
qu elle.ne vît le mouvement des lèvres de laper-
lonne qui lui parloit ; de forte que pendant la
nm' ’ -0n ne P?l,vojt ,u‘ perler fans lumière.
, „ als ce qui doit paroitre plus extraordinaire
c ett que cette fille avoit une foeur avec laquelle
eue converfqit plus aifément qu’avec perfonne ; &
pendant la nuit il lui fuffifoit de mettre la main fur
la bouche de fa foeur pour favoir ce qu’elle di-
loit, & pour pouvoir lui parler dans l’obfcurité.
Burn , lett. 4 , p. 248.
C eft une chofe digne de remarque , que les
lourds, & en général ceux qui ont l’ouie dure
entendent mieux & avec plus de facilité lorfqu’il
le tait un grand bruit dans le temps même qu’on
leur parle ; ce qui doit être attribué fans doute à
la grande tenfion du tympan dans ces occafions.
Le fieur Wallis fait mention d’une femme lourde
qui entendoit fort diftin&ement ce qu’on lui difoit
îorlqu on battoir du tambour ; de forte que fon
mari, pour pouvoir converfer plus aifément avec
e lle, pnt à fon fer vice un tymballier.
Le même auteur parle d’une autre perfonne qui
demeuroit proche d’un clocher, & qui entendoit
tort bien trois ou quatre coups de cloches , mais
rien de plus.
Non-feulement Wallis , en Angleterre Amman,
en Hollande, fe font attachés à l’inftruc-
tion des fourds & muets, mais il paroît encore
par leur témoignage, qu’un certain religieux s’y
etoit exercé bien avant eux.
Emmanuel Ramirez de Cortone , & Pierre de
I B S » eft>agnol, avoient auffi traité cette matière
long-temps auparavant; & nous ne doutons
pas que d autres. auteurs n’aient encore écrit &
publié quelque méthode fur cet article.
Il eft cependant vraifemblable que c’eft le père
Fonce , espagnol, mort en 1 584, qui a efîayé le
premier 1 art de donner la parole aux muets ; mais
ri n a pas enfeigné fa méthode comme ont fait
Amman & Wallis. M. Perreire , né en Efpagne,
doit auffi la fienne à fon génie.
. » de nos jours , M. l’abbé de l’Epée a perfectionné
cette invention en quelque forte mira-
culeufe ; il a créé l’art d’apprendre aux fourds &
muets à penfer avec ordre, & à combiner leurs
idees. Il leur démontre par des preuves fenfibles la
metaphyfique des langues, & fes élèves ne font
pas de hmples automates qui répondent à des
lignes convenus; ils comprennent & faififfent avec
«ne promptitude admirable, tout ce que la parole
ot la penfée ont de plus fubtil; ils procèdent même
par une méthode fi fûre, que ces fourds & muets ,
inftruits par leur favant & généreux inftituteur,
leroient en état d’enfeigner la plupart des perfon-
nes bien élevées , qui, avec l’organe bien fain de
I entendement , ne favent point auffi profondément
la langue qu’elles parlent.
Ceft cette méthode de la penfée & de le parole,
que nous allons expofer,dans les. pro-
pres termes du maître, à qui nous demandons
la permiffion de le reproduire dans ce diction'
naire des arts,' fans diminuer, fans changer au!
cunes de fes expreflions. On fent quelle préci-'
fion & quelle exactitude fcrupuleufe il faut mettre
dans les procédés d’un art de cette importance
; & nous nous rendrions coupables fans
doute, fi nous altérions dans la moindre partie
l’enfeignement que M. l’abbé de l’Epéè fait g r a t
u i t e m e n t & avec tant de confiance depuis nombre
d’années , fans jamais rebuter la foule des
fourds & muets qui fe jettent entre fes bras. Nous
croyons d’ailleurs entrer dans fes vues bienf'aifan-
tes , en confignant ici la méthode entière que fa
religion, fon humanité, fa tendre complaifance lu i
font défirer fi ardemment de répandre & de faire
connaître partout où il y a des malheureux à q u i
les défauts de l’ouie ont fait perdre Fufage de la
parole & de la penfée.
