
ne le fait pas ; auffi faut - il apporter la plus
grande attention à les couper parfaitement de
longueur : voici comment il faut s’y prendre.
Je fuppofe d’abord qu’on a reçu le fil par longueurs
, au Xortir du laminoir ^l’ouvrier qui eft aflis,
tient de la main gauche un petit morceau de
bois , dont la longueur eft connue , & détermine
celle qu’on doit donner aux dents ; il applique
deffus la lame , ayant foin qu’elle affleure
exaélement par le bout celui de la mefure ; &
avec des cifailles , qu’il tient de la main droite,
il coupe toutes les longueurs, ayant fbin de ne
pas laiffer échapper le bout qu’il feroit obligé
de ramaffer à terre à chaque dent. A mefure que
l’ouvrier coupe les dents , il les jette dans une
boîte qu’ila à côté de lui,pour empêcher qu’elles
ne fe gâtent en traînant par terre.
Je ne laurois trop recommander de couper
toutes les dents fur la mefure qt^’on s’eft faite,
& non pas fur des dents qu’on coupe àmiefure,
comme le font beaucoup d’ouvriers.
Il n’eft pas poffible que l’épaiffeur de la ci-
faille permette d’approcher tout contre le bout
de la mefure., d'où s’enfuit un peu plus de
longueur ; & comme on a compté ou dû compter
fur cet excédant, les dents ne fe trouvent qu’à
la longueur néceffaire : au lieu que fi l’on fe
fert pour mefure indifféremment dès dents dernières
coupées , chaque excédant, ajouté à la
fomme des précédents, fait qu’au bout d’une certaine
quantité, on trouve les dents d’une &
quelquefois deux lignes, plus longues que les
premières ; ce qu’il eft toujours aifé d’éviter quand
on ne change pas la mefure.
Je n’ai vu employer , dans les ateliers, que
j’ai parcourus, que la méthode que je viens de
rapporter : mais un habile fabricant m’a donné
la defcription d’une méthode qu’il a vu pratiquer
, & que je ne faurois laiffer ignorer au
le&eur. Cette méthode eft préférable à la précédente
, & pour la jufteffe qu’elle procure aux
dents, & pour la célérité ; puifqu’un ouvrier,
même ordinaire, peut y couper quatre fois plus
de dents, dans un temps donné, que le plus habile
n’en fauroit faire dans le même temps ;
encore ne lui eft-il pas poffible , fans une mal-
adreffe extrême , ou une inattention impardonnable
, de les couper plus ou moins longues qu’il
ne faut.
Seconde manière de couper Us dents des peignes.
Pour couper les dents fuivant la fécondé méthode
, on fe fert d’inftrument nommé coupoir,
faute de favoir le nom que fon auteur lui a
donné.
Ce font deux lames jointes enfemble en un
point, comme des cifeaux, au moyen d'une vis
affez forte pour réfifter aux efforts multipliés
qu’on leur fait éprouver. La première lame eft terminée
, par un de fes bouts , par une queue, à
l’extrémité de laquelle eft un trou dont on fe ra
connoître autre part l’ufage ; l’autre bout
qui, quand on l’a forgé , a été réfervé femblable
au premier, eft relevé & arrondi dans certains
endroits, & va fe terminer en une pointe affez
fine pour entrer dans toute la longueur du
manche , garni d’une virole par un bout, & par
l’autre d’une contre-rivure, lur laquelle eli rivé
le boutade la queue ou foie.
L’épaiffeur de cette lame peut être dé cinq
à fix lignes, & fa partie inférieure fe termine
en bifeau très-obtus, pour que le tranchant ne
s’émouffe pas aifément.
L’autre lame eft un parallélogramme de même
épaiffeur que la première lame, & beaucoup
plus long. A-peu-près au milieu de fa largeur
, eft un bifeau auffi long qu’à l’autre lame,
& fait de même : on y a fait un trou taraudé,
dans lequel entre une vis ; enfin , aux quatre’
angles eft un trou par où on fixe ce coupoir
fur les montans deitinés à le porter.
