
M I R O I R S DE ME T A L .
( Art de construire les )
L e s glaces ont fur les miroirs de métal plusieurs
avantages inconteftables. Leur travail coûte
moins: elles réfléchiffent plus vivement les'objets
: leur furface ne craint rien du contaâ de
l'air.
Le métal, • au contraire , perd aifément le poli
qu’il a reçu. Il néceflite des foins perpétuels; &
ces foins mêmes, à la longue , l’ufent & le dé-
truifent.
Cependant pour les expériences ^pu laprécifion
eft de rigueur: s’il s’agit, par exemple, d’examiner
les propriétés de la lumière, le métal fert
bien mieux l’obfervatenr; les glaces., telles minces
qu’elles fôient, produifent une double réflexion ;
l’iniage des objets eft rendue par les deux fur-
faces. Le métal eft exempt de cet inconvénient.
L’optique d’ailleurs ne formeroit avec le verre
aucun de ces miroirs prifmatiques, pyramidaux
& autres, dont les curieux embelliffent leurs cabinets.
Jamais des morceaux de glaces rapprochés *
réunis à bifeau, ne compoferoient un enfemble
parfait. Les bords, privés d’étain & trop épais,
dégrader oient toujours les tableaux ; lé métal, à
cet égard, ne laiffe rien à defirer.
Si le cryftal d’une eau claire & tranquille fut
le premier miroir offert à l’homme par la nature,
il faut avouer qu’en l’imirant, l’art a fîngulière-
ment furpaffé le modèle ; les plaques de métal,
les glaces étamées , en repréfentant bien plus
fidèlement tout ce qui s’y peint , ont encore
rranfporté' dans nos appartemens des* effets enchanteurs
, & qui ne frappoient guères que des
, yeux ruftiques & grofliers. Le philofophe le plus
févère fe déride aujourd’hui dans la demeure d’un
homme opulent, lorfqu’entouré de glaces placées
avec intelligence, il apperçoit piefqu’à travers
les murs, des bâtimens, de fuperbes jardins,
des perfpeélives immenfer; il pardonne 211
luxe fes profanons : il ne peut qu’admirer. Voye^
l'abbé Nollet, tome V , de fes leçons de phyfique.
Quoique le verre ait été connu dès la plus
haute antiquité, les métaux furent long-temps
Punique matière employée pour les miroirs. Cicéron
en fait remonter l’ufage aux fiècles fabuleux;
un monument plus. refpeâable attefte mieux
encore leur extrême ancienneté. Le baflin que
Moïfe plaça dans le parvis du tabernacle , fut
conftruit des miroirs dont fe dépouillèrent -les
femmes qui veilloient à la porte. Cum fpeculis, bc,
exod. chap. 38.
Il paroît que l’airain feul entra d’abord dans
leur compofition ; chaque art a fon enfance. Ce
métal a d’ailleurs été découvert avant tous les
autres. - # îf
Depuis, on mêla l’étain à l’airain, & c etoit
un grand pas vers la perfe&ion. Ceux qne fa-
briquoit Brindes , en Italie ^ paffoient pour fu-
périeùrs.
Sur la-fin de la république Romaine, époque
où le faite avoit banni toute idee de {implicite,
on les fit en argent ; mais cette matière, trop
molle quand elle eft pure, ne dut fatisfair.e que
l ’oftentation. Ce fu t, fuivant Pline , *un Praxi-
tèles qui les mit en vogue. Sous Néron , 1 or &
les pierreries leur fery oient d’acceffoires & d orne-
mens. On en voyoit^ au rapport de Sénèque, dont
la valeur fa'rpafl’oit la dot que reçut du iènat la
fille d’un- des Scipions.
Tel eft le peu que Phiftoire nous a transmis fur
les miroirs des anciens, j’entends les miroirs en
métal. Quant à ceux en verre,. l’origine en eft
ignorée. On fait feulement qu’ils font bien polté-
rieurs aux autres, & l’opinion commune eft que
< les premiers d’entr’eux fôrtirent des atteliers de
Sidon, ville renommée jadis par fes manufactures
& par l’habileté de fes artiftes en tout genre.
' Les Indiens de Caravaro & de Catiba, dans
le nouveau monde, portaient au cou des miroirs
d’or; leur païs n’étoit point avare de cette matière.
Au commencement du 16e. fiécle , les Ei-
pagnols en rapportèrent en Europe. Ces petits
| ouvrages étoient aulli précieux par leur fini que
par le métal qu’on y çonfacroit.
L ’induftrie des anciens Péruviens erhployoit au
lieu des métaux, certaines, pierres tirées des environs
de Quito. Ces pierres étoient la .gallinac1
& l'ïnca. Toutes deux, fous leurs mains adroites,
fe faÇonnoient en miroirs planes ou courbes*
Dom Antoine d’Ulloa dit en avoir vu un d’inca,
dont le diamètre avoit 18 pouces. H était concave
fur une face, & travaillé comme il auroit pu l’être
à T’aide des inftrumens & des principes de nos
artiftes.-Le Cabinet du Roi en renferme un autre
de gallinace, trouvé dans une Guaque, ou tom-
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beau,- fur la montagne de Pichencha, fes deux
côtés font convexes ; mais le poli fe relient du
long féjour qu’il a fait dans la terre. Voye^Her-
rera, hifl. génér. des Indes.
Reprenons les miroirs de métal, & pallons aux
procédés des modernes.
J’ai dit plus haut que le mélange de l’étain
avec l’airain étoit un grand acheminement à là
perfeâion ; on compofe en effet, d’affez bons miroirs,
en alliant Amplement le cuivre jaune de
Barbarie, à l’étain que les Anglois nomment bloktïn.
