
P A P I L L O N S.
( Art concernant les )
L es P a p il l o n s , par l’éclat & la diverfité de
leurs couleurs , excitent l’attention & l’admiration
des curieux , & des amateurs de l’hiftoire naturelle.
On délire dans cette vue de fixer ces êtres
fi volages ; & l’on aime à faire des tableaux de
leurs ailes brillantes , ou du moins de les pofer
pour modèles , pour en tirer des peintures & des
deftins fidèles.
Tels font les rapports fous lefquels nous allons
efquiuer l’art concernant les papillons.-
CkaJJe aux papillons.
. difficile de faifir le papillon dans fon vol
incertain , & la main qui rifqueroit de le prendre,
effaceroit en même-temps cette pouffière colorée
qui fait la richeffe de fes ailes. II faut donc trouver
un moyen de l’arrêter fans.l’endommager.
Les Allemands, qui fe font particulièrement appliqués
à la defcription & à la repréfentafion
des papillons , ont imaginé de faire fervir à leur
chafle de grandes raquettes circulaires, avec un
fil de fer d’une certaine groffeur , & couvertes
a une toile a nez mince.
Le manche, formé par la condnuitédu fil de fer
peut avoir deux pieds de long. Le chaffeur qui eft
ordinairement un enfant, tient de chaque main
une de ces longues raquettes , & prend au vol
le papillon qu’il pourfuit.
Au lieu de raquettes, on parvient suffi à prendre
le papillon au vol , en fe fervant d’un filet d’un
petitréfeau de foie ou gaze de huit pouces de
large , monté fur un fil d’arçhal emmanché d’un
bâton leger.
O n prend légèrem ent l’in f é r é , e t on luiccm-
prim e du bout des doigts le corfelet ; enfuite on
le perce d ’une épingle , & on le laiffe m ourir &
deffécher en.le fixant fur un carton ; ou fi on vent
Je conferver en v ie , on le place fur une planche
dans lequel,e on a pratiqué .u n e . cavité capable
de recevoir fon corps , & l’on étend fes ailes du
m ieux q u il.e fi poffible.
Comme il elt néceflaire qu’elles refient bien développées
, on applique deffus un fil d’archal,
que l'on retient par les deux bouts avec un pe»
de cire. r
L’infeâe ainfi arrêté , ne peut plus s’agiter, &
.laiffe au naturalifie ou à l’artifte le temps de le
peindre avec toute la variété de fes couleurs.
Les ailes du papillon, qui font toujours au nom;
bre de quatre , lui conflituent un genre partie»,
lier parmi les infeâes ailés , en ce qu’elles ne font
point couvertes d’étuis , mais feulement, d’une
pouffière farineufe , opaque , qui s’attache facilement
aux doigts imprudens qui les touchent.
Cette prétendue pouffière, confidérée au microf.
cope, eft un affemblage très-régulier & organifé
de petites écailles colorées , taillées fur différent
modèles , couchées & implantées fur un tiffu de
gaze, folide, tranfparente & à rainure , quoiqu’ex-
trêmement fine & légère. C ’eft la dureté & le poli
de ces petites écailles qui les rendent fi brillantes;
Le deffus & le deffous des ailes en font égale-
ment garnis.
Il y a une efpèce de papillons qui porte des
ailes vitries , ainfi nommées, parce que n’étant pas
entièrement couvertes d’éoailles, les parties qui
en font dégarnies femblent autant de vitres.
Une autre efpèce de petit papillon , provenant
d’une teigne qui vit dans l’épàiffeur des feuilles
d’orme & dé pommier , porte des ailes qui pré-
fentenr au microfcope tout ce qu’on peut imagi*
ner de plus riche.en or, en argent, en azur & en
nacre.
Vernis pour rehaujjer les couleurs des ailes des
papillons.
On trouve dans un ouvrage Italien le procédé
pour la compofition de cq vernis.
Prenez une certaine quantité de vernis ordinaire
à l’efprit-de-vin.
Ajoiitez-.y une double dofe du même efprit, k
plus re&îfié qu’il fôit poflible,. afin de le rendre
plus fluide, & qu’il ne sèche pas aufli facilement
Faites - le chauffer prefque jufqu’à ébullition»
pour en augmenter la fluidité.
f „faite ttempez-y les foies de la vergette ,tan-
au’il eft'encore chaud, & afpergez-en les papillons
de la manière prefcrlte par M. Loriot;
? nous l’avons rapportée a 1 article Paftel ).
Ouand la première afperfion fera fèche, ajou-
,.z in fucceflivement une fécondé, puis une troifième
& jufqu’à ce <îue la fl)rface dea al!es des
papillons foif brillante & entièrement fixee.
En fuivant cette méthode , dit l’auteur Italien,
le fuis parvenu à donner aux aileWjs paP'1' “ "*
lin beau vernis qui les rend plus folides, & J ofe
ajouter plus membraneuies , fans que leur couleur
en foit altérée en un feul point.
Ce vernis , pourvu qu’il fuit blanc & bien
préparé, ne peut que leur donner plus de vivacité
& d'éclat.
