
Ces ohfervations m’ont conduit à foupçonner I
que les émerils d’europe pou votent bi-m aufli 1
peut-être tenir une portion de platine. Si cela 1
étoit certain , cela expliqueroit d’une manière la- I
t-.sfaifante i’ufage qu’on prétend que quelques
Alchimiftes ont tait d émeril & autres mines fer*
rugineufes.
Nous n’aurions plus aucun lieu de douter ni
d’èt-e furpris, qu'en traitant l’or avec ces efpe-
ces de minéraux , ils obtenoient une augmentation
permanente ; que cette augmentation, quoiqu’elle
réftftât au plomb, à l'antimoine , à l’eau-
forte , & au ciment roy al, étoit réparable, comme
l’avoue Becker, par le moyen du vif-argent, &
que quand elle excédoit certaines bornes, elle
rendoir l’or pâle 8c caflant.
Si i’éraeril contient de la platine, j’ai imaginé
qu’on le pourroit découvrir en faifant bouillir le
minéral en poudre dans’ du plomb fondu , 8c en-
fuite faifant partir le plomb fur le teft- ou dans
une coupelle.
L’expérience a été faite avec huit onces de la
poudre la plus fine d’émeril ordinaire , 8c la même
quantité de plomb , que l’on couvrit de flux noir
pour empêcher la fcorification du plomb, 8c
qu’on pou Ha à un feu violent pendant deux ou
trois heures.
Le plomb devint dur, roide , d’une couleur
obfcure, d’un tiflu grenu, comme s’il eût reçu
réellement de l’émerii un peu de platine ; ; mais
à la coupelle il s’évapora prefque entièrement ,
ne biffant qu’un grain d’environ la groffeur d’une
tête d’épingle, lequel n’étoit autre chofe, fans
doute , que l’argent con enu dans le plomb.
J’ai répété l’expérience avec quelque variation ,
comptant obtenir une réfolution plus parfaite de
l’émeril en le vitrifiant avec le plomb. J’ai bien
mê’é enfemble deux onces d’émeril fin , 8c fix
onces de minium , 8c je les pouflai fur un feu
violent à vaiffeau fermé pendant une heure: ils
fe fondirent 8c formèrent un verre uniforme
d’une couleur brunâtre obfcure.
Ayant pulvéïifé ce verre, j’y mêlai quatre onces
de fel alkali fixe 8c un peu de charbon en
poudre, 8t remis le tout dans un nouveau creu-
le t, avec un peu de fel commun à la fur-
face.
P L A
de platine, mais , comme on rie doit pas fop*-
pofer que tous les émerils foient de la même
compôfition, les autres fortes peuvent mériter
d’êtie foumifes aux mêmes effais.
Comme l’or eft contenu dans certaines parcelles
des minéraux communs, 8c qu’on n’en trouve
pas abfo'.ument dans tous les individus de toute
une efpèce , on peut bien de la même manière
trouver de la platine dans certaines minés Européennes
, quoiqu’on n’en apperçoive pas la
moindre trace dans d’autres parcelles de la même
efpèce de mines.
Obfervations générales.
L’Hiftoire précédente nous a fait connoitre
une fubftance minérale dont l’afpeét métallique ,
la grande pefanteur, la malléabilité 8c la mifei-
biliré parfaite avec tous les corps métalliques
ordinaires , font des caraâères fuffifans pour
prouver que c’eft un véritable métal ; qui demeure
fixe-8c fans fe calciner dans les feux les
plus violens ; que le nitre, le plomb , rit le
bifmuth ne peuvent jamais calciner , ni les corps
- vitreux le difloudre, 8c qùt > par conféquent ,
eft un métal parfait de la même claffe que 1 or
8c l’argont , & peut être plus parfait & moins
altérable qu’eux ; qui , avec la couleur de 1 argent,
poliéde la' pefanteer fpécifique , 8c plu-
ftaurs autres des propriétés’ qu on regarde comme
les plus didinélives de l'or ; qui réfi fie aufli bien
que l’or , à beaucoup d’agents qui décolorent ,.
corrodent , diflblvent ou feorifiént 1 argent 8c
les métaux inférieurs , comme l’air 8c les exha-
laifons fulfureufes, les acides du nitre 1 du fel
marin ôc du vitriol, foit dans leur état liquide ,
ou quand'le feu les rèfout en vapeurs , 8c le fou-
fre 8t l’antimoine en fnfion , &c.
