
Nous ne décrirons pas ici la Forme d’un p®ur-
riffoir, attendu qu’elle n’elt pas confiante', &
qu’elle peut varier d’une fabrique à l’autre, Suivant
les ernplacemens qu’on y peut confacrer.; nous
dirons feulement que les pourriffoirs font des
endroits- bas & fermés affez exactement, dans lesquels
ont met en tas plus ou moins confidérables
les chiffons triés ; on appelle ces tas mouillées,
parce qu’on les arrofe de temps en temps, afin
que le chiffon fe pénétré d’humidité, à la faveur
de laquelle il éprouve une certaine fermentation,
& qu’il pourriffe.
E(es ^ ^ rentes fabriques du royaume Suivent
différentes pratiques dans le gouvernement des
pourriffoirs ; mais comme il n’y en a aucune qui
donne des réfultats confia ns, nous en indiquerons
ici plufifiurs;
En Auvergne, on jette de l’eau fur les tas de
chiffons pendant dix jours, & huit ou dix fois
par jour fans les remuer. On les laiffe enfuite
repofer pendant dix autres jours fans les arrofèr,
après quoi on les remue de manière à placer ce
qui occupoit la partie Supérieure dans la partie
inferieure, & on les livre enfuite au progrès de
la fermentation ; on juge qu’elle eût à Son point
par certains fignes affez équivoques. ,
En Angoumoi$_, on fuit une autre pratique; on
fait defcendre au pourriffoir une certaine quantité
de chiffons équivalente a celle que le moulin peut
triturer en un mois, & on la met fur le pavé du
pourriffoir; enfuite on larrofe en y conduisant,
par le moyen de dalles mobiles, un courant d’eau
qui la pénètre dans toute fa msffe. Lorfque le
Chiffon efl ainfl bien lmmeCtè , on prend une
ancienne mouillée qui a Séjourné dans le pour- i
riffoir environ un mois , & on la place fur le
tas de chiffon nouvellement arrofé. Comme l’ancien
tas a déjà , depuis ce temps, éprouvé un i
certain degré de fermentation , dans cette nou-
velle pofition , il s’échauffe davantage que dans
la première; d’un autre côté, la dernière mouillée '
prend infenfiblement de la chaleur , étant couverte
par l’ancienne.
Lorfque cette ancienne mouillée efl entièrement .
epuifee par le travail du moulin , on commence I
à prendre la fécondé, dont on couvre une nouvelle
mouillée qu’on a fait defcendre du déliffoir,
& qui efl bien pénétrée d’eau par un arrofement
fufnfant.
On doit juger , par tous ces détails * combien on
efl peu Soigneux fur la durée du pourriffage qu’on ,
fait Subir aux différentes mouillées, & combien :
les réfultats de la trituration d’un chiffon aufE j
inégalement pourri, doivent varier; car il y a :
quelquefois une différence de trois Semaines entre I
le temps où l’on commence à battre le chiffon
d’une ancienne mouillée, & celui où elle finit
d’être battue : on doit Sentir aufE quelle diffé- i
rence il doit y avoir entre l’état des chiffons pourris |
l’été, & celui des chiffons pourris 1’hiver. Il ne paroît
pas qu’on ait penfé à proportionner la peiîle qu*0Il
defcend à chaque fois dans le pourriffoir , à Ia
température de la faifon, mais bien plutôt à la
quantité que les moulins en peuvent triturer*
or, les eaux étant plus abondantes l’hiver, il s’en
Suivrait qu’on devrait augmenter le chiffon rela.
tivement à ce que l’hiver il pourrit moins vite
& relativement à ce que le moulin peut triturer
davantage; à quoi il ne paroît -pas qu’on ait
pourvu avec affez d’exaClitude pour obtenir le
même degré de pourriffage en tout temps.
C ’èft ordi nairement le gouverneur du moulin
qui efl chargé du pourriffage des chiffons; c’eft
lui qui fait defcendre la mouillée du déliffoir
c’efl ui qui fait arrofer les tas, qui les retourne
& les déplace; & c’efl lui qui, par une habitude
plus ou moins intelligente , juge du degré de
fermentation convenable, & aux chiffons qu’il a
fournis au pourriffage, & à la-forte de papier qu’on
fe propofe de fabriquer avec ce chiffon.
. général, le chiffon fin eft plus difficile à
pourrir que le moyen , & celui-ci plus que le bulle.