Ces deux efpéces s’unifient complètement, &'ne
contraâént dans le moule ni fentes ni foufftu-
res. La même union n’auroit pas lieu entre d’autres
efpèçes indiftinâement, & les ouvriers ne
l’ignorent point. Ajoutons que le mixte aétuel acquerra
d’autant plus de blancheur & de dureté,
que le bloktin y abondera davantage. On n’outrera
pourtant pas lamefure; le cuivre doit toujours
dominer, autrement la lime n’auroit aucune prife
fur l’ouvrage : il feroit en outre trop caftant.
Le cuivre tiré dés grandes pièces de monnoie
qu’on frappé en Suède, & mêlé avec l’étain de
Malaca, -produit pour les miroirs un enfemble
beaucoup meilleur encore que le précédent. Il
eft plus blanc, & fe polit plus régulièrement;
mais ces variétés exigent d’autres proportions.
L’étain ici ne peut entrer dans l’alliage au plus
que pour un quart.
Il eft effentiel de ne point hafarder le mélange
d’étains différens: par exemple, celui deMalaca&
le bloktin ne s’allieroient jamais. La pièce qui en
réfulteroit feroit remplie d’afpérités & de vuides :
nombre d’épreaves cenfécutives ont confirmé ce
que j ayance. VoyerMufchenbroeck, chap. 21.
Le célèbre, abbé Nollet, toujours zélé quand il*
croyoit pouvoir étendre les connoiffances phyfi-
ques, s’occupa de la perfeâion des -miroirs en
métal. Il imagina divers effais pour rencontrer un
alliage qui ne laiflat rien à defirer. Ses tentatives
ne le contentèrent' point, & les ouvriers de la
capitale , livrés aux mêmes-recherches , ne furent
guères plus heureux. Les Anglois cependant pof-
ledoient le véritable-fecret. Un de leurs artiftes
entr autres , Edouart Scarlet, excelloit dans la
compofition de ces inftrumens. Le phyficien
rrançois , par la voie du doâeur Défaeuliers,
obtint la recette angloife. Sa Supériorité fur les
precedentes eft inconteftablè.- .
Prenez en cuivre rofette . . . . . 20 parties,
en étain plané . . . . . . o
en arfenic-blanc . . . . . 8
On appelle dans le commerce cuivre rofette
celui qui a foutenu plufieurs fois le feu, qui eft
mieux dégagé de toutes fubftances hétérogènes,
entm le cuivre le plus net .& le plus pur.
-JÉ. et51Iî plané fe diftingue aifément par fa légé-'
f o é T l f l T - 165 ,aBks ipectftque eft a celle de l’deaeu C pêlutevisa=l e^ co mpemfeem 7e5n 2r
IOO. Plus lourd il contient plus de-plomb,
& fera d’autant moins propre à l’usage dont il
s’agit.
Quant à Parfemc , on fait qu’il en est de deux
fortes : le rongé, le jaune, le noir & le blanc
Le dernier eft le feul qu’il faille employer.
La fonte de ces matières exige quelques prépa-
rations. • . “
1°. Le cuivre doit être réduit en petites lame*
Il entrera plus .facilement en fufton.
2”. L’étâin doit être mis en pinailla. Pour
cela,. faites le fondre & couler à travers un ba-
lai de bouleau ; qu’en tombant, il foit reçu dans
un vafe rempli d’eau froide.
Pc fez alors l’étain, le cuivre & l’arfenic. Formez
de l’arferiic trois portions égales, & les enveloppez
dans autant de cornets de papier.
Les chofes étant ainfi difpofées, vous placerez
le creufet dans le fourneau. En commençant,
modérez le feu. Vous l’augmenterez en fui ce juf-
qu’à ce que. le creufet foit rouge. S’il foutient
; cette epreuve fans éclater, jetez y la cuivre &
1 y «liiez tondre; mettez également, mais fepa-
rément , l’étain en fufton, & verfez-le dans le
cuivre. Remuez les deux métaux avec une cuiller
de fer , & nettoyez l’écume qui s’élèvera fur iem
turface. Répandez alors dans la fufton le premier
paquet d’arfenic ,. & couvrez promptement ï~
creufet. Au bout d’un inftant, répandez-y ]e ’
lecond, puis le troifième , en obfervant chaque
fois de recouvrir le creufet an plutôt-.- ’
A quelques momens, le couvert peut être
Ote-, ° n mêle de nouveau la matière, qui fe. trouve
en état d’être coulée.
On n’oubliera jamais de chauffer & de faire
même rougir la cuiller avant de toucher avec elle
un meta en fufton; cette précaution ne peut pas
etre .négligée fans rifque d’accidens. Il eft encore
important de ne point slexpofer à la vapeur du
métal , fur-tout quand l’arfenic y eft joint. On
nopérera donc autour du creufet, qu’en fa mar
quant les narines &-la bouche. Le fourneau" d’ailî
leurs fera établi fous un large manteau de chemines
, ou dans un courant d’air au-deffus du-
quel on fe tiendra.
L’article du fondeur en fable, tome a , p?£e 18
de cette Encyclopédie, fes renvois à d’autres a,-
ticles, & les gravures correfpondantes enfeienent
tout ce qui concerne le fourneau, l’apprêt des '
moules , & le verfé du métal. 1
L’abbé Nollet voudroit que, pour les pentes
pièces, on compofàt les moules en cuivre - il eft
çertam que l’objet en fortiroit infiniment plus net
& que la denfité feroit bien plus égale. Mais ce
moyen eft frayeux & j’ai l’expérience que l’emploi
du plâtre reuffir prefqu’également. Oueluue
parti qtt on prenne , on aura foin que les moules
raient chauds , & que le métal ne le foit p-s
trop. Sans cette double attention , les fuperficiës
deyieiidroient plus ferrées que l’intérieur, & Iorf