
très-ardentes , il eft à propos qu’elles commencent
à caffer le blé un peu plus loin de l’anille que
dans un moulage plein, fur-tout lorfque l’on veut
faire des farines très-blanches ; par ce moyen, le
blé n’eft pas tant haché, ni le gruau rougi, ni
la farine piquée de fon.
La meule courante, en tournant, fait deux
mouvemens à la fois : en'tournant fuis fon pivot,
elle hauffe & baiffe alternativement, parce que le ;
palier fur lequel porte fon pivot eft élaftique & fait
l ’effet du reffort ; il fléchit & fait fléchir la meule
lorsqu’elle1 écrafe le blé, il fe relève & relève la
meule lorfque le blé eft éc'rafé ; en même temps la
vîteffe de la meule agite fortement l’air, qui chaffe
la farine hors des meules.
Lorfque la meule courante eft un peu trop ardente,
On petit en diminuer l’ardeur en garniffant
les trous avec un maftic de chaux vive & de farine
de feigle délayées Jerifemble ; le moulin affleurera
mieux, c’eft-à-dire, fera une farine plus alongée ,
plus douce au toucher. La farine courte eft celle
qui eft dure au tad ; on l’éprouve encore plus sûrement
en en faifant un peu de pare avec de l’eau !
dans le creux de la main; fi la pâté s’étend aifé-
ment , la farine eft bien alongée ; fi elle fe caffe
& fe dêfunit facilement, alors la farine eft courte.
Toute farine alongée fait toujours blanc ; la farine
courte fait rouge, & ne fe cbnferve point;
fon oeil rouge vient des particules de fon qui s^y
font mêlées.'’
Pour faire une bonne mouture , il faut que
chaque coup de meule enlève l’écorce du blé,
fans y laiffer de farine.
La mouture fera à fon plus haut point de perfection
, fi l’on parvient à ne faire pour un grain
de blé qu'une feule écaille de fon étorce, fans y
laiffer aucune farine.
Les meules des petits moulins, & fur-tout les
meules gifantes, ne doivent pas être fi ardentes.
que celles des grands moulins, parce que ces meules
n'àyant point leur mouture, c’èft-à-dire ,, venant
à manquer de blé, font fujettes à grogner fi elles
font ardentes ; elles hachent le fon, & il tache
la farine..
Du nettoyage des Grains.
Le nettoyage des grains , qui doit précéder
leur mouture , s’opère par quatre efpèces de
cribles, favoir, le crible normand , le crible cy lindrique
, le crible allemand & le tarare ou ventilateur.
Le meunier économe qui fabrique des farines
pour fon compte ou pour les vendre, doit faire
ufage de ces cribles , fi fon blé n’eft pas nettoyé;
ipais , pour économifer la main-d’oeuvre, il faut
que le même moteur qui fait tourner les meules,
faffe auffi tourner & mouvoir ces criblçs , & pour
cet effet, il faut que fon moulin ait un étage fupérieur
dans lequel ces cribles foient placés.
Si je recommande cétte pratique’ aux meuniers
qui fabriquent pour leur compte, ce n’eft pas que
ceux des moulins banaux ne doivent fuivre également
ces cpnfeils ; mais ils croient avoir plus d'intérêt
à hâter le moulage, qui, bien ou mal fait,
leur eft également payé ; au lieu que les fabricans
& marchands de farine fentent l'intérêt qu’ils ont
à les perfe&ioriner.
Dans le commerce on diftingue trois qualités
de blé, favoir ; blé- de la têtë9 blé du milieu, &
blé de la dernière qualité.
' Les deux premiers cribles divifent le blé en ces
trois qualités. 1
En fuppofant donc qu’on ait acheté ou récolte
du blé (ale, voici comment on le nettoiera.
On fait d’abord ufage du crible normand. Il eft
.de forme ronde ; le fond eft une peaii percée de
trous plus petits qu’un grain de beau froment.
Pour en faciliter l’ufage, on le fufpend avec
deux ficelles attachées aux extrémités de fon
diamètre.
Ce crible ne conferve que le. gros grain, &
laiffe- aller le plus petit, ainfi que les mauvaifes
graines. Ainfi, le tas formé par ce crible ne fert
qu’à faire de petites farines bifès de dernière.‘ qualité,
dont les Cultivateurs fe nourriffent, tant ils
font pauvres, & dont ils nourriront leurs volailles
lorfqu’ils pourront, félon le voeu d’Henri IV, avoir
lapôule au pot. .
