
Il me refte à parler de la dernière préparation
qu’on donne aux dents avant de monter le peigne.
Dernière façon à donner aux dents avant de les
employer.
Lorfqu’on deftine les peignes à des étoffes grof-
fières , on emploie les dents dans l’état où la
dernière préparation dont je viens de parler les
a mifes ; il n’y a que les étoffes de foie qui exi-
gent une plus grande délicateffe : aufli , lorfque
c’eft à ces étoffes qu’on deftine un peigne , les
ouvriers ont- ils foin , après leur avoir donné
î’épaiffeur & la. largeur que les opérations que
nous avons décrites leur ont procurées , de leur
donner une douceur & une foupleffe capables de
ménager une matière suffi délicate.
Cette dernière façon n’eff pas la même chez tous
les ouvriers, chacun fait myftère de la fienne : à
l’entendre, c’eft un fecret que fon voifin ne pof-
féde pas au même degré que lui.
Quoi qu’il en foit de ces prétendus fecrets que
chacun cache avec grand foin , j’en ai découvert
quelques-uns ; & pour ne pas me rendre
complice de charlatanerie, je vais les publier
tels que je les ai appris.
Quelques peigners font fondre du favon gras
dans une certaine quantité d’eau bouillante , &
dès qu’ il eft fondu , ils jettent dans cette chaudière
ou marmite une poignée ou plus de dents
qui aient reçu toutes les préparations ordinaires,
& la font bouillir deux ou trois heures environ ;
iis retirent la chaudière du feu , laiffent refroidir
le tout , & retirent les dents pour les mettre
fécher à l’ardeur du foleil, ft cela eft poffible , ou
devant un feu modéré fi le foleil ne donne pas ,
ou enfin au moyen d’un poêle; quand elles font
bien fèches, on les ferre dans des boîtes ou tiroirs,
comme nous l’avons déjà d it, en les préfervant
foigneufement de l’humidité.
Il eft certain que cette préparation donne^aux
dents une foupleffe & une élafticité très-avanta-
geufes à la foie ^ & qui contribuent beaucoup à la
durée , des peignes ; fans cette précaution, la vive-
arête que conlerve chaque dent, & la rudefle de
la canne , font très - préjudiciables à la chaîne ,
jufqu’à ce qu’un peu de travail les ait émouffées
& adoucies : c’eft pour cela que quelques ouvriers
frottent les peignes neufs avec du bols blanc ,
comme du faule ou de l’ofier, quand ils n’y favent
'pas donner d’autre façon.
On peut encore préparer les dents avec une
leflive compofée d’urine & d’eau , dans laquelle
en met fondre du favon & du fuif de chandelle ;
en y ajoute une quantité affez confidérable de
fiiie ; & lorfque le favon & le fuif font , fondus ,
on y jette les - dents , & o,n les y laiffe. jufqu’à
ce quelles aient acquis une couleur .brune 5 alors
ôn les retire & on les met fécher comme on Fa
vu ci-deffùs.
Comme on en prépare ordinairement beaucoup!
la fois , on a foin de les tenir en garde contre
l’humidité.
Des deux procédés que je viens de rapporter;
il eft certain que le fécond eft préférable au
premier, l’expérience m’en a fait porter ce jugement.
Il y a une troifième préparation qui approche
affez de la dernière, & qui rend les dents à-peu
près aufli douces : toute la différence confifte à
mettre dans* la compofition un peu de fel dans
l’eau , au lieu d’urine j mais on y met la même !
dofe de fuie , 'de favon 6c de fuif.
Ceux qui préfèrent cette dernière recette, n’ont
pas le défagrément de fentir l’odeur infupporta-
ble de l’urine , qui elt très-forte quand elle efi |
chaude.
Tels font les procédés que j’ai recueillis dç j
divers peigners.
