
p lo yé, pour fe procurer ces matières, les mêmes
mefures qu'en 1784, elles ont yraifemblable-
inent eu les mêmes inconvéniens.
On peut, d’après cette fuppofition, évaluer à
5,780,240 1. 15 f. a d . le préjudice qu’elles ont
porté à l’état & au commerce : cette fomme
jointe à celle de 4,668,656 liv. 5 f°ls » élève a
10,448,897 liv. 2 den., la perte totale & la diminution
du numéraire , produites par les fur-
achats pendant le cours de ces trois années.
Cette évaluation ne paroîtra pas exagérée, fi
l’on confidère que le change fur l’Efpagne eft
augmenté de 8 fols par piftole, depuis le premier
janvier 1785.
Ces opérations ayant influé fur le cours du
change de la France avec toutes les places de
commerce de l’Europe, de la même manière, &
à-peu-près dans la même proportion que fur celui
de Paris avec Londres, le tableau de la perte produite
par cette baiffe générale du change , tant fur
la rentrée de la valeur des marchandifes exportées
par les négocians françois, que fur le paiement
de celles importées dans le royaume par les négocians
étrangers, feroit effrayant, fi l’on pou-
voit en calculer exaâement les réfultats.
La France n’étant que ^entrepôt des matières
qui excèdent la balance de fon commerce avec
l’Efpagne, la converfion de cet excédant en mon-
noies au coin du Roi en retarde l’exportation,
mais elle ne peut l’empêcher : les trois millions
de piftoles appartenans aux Anglois, ont. augmenté
pendant quelques inftans fon numéraire ; mais
cette augmentation n’a été que fiâ iv e , & Je ré-
fultat de l’opération qui l’a provoquée, a été de
faire perdre réellement & fans rèffource, au commerce
& à l’état, 4,668,656 liv. 5 fols : ainfi les
mefures qui tendoïent à augmenter le numéraire,
ont produit un effet abfolument contraire. Il refte
à démontrer quelles ont été les caufes de l’exportation
des efpèces d’o r , & du haut prix auquel
ces matières fe font élevées.
On a vu qu’en prenant pour fon compte les
trois millions de piftoles qui appartenoient à l’Angleterre,
la France s’eft impofée l’obligation de
payer à cette même puiffance 1,751,250 livres
fterlings pour le compte de l’Efpagne.
Si au lieu d’acquitter cette fomme par la voie
des lettres de change, ' on a préféré d’envoyer
des efpèces ou matières d’or à Londres , il a
fallu y porter 449,038 onces de ces matières
au titre de 22 karats, valant, à raifon de 3 liv.
18 fols fterlings l’once, 1,751,250liv. Ces.449,038
onces & demie (poids de Troy ). repréfentent
.262,724,942 grains, ou 57,014 marcs 7 onces
5 gros un denier. 14 grains du poids de marc de
France.
En payant en lettres de change au cours de *97?,
ces 1,751,250 livres fter].,
on auroit débourfé. . « 43,200,000 1.
En payant avec 57,014
marcs 7 onces 5 gros 1 d.
14 grains d’or , à 75a liv.
le marc (prix d’alors) il
n’a fallu débourfer que. . 42,875,2501. 15 f, 8d,
Différence en faveur du
paiement en or................... 3a4>749 4 4
Ce qui fait à-peu-près \ pour cent.
Il paroît prouvé par ces détails, que l’augmentation
du prix de For, et l’exportation de ces
matières, que l’on a préfentées comme étant les
principaux motifs qui rendoient la refonte ne-
ceffaire, ont été provoquées par les mefures que
l’on a prifes pour accaparer les piaftres ; & que
ces mefures', loin d’augmenter le numéraire, ont
concouru à fa diminution ; elles ont encore eu
l’inconvénient de priver le Roi de fon droit de
feigneuriage, & d’ajouter aux dépenfes du trefor
royal, par les commilfions que les financiers
chargés de l’approvifionnement des monnoies,
fe font fait accorder.
