
observateur éclairé ; enforte que fes réflexions
à cec égard deviennent infiniment précieufes.
Lettre fur VExpérience de M. d ’ Isjonval , 6* le
rapport qu’il en a fait j par M. d e LORMOY,
O n ne peut donner trop d’éloges au zèle
patriotique de M. Quatremère d’Isjonval , & aux
vues utiles qui ont guidé [fes expériences furies
fcêtes à laine & fur l’amélioration des prairies :
avec de tels fentimens , je me perfuade qu’ il verra
fans peine quelques réflexions fur les deux Mémoires
qu’il a fait imprimer.
La première qui fe pré fente, ejl que fes expériences
n’ont pas encore eu la durée nécejfaire pour confla-
ter les faits qu’il met en avant , 6* qu 'il croit avoir
établis.
Le but de Al. Quatremère d’Isjonval étant d’éclairer
fes concitoyens, U aurait été à défirer qu’ il n’eût rien
manqué à fes épreuves ; & je ne puis dijfimuler qu’elles
ne font pas affe? complûtes pour pouvoir fiatuer
fur leurs réfultats.
Les expériences de ce genre exigent d’autres précautions
, & une fuite beaucoup plus longue.
M. Quatremère d’Isjonval a fait venir , en décembre
1782 , des moutons du Berry, qui av oient
eu une mauvaife nourriture , 6* en petite quantité. Ce
troupeau a été établi dans un clos près Paris, où
il a été nourri abondamment avec du foin & de
la paille , couché ,à la vérité, fans toit , mais renfermé
dans un petit efpace le long d’un mur , à
l’abri des vents de nord & nord-oueft, & entouré
de palifiades.
En 1783 & en 1784, M. d’Isjonval a répété la
même expérience, q u i, à bien l’apprécier , ne
confifte qu’à acheter des moutons maigres pour
les engraiffer, & les vendre enfuite au marché de
Sceaux. Ce procédé n’efl pas nouveau ,* la plupart des
fermiers qui n’ont pas un local propre à faire dès élèves,
| le pratiquent également, f l n efl pas nouveau non plus de
faire coucher les bêtes à laine à l’air toute l’année :
tout le monde fait que les Anglois font coucher la plupart
de leurs troupeaux dehors £ & il y a trente années
que j ’en ai aujji fait l ’effai.
Il auroit fallu , pour donner à l’expérience de
M. d’Isjonval toute l’utilité défirable , prendre un
troupeau de jeunes moutons , le garder au moins
quatre années , fans trop le pouffer de nourriture ,
ou bien fe procurer un troupeau de brebis avec des béliers
en fuffifante quantité, le garder fix à fept ans3ne tirer
race que de beau en beau, fuivre les productions. Voilà
les vrais moyens d’améliorer l’efpèce & les laines , ou
de connoître les raiforts qui s’y oppofent ; parce que
dans cet efpace de temps , s’ il furvient des révolutions,
on efi à portée, d’en étudier les caufes & les effets.
L’expérience m’a appris que les laines des troupeaux
expofés au froid 6» aux intempéries de l’air,
font dures & sèches , parce que les pluies continues
& les frimât s empê choient le fuint de monter ; & dans
le fa it, celle du troupeau que j ’ai vu dans les clos de
M. Quatremère d’Isjonval, qu’il qualifie de fuperfine
dans fon mémoire lu à l’Académie: des fciences , le 26
avril dernier , n’efi rien moins qüs telle qu il Vannonce
, puifqu’elle eft dure & sèche , & fans aucune apparence
de fuint.
C’efi auffi d’après mon expérience que j ’ai foutenu
dans ma lettre fur les bêtes à laine, 6* dans mon
mémoire fur l’agriculture , imprimé en. 1774,6» réimprimé
en 1779 » Vle fe moyen d’obtenir des laines fa-
perfines efi de laffer les troupeaux à l ’air, mais en
liberté , avec des abris de diftance en diftance, où
ces animaux peuvent aller fe réfugier quand il leur
plaît, en obfervant de nettoyer tous les jours ces
abris , la propreté étant effentielle à la fanté de
toute efpèce d’animaux.