Quelques-uns m’ont affurè qu’à ces ingrédiens
on pouvoit ajouter de l’ alun de Rome ; d’autres I
m’ont dit que fa nature cauftique nuifoit plutôt 1
qu’elle n’étoit favorable ; mais feux qui l’em-
i ploient, aflùrent que l’alun n’attaque aucunement
l’écorce de la canne ƒ& qu’elle ne s’attache qu’à
la partie intérieure ; que comme il eft effentiel
de ne laiffer aux dents que l’écorce, on s’affure
par ce moyen de la durée des dents , dans les
frottemens multipliés que leur emploi leur fait !
eflùyer.
Cette remarque n’eft pas dépourvue de fondement
; car en examinant un vieux peigne, oit
s’aperçoit qu’il n’y a que la partie intérieure de
la canne qui foit endommagée , & que l’écorce
n’eft prefque pas attaquée.
Quoi qu’il en fo it, il eft certain que les dents
ainfi préparées rendent un peigne bien meilleur,
plus fouple & plus doux.
J’ai cependant connu des peigners qui igno-
roient qu’on pût donner aux dents d’autres préparations
que de les pafferàla filière & d’en faire
un choix convenable.
Je n’ai jamais eu occcafion de faVoir fi , pour
les étoffes de laine , pour les toiles, &c. on pré-
paroit les dents des peignes comme je viens de
le rapporter ; mais je penfe que cette méthode ne
' fauroit être qu’avantageufe à tous les peignes,
: puifque ce n’eft pas l’étoffe feule qui en reçoit
de l’avantage , mais què le peigne lui-même en
acquiert plus de folidité & dure davantage.
Je dois cependant avertir que les recettes que
je viens de rapporter , m’ont été données par
des ouvriers dont, j’admirois les peignes > mais
je ne les ai jamais pratiquées moi-même.
En comparant leurs ouvrages ayec ceux dès^
autres, je n’ai pu me défendre de leur accorde^
une très-grande fupériorité.
Moyens pour ajfembler les f i s des lïgneuls.
Le ligneul eft , comme on l’a déjà dit , le fil
qui fixe les dents haut & bas entre lés quatre
jumelles, & qui fert en même temps à les efpacer
comme il faut. Cela pofé , on doit fentir que la
groffêur de ce ligneul varie feloii l’écartement
qu’on veut obferver entre les dents : il faut donc
lui donner cette groffêur par des procédés que
je vais détailler.
Ce que je vais dire du ligneul propre aux diffé-
rens peignes , ne doit s’entendre que du corps
du peigne ; car quant aux dents des lifières , on
a coutume de les arrêter avec le lignéùl au moins
double en groffêur, tant pour la force que pour :
l’écartement : aufli a-t-on coutume de faire deux
tours à chaque dent peut les tenir plus écartées.
Le- fil dont on fait le ligneul peut être indif- .
féremment de chanvre ou de lin , filé au rouet
©u à la quenouille, peu importe; mais on-ne lui
donne aucun apprêt : il doit être d’une certaine
fineffe^, pour qu’en ajoutant au brin qu’on veut
compofer un ou plufieurs fils, on fuive une gradation
plus infenfible , & par ce moyen faifir plus
précifément la groffêur dont on a befoiri.
C’eft pourquoi , fi à fix brins le- ligneul étoit
trop fin , & que le feptième qu’on ajouteroit fût
un peu gros, il arriveroit qu’à fix il feroit trop
fin, & trop gros à fept.
Pour faire l’affemblage des brins , il faut que
le fil foit dévidé fur des rochets. On met une1
quantité convenable de ces rochets fur une petite
cantre, & affemblant les bouts du nombre de ces
rochets qu’on a déterminé , on tord tous ces brins
l’un fur l’autre avec un rouet à filer, & on les
couche ainfi, ne faifant plus qu’un brin fur le
rochet, qu’op place fur la broche.
