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fine dans un creufet de Heffe, il excita le feu>
au moyen des foufflets, jufqu’à un tel dégré ,
qu’en moins d’une heure & un quart , toute la
partie intérieure du fourneau fondit & coula
vers le fond', formant, à la partie la plus baffe,
des maffes de verre qui bouchant les orifices
des tuyaux à vent , le contraignirent de difcon-
tinuer l’expérience.
Le creufet qui étoit tout vitrifié, ayant été ôté quelque
temps après, parut encore d’une blancheur
ff éblouiffanre, que l’oeil ne pouvoit en foutenir
1 éclat : cependant malgré ce feu extrême que la
platine avoit effuyé , elle n’étoit pas plus fondue
que dans les expériences précédentes , excepté
que dans les vitrifications qui environnoient le
creufet , on trouva quelques grains d’une blancheur
argentine , parfaitement ronds , qui paru-*
rent avoir eu une fufion parfaitement bonne ,
mais qui d’un feul petit coup de marteau fur une
enclume d’acier tombèrent en poufïière. Il fem-
ble donc que dans, ce dernier effort M. Macquer
n’a pas pu produire d’autres effets que ceux que
j’avois obtenus ; 8c fes effais concourent avec les
autres à prouver que les meilleurs fourneaux ordinaires
, & les plus excellens vaiffeaux à fondre,
fe fondront eux-mêmes plutôt que la platine qui
y eft contenue.
La platine expofee au feu en contait avec les matières
combuftïbles.
Comme le conta# immédiat des matières com-
buftibles qui nourriffent le feu , & l’impulfion
de l’air fur les corps tant métalliques que ter-
reffres , augmentent confidérablement la puiffancé
du feu, on a expofé la platine à fon aâion dans
ces circonftances. M. Scheffer fembie regretter de
n’avoir pas eu quelques livres du métal, pour en
faire un effai de cette nature , mais on peut conduire
le procédé, de manière qu’une fort petite
quantité toit fuffifante.
J’ai placé fur le côté , parmi les matières com-
buffibles qui fervoient d’aliment au feu , un créu-
fet dans lequel j’avois mis d’abord un lit de charbon
de bois , dans un bon fourneau, avec fon
entrée tournée vers le nez des foufflets , &
j’ai étalé fur le charbon quatre onces de platine.
J’ai pouffé le feu avec violence pendant plus d’une
heure , durant lequel temps une chaleur blanche
très-vive paffoit à travers le creufet, & fur-tout
par une ouverture pratiquée exprès à fon extrémité.
Une grande partie du creufet fut vitrifiée ;
mais les grains de platine ne furent que fuperfi-
ciellement collés enfemble, & devinrent plus brillons
, fans qu’ils paruffent du tout s’être amollis
ni avoir changé de figure.
L ’expérience fut répétée plufieurs fois & variée
: je jetai fur les charbons, devant l’embouchure
du v afe, du fel commun , dont on fait
que les fumées faclitent la vitrification des creu-
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fets mêmes ; j’en pouffai fortement les fumées
fur la platine : des morceaux de platine qui avoient
déjà effuyé les précédentes opérations, furent jetés
devant le nez des foufflets , dans des feux
de charbon de bois & de terre violemment excités
, & fi forts , qu’ils fondirent prefque à l’inf-
tant un morceau du bout de la baguette de fer
forgé , dont je me fervois de temps en temps
pour attifer les charbons.
La platine refta toujours fans fe fondre & fans
changer de figure , excepté que j’y vis quelque
fois un petit nombre de gouttes globulaires fcm-
blables à celles dont on a fait mention dans l’article
précédent.
La platine expo fée au verre ardent.
Après toutes ces tentatives infruélueufes pour
parvenir à mettre la platine en fufion , il ne reftç
plus d’autre reffource , pour décider de fa fufibi-
lité ou non fufibilité , que l’aâion des grands
verres ardens ou des miroirs concaves : c’elt un
effai que j’ai fouvent regretté de ne pouvoir pas,
dans ce pays, trouver la commodité de lui faire
effuyer. Mais ce que défirent fi ardemment tous
ceux que l’appât du gain, la curiofité ou l’amour
de la fcience intèreffent dans ces fortes de recherches
, M. Macquer & M. Baumé ont tâché
de le fuppléer.