Manière de fixer fur le papier Us ailes des papillons,
& de les représenter au naturel.
Le Diéfionnaire de l’Induftrie rapporte qu’un curé
de la province de Breffe , apercevant un papillon
pofé fur un baromètre récemment vernis , 1 attacha
à l’inftant avec une épingle au baromètre
& le laiffa ainfi pendant la nuit.
Le lendemain, lorfqu’il voulut fitèr l’infc&e , il
vit que les petites plumes qui recouvrent la furface
des ailes s’étoient fixées dans le vernis y & con-
fervoient leur arrangement & leurs couleurs. L 1-
dée lui vint de fixer ainfi les ailes du papillon,
pour en former fur des feuilles de papier des coL-
lefiions d’hiftoire naturelle.
La chofe lui réuffit ; mais il reconnut bientôt
que le vernis altéroit un peu les couleurs du papillon
, les jauniffoit, & ne pouvoit fixer celles
des gros phalènes , tels que le grand paon.
Cet amateur chercha donc une liqueur plus convenable
, & en compofa une donc voici la re-
Prenez un verre d’eau bien claire ; faturez—la
de belle gomme arabique ; ajoutez-y. enfuite de
l’alun bien pur , de la groffeur d’une fève ; mettez
suffi du fel ordinaire , mais blanc & bien purifié,
jufqu’à ce que vous vous aperceviez que la gomme
n’a plus de brillant quand vous Rappliquez
fur le papier ; videz ce mélange dans une petite
fiole où la. pouffière ne puiffe pénétrer ; ayez
foin furtout que cette eau foit bien tranfparente,
& qu’elle ne dépofe pas.
Maintenant voici la maniéré d’operer.
i°. Prenezune petite feuillede papier de Hollande,
pliez-la, & paffez fortement le doigt fur le pli ,
ouvrez la feuille , & pofez-la fur une main de papier
commun.
2°. Vous aurez foin de ne pas altérer les ailes ,
en prenant vos .papillons avec l’épingle dont vous
les piquerez au travers du corfelet.
Lorfque vous voudrez opérer, prenez le papillon
avec l’épingle ; coupez^vec des cifeauxfins les ailes
très-près du corps ; pofez-les fur un papier propre.
Si le corps du papillon eft peu volumineux , ce
foin devient inutile.
3°. Prenez delà liqueur dont on vient de parler
avec un pinceau de cheveux- à poils courts : hu-
meâez légèrement les deux faces, oppofées de la
feuille du papier de Hollande que vous avez pliée
& dépliée. Elle doit être imbue de la iiquC'jr ùë
chaque côté oppofe § à égale diftance du pli &
de Retendue des ailes ouvertes des papillons.
4°. Prenez enfuite une des ailes fans la toucher
avec les doigts , mais feulement avec un pinceau
légèrement trempé dans la même liqueur ,
& avec lequel vous faifîrez la partie de 1 aile qui
adhéroit au corps.
Placez de cette manière une des grandes ailes
fur l’endroit que vous venez d’humeéter ; arrangez
de même la fécondé , avec l’attention de laiuer
; entre elles, la diftance proportionnelle du corps.
. Vous placerez de là même façon les deux petites
clans leur pofition refpeâive.
3°. Repliez enfuite la feuille fur le pli que vous
av.ez formé , puis appuyez légèrement la paume
de la main fur la feuille , fans cependant la
frapper. •
6°. Après avoir mis du papier ordinaire fur la
feuille de papier de Hollande pour empêcher
qu’elle ne gliftè, placez le tout fur une main de pap
ier; preffez alors en tout fens l’efpace d’une mi-
. nute ; fervez-vous, fi cela vous eft plus commode,
d’.un rouleau de bois : vous ne frapperez jamais.
•i 7°. Ouvrez la feuille , & enlevez avec un canif
les parties membraneuses des ailes. Si vous avez
opéré jufte, vous trouverez le deffus & le deffous
du papillon repréfentés dans toute leur vérité
& au naturel.
8°. Il faudra enfuite peindre le corps , les antennes
, la bouche &. les jambes, ce qui eft très-
facile , puifqu’on a le modèle fous les yeux.
Pour cette dernière opération, vous vous fer-
virez d’un pinceau de cheveux très-fins, & vous
aurez une petite palette d’ivoire, pour faire le mélange
des couleurs.
Voici l’énumération de celles qui doivent y
entrer : i°. Terre d’ombre ; 2°. la même calcinée ;
3®. ochre ; 4°. ochre calciné; 50. mafiieot ; 6°. bleu
de Pruffe ; 70. laque fine ; 8°. vermillon ; 90. encre
de la Chine ; io°. blanc de cérufe.
Ces couleurs, employées feules ou mélangées
entre-elles , donnent toutes les teintes néceffaires
pour exprimer les parties du corps de l’animal.
Il eft très-difficile de détacher les plumes des
ailes des papillons defféchés, St encore plus rare
de réuffir parfaitement , s’ils font morts depuis
long temps.