
confervé la qualité de la farine, comme on fait dans
la mouture en groffe proprement dite , parce que
la farine a été moins échauffée & moins évaporée
par les meules que dans la mouture économique.
Le pain qui réfulte de la mouture méridionale
eft aufli blanc que celui de la mouture économique
, parce que la farine en eft aufli diViféè.
Enfin, la perfe&ion qu’on 'a mife à moudre
& à bluter, peut augmenter l’abondance d’envi-
• ron un tiers. Ceux qui favent bien moudre ,
"bièn bluter, & bien pétrir, peuvent faire autant
de pain avec deux fetiers de blé , qu’on en
faifoit avant le fiècle préfent avec trois fetiers,
parce qu’on fait tirer aujourd’hui plus de farine
du grain, & plus de pain de la farine.
Des moulins en générai. '
Le moulin eft un infiniment deftiné à la préparation
du premier & du plus néceffaire des
alimens. Il y a bien de la différence entre piler
Amplement le grain dans un mortier , comme l’on
faifoit autrefois, ou le moudre & bluter, comme
on le fait aujourd’hui. Pour comprendre l’art
du meunier, il faut favoir ce que c’eft qu’un
moulin, & connaître en général le mécanifme
de cette machine, qui eft très - compofée.
Les parties principales d’un moulin, font i ° ,
la trémie. La trémie proprement diteàtremendo,
e ft, correctement parlant, ce que l’on nomme
Vauget, qui a du mouvement par celui des meules.
Mais ce que l’on nomme aujourd’hui la trémie
eft une efpèce d’auge carrée faite en entonnoir,
dans laquelle on verte le 'grain à moudre , & dont
l’ouverture inférieure donne dans un auget, par
lequel le grain tombe de la trémie entre les meules
.pour être réduit en farine.
2° Les meules , qui font pofées horizontalement
l ’une fur l’autre, dont la fupérieure tourne fur
l’inférieure. Celle de deffous eft immobile ; il n’y
a que celle de deffus qui foit en mouvement, &
qu’on peut élever ou atterrer, c’eft-à-dire , abaif-
fer félon le befoin.
fera éloigné des meules que de deux pouces, ce
qui a été adopté dans l’ordonnance de police de
Magdebourg en 1688, dans le réglement des
meuniers de Bavière & ailleurs. )
On nomme meule gifante la meule de deffous,
& l’on appelle meule courante la meule de deffus.
La meule gifante eft environnée d’un cercle
d’ais , vers lequel la meule courante envoie le
grain moulu , à mefure qu’elle le pulvérife , &
il eft déterminé par cette preffion & par le mouvement
circulaire de la meule fupérieure du centre
où il eft reçu, vers le bord de l’inférieure ,
auquel eft une ouverture par laquelle Portent
la farine & le fon enfemble.
Si ce qui environne & renferme les meules
n’était pas rond, il s’amafferait dans les coins,
de la farine qui pourroit être un profit illégitime
du meunier.
Le même inconvénient arrivera, fi les ais.qui
font ce cercle pour contenir la farine, font fendus
ou troués ailleurs que vis-à-vis l’auget par lequel
elle tombe dans la huche -, où on la ramaffe
pour le propriétaire, qui ne profite pas de ce
qui s’eft répandu par ailleurs.
Cela arriveroit aufli, fi ce qui environne les
meules étoit trop éloigné. (L e réglement publié
en Saxe, l’an 1568, ordonne que le cercle ne
Ce que l’on nomme vulgairement le baflian,
ou le battant, eft agité par le même mouvement
par lequel tourne la meule de deffus : le battant fait
battre Pauget, qui par ce mouvement reçoit de la
trémie lé grain, & lelaiffe tomber entre les meules.
