
Le nombre des maîtres privilégiés par l’hôtel des j
Gobelins, n’eft point limité. Il fuffit d’avoir travaillé
constamment pendant l’efpace de fix années dans (
T hôtel ; & , fur le certificat de l’infpeéteiir dudit
hôtel, vifé par le directeur général des bâtimens
du roi, commiffaire du confeil en cette partie , j
lequel attelle que l’a’fpirant a fidèlement rempli fon
temps» il eft reçu maître, fans aucun frais, que
ceux de la cour des monnoies.
Les maîtres privilégiés par l’hôpital de la Trinité,
au nombre de deux, font nommés parM. le procureur
général du parlement. Ils doivent travailler
pendant huit années confécutives dans l’enceinte
de cette maifon, après lequel temps ils montent à
la cour des monnoies, & font reçus maîtres. Iis ont
l’avantage fur ceux des Gobelins, d’obtenir un poinçon
de maître en commençant leur temps ; mais
ils font obligés de fe charger d’un enfant de cet
hôpital, de le nourrir, le blanchir & l’inflruire
pendant le cours de huit années dans toutes, les
parties de l’orfèvrerie qu’ils fabriquent. Le terme
révolu, cet enfant a gagné fa maîtrife, & fe fait
recevoir comme fon maître, avec les mêmes privilèges.
Il y a encore d’autres orfèvres privilégiés, qui ,
font les maîtres de la prévôté de l’hôtel, au nombre
de quatre, & deux autres encore par privilège concédé
à M. le duc d’Orléans, comme premier prince
du fang. Ces privilèges ne donnent point de qualité
aux enfans.
Le corps de l’orfèvrerie, ainfi qu’on l’a dû voir
par les détails rapportés au mot orfèvre, réunit
trois parties majeures, qui font, i°. l’orfèvrerie;
a°. la bijouterie; 3°. enfin, la joaillerie-lapidaire-
rie, développées dans ce di&onnaire, à l’article &
au mot diamantaire-lapidaire-joaillier.
Des Genevois, faifant le commerce de la joaillerie,
ont dédaigné d’appartenir à l’()rfévrèrie , & ,
failant de grandes entreprifes dans cette partie,
fe qualifioient de banquiers en diamans. C ’étoit
une charlatanerie, dont le motif étoit fans doute
de taire accroire au public qu’ils avôient feuls les
diamans par correfpondance en première main, &
que par ce moyen ils pouvoient les donner plus
beaux & à meilleur compte que les orfèvres-joailliers
du roi & de la couronne, comme fi ces artiftes,
trafic des ouvrages & matières d’o r& d’argent,av
l’emploi & le négoce des diamans,. des perles, &
de toutes fortes de pierres fines & précieufes, fous
le titre & la qualité d’orfèvres-joailliers.
Une qualité particulière , attribuée à ce corps
par ces Itatuts, eft le privilège dé la gravure. On a 1
vu ci-devant, que la connoiffance & l’exercice I
de cet art font indifpenfables pour l’art de l’orfèvrerie
& beaucoup d’autres y ne méritoient pas celle des
étrangers, à caufe qu’ils étoient de la communauté
des orfèvres.
Les premiers flatuts de ce corps paroiffent avoir i
été rédigés en l’année 1260, fur d’anciennes cou- \
tûmes non écrites, mais recueillis avec un foin par- \
tiGLilier. par le fameux Etienne Boileau , prévôt de ;
Paris, fous le règne de faint Louis ; & l’on voit
qu’avant cette époque la profeffion d’orfèvre étoit i
déjà exiftante en corps policé, ou état-juré dans |
Paris. Son privilège étoit alors que les maîtres & j
marchands, formant le corps & exerçant l’é tat.
d’orfèvrerie, joaillerie & bijouterie, avoient pour
objet de leur art & commerce, la fabrication & le
; & , par une fuite de cette conféquence, la
permiffion de graver a été attribuée à ce corps, I
non-feulement pour tout ce qui eft relatif à fon
art, mais encore les armoiries fur les fceaux & cachets
pour le public, les armes des particuliers fur
la vaiffelle d’argent ; enfin, les inftrumens en acier,
les poinçons, & tous les outils néceflaires pour la
fabrique & l’ornement de leurs ouvrages.
