
fa correfpondante fur l’autre jumelle, à angles
droits y fans quoi le peigne feroit plus long par
un bout que par l’autre, & les dents ne feroient
pas bien perpendiculaires aux jumelles.
Occupé fans ceffe de mon art , j’ai fait différentes
recherches. Qu’il me foit permis de pro-
pofer un inftrument de mon invention , à l’aide
duquel il n’eft pas poffible de faire mai ces divi-
fions fur les jumelles.
Cet inftrument eft fort fimple ; c’eft une règle
de bois , divifée fur la longueur très-exaÊTement
en pouces , demi-pouces & quarts de pouces, en
cette manière : prenez une règle de bois , fur
l ’épaiffeur de laquelle on fait une rangée de trous
à trois lignes d’écartement les uns des autres ;
puis à tomes les diftances d’un pouce, on y fiche
une lame tranchante de deux lignes de largeur
environ : à tous les demi-pouces , on en met une
pareille pour le tranchant , mais un peu moins
large ; ewfin aux quarts de pouces font de petits
poinçons q u i, quand on les appuie , ne marquent
qu’un point.
L’effentiel , dans la conftruâion de cet uften-
file, eft d obferver un écartement égal entre toutes
les parties, & de tenir toutes les lames à une
égale hauteur , pour être bien fur qu’en appuyant
fuite : par ce moyen on viendra a bout de divifer
toutes fortes de peignes.
Quant aux peignes qui auront moins de trente
pouces, la règle peut encore fervir ; car il fuffira
de compter vingt efpaces d’un pouce, & de con-
tremarquer le refte, pour n’y avoir aucun égard:
ainfi cet uftenfile me paroît devoir être fort
utile.
un tant foit peu cette règle fur les jumelles, !
toutes puiflent faire une empreinte.
Tl eft à propos de faire cette régie en couteau du
côté des lames, pour pouvoir , quand on l’applique
fur les jumelles, voir aifément où on place
les trancha ns : trop d’épaiffeur les cacheroit. Il
faut avoir fo:,n de placer la première lame préci-
fément à l’endroit où , après les dents des lifiè-
rts , doit être la première du corps du peigne.
On peut çonftruire de ces règles de plufieurs
longueurs , pour ne pas s’embârraffer d’une
grande , quand on a un petit peigne a faire , &
parce qu’une petite ne conviendroit pas pour un
grand peigne.
On pourra peut-être trouver un peu de difficulté
à appuyer cette règle fur les jumelles qui plient au
moindre effort ; mais en mettant deffous le fup-
port ouïe couffin dont nous avons parlé plus haut,
on en viendra facilement à bout. On peut même,
pour plus d’exaéiitude , faire ces marques fur les
. jumelles , avant de les mettre fur le métier ; il ne
s’agira plus que de les bien placer vis-à-vis les unes
des autres , ce qui fera affez facile en réglant l’encoche
par où elles font retenues fur le tenon , à
une diftance égale des dernières marques à chaque
bout; du refte, chacun s’y prendra comme fon
génie lui fuggérers.
La longueur qu’il eft plus à propos de donner à
ce d iv ifeu r e ft de trente pouces ; car il eft inutile
de penÇer à en faire de trois aunes & demie qu’on
donne aux plus grands peignes ; & après avoir]
marqué une longueur de règle, on placera la pre-,
mière lame fur la dernière marque, & ainfi de)
Il feroit bien poffible d’ôter & de remettre les
lames à volonté, pour n’en laiffer que le nombre
dont on auroit beloin : mais de deux chofes l’une;
ou les trous qui les reçoivent feroient agrandis,
& par conféquent les écartemens peu juftes ; ou
bien ce qu’il en coûteroit pour le faire çonftruire
en cuivre ou en acier, où chaque dent feroit retenue
à vis , ne compenferoit pas l’avantage qu’on
en retireroit, & le temps qu’on perdroit a le monter
& démonter.
Si la conftruétion de ce divifeur , tout fimple
qu’il e ft, paroît trop difpendieufe, je vais en pro-
pofer un fécond moins embarraffant , mais qui
va moins vite.