Avec des propriétés eftimablss de l’or , il en
ajoure quelques-unes à l’or même en le rendant
moins tendre 8c-mains fuftbls , ce qu aucun autre
ailiage ne peut faire.
Alnft en fe trouveroit très-bien d’en ajouter
une jufts proportion pour écarter les inçonvé-
lîiefîs dont les émai leurs fe plaignent, quand
ils travaillent fur des plaques , foit d or fin ou
o’or allié.
Le feu fut fortement excité, mais la fufion ne
fe trouva pas fi parfaite que j’aur'ois voulu ; il
n’y en eut qu’environ deux onces de revivifié.
Ce plomb a voit fouffert à-peu-près le même
changement que celui de la précédente expérience
; 8c de même que lu i, il ne donna aucune
apparence de platine , apres avoir paffe a
la coupelle.
Il paroir réfulter de ces expériences, que i e-
merii qu’on y ayoit employé ne contenoit point
20. Quoique la platine appartienne , fans doute ,
au même genre de corps que l’or 8c l’argent ,
duquel genre on n’a pas encore jufqu’ .ci découvert
plus que ces trois efpèces ; 8c quoiqu elle
fe rapporte avec l’or dans beaucoup des propriétés
qui ont été univerfellement regardées comme
des caraâères 'diftinéfifs* des efpèces , il y
a pourtant d’antres caractères dans l-.fquels elle
I diffère vifiblement d’avec i’ar.
Sa couleur blanche ; fon défaut de fufibilire ;
les changemens finguliers quelle, produit daos
PL A
quelques-uns des autres métaux , 8c dans l’or
même.
Le foie de foufre qui diffout abondamment l’or ,
agit difficilement 8c très-peu furla platine ; fa folu-
tion dans l’eau régale ne donne aucune teinture aux
fubftances que les folutions d’or teignent *en rouge
ou en pourpre ; elle eft en partie précipitée de
fa folution par le fel ammoniac, qui ne précipite
point du tout l’or.
Elle n’eft précipitée qu’en partie par les alka-
lis fixes végétaux, 8c par les alkalis volatils, 8c
point du tout par l’alkali minéral, ni par la folù-
tion de vitriol vert, qui tous précipitent entièrement
l’or : fes précipités par les alkalis n’ont
rien de la puiflance fulminante, au lieu que les
précipités d’or la poffédent dans un degré plus
éminent que toute autre efpèce connue de matière
: fes' folutions dans l’eau régale ne font aucunement
décompofées par les huiles effentielles
ni par l ’éther , dont l’or fe charge dans l’acide ,
ni par les efprits inflammables qui font revivre
l’or 8c le rejettent fous fa propre forme.
Quand elle eft diffame dans le vif-argent, la*
tritüration la fait rejeter , au lieu que l’or eft
toujours retenu,, & continue à refter en difiblu-
tion.
. Elle eft féparable de l’or en vertu de ces di-
verfités d’affinité, fans augmentation ni diminution
de Fun ni de l’autre métal, aufli aifément
’ 8c aufli parfaitement que tout métal quelconque
eft réparable de tout autre : voilà des caraélères ;
beaucoup plus que fuffifans pour établir une différence
fpécifique entre l’or 8c la platine.
3°. L’ Auteur de la lettre de Venife , donts il ‘
a été fait mention ci devant, entre dans quelques
fpéculations alçhymiques fur ce fiijet.