Ils fe font fervi d’une plaque de verre concave
bien argenté , de vingt-deux pouces de diamètre
& de vingt-huit pouces de foyer. Avant
que de procéder à en effayer les effets fur la
platine, ils ont expofé à fon a#ion plufieurs autres
corps , afin de pouvoir porter quelque jugement
fur fa force.
Du caillou noir, réduit en poudre pour l’empêcher
de fe brifer & de fauter à la ronde ,
& bien affuré dans un gros morceau de charbon
de bois, a formé des bulles, & coulé en un
verre tranfparent dans moins d’une demi-minute.
Les creufets de Heffe & les pots de verrerie fe
font vitrifiés complètement en trois ou quatre
fécondés. Du fer forgé, a fumé fondu, bouilli, &s ’eft
changé en fcorie femblable à du verre, auflitôt
qu’il a été expofé au foyer.
Le gypfe de Montmartre, quand on préfenta
au miroir les côtés plats des feuillets dont il eft
compofé , n’a pas fait voir la moindre difpofi-
tion à fe fondre ; mais en en prêfentant la coupe
tranverfale ou les bords des feuillets, il a fondu
dans l’in fiant, avec une forte de fifflement, en une
matière d’un jaune brunâtre.
Les pierres calcaires ne fe font pas fondues
complètement, mais il s’en eft détaché un cercle
plus compa# que le refte de la maffe, &
de la grandeur du foyer , dont la féparation
fembloit être, occafionnée par le retirement de la
matière qui avoit commencé à entrer en fu-
fion.
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La chaux blanche d’antimoine, appelée communément
antimoine diaphorétique , fe fondit
mieux que les pierres calcaires , & fe changea
en une fubftance opaque affez luil'ante & femblable
à de l’émail blanc.
Ils obfervent que la blancheur des pierres calcaires,
& de la chaux d’antimoine eft fort défavorable
à leur fufion, en réfléchiffant une partie
des rayons du foleil, de forte que le lu jet
ne peut pas éprouver toute l’aâivûé de la chaleur
que le miroir ardent jette fur lui ; que la
même chofe arrive aux corps métalliques, qui
fe fondent 'avec d’autant plus de difficulté au
foyer , qu’ils font plus blancs & plus polis ; que
cette différence eft fi remarquable, que dans le
foyer du miroir concave dont nous avons rapporté
les effets, un métal aufli fufible que l’argent
ne s’eft point du tout fondu quand fa fur-
face étoit polie , & que'la,blancheur de la platine
auroit fans doute de la même manière affaibli
confidérablement l’aâion du miroir fur elle.
C’eft pourquoi MM. Macquer 8c Baumé ont
pris de la platine qu’ils avoient tenu auparavant,,
pendant cinq jours, dans un fourneau de verrerie
, & qui, tandis quelle s’étoit ramaffée en
une maffe affez groffe pour pouvoir être tenue
au foyer., étoit en même temps devenue fale &
brune à la furface , de manière à être dans l’état
le plus favorable pour leur expérience. Voici
le détail qu’ils ont donné de leur opération, &
le réfultat.