On. fe règle donc fur ces principes reconnus, pour
le temps où ces différentes claffes de chiffon fé-
journent au pourriffoir.
Lorfqu’on ne peut pas employer tout de fuite
un chiffon dont le pourriffage eft fort avancé , en
le remue , 8c on l’arrofe pour interrompre la fermentation
& en rallentir les mauvais effets , qui
tendent à détruire la matière du chiffon, fi elle
efl pouffée trop loin.
On efl quelquefois obligé de laiffer pourrir le
chiffon à un certain degré au-delà de ce qu’on
jugerait convenable , à caufe de la foibleffe de
l ’agent dont on peut difpofer pou r la trituration.
C ’efl la pratique de quelques fabriques qui manquent
d’eau fiir la fin de l’été & au commencement
de l’automne ; & comme ces moulins ont
.des maillets -d'une moyenne force, ces machines
né pourraient fournir affez d’ouvrage pour l’entretien
des cuves que les propriétaires font valoir
l ’hiver & le printemps. Ils ont donc recours au
pourriffage, qui attendrit leur chiffon , & cela au
rifque de faire des pertes confidérables ; 8c il n’eft
pas rarç. que le.pourriffage, porté au point où il
le foutien.ne.nt, réduife la quantité de pâte qu’ils
obtiennent par la trituration, à quarante livres par
quintal.
On fait que les Hollandois ont remédié à tous
ces inconvéniens du pourriffage des chiffons , par
des machines qui peuvent triturer des chiffons
non pourris ; 8cjéur fuccès dans ce fyflême de
réparation des pâtes, a attiré l’attention .de nos
abiles fabricans, qui ont adopté ave,c avantage ces
machines Hollandoifes & leurs procédés.
Cependant ne ferôit-il pas poffible de perfectionner
la méthode du pourriffage de manière à
éviter une grande partie des inconvéniens dont je
viens de parler, & ne trouveroit-on pas dans quelques
fabriques des efîais affez fuivis pour les pro-
P À P
ofer aux.perfonnes attentives & jaloufes depertv
Aionner i art ? ■ ,
Les entrepreneurs de qu e lq u es -un es des manu-
faftures de papier é tablie s a j# en v iron s de Bruxeld’aprèsPlaPméthode
dtVkolhndois , fentirent
bientôt le befoin de pourrir leur chiffon , mais en même temps de modérer les effets du pournf-
faae • en confcauence, ils conflruifirent des pour-
rilfoirs qui m’ont, paru très-propres à remplir ces
VlDans de grandes galeries d épendantes des bâti-
mens de leurs p a p e te r ie s , ils o n t fait c on flru ire une
fuite de caiffes bien fe rmée s , 8c d’une capacité
affez grande p ou r con ten ir u n e certa ine quan tité
de clnffon con n u e & d éterminée ; par exem ple ,1 a
quantité qu e les c y lin d r e s qu i é toien t en activité
dans leurs m o u lin s , p o u v o ie n t triturer dans un
jour. L e nombre de ces caiffes é to lt éga l au nombre
de jours nè ceffaire s pour qu e les tas J e chiffon
renfermés dans les c a i f fe s , fu.flent Suffi fa mm eût
échauffés & pu fien t ê tre fournis à la trituration.
Plus la fa ifo n -éto it fro id e , plus é io it grapd le nombre
des caiffes qu’ils rempliffoient de chiffon ; & il
y en a v o it d’autant moins , q u e la faifon étoit plus
chaude. S u iva n t c e , fy ft .êm e o n plaçoit un tas de
chiffon d’ u n .cô té , pend ant q u ’on en e n le v o it un
de l'autre. . , . , ,
Je dois obferver qu on mouilîoit bien complètement
le,chiffon dans des timbres de pierres,
ayant de le dépofer dans les caiffes , afin qu’il pût
fermenter autant quïPconvenoit.
Les chiffons qu i a v o ien t pris dans ces caiffes un c e r tain
degré de fermen tation fans être én e rv é s , é toient
beaucoup plus difp ofés à fe la v e r & à prendre le
degré de b lancheur c o n v e n a b le dans les piles des
cylindres e ffilo ch eu r s , & ces bons effets d’un pourriffage
r é g lé , fe rem arqu o ien t pa rticu lièremen t fur
les chiffons bulles & même fu r les m o y e n s . O n
prétendoit même qu ’une fermen tation de peu de
durée , ren do it les Saletés & les parties colo rante s
du chanvre & du lin be au cou p plus Solubles dans
l’eau fans altérer la partie fibreufe : les chiffons
fins, même qui é to ie n t un peu bis , a v o ien t acq uis
un certain d egré d-^blanc par un, com men cement
de pourriffage ainfi mo dé ré.