L’or & l’argent compofant la matière première o£
principale du commerce & de l’orfèvrerie, il étoit
de droit que le gouvernement afliirât au public la
lûreté dans l’achat de ces marchandifes, qui fort
confidérèes comme un meuble de valeur réelle, &
à l’égal de celle du numéraire. Auflî le corps de
. l’orfèvrerie reçut i l , à cet égard, des lois bien différentes
de celles des autres communautés. Il fallut
ériger une police ; il la falloit prompte & fouvent
momentanée : ces confidérations déterminèrent les
fouverains à commettre les gardes-orfèvres pour
l’exercer en première inftance.
Un objet bien important étoit l’effai des matières
d’or 8c d’argent qui s’emploient dans la capitale.
Les gardes-orfèvres furent commis à cet effet, à la
charge pa"r eux de fe conformer aux réglemens
prefcrits pour le titre des matières d’or & d’argent
, & d’être refpônfables, en leur propre & privé
nom , des,abus ou fautes qui fe commettroient à cet
égard, fous les peines portées par lefdits régle-
mens &' jugemens de MM. les officiers de la cour
des monnoies, auxquels tout pouvoir 8c attribution
font donnes pour raiîon defdites contraventions
feulement.
Les communautés d’orfévres en province font
fous la même difcipline. D’après cet expofè, il eft
facile de concevoir en aperçu combien la p'ace
de garde-orfévre à Paris eft lâborieufe 8c délicate à
remplir. Engagement de leur part, avec ferment,
envers le fouverain & le public, pour la fûreté du
t it r e q u i affure au particulier fon bien ; exercice
fans interruption, foir & matin, au bureau pour les
effais d’or & d’argent, d’une part ; la pourfuite de»
affaires comentieufes dans tous les tribunaux, les
brevets d’apprentiffage à enregiftrer, les nouveaux
maîtres à examiner & fuivredans leur chef-d’oeuvre,
& tout ce qui eft relatif aux détails intérieurs d’une
communauté ; niais plus particulièrement encore
rinfpeéfion continuelle au dedans, une furveillanCe
fans relâché au dehors; 6e enfin l’aflife des capitation
& indüftrié.
L7infpeénon continuelle au dedans a pour motif
l’effai des petits ouvrages d’or,qui, ne pouvant, par
leur foibleffe, fupporter l’effai à la coupelle comme
Uc grands, doivent s’apporter au bureau des orfèvres
tout finis, pour être infpeâés par les gardes,
& effayés par !a voie du touchau 3 c’eft-a-dire, que
les gardes-orfèvres vérifient fur une pierre, appelée
pour cela pierre de touche., tous les menus ouvrages
dont on vient de parler. Cette vérification
s’opère par l’effet du frottement defdites pièces fur
cette pierre, & , de fuite , par l’application de l’eau-
forte qu’ils étendent fur les touches defdites pièces :
fuivant que ces touches réfiftent ou qu’elles diminuent,
ils en eftiment le titre à la valeur d’un karat
^La connoiffance que les gardes-orfèvres font
obligés d’avoir pour les opérations ordinaires de
leur art & commerce, & , de fuite l’haliitude
qu’ils en contractent au burea'u, les met à portée de
remplir fiièlement cet honorable emploi.
La furveillance au dehors confifte dans les vifites
de policé de jour, & plus particulièrement dans
celles de nuit, qu’ils font autorifés à faire, non-
feulement chez les maîtres orfèvres leurs confrères,
mais encore chez tous les ouvriers regardés comme
auxiliaires au corps de l’orfèvrerie, tels que les
fondeurs, mouleurs, cifeleurs, & dans les ateliers
clandeftins, qui leur font indiqués.
L’adminiftration royale a toujours confideré ces
vifites fous un point de vue fi important pour la
fûreté publique, que les frais , faux frais & dépen-
fes occafionnées pourraifon d'icelles, .font toujours
alloués fans difficulté dans les comptes du garde
comptable, par les magiftrats charges de 1 examen
defdits comptes , lorsqu'ils font certifiés véritables
par des mandats lignés de lui 8c des fept
autres gardes en exercice, fes collègues.
M. le lieutenant-général de police, préfide^ l'élection
des gardes-orfèvres, affifté de M. le procureur
du roi. Elle fe fait annuellement, au mois de juillet,
en leur bureau & maifon commune. L’on procède
d’abord à celle de deux anciens gardes , pour occuper
chacun une place de grand-garde ; enfuite à
celle de deux jeunes gardes, choifis dans les maîtres
orfèvres, qui doivent avoir au moins dix ans de
réception.