Je fuis néanmoins forcé de convenir que cette méthode
ne peut être mi fe en pratique que par des Cultivateurs
riches , & que le defaut d’afance empêchera toujours
les fermiers ( cette claffe d’hommes f i utile )• de la fui-
vre. En effet, qui donnera à ces cultivateurs indigent
les moyens de former de vafies enceintes pour y laif
fer leurs troupeaux en liberté pendant la nuit,'ou de j
faire de grands établïffemen 's dans lefquels on fuit
coucher des bergers 6» des chiens afin d’en écarter
les loups ?
Mais à l’égard de cette claffe de citoyens indigent j j
qui n’a pas les facultés nècejfaires pour former dt
grands établ Jfcmens, j ’ai indiqué dans mon mémoire i
un autre moyen p !us à leur portée ; c’efi de confiruirt i
des bergeries plus vafies que celles d’ufage ordinaire,
& percées-de beaucoup d.’ouvertures , afin que l’air
puffe y enfer , & circuler de manière que le troupeau en
éprouvé les avantages fans être expofè aux incommo- '
dites refait antes des Intempéries qui lui feroient nui- '
fibles. J’obferve néanmoins que ces ouvertures doivent
être à une hauteur qui les rende inaccefjjtles aux
loups.
I l paraît que M. d’ Isjonval a oublié, Ce chapitre j
important ; aujji plufî. u s perfonnes ont lu avec la
plus grande furprife l’affertion contenue dans U mémoire
de M. d’Isjonval, que , d’après fes expériences, on
fentiroit l’inutilité des bergeries, & que dans cèrt ans
il n’y en auroit plus en France. Il fallait donc qu’il
donnât les moyens de détruire totalement les loups , (f
d’empêcher pour jamais ceux des pays étrangers d'y
entrer.
Quant à la gale opiniâtre dont M. Quatremère
d’Isjonval annonce que fon troupeau étoit attaqué,
il a vraifemblablement été induit en erreur. Tout
indique que ce n’étoit qu’une maladie de peau eau-
fée par la mifère, puifqu’elle a été guérie par des
friélions avec de l’huile & du tartre ; au lieu que
fi ç’eût été une gale farcineufe, ou provenant
d’un vice dans le fang, non-feulement ce pan*
fement ne l’auroit pas guérie , mais les froids &
les intempéries , en interceptant la tranfpiration de
ces animaux , les auroient tous fait périr. On fou*,
met cette obfervat ’on à MM. les Phyficiens.
La découverte de M. Quatremere d’Isjonval fur l ü4
mélioration des prairies, n’a encore rien de nouveau»
Ce procédé efi annoncé dans mon mémoire fur l’agriculture
, de pratiqué depuis long-temps par les meilleurs
cultivateurs. ~ ■ .
On fait généralement qu’il n’y a point d engrais
plus parfait que celui des bêtes à laine ,
même fur les hauteurs , quand le fol n’en eft pas
trop fee. , •
il faut feulement obferver de ne jamais raire
parquer les prairies & les pâtures dans le printemps,
parce que le goût quç l’herbe auroit conservé,
empêcheroit les autres befliaux & les chevaux,
& même les brebis de la manger. Il ne
faut faire parquer qu’en automne, parce que les
pluies, les neiges & la longueur de l’hiver en
emportent^l’odeur , & que d’ ailleurs la force du foleil
du printemps & de l’été en évapore les fels que les neiges,
(r ies pluies de l ’hiver font pénétrer en terre.
J’efpère, que ces réflexions ne déplairont-point
à M. d’Isjonval , qui reconnoîtra , fans doute,
qu’animé du même efprit qui a diéfcé fes mémoires,
je ne cherche qu’à donner plus d’étendue & d’utilité
à fes' expériences , en y ajoutant le fruit des
miennes, & des connoiflances que j’ai acquifes par
trente années de travail.
P. S. Je viens de lire dans le Journal de Paris,
du jeudi 7 de ce mois , une réponfe de M. Quatremère
d’Isjonval, dans laquelle il propofe de 1
faire décider par fix manufacturiers occupés dans
} les différentes parties du royaume à fabriquer des
laines félon la méthode de M. Daubenton , fi elles
fe trouveront manquer de fineffe, de foupleffe , d’é-
lajl citè & de folidité, comme je l’ai avancé en propres
termes.