« Quand la platine commença à fentir l’a#i-
» vité du foyer , elle parut d’une blancheur
» éblouiffante ; de temps à autre il en fortoit
» des étincelles de feu, & . il s’en éleva une fu-
» mée fort' fenfible , & même affez confid érable :
»> enfin elle entra dans une bonne & pleine fu-
» fion, mais ce ne fut qu’au bout d’une minute
« & demie que çette fufion eut lieu. Nous en
» fondîmes de cette manière en cinq ou fix en-
» droits ; cependant aucune des parties fondues
» ne coula jufqu’à terre. Toutes demeurèrent
» fixées au morceau de platine ; probablement
» parce qu’elles fe pofoient & durciffoient aufli;
« tôt qu’elles n’étoient plus expofées au centre
v du foyer. On diftinguoit ces parties fondues
» d’avec les autres, par un brillant d’argent &
»» une furface arrondie , luifante & polie. Nous
»> frappâmes la plus groffe de ces maffes fondues
» fur une enclume d’acier, pour en examiner la
» du#ilité. Elle s’aplatit aifément, & fut réduite
» en une plaque fort mince, fans fe caffer ni fe
» gerfer le moins du monde , de forte que ce
« métal nous parut infiniment plus malléa-
»> ble que ne le font les grains de platine dans
» leur état naturel ; & nous crûmes qu’on pour-
" ro t l’étendre en plaques aufli minces que l’or
" & rarg ïnt. Cette platine devint dure & roide
*’ fous les coups du marteau , comme font l’or ,
w l’argent & les autres métaux. Cette roideur
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n fut aifément détruite par la méthode que l’on
•• pratique pour l’or & l’argent , c’eft-à-dire, en
» la chauffant julqu’à une chaleur blanche , &
» la laiffant rérroidir. »» M. Baumé, dans fon Manuel
de Chymie , imprimé en 1763 , parle d’une
autre propriété de la plarine ainfi fondue ; fa-
voir , qu’on trouve qu’elle eft d’une pefanteur
fpécifique, approchante ou femblable à celle de •
l’or : on ne fauroit pourtant faire un grand fond
fur ce rapport , puifqu’il a d t auparavant, en
parlant des grains cruds de piatine , que leur
pefanteur fpécifique eft égale à celle de l’or.
L'expérience ci-deffus, route curieufe & inté-
reffante qu’elle eft , n’eft pourtant pas entière;
ment fatisfatfante. Il feroit à fauhaiter que l’on
fit encore quelques autres effais avec des miroirs
ardens d’une plus grande force , pouraffurer
avec plus de précifion la fufion réelle de la platine
, & pour obtenir quelque quantité du métal
fondu, afin de pouvoir examiner d’une manière
plus fatisfaifànre fa du&ilité, fa gravité ,
fa dureté & fes autres propriétés. Ainfi il me
fembie fort clair, par cette expérience, que la
platiné eft plus difficile de beaucoup à mettre en fufion
que le caillou, & le caillou beaucoup plus que
le gypfe ; & comme on n’a point encore trouvé
les moyens de pouffer le feu commun à un degré
affez fort pour produire, fait dans le caillou ,
fait dans le gypfe, la moindre apparence de fufion
, fans le concours des parties falines ou ter-
reftres de l ’aliment du feu , qui fervent comme
de flux à ces corps, quoique non à la platine ;
il n’y a pas lieu vraifemblablement d’efpérer ,
comme l’Auteur fembie le faire fur la fin de
fan Mémoire , que l’on fait jamais en état de fondre
la platine dans de grands fourneaux.
Il s’enfuit, encore que les gouttes fondues que
M. Macquer & moi avons obtenues dans nos
fourneaux, ne pouvoient pas être de la plarine
pure ; car , quoiqu’on ne puiffe pas per.fer que
nos feux fuffent d’une intenfité égale à celle à
laquelle a été expofée ici la platine , nos gouttes
ont fouffert une fufion plus parfaite que ne
paroiffent avoir fait ces parties qui ont été fondues
au foyer du verre ardent.
Pareillement les gouttes n’avoient rien de la
malléabilité que la platine fondue par le miroir
ardent poffède, à ce qu’on prétend, dans un
degré fi remarquable ; au Contraire , elles font
tombées en pouffière fous le marteau. Si la fufion
dans un cas fut procurée par le mélange
de quelque matière métallique étrangère avec
la platine , nous ne pouvons pas être fûrs que la
même caufe ne puiffe pas avoir aufli concouru clans
l’autre, quoique dans un moindre degré ; & par
conféquent il eft poffible que la platine pure demande
une chaleur encore plus violente pour
être niife en fufion.
D’après les expériences rapportées dans cette
fa#ion, je penfa qu’on peur conclure que la