Pour que la lame première ne defeende pas trop
bas , quand on l’abandonne à fon propre poids, on
rèferve un épaulement à la naiffance du marche,
par où elle repofe fur l’autre lame. Il ne
; s’agit plus que de faire fentir de quelle manière
1 ce coupoir doit être monté.
Sur une bafe forte 8c pefante, eft affemblé à
tenons & mortoifes un très - fort montant ; au
haut duquel font fixées toutes les pièces qui
compofent ce coupoir. Les angles de devant des
deux joues de l’entaille qu’on y a pratiquée ,
font armés de fortes équerres de fer.
Ces équerres font fixées en place par-deffus,
au moyen d’une vis qui entre dans un trou ,
& qui fe viffe dans le bois ; & pardevant, ail
moyen d’une broche de fer, qui, paffant dans l’é-
paiÏTeur de chacune des joues du montant, enfile
un tçou correfpondant, pratiqué fur le côté
de l’équerre.
Quant aux deux trous pratiqués fur le devant
de l’équerre , ils font taraudés , & au même écartement
que ceux qui font au bout de la lame,
pour fervir à la tenir ert place.
Refte à décrire un autre moyen auffi fimple
qu’ingénieux , qui fert à déterminer la longueur
qu’il convient de donner aux dents félon le be-
foin.
Quelle que foit la méthode dont on s’eft fervi
pour laminer le fil de fer, il faut avoir grand
foin de le préfenter au coupoir , de façon que
la courbure foit commune s’il fortoit de deffus un
cylindre : le rebord qu’on a pratiqué au bas de
la plaque, eft une précaution néceffaire ; fans
cela, le fil montant plus ou moins haut, on
tomberont dans l’inconvénient que l’on a un fi
grand intérêt d’éviter.
Je ne penfe pas que la première méthode
puiffe fupporter la comparaifon avec celle - ci :
l’une eft lente.,, ennuyeufe, & fatigue extrêmement
la main droite qui tient la cifaille ; au
lieu que l’autre méthode n’ayant pas befoin
de mefure , eft.plus aifée & plus expéditive.
On pourroit même, en tirant le fil par longueurs,
paffer dans le coupoir trois ou quatre
lames à la fois, & alors il fuffiroit de s’affurer
quelles appuient exactement toutes Contre la
plaque, pour leur procurer une égale longueur.
Enfin, foit prévention ou autre fentiment mieux
fondé, je ne penfe pas qu’on puiffe imaginer de.
méthode plus fimple & plus expéditive. Il me refte
à décrire l’opération qu’on fait aux dents après
qu’on les a coupées de longueur.
Des façons à donner aux dents quand elles font
coupées de longueur.
Pour peu que l’ouvrier aille un peu vite en
coupant les dents de longueur , il faut qu il
vide fon tiroir affez fouvent , fans quoi elles
monteroient jufques auprès du tranchant du coupoir,
& lui nuiroient infailliblement.
Il a donc foin de temps en temps de les mettre
dans quelque grande boité ; & quand cette
première opération eft finie , il les choifit une
à une, les redreffe , fi elles ont contraâe un peu
de courbure, & les examine attentivement pour
voir fi elles n’ont point de pailles , de fentes ou de
gerçures : auquel cas il faut abfolument les
mettre au rebut.