Un autre avantage de l’ufage de ce crible , c’eft
que le coup de poignet fait venir du bord au-
deffus du bon blé, la paille, les boules, le blé
mort, l’ergot & la cloque, c’eft-à-dire , l'enveloppe
du blé charbonné, dont la pouflière fétide nuiroit
k la qualité des farines & a la falubrité du pain,
& par conféquent à la faifté.
Lorfque le coup de poignet a raffemblé toutes
ces faletés au-deffus du bon grain, parce qu’elles
font plus légères que lu i, on les enlève à la main.
Le marchand de farine & le boulanger, qui
achètent le blé tout nettoyé, peuvent fe paffer de
ce crible , &les cribles fuivans peuvent lêur fuffire.
Après cette opération, on verfe le grain qui n’a
pu paffer par le crible normand, dans un crible
d’Allemagne;
Ce crible eft compofé d’une trémie dans laquelle
on vèrfe ie grain, qui fe fépand petit à petit en
nappe fur un plan incliné d’environ 45 degrés,
formé de fils d’archal rangés parallèlement & affez
près les uns des autres pour que les meilleurs
grains ne puiffent pas paffer au travers. Les mauvais.
grains tombent fur un ‘cütç tendu à trois
pouces de diftance fous le crible, & fe rendent
dans une chaudière que l’on place deffous.
Enfuite le grain eft verfé dans un bluteau cylindrique.
C ’eft un grand cylindre de 2 ou 3 pieds
de diamètre, garni alternativement de feuilles de
tôle piquées comme une râpe à fucre, & de fils
d’archal, pofées parallèlement pour laiffer"paffer
les immondices & les graines plus menues que le
froment
froment. II eft: plus avantageux de piquer, les feuilles
de fer-blanc une ligne :d’un côté & une de -l’autre,'
afin ^qu’elles râpent ' des deux côtés. On verfe
le grain dans uné trémie, d’où" il coule dans ce '
cylindre pofé en pente qu’on fait tourner, avec
une manivelle^ Dans le- trajet du cylindre, le blé
eft gratté par; les râpes, la pouffière & les petits
grains fortent par les grilles ide; fil d’archal ^ &-lc
blé fort clair ; & propre par T ’extrémrtéï du 'cy lindre,
& tombe dans la trémie d’un tàrare.;-
. 3 °i Le tarare ou; ventilateur, eft un inftrument
très-ingénieux. Pour s':en faire une idée * claire*
qu’on fe figure un homme faifant tourner avecia
manivelle une roue dentée en hériffon-, laquelle
engrène dans la lanterne qui eft placée au-deffus,
&. qui fait tourner très-vite les ailes & la petite
roue cochée, qui-,,par .le levier, fait tremouffef le:
crible fupérieur. Un autre homme verfe" dans la
trémie, du froment1, qui coule peu-à-peu fur le
criblé fupérieur, un peu incliné vers Pavant. Ce
crible, en trémouffant continuellement, tamife le
grain en forme de pluie ; iltraverfe, en tombant,
un tourbillon de vent occafionné par les ailes,
& tombe .fur un plan incliné ; où il y a un fécond
crible qui. fépare le gros grain du petit.
Pour mieux faire connoître pet inftrument,
nous ajouterons ce qui.iùit. On met le froment
dans la trémie ,: il en1 fort par une petite ouverture
à couliffe; au fortir de la trémie, le grain
fe répand fur un premier crible, fait - en maille
de laiton, affez large pour que le bon grain puiffe
y paffer.: ;Ge crible, fé hauffe &, fe baiffe à volonté
par le moyen- de la roue; dentée ; il reçoit un
i mouvement de: tremouffement par un levier brifé,
auquel il; eft attaché, & dont le bout inférieur,
appuyé fur les coches ou dentures de la roue, eft
enarbre à 1 extrémité de l’eflieu, qu’on fait tourner
avec la, manivelle,.