Je fuis bien éloigné de réeufer le témoignage
de ces fix manufacturiers ; mais je crois être en
I droit-de demander à mon tour qu’un plus grand
[nombre encore, pour ne pas dire même le corps
I entier des manufacturiers, prononce fur cette quef-
l tion qui mérite l’examen le plus attentif ; car il n’en
I eft guère qui foit plus intéreffante pour la richeffe
& la profpérité de l’Etat.
j II feroit encore également important d’avoir la
[ décifiondes manufacturiers Anglois , qui emploient
I feulement, pour leurs draps fupèrfins, ainfi que
I les Hollandois , des laines d’Efpagne , fufcepti-
bles de prendre • tous les apprêts , quoiqu’avec
beaucoup de fuint. Enfin , on devroit avoir le
fentiment des teinturiers-, léquel ne doit pas être
indifférent, puifque les belles teintures , comme
I celles des Gobelins , ne fe font qu’avec des laines
I d’Efpagne. §
Obfervations fur le gouvernement des moutons.
M. Daubenton s’eft propofé de chercher &
d’employer les moyens d’améliorer la race des
[ moutons de France, ou de leur en fubftituer une
meilleure, & d’améliorer les laines que fournif-
fent les troupeaux de ce pays. Durant quatorze
ans qu’il a donné une grande attention à tout ce
Arts 6* Métiers. Tome V. Partie II.
qui eft relatif à ces objets importans , il a pu ctu-
dier & juger une partie des bonnes & mauvaifes
! pratiques dans le gouvernement des moutonss ;
du -moins alitant que le peut faire une perfonne
qui, n’étant ni berger , ni nourricier , ne voyant
ni tons les jours, ni à toute heure fon troupeau ,
;i eft obligé de s’en rapporter à des gens qui font en
| général peu attentifs , & qui fe font-un devoir de
tromper ce qu’ils appellent le Bourgeois.
; Il ne feroit p a s étonnant que , malgré toute fa
vigilance, fes foins , fonattention avoir & à in-
’ terroger , il fe fût trompé, ou eût été trompé.
Une perfonne, qui paroît avoir des connoifiTan-
ces pratiques fur le gouvernement des troupeaux ,
a publié les réflexions ou obfervations d’un vieux-
J berger fur l’ouvrage de M. Daubenton. Voici les
principaux objets fur lefquels le vieux berger
penfe différemment du natùralifte : peut-être auffi
le berger condamne-t-il par préjugé , par routine,
! les idées & les pratiques qui ne font pas les
fiennes.
Les étrangers , fpécialement les Anglois , ont
fait fur la même inftruâion pour les bergers, des
.remarques importantes qui fe trouveront dans \’E~
conomie rurale & civile, à l’article du gouvernement
1 des bêtes à laine. '■
L’ouvrage françois dont nous allons préfenter
quelques articles,a pour titre : remarques fur l’infime•
’ tion de M. Daubenton pour les bergers & les propriétaires
de troupeaux g par M. Carlier, in-8°. 17^5*
I l faut , félon /'INSTRUCTION , apprendre les
chiens à faifir les moutons à l’oreille , ou aux jambes
de devant.-
Obfervat.on du Berger. Le chien , d’un premier
coup de dents, croqueroit ou emporteroit
l’oreille. C ’eft-là; qu’eft imprimée la principale mar-
! que de propriété. Le chien , Habitué à faifir aux
jambes de devant, doit être promptement réformé.
La moindre plaie devient dangereufe. Le mouton
blefle fe baille avec peine pour pâturer ; tout le
poids du corps incliné fe porte fur ces deux membres.
L’animal , lorfqu’ii fe couche pour prendre
fon repos , plie ordinairement les deux jambes de
devant : blelfées ou enflées , il ne peut plus les
plier qu’avec peine & douleur.
Le mouton mordu par devant, fuit en arrière ,
ce qui caufe du défordre & de la confufion : pincé
par derrière , il fuit en avant fur la direction & la
marche du troupeau. Les morfures faites aux jarrets
ou aux jambes de derrière , fèchent & fe guérif-
rifîent en peu de temps.
« On peut, félon l’iNSTRUCTlON , nourrir les
«« chiens par économie, en leur donnant de la chair de
» cheval, ou de ce qui refie après la fonte des fui fs ».
Il faut bien s’en garder , dit le Berger. Il eft
d’expérience que les chiens nourris de chair , même
de crétons, boyaux , ou iflùes d’animaux ,
font des plaies profondes , & emportent fouvent
la pièce. Us deviennent puans, dégoûtant», fujets
au rouvieux ou rogne, & aux autres mahdi^s de ce
1 T i i i