On ne peut qu’être étonné de voir les admi-
niftrateurs fans ceffe aux prifes avec le commerce
pour lui enlever une matière première, qui alimente
fon induftrie, fixer aujourd’hui, par un
tarif, le prix de cette matière, et foudoyer le
lendemain des particuliers pour s’en emparer, en
la portant à un plus haut prix.
' Il y a tout lieu de croire que les matières fe-
roient encore au prix où elles étoient apres 1 arrêt
du 25 août 1755 9 fi l’adminiftration n’en eût
pas provoqué l’augmentation ; ce prix auroit pu
| éprouver des révolutions dans quelques circon-
ftances, comme cela eft arrivé pendant la dernière
guerre, mais il.eût enfuite repris fon niveau.
Cette préfomption eft fondée fur l’exemple
de ce qui s’ est paffé en Angleterre : l’once d’or
en lingot, qui s’y vendoit en janvier 1751,
3 liv. 17 fols 10 deniers fterl., s’eft vendue en
janvier 1787, 3 liv. 17 fols 6 den.; ainfi tandis
que pendant le cours de ces 36 années le prix de
l’or a éprouvé en France une augmentation de
68 liv. 13 fols par marc, (8 liv. 12lois par once),
il a éprouvé en Angleterre une diminution de
4 deniers fterlings par once (environ 8 fols de
France.)
Il y a eu, comme en France, quelques cir-
conftances où ce prix s’eft élevé de manière
que l’once s’eft vendue 4 liv. 2 fols fterlings, ce
qui fait à-peu-près 5 fols fterlings d’augmentation
( 6 liv. de France ) ; mais les caufes de ces révo*
iutions ayant ceffé, le prix des matières a repris
fon cours ordinaire.
Il eft donc confiant que f i , comme en Angle*
terre, le gouvernement ne S’étoit pas ingéré de
faire faire le commerce de ces matières par les
Banquiers
banquiers de la cour, & quelques autres firtan-
ciers & s’il ne leur eût pas accordé des encou-
ragemens pour les exciter à en faire verfer une
plus grande quantité aux hôtels des monnoies, il
ne fe feroit pas trouvé dans le cas de fe plaindre
de l’augmentation de leur prix.
Il n’est pas moins évident que c’eft la baifle du
change au préjudice de la France, produite par
les opérations de ces conceflionnaires de fura-
chats, qui a provoqué l’exportation de ces mêmes
matières ; puifque ces inconvéniens provenoient
du fait de l’adminiftration , elle pouvoit employer
, pour y remédier, un moyen dont l’expérience
lui garantifloit le fuccès : ce moyen,
qui lui avoit été indiqué un mois avant la publication
de la déclaration du 30oâobre 1785, étoit
en fon pouvoir ; il ne s’agifloit que de faire cef-
fer les achats de matières pour le compte du gouvernement
, & d’abandonner le commerce à lui-
même.
En prenant, au contraire, le parti de rendre
permanente, par un nouveau tarif, l’augmentation
momentanée du prix de ces matières , on en
a provoqué une plus confidérable, puifque, depuis
la publication de ce tarif, elles fe vendent
dans le commerce un pour cent au-deffus du prix
auquel cette loi les a fixées.
L’or & l’argent n’étant point des produ&ions
du fol de la France, ainfi qu’on l’a déjà obfervé,
& ces matières étant la repréfentation de toutes
les productions de l’agriculture, des arts & des
manufaéhires ; plus la France reçoit de ces métaux
en échange de fes denrées & marchandifes,
plus elle ajoute à la maffe de fes richeffes ; &
comme elle reçôit moins de ces matières, en raifon
du haut prix qu’elle y met , toutes les mefures
qui tendent à augmenter ce prix, font contraires
à fes intérêts.
On a vu que fi l’adminiftration ne fe fût pas
mêlée du commerce des matières en l’année 1784,
les négocians du royaume aurôient reçu pour
40,500,000liv. trois millions de piftoles, que l’effet
des furachapts qu’elle a accordés, les a forcés
de recevoir pour 43,200,000 liv.