A cette époque, les deux grands-gardes 8c les
deux jeunes, qui ont été nommés dejix. ans auparavant,
fortent, & les quatre élus l’année précédente
reftent l’année entière avec les nouveaux ,
qui apprennent de ces anciens l’effaierie d’une-part,
& de l’autre reçoivent les iivftruétions néceflaires
pour le régime qu’ils doivent ©bferver, ainfi que les
renfeignemens indifpenfables pour la continuation
des affairés, tant au dedans qu’au dehors.
Le lendemain de l’éleétion, les nouveaux gardes
élus fe rendent chez M. le lieutenant-général de
police, & prêtent ferment entre fes mains, de fidèlement
remplir les devoirs de leurs places ; enfuite
ils montent à la cour des monnoies avec les gardes
fortans, lefquels apportent les poinçons qui ont
tervi pendant leur année d’exercice. La cour, faifant
droit à la requête préfentée d’avance par les anciens
& nouveaux - gardes, -ordonne que les anciens
poinçons feront biffés en fa préfence, après que
procès-verbal de defcription & infculpation d’iceux
fur la planche de cuivre à ce deftinée, aura été fai: ;
ordonne de même l’infculpation des nouveaux,pour
raifon defquels il eft fait pareillement un procès-
verbal de leur nombre & qualité.
Tous ces poinçons portent chacun leur numéro.
Lorfqu’ils deviennent défectueux & hors d’état de
fervir, les gardes-orfèvres préfentent requête, à
l’effet d’en faire graver de nouveaux. Les poinçons ,
8c la matrice qui a fervi pour les faire, fe renferment
dans un coffre , dont les gardes ont la c le f,
& ce même coffre eft renfermé dans un plus grand,
dont le régiffeur ou fermier des droits du roi garde
la clef de fon côté.
Après que les effais des ouvrages d’or & d’argent
ont été faits, & qu’il faut les marquer, on mande
un commis de la régie pour ouvrir ce premier coflre.
Ce même commis a cette marque, 8c vérifie fur
fon regiftre fi ces pièces font identiquement celles
dont les contribuables lui ont fait la déclaration; les
gardes aufli-tôt après renferment les poinçons dans
leur coffre; le commis des fermes le remet en même
temps dans celui dont il a la clef. De cette manière,
les poinçons ne peuvent demeurer féparément à la
drfpofition de l’un ni de l’autre.
Après la réception en la* cour , les nouveaux
gardes font une vifite de police générale , c’eft-à-
dire,qu’ils fe tranfpqrtent avec leurs prédéceffeurs
reftans dans tous les ateliers généralement quelconques
, depuis l’orfévre, le joaillier & le bijoutier
du roi, jufqu’au plus petit fabricant, fans
diftinâion de qualité, même d’anciens ou nouveaux
gardes. Ils .reconfrontent d’abord les poids & les
balances des marchands avec les leurs, pour s’affurer
de leur jufteffe. Ils vifitent encore très-fcrupuleufe-
ment tous les ouvrages en cours de fabrique ; vérifient
les marques appliquées fur lefdits ouvrages,
& prennent, à leur gré, un petit morceau d’or ou
d’argent dans le plateau du fabriquant, fur lequel ils
font appliquer le poinçon du maître, afin de le distinguer
à leur retour au bureau, pour que le maître
ne puiffe pas le dénier.
Si l’orfévre eft abfent, & que fon poinçon foit
renfermé, ils écrivent le nom de la perfonne fur
l’enveloppe. Le motif de cette vifite eft de connoitre
fi les orfèvres n’adaptent point aux pièces qui portent
marque, d’autres pièces auxiliaires appelées
garnitures, qui feroient d’un titre inférieur 8c en
contravention aux réglemens.
Les anciens gardes, & particulièrement les derniers
fortis, appelés communément, en terme de
•compagnie, mignons , fuppléent gratuitement les
gardes en charge pendant tout le temps de ces vifi-
tes, qui durent ordinairement quatre jours. Cette
police générale eft de rigueur ,• & à la charge des
fabricans; c’eft-à-dire, que la quantité d or ou d argent
qu’il a fallu prendre pour faire l’effai, eft en*