets , & m ême a v e c nos c y lin d r e s imparfa
its. 11 a r r iv e fo u v e n t en c o n fé q u e n c e , q u e le
p ou rriffa g e e f t po r té trop l o i n , d ou réfulten t
d eu x in co n v én ien s affez con fid éra bles . L e premier
e ft qu’ une g rand e pa rtie de chiffon fe d é t r u i t , & fe
r é d u it , en d ernière a n a l y f é , au fe u l principe t e r reux
. C ’e ft c e principe qu ’ o n r e tro u v e affez ab on damm
ent au to ur du d é rom p o ir , com m e on le v e r ra
pa r la fu ite .
O u t r e ce d é ch e t, on en é p ro u v e un au tre d ans la
tr itu ra tion , pa rc e q u e la p â t e , r é f id u d’ un e ma tiè re
é n e r v é e , n e réfifte pas a l’a â io n fo u ten u e des m a illets
auffi long-temps qu’ il conviendront p o u r ê tre
b a t tu e é g a lem e n t , & qu ’u n e partie e ft entraîn ée
en filets alongés & blanchâtres à t ra v e r s la t e in t e .
Un papier fa it de pâ te trop d u r e , peu po u r rie ,
e ft ru de , d ur & m a l feu tré . C e lu i fa it de p e ille
fu f é e , e f t c om p o fé de fibres , fans d o u c eu r , fans
n e r f , & c .
L e fé con d in co n v én ien t e ft qu e le ch iffon prend
de la g raiffe pa r une fe rm en ta tio n trop long-temps
con tin u é e , & il e ft po u r lo r s affez d ifficile dé le
fépa re r de la pa rtie fibreu fe par to u s le s la v a g e s
d e l à tritu ration.
Après cette expofition générale de ce qui le
paffe dans le pourriffage des chiffons, nous allons
décrire les différentes pratiques qui font en ufage
dans certaines fabriques du royaume , en indiquant
les inconvéniens & les imperfefttons de ces
Dratiaues ; enfuite nous donnerons quelques vues