C ’eft bien à ce généreux & vertueux citoyen
qu’on peut appliquer dans un fens ftriCte & littéral,
les vers que .Brébeuf a traduits de Lucain , en
parlant du peuple de Phénicie , regardé comme
l’inventeur de l’écriture :
C’en de lui que nous vient cet art,ingénieux,
De peindre la parole & de parler aux yeux ;
Et par les traits divers dfe figures tracées ,
Donner de la couleur & du corps aux penfées.
Ainfi nous fommes aflùrés de donner la meilleure
méthode d e r l’art d’inftruire Fes fourds &
muets, puifque c’eft M. l’abbé de l’Épée lui-même,
qui va l’enfeigner comme il fuit :
Avis préliminaire de M. Vabbé de l'Épée.
L’intérêt que la religion & l’humanité m’infpi-
rent pour une claffe vraiment malhéureufe j l ’hcfm-
mes femblables à nous, mais réduits en quelque
forte à la condition des bêtes , tant qu’on ne travaille
point à les retirer des ténèbres épaiffes dans
lefquelles ils font enfevelis, m’impofe une obligation
indifpenfable de venir à leu&fecours,. autant
qu’il m’eft poffible.
C ’eft uniquement pour remplir ce devoir effen-
tiel, que je vais expofer les moyens dont je me
fuis fervi pour préparer un nombre d’entr’eux à
des exercices publics, dans lefquels des enfans
qu’on avoit regardés jufqu’alors comme des demi-
automates , ont donné des preuves non douteufes
d’une intelligence fupérietire à celle de la plupart
des jeunes perfonnes de leur âge.
On, verra d’une manière fenfible comment on
doit s’y prendre pour faire monter par la fenêtre
ce qui ne peut entrer par la porte, c’eft-à-dire ,
pour infinuer dans l’efprit des fourds & muets ,
par le canal de leurs y e u x , ce qu’on ne peut y
introduire par l’ouverture de leurs oreilles.
Puiffent ces moyens tomber entre les mains de
tous ceux qui, touchés de cbmpaffion à la vue
de leur état trifte & déplorable, concevront la
réiblution gènéreufe & chrétienne de s’appliquer
à leur inftru&iop.
Lorfque je confentis, pour la première fois, à me
charger de l’inftruCtion de deux foeurs jumelles
fourdes & muettes, qui n’avoient pu trouver aucun
maître depuis la mort du père Vanin, prêtre de
la doCtrine chrétienne , j’ignorois qu’il y eût dans
Paris un inftituteur qui, depuis quelques années,
s’étoit appliqué à cette oeuvre, & avoit formé des
difciples. Les éloges donnés par l’académie à fes |
fuccès, lui avoient acquis de la réputation dans
l’efprit de ceux qui en avoient entendu parler ;
& fa méthode , avec le fe cours de laquelle il
réuffiffoit à faire parler plus ou moins clairement
les fourds & muets, avoit été regardée comme
une reffource à laquelle on devoir de juftes applau-
diflemens.
Il n’en étoit pas l’auteur : elle avoit été pratiquée
plus de cent ans avant lui par M. Wallis
en Angleterre, M. Bonnet en Efpagne , & M.
Amman , médecin Suiffe en Hollande , qui même
avoient donné fur cette matière d’excellens ouvrages
; mais il avoit profité de leurs lumières ,
& fes talens à cet égard méritoient l’eftime. &
les témoignages d’approbation qu’ils lui atti-
roient. .
Le genre d’études que j’avois fuiviés de tout
temps, & les occupations auxquelles je m’étois
livré jufqu’alors, ne m’ayant point mis à portée
de ‘ connoître aucun de ces illuftres auteurs, je
ne penfai pas même à défirer, & encore moins
à entreprendre de faire parler mes deux élèves.
Le feul but que je me propofai fut de leur
apprendre à penfer avec ordre, & à combiner
leurs idées. Je crus pouvoir y réuffir en me fer-
vant de fignes repréfentatifs affujettis à une méthode
dont je compofai une efpèce de Grammaire.
M. Pereire, inftituteur des fourds & muets, &
le plus favant de fes difciples, que je ne qonnoif-
fois ni l’un ni l’autre, en furent bientôt informés.