11 y a au moulin une fonnette, à laquelle
eft attachée une petite -corde, qui lie par 1 autre
bout un poids , que l’on met fur le grain ,
dans la trémie, de forte que ce poids baiffe peu à
peu comme le grain à mefure qu’il fe moud ; & ainfi,
lorfqu’il n’y a prefque plus de grain dans la trémie,
le poids tirant la corde, fait fonner la petite cloche,
qui avertit le garde-moulin. '
Les meules font différentes dans les différens
moulins, par leur grandeur, par la nature des
pierres dont elles font compofées, par les diver-
fes façons dont elles font montées , & félon qu’elles
ont été travaillées, c’eft-à-dire, qu’elles ont
été piquées, battues ou /*’habillées, qui font ici
termes fynonymes.
Dans les provinces orientales du royaume, on
fe fert, pour la mouture méridionale, de meules
plus peÿtes que celles qui font en ufage dans
les provinces du Nord pour la mouture fepten-
trionale, où les meules ont ordinairement depuis
fix pieds deux pouces jufqu’à fix pieds quatre
pouces de diamètre; au lieu que les meules pour
la mouture méridionale n’ont que cinq; pieds
tout^au-plus.
Les meules dont on fe fert dans les provinces
méridionales tiennent plus de la nature des pierres
à fufil, & font compofées de plus petits morceaux
que ne le font celles des provinces du Nord, qui
quelquefois font d’une feule pierre , quoique plus
grandes que celles de la mouture méridionale.
Les meules de la mouture feptentrionale font plus
fujettes à être graveleufes que celles de la mouture
méridionale.
On nomme moulage§ l’aâion du moulin , particuliérement
celle des meules qui peuvent travailler
différemment. Le moulage dépend, & de la
nature, & de la pofition, & du mouvement des
meules dans le moulin.
On peut regarder comme une règle générale, que
poür faire un bon moulage, il faut que la meule
gifânte ne foit pas fi ardente que la courante.
' Une meule plus ardente eft une meule plus
coupante par les inégalités qu’elle a naturellement,
& par celles qu’on a faites en la piquant. Les
meules de moulin; font plus ardentes à proportion
que les pierres dont elles font compofees font dures,
& félon qu’il y aplus ou moins long-temps qu elles
n’ont été rebattues.
Les pierres de meulière blonde, oeil de perdrix
, font de leur nature plus ardentes, elles
font plus trouées & plus coupantes : elles font
propres à faire les meules courantes. La pierre»
dont la meule gifante eft compofée, eft communément
d’un grain bleu & blanc.
Dans tous les moulins en général, il faut, pour
bien faire, que la meule de deffus foit d’une meilleure
qualité que célle de deffous.
Il y a à prendre garde qu’il ne faut pas que
les meules aient des éraillures ou des trous grands
& trop profonds, qui renfermeroient trop de grain
entier fans le moudre.
Lerfqu’on a à remédier à cet inconvénient, on
remplit en partie ces trous avec une pâte compofée
de farine de feigle, & d’une diffolution
épaiffe & nouvelle de chaux ; de forte que cette
pâte foutienne les grains dans les enfoncemens
des meules à portée des orifices tranehans qui
les pulvérifent.
lies meuniers allemands font cette pâte avec
du fromage maigre, qui fe durcit comme de
la pierre lorfqu’on y mêle de la farine de feigle.
Dans les lieux où il ne fe tr'eùve point de
pierre à meule , on fait une forme de bois que
l’on remplit de pierres. On y verfe enfuite un
ciment propre à les unir enfemble. Quand il
eft durci, on ôte la forme & on coupe la pierre
comme on la veut avoir. Mais ce ciment eft fi
cher, que les meules coûtent le triple de ce qu elles
•auroient coûté fans cela.
Pour bien moudre , il faut que les meules ne
foient ni ardentes ni douces : dans cet état elles
écrafent le grain en le caffant, elles font la farine
plus longue, & elles développent le fon en le
découpant moins : le fon fait ainfi par des meules
qui ne font ni trop ardentes ni trop polies,
paroît au microfcope être frifé comme des oublies
, & il y relie moins de farine attachée.
