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fpongieufe, puis ternit & altère en peu de temps
l’écorce & la met hors d'état de fervir.
On connoitra fi la canne eft dans un endroit
trop humide , par l’oeil terne qu’elle prend fur fa
furface ; & même en y paffant le doigt , on. s’apercevra
d’une fleur allez femblable à la vapeur
q u i, l’hiver, couvre les vitres d’un appartement.
On doit avoir la même précaution pour les
cannes, & les conferver dans des endroits aérés ,
comme des greniers ou chambres hautes, loin de
l’humidité ; & même il eft à propos de les tenir
plutôt debout contre le mur, que couchées fur le
plancher.
Il y a des peigners qui coupent d’abord les
cannes à l’endroit où leur grofleur permet, de les
employer aux dents de peigne , fans les dépouiller
de leurs feuilles ; puis, les ayant liées par bottés
de fept ou huit, les mettent en tas debout contre
un mur , de haut en bas , c’eft-à-dire ', le
côté de la racine en haut., & l’autre contre
terre.
Quelques autres , avec les mêmes précautions ,
au lieu de les dreffer par bottes contre un mur,
les fufpendent par paquets au plancher avec toutes
leurs feuilles , & prétendent qu’il eft également
nuifible de lès dreffer contre le mur dans le feus
où elles croiffent, parce qu’il y a toujours dans-
l’aiffelle de chaque feuille un peu d’humidité qui
ne peut que contribuer à la longue au dépériffe-
ment des cannes , & de les effeuiller entièrement,
parce que le grand air altère en peu de temps
l’écorce.
Cette obfervation eft due au hafard qui, ayant
découvert quelques cannes de leurs feuilles, tandis
que d’autres-en font reftées couvertes, celles-ci
ont confervé toute leur beauté & tout leur lui-
fant, au lieu que les autres ont dépéri & noirci
confidérablement : il eft donc à-propos de les mettre
de bas en haut , & même encore plus fur de
les fufpendre au plancher fans ôter les feuilles.
On a dit plus haut que l’ouvrier qui coupe les
cannes par bouts , les jette à mefure dans un
panier.
Lorfque ce panier eft plein , on renverfe à terre
tous ces tuyaux ; un autre ouvrier ayant autour
de lui autant de corbeilles qu’il veut faire de parts
différentes, fe met à genoux , & choififfant tous
les tuyaux les uns après les autres „ il les met
dam> les paniers. Lorfque le triage eft fini, on
met des étiquettes fur les corbeilles pour recon-
noître les différentes qualités des tuyaux qu’elles
contiennent.
Ceux qui font commerce de cannes pour les frire
paiTer dans les parties feptentrionales de la France,
où il n’en croît pas , les coupent par tuyaux ,
comme les peigners le font eux - mêmes ; mais
comme iis n’ont pas une connoiffance bien particulière
des parties qu’on peut employer, ils ne
prennent pas la peine d’en faire le choix ; & après
les avoir fait débiter par bouts, ils les emballent
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dans de grands facs & Jes envoient à leur defli.
nation où on les achète à la livre.
C ’eft pour, épargner les frais de voiture , ainfi
que les droits , qu’on a trouvé convenable de
n’envoyer que ce qui peut fervir à peu-près ; fans
quoi ce qui feroit inutile augmènteroit d’autant le
prix de la partie utile.
Quelques commerçans ont la précaution de
faire faire des paquets de ecs tuyaux , ou par
compte, ou par poids, & les emballent par ce
moyen plus facilement.
A Paris , ces tuyaux fe vendent depuis huit
jufqu’à douze fols la livre.
Cette différence de prix vient du plus ou moins
d’abondance de cette produ&ion , plutôt que de
la qualité ; quoiqu’on prétend^ que les cannes qui
viennent d’Efpagne , font meilleures que celles du
Languedoc & de la Provence.