L’or & l’argent étant d’ailleurs des matières
premières pour les orfèvres , & pour un grand
nombre d’autres artiftes & de manufactures, toutes
les opérations qui élèvent le prix de cés métaux
au-deffus de celui qui eft établi dans les états voi-
fins, réduifent les artiftes françois à l’alternative
de ne .pouvoir vendre en concurrence avec l’étranger
, ou de facrifier au prix de la matière
une portion de celui de la façon, qui fait parti«
dos productions de l’induftrie nationale.
9 M. Colbert, contraint par les circonftances,
d avoir recours à de nouveaux impôts , & voulant
modérer les progrès du luxe, qui, en absorbant
une quantité confidérable de matières d’or
& d’argent, diminuoit la fabrication des efpèces
Arts & Métiers. Tom. V. tart. X
dans un moment où l ’état en avoit un preffant
befoin, n’imagina point d’augmenter le prix de
ces métaux; il préféra-d’impofer furies ouvrages
auxquels ils étoient employés, un droit qui mît
le luxe des confommateurs à contribution , fans
priver l’artifte de la matière première qui alimen-
toit fon travail.
Des vues aufli fages portèrent, fans doute,
ce grand Miniftre à fupprimer, en 1679, le droit
de feigneuriage; il penfa que la remife totale de
ce droit contribueroit plus efficacement à la rentrée
des efpèces nationales qui étoient paffées chez
l’étranger, que l’augmentation du prix des matières
: ces mefures eurent le plus grand fuccès,
& l’on continua d’en faire ufage jufqu’en 1686,
quoique l’on eût annoncé qu’elles n’auroient lieu
que pendant trois mois , & quoique la France
pleurât leur auteur depuis trois ans.
- La poftérité aura peine à fe perfuader que dans
le moment même où M. Necker venoit de qualifier
authentiquement de grande ignorance toute
mefure forcée, tendante à augmenter le numéraire
, & de prouver, par le fait, que la ceffa-?
tion de pareilles mefures étoit l’unique moyen
de faire baiffer le prix des, matières, on fe foit
porté à accorder de nouveaux furachats.
C ’eft une vieille erreur, de croire que l’admi-
niftration foit intéreffée à empêcher l’exportation
des efpèces ou matières d’or & d’argent ; cette
exportation ne peut être provoquée que par l’intérêt
ou la néceffité : fi la balance du commerce
de la France avec l’étranger, eft en faveur de
ce dernier, il faut que la France folde cette balance
avec des efpèces ; tous les moyens prohibitifs
ne peuvent empêcher la fortie de celles qui
font néceffaires au paiement de cette folde.
Si quelque fpéculation utile détermine le françois
à porter des efpèces chez l’étranger, elles lui
rentreront avec bénéfice; & comme ces bénéfices
font la véritable fource de l’augmentation du numéraire
& de la richeffe nationale, loin de s’op-
pofer à l ’exportation des objets, foit efpèces ou
marchandifes | qui les produifent, on doit au
contraire la favorifer.
Le chevalier Whitworth, dont l’ouvrage, tra-
- duit en françois , a été imprimé au louvre en
17 7 7 , évalue à 96,036,913 1. 12 f. 9 den. fterlings
, la quantité d’efpèces exportées de l’Angleterre
pendant l’efpace de 77 ans , ce qui porte
l’année commune de ces exportations à 1,247,2321.
12 f. 10 den. f | fterlings, (environ 30 millions de
'livres tournois ) . Le commerce de ce royaume ,
loin d’en fouffrir, s’eft acctû confidérablement,
parce que fans doute elles ont été déterminées
par des fpéculations utiles à la nation.
Les matières d’or & d’argent feroient-eHes donc
plus précieufes lorfqu’elles font converties en
efpèces, que quand elles font mifes en oeuvre?
Dans ce dernier cas, l’exportation n’en eft pas