Du dérompoir.
Lorfque le chiffon e fl pou rri au po int qu’il fa u t ,
on le porte- au d érom po ir ; c’e fl ord in airemen t le
gouverneur du mou lin qui e ft ch a rg e de ^ cette
opération. L e d érompo ir e fl un e tab le pla cée fur
des tréteaux Solides , 8c garnie de planches de trois
cô té s , afin de p o u vo ir con tenir la pe iîle qu ’on
tire du pourriffoir 8c. qu ’ on c o u p e ; au d ev an t de
la table eft fixée v e r tica lem en t & Solidement une
portion de lame d’une fa u lx , d on t le tranchant e fl
oppofé à l’o u v r ie r qu i d é iom p t. C e t o u v r ie r fe
place v is -à -v is de la fau lx , dans une pofition un
peu é le v é e , pa rce qu e les e ffo rts qu ’il fa it pour
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couper fe font de bas en haut ; il prend d’un
côté , fur la gauche , le chiffon pourri , il en
forme une poignée en arrangeant fur la longueur
chaque morceau de chiffon , 8c tordant un peu
cette poignée, il l’appuie contre le bas du tranchant
de la faulx, 8c feie jufqu’à ce qu’il Soit parvenu
en haut, 8c par cette fuite d’efforts il coupe une
poignée en deux ou trois tronçons, qu’il jette fur
la table à fa droite. Comme dans cette opération
les frottemens réitérés qu’éprouve le, chiffon pourri
dégagent une partie des ordures qu’il contient, 8c
fur-tout la partie terreufe, on a foin d’étendre fur
le fond de la table une claie d’ofter à claire-voie,
de telle forte qu’elle Soit élevée d’un pouce fur
la table, par ce moyen, les ordures dégagées du
chiffon dérompù ne's’y mêlent plus. Dans cet état,
le chiffon.eft haché en menus morceaux, Sc plus
propre à être diftribué dans les piles 8c à obéir
au jeu des maillets pour être effiloché.
Chaque dérompoir doit être pourvu d’une pierre
à aiguifer, pour que l’ouvrier puiffe donner le
fil à fa faulx ; il a foin aufli de la battre de temps
en temps fur une enclume, lorfque le tranchant
fe trouve-émouffé par le travail.
Dans les fabriques où l’on Soignerait le déliffage
du chiffon comme on l’a dit, on ferait difpenfè de
dérompre le chiffon y parce qu’on le réduiroit pour
lors en morceaux d’un petit volume, ce qui ne
multiplie pas les opérations. L’ouvrage du dérompoir
ne laiffe pas que de donner affez d’occupation
au gouverneur du moulin, qui fe fait Suppléer
Souvent par l’apprenti.
DES MOULINS A TRITURER LE CHIFFON.
Lorfque les chiffons ont été fournis à toutes les
préparations dont nous venons de parler, ils font
en état d’être réduits en une pâte fibreufe avec
laquelle fe fabrique le papier. On emploie pour
obtenir cette pâte des moulins confira its fur des
fyftêmes tlifférens. Les uns font en ufage depuis
long-temps , 8c font répandus dans la plus grande
partie de l’Europe 8c de la France en particulier;
çe font les moulins à maillets. Les autres , inventés
en Hollande depuis peu , Sç adoptés dans les provinces
voifines , font les moulins à cylindres. Nous
allons faire connoître ces deux fortes de moulins ,
ainfi que la manière d’en diriger les fnouvemens
8c les opérations.
De/cription du moulin à maillets.
Le moulin à maillets efl reprêfenté en détail
dans les planches I I , III 8c 1Y de la papeterie ;
on en voit le plan au bas de la planche II , le
profil au bas de la planche III , 8c la perfpeétive
‘ dans la vignette de la planche IV ; il eft cora-
pofé d’un arbre A B , garni de levées C C C C ,
qui, paffant fucceffivement fous les extrémités des
| manches des maillets , les lèvent pour les laiffer re