Ils regardèrent l’exécution de ce projet comme
impoffible, &■ l’idée que j’en.avois conçue & que
j’effayois de mettre en pratique, comme devant
être plus nuifible qu’ utile à l’avancement de mes
élèves.
La réputation que M. Pereire s’étoit acquife,
donnant dans l’efprit du public un certain crédit
à ce préjugé, il étoit nèceffaire que je le com-
battifle, lorfque je fis imprimer ma méthode uniquement
pour l’avantage des fourds & muets ,
préfens 8î à venir, me regardant comme chargé
par la providence de rendre à cette efpèce de
malheureux tous les, fervices qui dépendroient
de mon
J’attaquai donc le faux principe de ces Mef-
«eurs, & j’entrepris même de montrer que le fyf-
tême dont M. Pereire fe fervoit pour l’inftruCtion
de fes difciples , & qu’il appeloit la Dactylologie ,
c eft-à-dire, la fcience du mouvement & de la
pofition des doigts, pouvoit conduire par degrés
à faire parler des fourds, mais qu’elle étoit abfolu-
ment inutile pour leur apprendre à faire un ufage
légitime de leur faculté de penfer.
M. Pereire fit mettre alors dans les papiers
publics qu’il répondroit à mes difficultés aulïi-tôt
qu’il en auroit le loifir ; mais quoiqu’il ait encore?
vécu quelques années après avoir contrarié cet
engagement, il ne l’a point exécuté, & je ne
crois pas même qu’il en ait formé férieufement
la réfolution. Le plus favant de fes difciples eft
refié pareillement dans le filence.
J’avois encore à combattre d’autres adverfaires
plus redoutables, je veux dire un nombre de
théologiens , de philofophes ( raifonnables ) &
d’académiciens de différens pays , qui foutenoient
qu’il étoit impoffible d’aflùjettir les idées méta-
phyfiques à des fignes repréfentatifs , & par con-
féquent qu’elles refteroient toujours au-deflùs de
l’intëlligence des fourds & muets.
Il a fallu beaucoup de temps & de raifonne-
mens , des exercices publics, & même en plufieurs
langues, fur des matières abftraites, des leçons
journalières auxquelles des favans de toutes les
parties de l’Europe ont affilié, mais principalement
des explications claires & précifes fur la
métaphyfique de tout verbe régulier , données
fur le champ & fans aucune préparation par les
fourds & muets, pour convaincre toute perfonne
railbnnable, i° . que comme il n’eft aucun mot
qui ne lignifie quelque chofe, il n’eft auffi aucune
chofe , quelqu’indépendante qu’elle foit de nos
fens, qui ne piïifle être expliquée clairement par
une analyfe compofée de mots fimples, & qui
en dernier relïbrt n’aient befoin d’aucune explication.
20. Que cette analyfe peut également fe faire
de vive voix ou par écrit vis-à-vis de ceux qui
ont les oreilles duement organifées, parce que ,
foit en entendant, foit en lifant les mots fimples
dont elle eft compofée, ils fe rappellent leslignes
qu’on leur a faits depuis leur enfance , & fans lefquels
ils n’auroient pas plus entendu les mots qu’on
prononçoit ou qu’on lifoit, que fi on les eût prononcés
ou lus en allemand, en grec ou en hé-
breu.
\ 3°- Que cette même analyfe ne peut fe faire
vis-à-vis des fourds & muets que par écrit, mais
que fon effet eft également infaillible , parce qu’en
lifant les mots fimples dont elle eft eofnpofée, ils
fe rappellent auffi facilement que nous la lignification
qu’on leur a donnée de ces mots , & qui
leur eft devenue auffi familière qu’à nous par
l’ufage que nous en faifons continuellement avec
eux, & qu’ils en font eux-mêmes avec nous.
J’expliquerai dans la première partie ( de cette
méthode ) les différens degrés par lefquels on réuf-
fit à former l’efprit des fourds & muets, & à les
rendre capables de perfectionner eux-mêmes leur
inftrudion en lifant de bons livres-
Dans la fécondé, ayant appris par la IeCture