Le tremouffement fait couler le grain peu-à-peu ;
les corps etrangers, trop gros pour paffer au travers
: des mailles, tombent par une; extrémité en forme
de nappe, fur un plan incliné, qui les jette dehors.
f a Pa^ par le crible fupérieur, tombe en
terme de pluie fur un autre plan incliné, d'environ
45 degrés, où le grain trouve une autre grille ou
treillis dé fil d’archal, dont les mailles font un
peu plus étroites que ceUes du premier, afin que
| le petit grain puiffe tomber fous la caiffe, tandis
que le plus gros ;fè répand derrière le crible.:
f Suæ<ùh des côtés-de la caiffe eft une manivelle
qui tait tourner une. roue denté«', laquelle .engrène
| dans une lanterne fixée fur l’eflieu , faifant mouvoir
a. ion extrémité la petite roué cochée qui imprime
le tremouffement aux cribles. Le grand eiïièu
qui tourne très-vite au moyen de la lanterne!
| porte auffi 8 ailes, formées de planchés minces
I rUlJ ° nt Sn tf urnant vent confidérable, qui
çhaffe toute la pouflière , la paille & les corps
légers qut .fe trouvent dans le grain. ■
Quelques meuniers fiippriment le crible d’AUe-
Ans S- Métiers. Tome K Partie I.
magne & 'lé bluteau cylindrique, & fe contentent
du Ventilateur.'
Le criblage & nettoyage du grain' en augmen-
teroit la valeur, s’il devoit être fait à main d’hommes ; ■
mais on peut faire mouvoir ces cribles par la
même force motrice qui fait tourner la roue du
moulin & en même temps , en forte"que le même
moteur nettoie le grain , le moud, & blute à
la fois la fariné, ainfi qu’on le verra ci-après.
Four ces effets , on adapté à l’extémité d’un
arbre ;dé couché ou horizontal, d’environ trois à
quatre pouces de gros, faifant un angle droit avec
ïè grand arbre tournant du moulin, une petite
lanterne de dix-huit à vingt pouces de diamètre,
plus ou moins, fuivant la force du moulin , afin
<^ueTes fufeaux dé cette lanterne, prenant les
dents du rouet, faffent tourner l’arbre de couche,
dàris lëquel font emmanchées trois poulies dans
lefqüeMes on paffe des cordes fans fin qui cor-
féfpondent aux poulies des cribles & des bluteaux.
' Ces poulies peuvent fe prendre dans une même
tourte de bois d’orme, quand là bluterie à fon
gras eft directement fous le tarare; lorfqu’elle
n’y eft pas,, on,place fa poulie fur l’arbre de couche*
au droit de ladite bluterie , avec des poulies de
renvoi.. Les poulies de l’arbre de couche doivent
être , autant qu’il eft poffible, directement an
dèffous des poulies adaptées aux autres machines
qu’elles doivent mettre en mouvement ; car, fi
ces poulies ne pouvoient pas être placées directement
les unes fous les autres, il faudroit abfo-.
liiment fe fervir de poulies de renvoi, pour re^
gagner la perpendiculaire , ' ce qui eft très-facile.
La poulie d’en - bas du tarare peut avoir trente
pouces de dianiètre , & celle qui eft emmanchée
dans le tourillon de l’arbre tournant du tarare, doit
avoir douze pouces de diamètre ; celle de l’arbre
de couche, deftinée à faire mouvoir le cylindre de
fer -blanc, doit avoir vingt-quatre pouces de diamètre
, & celle emmanchée dans le bout de l’arbre
tournant dudit cylincfre de fer-blanc, vingt-huit
pouces. On peut faire cette dernière poulie d’une
tourte'plüs épaiffe, afin d’y ménager une fécondé
poulie de renvoi, qui ira faire tourner le grand
crible de fer pofé en fens contraire de celui de
fer-blanc.
La poulie qui fait tourner la bluterie, doit
avoir 22 pouces de diamètre, & celle qui fera
emmanchée 'dans le bout de l’arbre tournant de
ladite bluterie, doit avoir 26 pouces de diamètre.
Tous ces diamètres & mefures peuvent varier
félon la force & la différence des moulins, des
machines & des mouvemens ; mais ce qu’il eft
effentiel d’obferver, c’eft que la grandeur des
poulies doit être calculée fuivant la force des
moulins , & que les cribles & bluteaux cylindriques
doivent faire 23 à 30 tours par minute-
Si les cribles cylindriques vont trop fort ou tron
doucement , ils criblent mal.
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