C’eft une palette d’environ quinze ou feize lignes
de long , fur l’épaiffeur de laquelle font placées
cinq lames , favoir, les deux des extrémités , larges
& écartées d’un pouce ; celle du milieu moins 1
large, poür marquer Te demi;pouce , & enfin les I
deux points qui marquent les quarts de pouce.
Cette palette eft faite en couteau, & n’eft, |
à proprement parler , qu’une partie de la règle que
je viens de propofer. Sur le côté épais & au milieu
de fa longueur, eft un trou propre à recevoir le
tenon de manche.
Pour divifer un peigne avec cet inftrument, il faut
l’appuyer fur la longueur des jumelles autant de |
fois qu’elles ont de pouces , en mettant toujours
lapremière lame fur la dernière marque. Il nem’ap-r
partient pas de faire l’éloge de cet inftrument ;|
mais à lé comparer avec l’ufage du compas, qu’il!
faut porter quatre fois dans l’efpace d’un pouce,
& que le moindre choc peut déranger > je penfe
qu’il ne peut manquer d’être adopté.
Il étoit néceffaire de faire connoître toutes les
divifions qu’on peut faire fur la longueur d’un
peigne : achevons maintenant d’en décrire la conf-
tru&ion.
Lorfqu’on a placé la dernière dent de lifière,
on fait deux tours de ligneul fur les jumelles,
pour la retenir en place & la féparer de la pre* I
mière de celles du corps de peigne ; enfuite on
place une dent qu’on arrête par un tour de ligneul
, puis une fécondé, puis la troiftème , & j
ainfi des autres jufqu’à la fin , ayant foin de mener
enfemble les deux bouts des dents , q u i, fanJ
cela , ocçafionireroient une confufion infinie , »
.. l’on fe contentoit de lier le premier bout d’abord >
& qu’on voulût enfuite en venir au fécond.
A chaque deux dents on frappe avec la bâtie
I des coups égaux ,, pour que Te® unes ne foient pas
L plus ferrées ou plus lâches que. les .autres, pu‘‘*
que la bonté d’un peigne dépend en grande parue
de l’égalité qui règne entre les dents.
Une difficulté que rencontrent affez fouvent...
beaucoup d’ouvriers dans l’ufage de la batte, eft
de frapper également à chaque bout des dents ;
il faut de l’habitude pour régler le coup & ne
pas ferrer plus en haut qu’en bas , encore eft-il à
propos d’examiner fans ceffe fi l’on fe rapportera
aux marques ; & lorfqu on y eft arrivé , l’attention
qu’on a eue doit diminuer les erreurs , & la
dernière dent de chaque portée doit être vis-à vis
des marques fur chaque couple de jumelles. ^
Si elle avance plus par un boi^t que par 1 autre
, on frappe un peu plus de'ce coté ; & fi 1 on
nepouvoit venir à bout de la faire rentrer, il n y
a de remède qu’en défaifant quelques dents , &
corrigeant l’erreur de plus loin : fi ce défaut vient
de l’inégalité de groffeur du ligneul, on coupe la •
partie trop groffe , & on ne fe fert que de ce qui
convient. . ,,
A mefure que le peigne avance , les jumelles
font d’un côté couvertes de ligneul ; ainfi dès
qu’on eft arrivé à une marque quelconque , on
ne-- peut plus juger de fon écartement avec la fui-
vante, puifqu’011 ne la voit plus ; & alors on ne
peut pas , à la vérité , fe tromper pour faite bien
rapporter les dents ; mais faute de favoir où eft la
dernière marque , on ne fauroit s affiner du nombre
de dents ; il a donc fallu fe procurer des'
moyens de s’y reconnoître.
Quelques ouvriers mettent entre les deux dernières
dents de la dernière divifion une dent debout
* qui forme une tête par-deffus ; & comme
ilsfont affurés de la marque qui fuit, ils comptent
les dents depuis cette marque. D’autres attachent
un fil à la garde du bout du peigne par où ils
le commencent, & chaque fois qu’ils arrivent a
une divifion , ils placent ce fil fur la dernière
dent, au moyen de quoi ils ne peuvent fe
tromper*
I| faut avoir foin de bien ferrer le ligneul fur
les dents quand on les entoure , mais il faut encore
le tenir tendu quand on entoure les autres
jumelles •& quand on fe fert de la batte ; fans
quoi ce fil venant à fe lâcher , rendroit le peigne
abfohiment défectueux.