Il eft vrai que du côté de Perpignan on en cultive
beaucoup , & qu’on en fait de grands envois
dans toutes les parties de l’Europe , qui ne peuvent
s’en procurer que par la voie du commerce,
Les cannes fe vendent à la livre : anfli les marchands
qui en tiennent de grandes provifions, ont-ils
intérêt de les tenir dans un endroit plutôt frais que
fec^ mais pour ne pas nuire à la qualité, ils doivent
en même temps les préferver de l’humidité qui leur
porteroit un dommage fenfible. •
Il eft bon d’être averti, parce qu’un ouvrier
qui achète un cent pefant de marchandife, feroit
fort furpris de ns plus trouver fon compte au
bout de quelque temps ; & le bas prix auquel on
a acheté, n’eit pas capable dedédommager de la
perte réelle qu’on éprouve enfuite.
En général , les' marchands ne fauroient tenir
les cannes dans un état d’humidité habituelle ; car
à moins que d’en avoir un trèsi-prompt débit , elles
dépériroient pour leur compte , & Ils ne pour*
roient bientôt plus les vendre.
Les commerçans en cannes & les peigners ont
un intérêt particulier de tenir leurs cannes dans
des endroits fecs ; c’eft pourquoi ces derniers , qui
font obligés de les acheter coupées par tuyaux ,
ont foin de les placer fur des planches fixées au
haut des ateliers en forme de rayons , afin que
ces tuyaux rie reçoivent aucune atteinte de l’humidité
; & comme ils favent faire le choix des qualités
& des groffeurs , ils diftribuent ees .planches
par cafés , enfoite que chacune contient une differente
groffeur de tuyau : & pour reconnoître les
qualités partieplières qü’on y a placées , chaque
café eft numérotée de telle façon que Je peigner
fait tout de fuite dans quelle café de fes rayons
il doit prendre les tuyaux de canne qu’il faut
employer pour faire les dents du compte de peigne
quM veut exécuter.
Manière de refendre la canne.
Lorfque tons les tuyaux font coupés par longueurs
de dents, on les mettons en pièces à peu
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>5 de la largeur qu'on veut donner aux dents, ’ ■
cour les paffar enfuite à la filière , & leur donner
L e parfaite égalité de largeur & d’épaifleur ; il faut
donc refendre ces tuyaux fur leur circonférence
en autant de parties que cette circonférence peut
en produire.- .
Mais pour faire cette divifion avec quelque exactitude,
il a fallu employer des outils toujours plus
fûrs que la vue fimpie ; encore n’obtient-on que
des- à- peu-près que la filière corrige enfuite.
Voici comment on s’y prend. Si les dents du peigne
qu’on veut monter doivent avoir deux lignes
de largeur quand elles feront finies , il eft à propos
de leur donner d’abord deux lignes & demie
quand on les refend , de peur qu’en les refendant
du premier coup au point jufte où il les faut, le
fil ne fe. trouvant pas parfaitement droit, la fente
ne fe jette à droite ou à gauche , ce qui augmen-
teroit Sa largeur des unes aux dépens des autres .
anfli avec une demi-ligne de plus quil ne leur
faut, quand la canne eft bien choifie , on ne craint
: pas cet inconvénient, & on les amène aifément à
riavoir que deux lignes jufte en les paffant par
: plufieurs filières s’il eft néceffaire.
! Voyons maintenant quels font les moyens & les
inftrumens qu’on emploie pour les fendre a une
égale largeur. > f
On fe fervoit anciennement, pour retendre les
■ tuyaux des cannes, d’une méthode à laquelle quelques
ouvriers tiennent encore. Elle confifte a prendre
un couteau de la main droite , & tenant debout
un tuyau appuyé fur le billot ou table devant laquelle
l’ouvrier eft aflis, ou , pour mieux dire, qu il
place entre fes jambes ; puis appuyant le couteau
fur le tuyau , toute fon attention confifte' a le divi-
fer en deux parties bien égales fans les feparer.
Lorfque la fente eft defeendue a trois ou quatre
lignes du bas > ce qui ne demande pas que le couteau
defeende aufïi bas , à caufe de fon épaiffeur
qui fait l’office d’un coin , il retire le couteau de la
rente', & le place fur le même bout fupérieur de
la canne , à environ deux lignes & demie de la
même fente. ~ x | a .