Lorfque les meules font trop unies, qu’elles
ont befoin d’être rebattues , elfes font un- fon
plat & moins vidé de farine : ces meules écra-
lent le grain plutôt qu’elles ne le caffent.
Si au contraire le fon eft fait par des meules
trop ardentes, il eft haché', & plus blanc par
la farine qui y eft attachée : les meules ardentes
coupent le grain plutôt qu’elles ne le caffent
& qu’elles ne le pulvérifent en farine.
Les obfervations qui font relatives à la différence
des meules, font plus fenfibles dans le fon que
dans la farine même qu’elles produifent.
Il faut que l’ardeur des meules foit encore
proportionnée à la force des moulins où elles font
montées, laquelle force dépend de la conftru&ion
des moulins .,& de l’aélion de ce qui les fait mou-
voir, "qui le plus fouvent eft une eau courante.
Les meuniers difent que Jorfque les deux
meules font de même ardeur, la meule courante
tourne en approchant ; au lieu que quand
elles ne font pas de même ardeur , lorfque la
meule courante eft , comme elle doit être, plus
ardente que la meule gifante, elle tourne en
allégeant.
Quand la meule allège , c’eft qu’elle eft fi
bien montée , fi bien équilibrée,-que le moindre
mouvement ou la moindre réfiftance plus d’un côté
que de l’autre, la fait un peu lever de ce côté un
inftant, & elle fe remet auffitôt de niveau; c’eft
figne que le moulage va bien.
Les meules ne prennent de poli, c’eft-à-dire,
le raboteux de leur furface, leur âpreté, ne
s’ado.uciffent, ou les tranehans des orifices de
leurs trous ne s’émouffent, que parce que ces
inégalités s’aplaniffent en fe mettant en poudre
fine par le frottement de l’une contre l’autre;
c’eft ce qui fait le gravier & l’odeur de
meule qu’on trouve quelquefois dans la farine faite
par des meules neuves ou nouvellement r’habillées.
On requiert dans le meunier l’adreffe de faire
de bons r’habillages des meules, qui ne foient
pas trop enfoncés, ni trop inégaux. Il y a en
général deux manières de rebattre les' meules
de moulin : en France, c’eft ou à coups perdus ,
félon l’ufage des provinces ; ou en rayons , comme
on fait aux environs de la capitale.
On rhabille à coups perdus , c’eft - à - dire, à
coups- irréguliers , en donnant des coups avec une
efpèce de marteau fait exprès fur les endroits
les plus unis de la meule, pour y faire des
inégalités tranchantes.
Pour rebattre les meules en rayons du centre
à la circonférence , onlaiffe des intervalles réguliers
d’environ deux pouces, fi la meule eft naturellement
ardente, c’eft-à-dire, inégale; fi au contraire
elle eft plus unie, il faut faire les intervalles
des rayons la moitié moins grands ; c’eft
ce qu’on doit régler aufli félon les grains qu’on eft
dans l’ufage de moudre.;
On eft ordinairement deux mois fans r’habiller
les meules d’un moulin ; quelquefois on n’eft que
fixfemâines; fouvent aufli on eft trois mois : enfin
on eft plus ou moins de temps , félon la nature des
meules, & félon l’emploi du moulin.
Un bon moulin moud ordinairement & remoud,
c’eft-à-dire, moud par économie, 18 à
20 fetiers en 24 heures ; & il moud en groffe
un tiers de plus, c’eft-à-dire, 30 fetiers : il
peut aller à trois muids,à 36 fetiers, en hiver;
mais il iroit trop vite & trop fort, s’il mouloit
quatre muids par jour, fur-tout en été ; il échauf-
feroit la farine; car un des plus grands incon-
véniens de la mouture, c’eft d’échauffer la farine
par le frottement , qui joint à la preffion
de la meule-, qui eft de trois à quatre mille
pefant, fait fortir l’huile du grain, & le décompofe.
Lorfqu’un moulin ne moud qu’un muid en 24
heures, il ne moud pas affez : il y en a cepen