Parmi les dents où l’on apperçoit des gerçures
, il y en a en qui ce ne font que des pailles
fort légères : on ne met point celles-là au
rebut ; mais les ayant toutes mifes fur une table'
bien unie, on y jette un tant foit peu de
pierre ponce en poudre, & avec un morceau
de liège de la forme d’un bouchon, mais un
peu plus gros, on les frotte fur leurs deux faces.;
& comme cette opération feroit trop longue , fi
on les poliffoit l’une après l’autre , on en prend
plufieurs à la fois , & on les retourne fens deffus
deffous, & bout pour bout. Quand on les a
ainfi toutes frottées, on les examine de nouveau
, on met à part celles en qui cette opé- •
ration a fait difparoître les pailles, & on rejette
abfolument les autres on les effuie, on ote
cette ponce, & on les nettoie avec un autre
bouchon qu’on frotte fur une plaque de plomb :
d’autres les frottent avec un morceau de plomb
même , en les tenant toujours bien à plat fur
la table , pour ne leur faire contrarier aucune
courbure. Enfin on les effuie parfaitement & on
les met parmi les autres dont elles ont, par ces
préparations , acquis la perfe&ion.
Je n’ai jamais pu concevoir qu’elle pouvoir
être la raifon de l’ufage du plomb pour polir les
dents : la pierre ponce elt très-incifive, & a la
propriété d’ufer en fort peu de temps la furface
à laquelle on l’applique, avec le moindre frottement
; mais fi cette poudre raie les dents ,
a-t-on prétendu remplir ces raies ou ces inégalités
avec le plomb ? Je n’en crois rien : d’ailleurs, en
prenant ainfi le plomb à fimple frottement, on
n’en enlève que des parties fi déliées , qu’on
n’en a guère que la teinture ; & le moindre
attouchement qu’effuieront les dents , la leur
fera perdre. Je crois pouvoir ranger cette recette
parmi ces vieux procédés que l’ignorance a introduits
, que l’ufage perpétue , & dont on ne
fauroit donner aucune raifon.
L’ufage de certains ouvriers de mêler enfemble
les dents qui du premier inftant fe font trouvées
bonnes , avec celles à qui il a fallu donner l’apprêt
dont nous venons de parler pour qu’on pût s’en
fervir , eft très-défeélueux : quelque peu que ce
poli diminue fur chaque furface , il diminue enfin ;
& fur la quantité de ces dents, on né fauroit manquer
de s’en apercevoir : le mieux eft donc
de les mettre à part, pour fervir à l’épaiffeur
où elles fe trouvent réduites.
Quoique i’ufage de la jauge en foit fort bon , il
eft toujours plus fûr , après que les dents ont
été coupées de longueur, de les jauger encore
dans l’entaille ; après cela on les range dans des
boites ou tiroirs numérotés fuivant les numéros
des dents elles-mêmes , & dans lefquels on doit
les préferver avec grand foin contre la moindre
humidité.
Les ouvriers ont la précaution , pour empêcher
la rouille , d’enterrer les dents dans du fon
où elles fe confervent très - bien : le parti le
plus fûr eft de ne pas tirer beaucoup plus de
dents d’épaifleur qu’on n’en a befoin.
J’infifte un peu lâ-deffus , parce que j’ai vu
beaucoup de peigners , dont l’ufage eft de faire
de très - grandes provifions de toutes longueurs
& épaiffeurs : il eft vrai qu’ on peut les envelopper
librement dans un papier gris , un peu
imbibé d’huile d’o liv e , & même il eft bon d’en
répandre quelques gouttes fur les dents , & de
les remuer.enfuite pour répandre également cette
huile ; & quand on*veut monter un peigne, il
faut les fécher avec grand foin , fans quoi la poix du
ligneul ne prendroit pas > & elles feroient fujet-
tes à gliffer, lors même qu’elles feroient entre les
jumelles.
C ’eft donc une attention qu’on ne fauroit avoir
trop grande pour préferver les dents de la rouille ;
& fi , malgré toutes les précautions , elles en font
prifes, il faut faire un choix de celles où il n’y a
que la fuperficie d’entamée , d’avec celles où
ayant pénétré uii peu avant dans l’épaiffeur , il
faudroit fé fervir de limes aux dépens de cette
même épaiffeur, ce qui les mettroit hors d’état