Pour être le maître de diriger le fil comme on
le défire , comme les bouts font affez longs , il
ne- faut pas le laiffer pendre , ce qui le dépoif-
feroit à force de frotter fur les dents, & on ne
manqueroit pas de mêler les deux bouts enfem-
hle.
Il eft donc à propos d’en faire de petits paquets
qu’on tient facilement dans la main , &
qu’on fait paffer & repaffer plus commodément
à~mefure qu’on l’emploie; ces petits paquets
font plus commodes à tenir de la main quand on fe
fert de la batte,
Comme en coupant la canne pour refendré les
dents , ou a foin de les tenir plus longues qu’il ne
Arts & Métiers. Totne V. Partie I I .
faut, on n’eft pas obligé, en montant le peigne,
à. les placer bien également les unes aux autres
par leur bout entre les jumelles ; elles ne pour-
roientfe rapporter que d’un côté, puifqu’onne s àf-
treint pas à leur donner une égale longueur : il
eft donc fort inutile de chercher à aligner les
bouts ; & lorfque le peigne eft achevé de monter
, on les rogne tous , comme nous le verrons
bientôt.
On peut même profiter de ce trop de longueur
pour placer d’un côté ou d’un autre une dent, à
l’un de» -bouts de'laquelle on apercevroit quelque
léger défaut ; car, comme je l’ai déjà dit ,
s’il eft1 un peu confidérable , il eft toujours plus
prudent de la rejeter, pour que le peigne n’en
foit pas endommagé.
Il faut avoir foin que l’écorce des dents foit
tournée d’un même cô té , jufqu’à la moitié du
peigne ; & les peigtlers ont coutume de la tourner
du côté du bout par où ils commencent.
.Lorfqu’on eft parvenu à la moitié de la longueur
du peigne , on les change de direction ,
de façon que l’écorce de la moitié des dents
regarde un des bouts dû" peigne , & celle de
l’autre moitié regarde l’autre bout ; ainfi les
deux dents du milieu font à plat vis-à-vis l’une
de l’autre , & le dedans de la canne fe regarde
à chacune : en voici la raifon.
Lorfque le peigne eft en travail , ce font les
deux extrémités qui fatiguent le plus , enfortc
que le milieu n’éprouve cette fatigue que par gradation.
Or , comme le frottement vient des extrémités
vers le milieu , il a fallu lui oppofer une
plus grande réfiftance , je veux dire l’écorce de la
canne, que j’ai dit ailleurs être peu fufceptible de
s’endommager.
Ce que je dis ici eft fi connu de tous les ouvriers
en tout genre de tiffus , qu’il n’en eft pas ,
depuis les plus délicats jnfqu’aux plus groffiers ,
aux peignes defquels les dents des liftères ne
foient plus du double plus fortes , comme devant
fupporter les plus grands efforts; & par la
même raifon les fabricans de toute efpèce ont
foin.de faire les jfils de lifières trois ou quatre fois
plus forts que ceux de l’étoffe.
C’eft pour cela que non-feulement elles font
plus groffières dans tous les tiffus, mais auffi qu’on
les fait d’ une couleur oppofée à l’étoffe.
J’ai recommandé de faire les dents des lifières
plus fortes à tous les peignes : ce foin rega-rde
les ouvriers. Les fabricans fa vent qu’il faut que
les,brins des lifières foient auffi plus forts ; les
premiers peuvent en ignorer la raifon, fans con-
féquence pour leur ouvrage: l’expérience l’a ap-
prife aux autres ; mais il eft à propos d’inftruire
le commun des le&eurs de la raifon phyfique de
cette pratique.
Toutes les étoffes rétrèciffent à mefure qu’on
les fabrique: la première caufe qui produit cet
effet, eft la tenfion qu’on donne à la trame : mais
O o o o