On ne donne à ce ligneul qu’autant de tors
qu’il lui en faut pour affembler ces brins , & n’en
faire qu’un ; mais il eft effentiel que dans toute fa
longueur il foit également tordu : ce qu’il eft aifé
de régler en comptant le nombre de tours de
roue qu’on donne pour tordre la longueur qui
eft entre labroche & la main de l’ouvrière.
Quand cette longueur a reçu >fon tors., on le
couche fur le rochet, on en prend une nouvelle,
qui eft réglée par l’étendue du bras ; mais il faut
avoir grand loin de ne pas defferrer les doigts
dans cette opération , fans quoi le tors pafferoit
au-delà de la main fur la partie comprife entre
la main & la cantre : par ce moyen , on s’aflùre
de l’égalité de tors, & le fii eft très-uni dans
toute la longueur.
On obferve de ne pas trop tordre le ligneul,
parce qu’il devient trop dur , ce qui le rend difficile
à employer.
Il ne faut pas tordre également le ligneul de
foutes les groffeurs ; car le plus fin feroit trop
mou, & le plus gros trop dur : on a chez les
peigners des à-peu-près qui font toujours fuffifans
, & dont les femmes , à qui ce travail eft ordinairement
abandonné , ne s’écartent guère.
Sans cette attention , l’ouvrier en montant fon
peigne ne feroit pas maître d’aplatir ce fil pour
lé forcer à ne pas tenir plus de place qu’il ne
faut entre les dents. Il n’eft pas poffible d’établir
des règles précifes pour la groffêur de ce fil ; car
les peignes varient fi fort dans le compte des dents
qu’ils contiennent , & dans l’écartement qu’on
obferve entre elles , que l’expérience feule peut
inftruire lin ouvrier qui chercheroit ici à s en
rendre parfaitement au fait.
Manière de dévider le fil tordu.
Le tors qu’il eft à-propos de donner au fil
pour en former le ligneul , lui donne beaucoup
de roideur & de dureté ; c’eft la raifon fans doute
pour laquelle les peigners n’ont pas adopté les dé-,
vidoirs dont l’ufage eft fi ordinaire par-tout ; ils
en conftruifent de très - forts & très - folides , tel
que celui-' ci. ' '
Sur la circonférence d’un moyeu > font pratiqués
quatre trous à angles droits, deux par deux , fur
deux lignes , pour qu’ils ne fe rencontrent pas
au travers du moyeu : ces trous doivent être
carrés ; ils reçoivent à frottement yn peu julte
les quatres ailes qui forment la croix , & au bout
defquelles font affemblés à tenons & mortaifes
; quatre Croiffans, placés füivant la longueur du
. moyeu.
Cette tournette peut changer de diamètre à
volonté, & fe prêter à la grandeur des éche-
veaux, qui varient fuivant les guindres où iis ont
été faits ; il ne s’agit pour cela que de pouffer ou
de tirer à foi chacune de ces ailes.
Il eft encore néceffaire de pouffer une des ailes
, quand on veut. mettre un écheveau fur ce
dévidoir ou l’en retirer ; & quand il y eft placé y
on doit la retirer au point convenable.
Ce dévidoir tourne verticalement fur un axe
qui paffe par le centre du moyeu ; & pour qu’il
n’approche pas trop du montant , on réferve à
cet arbre un renflement qui pofe contre le montant
, à l’autre bout eft un tenon carré par où
il entre dans ce montant, qui lui-même eft planté
dans un. billot ou dans une pierre affez lourde
pour donner de la folidité à toute la machine.
On arrête la tournette fur fon axe au moyen
d’une cheville de bois qu’on met dans le trou qui
eft au bout de l’axe.
Pour fe fervir de cette machine , il en faut
une autre , dont voici la defeription. Sur une planche
, font plantés deux montans à huit ou dix
ponces de diftance l’un de l’autre ; au haut de
chacun eft une entaille , propre à recevoir les
collets de l’arbre où il eft retenu par les chevilles.
'
Enfuite du collet eft réfervée une partie car-
| ré e , fur laquelle on place la roue , dont l’of