11 imagine que connue la platine eft une efpèce
du même genre que l’o r , fes différences
d’avec l’or ne font qu’accidentelles , 8c proviennent,
ou de quelque corps hétérogène radicalement
uni avec elle , ou du défaut d’un foufre
glutineux 8c colorant. Il ne détermine point à
laquelle de ces caufes eft due fon imperfection.
Sa pefanteur, qui eft moindre que celle de
l’or , les points noirs qu’on découvre fur fes
grains à l’aide du microfcope , 8c de ce que les
alkalis la précipitent en partie avec de.Teau ré-;
gale , tandis que le refte demeure en diflolution ;
voilà des argumens qu’il rapporte comme fayeri-
fant la première catife : fon défaut de fuftbilité;
fa folution qui manque du pouvoir de teindre
les fubftances animales, & de produire une couleur
pourpre avec l’étain ; fon défaut de fépara-
tion d’avec fa folution par les liqueurs inflammables
qui ont de l’affinité avec les foufres , font
des preuves favorables à .la dernière caufe. .
Dans l’un de ces cas, en purgeanl la platine
P L A 767
de fa matière hétérogène ; 8c dans l’autre , en y
introdaifant le foufre colorant, il penfe que la
platine deviendroît de l’or.
Le dernier, à fon avis, eft affez facile à faire ,
parce que les corps ont une difpoûtion 8c une
pente naturelle à recevoir le principe dont iis
manquent pour leur perfcéfion.
Mais dans le premier cas il n’-y a point d’ef-
poir de rénflir ; car il convient qu’aucun agent
dans la nature , autre que la pierre des Philofo-
plies elle-même n’a le pouvoir de déraciner une
matière impure, avec laquelle un métal eft radicalement
combiné dans fa formation première.
Il nous fulfira d’obferver fur ces notions , qu’el-
les font fondées fur une fuppofition qui ne peut
point être admife, jufqu’à ce qu’on ait produit
quelques faits pour la rendre probable , un point
effentiel, fa voir, que tous les métaux inférieurs
ne font autre chofe que de l’or vitié par quelque
fubftance impure.
4°. Vogel a adopté une opinion, que la platine
n’eft point un vrai métal, ni un demi-métal
d’une efpèce particu'ière, m ;is un minéral
mélangé , le rebut Jes atteliers d’amalgamarion , où
on fépare l’or de la mine mélangée par le moyen
du vif-argent.
Il attribue cette opinion à Marggraf, 8c on a
dit dans une brochure périodique, publiée à Lon
dres , que Marggraf fappofe que la platine eft ,
non-feulement l’effet d’une amalgamation réitérée,
mais que c’eft une partie même du mercure
fixé par quelque matière dans la mine , ou le métal
avec qui elle étoit amalgamée.
Tout ce que je puis trouver dans Marggraf de
relatif à ce point, eft le paffage fuivant.
« Nous ne pouvons pas dire avec certitude
» ft la platine eft une mine a élue lie, ou fi c’eft
« une portion de minéral qui a été arrachée dés
•• veines entières , 8c entraînée par les eaux ,
» ou fi en troifième Heu ce ne feroit pas un pur
•> recrémënt métallique, dont les Efpagnols. com-
» me propriétaires de ces travaux , ont déjà peut-
n être' extrait le métal parfait. »
Je ne comprends pas que la dernière partie de
cette ph afe puiffe admettre l’explication improbable
qu’on lui a donnée.
L’Auteur me femble n’avoir pas voulu dire autre
chofe , fi ce n’eft que la platine pouvoit bien
ne pas être parvenue jufqu’à nous dans fa forme
naturelle , mais que peut-être elieavoit été broyée
avec du vif-argent pour en entraîner l’or qui y
étoit mêlé ; or c’eft un foupçon qui m’eft venu
aufli, 8c que j’ai même exprimé dans mon premier
Mémoire inféré dans les Tran[mêlions Philo-
fg p h iq iu s , foupçon que les globules de mercure
i trouvé parmi la platine ne pouvoient manquer J de faire naître.