Il ne faut pas placer le couteau du même côté,
& décrire fur cette circonférence ce que les géomètres
nomment une corde ; mais le couteau doit
toujours , en paffant par le centre , donner un diamètre.
L’ouvrier continue fur toute la circonférence à
fendre la canne à des diftânees de deux lignes &
demie , en faîfant toujours defeendre la fente au
même degré qu’on a dit de la première, jufqu’à ce
qu’enfin il ait divifé toute cette circonférence en
quatorze partiés égales de trois lignes moins un
quart ou environ chacune car il n’eft pas pofliblè
par cette méthode de rencontrer parfaitement
jufte.
^ Lorfque la canne eft ainfi divifée , on finit de la
feparer avec les doigts, ou bien on fait entrer le
manche du couteau, qui dans ce cas eft un peu
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conique ,’ & pour peu qu’on force un peu , toutes,
les parties fe féparent aifément.
S i , cpmme.il ne manque pas d’arriver■ toutes
les parties ne fe féparent pas , on les achève avec
les doigts* Mais comme en fe fervant du manene du
couteau pour écarter toutes les parties , on pourrait
Ce couper avec la lame, il eft à propos d avoir
un repoiijfoir tourné, avec lequel on ne court aucun
rifque de fe bleffer , & Fon produit un écartement
de toutes les parties.
A mefure qu’on refend ainfi des tuyaux , on
met les morceaux fur une table ; enfuite on en
forme des paquets pour s’en fervir au befoin;
après quoi, pour les préferver de l’humidite , il eft
bon de les ferrer dans des boîtes ou tiroirs , qu’il
vaut cependant mieux tenir découvertes , pour
donner de l’air aux cannes.
La boîte qu’on emploie a Jeux parties dont
l’une eft remplie de morceaux de canne, & 1 autre
eft vide. Comme il eft effentiel de ne pas mêler
les qualités des tuyaux qu’on a triés avec foin ,
il feroit impoffible de s’y reconnoître fi on les
I mêloit après les avoir refendus : c eft pour éviter
cette confufion qu’on a coutume d avoir des boites
à double compartiment, parce que quand on paffe
ces pièces à la filière, on les remet finies dans 1 auire
côte du tiroir, 8c Fort eft affuré de fe reconnoître
pour l’emploi qu’on en veut faire.
Comme les fibres de la canne font placées fui-
vant la longueur des tuyaux, & que fi l’on n y pre-
noit garde, les parties fe fépareroient fort aifément,
pour peu qu’on fît entrer le eouteau , il faut éviter
cet inconvénient, qui empêcheroit qu’on ne put
continuer la divifion fur la circonférence.
Il eft vrai quelle mal qui réfulteroit n’eft pas de
grande conféquence ; mais on divife beaucoup
mieux & beaucoup plus vite toutes les parties en-
femble que quand elles font féparées.
Ainfi , dès que le couteau eft placé à 1 endroit
néceffaire,-on élève les deux mains ; favoir , celle
qui tient le couteau, & la gauche qui tient le tuyau
fortement par en-bas ,& on frappe quelques coups
furie billot : en peu de tems le couteau entre , &
la main gauche empêche la fente d’aller tout du
long du tuyau ; ce qui ne manqueroit pas d’arriver,
malgré cela, fi on rienfonçoit le couteau qu autant
qu’il eft néceffaire pour conduire la fente à quelque
diftance du bout ; car le couteau étant nécef-
Virement plus épais vers le dos que vers le: tranchant
, Il fait l’office d'un coin, & la fente ett déjà
fort ouverte dans la partie fupèrieure, quoique le
couteau-ne foit pas encore à moitié, tandis quà
peine y a-t-il la plus petite fente vers le bas.
Malgré les foins de ceux qui emploient cette méthode
, leur promptitude à refendre les cannes, &
leur exaéfitude à les bien divifer, jamais on ne peut
avancer autant, ni divifer atifli également, qu avec
rinflr'umenr qu’on nomme rojhtte , dont on va voir
l'ufage.
LU I ij