
M I E E. (Art de la récolte et d.& la confection:du)
L E miel eft un fuc fucré que les abeilles recueil-
lent fur les fleurs des plantes, & que l’on tire des
gâteaux dé cire qui font dans leur ruche.
Les abeilles entrent dans les fleurs pour y pomper,
par le moyen de leur trompe, une liqueur
miellée qui eft dans des glandes, & des réfervoirs
placés au fond.de la fleur, ou qui eft épanchée fur
différentes autres parties ayant tranfpirê au travers
des membranes des cellules qui la renfermoient.
La trompe de l’abeille ayant donc ram allé les
gouttelettes de miel, les conduit à la bouche où
il y a une langue qui fait paffer ce miel dans l’ce-
fophage. Cette partie s’étend dans les abeilles &
dans les mouches en général, depuis la bouche juf-
qn’au bout du corfelet, & aboutit à î ’eftomaç qui
eil placé dans le corps près du corfekt.
Dans, les abeilles il y a encore un fécond efto-
mae plus loin. Lorfque le premier eft.vuide, il ne
forme aucun .renflement ; il reffemble à un fil blanc.
.& délié : mais lorfqu’il eft bien rempli de miel,
il a la figure d’une veffie.oblongue. Ses parois font
fi minces, que la couleur de la liqueur qu’elles
contiennent paroît à travers..
Ce premier eftomac eft féparé du fécond par
un étranglement. C’eft dans le fécond eftomac &
dans les inreftins que fe trouve la cire.brute. Il n’y
a jamais que du miel dans le premier.
Il faut qu’une abeille parcoure fucceffivement
plufieursfleurs avant de fe remplir, de miel; enfuite.
elle revient à la ruche, & cherche un alvéole, dans
legnel elle puiffe fe dégorger.
Elle fe place fur le bord de l’alvéole ; elle, fait
entrer fa tête <fedans, & y verfe, par. ,1a bouche
le. miel qui eft dans l’eftomac, 8c, qui en fort; à
l ’aide des contrarions de cette partie.
Il y a Heu de croire qu’il n’en fort pas tel qu’il
y eft .entré ; mais qu’i l eft digéré & épaifli par une
co&ion.
Les abeilles fuivent ordinairement un certain
ordre en remp'.iffant de miel les alvéoles. Elles commencent
par ceux qui font à la partie fupérieure des
gâteaux du deffus , lorfqu’il y a plufieurs rangs de
gâteaux.
Pour qu’un alvéole foit plein de miel, il fairt que
plufieurs abeilles viennent y verfér celui qu’elles
ont recueilli & préparé.
A quelque degré que Palyéole foit rempli, on
voit toujours que la dernière couche de miel eft
différente du refte. Elle femble être ce que la crème
eft fur le lait; elle eft plus épaiffe que le refte. Il
y a lieu de croire qu’elle eft faite d’un miel qui a
plus de confiftance que le miel des autres couches,
& moins de difpofition à couler.
Toutes les abeilles qui apportent du miel dans la
ruche , ne le verfent pas dans un alvéole; il y en
a qui le donnent à manger aux trayailleufes qui font
occupées au dedans de la ruche, 8c qui, fans cette
rencontre, iroient en prendre dans des alvéoles ; car
il y a des alvéoles remplis de .miel, 8c ouverts pour
la cenfommatjon journalière. :
Toutes les abeilles de la ruche .s’en nourriffent
dans le:* temps où les fleurs manquent, 8c même
dans, le temps des fleurs lorfque le froid ou la pluie
empêchent les abeilles de fe mettre en campagne.
Les autres alvéoles remplis de miel font fermés
par un cercle de cire qui empêche qu’il ne s’évapore,
8c qu’il ne devienne dur & grainé avant la . fin d$
l’hiver.
Le miel que les anciens eftimoient le plus, étoit
celui du mont Himette en Attique ; après celui-là,ils
recherchoient le miel des Cyclades, 8c celui de Si*,
cile, connu fous nom de miel, du mont Jïybla.
Le bon miel doit être doux 8c en même temps
un peu piquant; il doit être odoriférant, jaunâtre,
non liquide, mais glutineux 8c ferme, & fl vifqueux,
que lorfqu’on le touche du doigt, il s’y attache & le
fuit.
Le meilleur miel de France eft celui du Languedoc,
du Dauphiné 8c de Narbonne; ce dernier eft
très-blanc, 8c préférable pour la table 8c la médecine.
Le miel des autres provinces eft jaune. Celui de
Champagne eft d’une couleur jaune dorée, d’une
odeur gracieufe, d’une confiftance ferme 8c graffe :
il^doit être nouveau.
Le miel de Normandie eft d’une couleur rougeâtre;
fon odeur eft peu agréable ; il a le goût de cire.
Au refte, les différentes.qualités du miel viennent
moins de la température du climat, que de la façon
de le récolter &. de le manoeuvrer.
On appelle miel vierge, le miel blanc qui a été
tiré des ruches fans feu.
On donne auffi ce nom au miel qu’on recueille
des jeunes abeilles. Il èft de couleur jaune tirant fui*
le blanc.,
D E L A C O N F E C T I O N D U MI EL ,;
On l’amaffe ordinairement dans le diocèfe de Narbonne
êc dans le Rouffillon, une fois chaque année
* 8c quelquefois deux, quand l’année eft favorable..
La première récolte fe fait vers le commencement
du mois de mai; 8c la fécondé dans le mois
de feptembre.
Le miel du printemps eft toujours le plus beau,
le plus blanc, 8c le meilleur. Celui de feptembre
eft toujours .'oux.
Le degré de beauté 8c les. autres qualités dépendent
de 1 année. Unprinteinps doux, donnant beaucoup
de fleurs 8c de rofées, eft le plus favorable
pour lé rendre'parfait.
Pour l’amaffer, on ôte le couvercle dé la ruche,
arrêté fur les montans avec deux clous,, de façon
à l’enlever, aifèment, 8c recouvert d’une pierre plate,
telle qu’elle puiffe défendre la ruche contre la pluie.
On tâche en même-temps d’introduire de la fumée
par-là, en foufllant coriftamment fur des matières
allumées 8c propres à l’excîter. On contraint ainfi
les abeilles, attachées à élever ou remplir les gâteaux
, de defeendre vers le fias de la ruche qu’on
veut leur conferver.
Dès qu’on juge avoir rempli cet objet, on châtre
avec un fer tranchant leur nouveau travail ;,on l’enlève
8c on ledépofe de fuite dans des vafes qu’on recouvre
de manière à empêcher que les abeilles
puiffent y reprendre de ce qu’elles-viennent de perdre*
8c les préferver en même-temps de leur perte,
où les entraîne leur infatiabilité naturelle, en les
excitanta s enfoncer dans le volume perdu pour elles.
Les vafes pleins, on les porte là où le miel
doit être féparé des rayons entremêlés, 8c l’on
fufpend dans ces endroits un, deux, &c. paniers,
en forme de cône tronqué, ouverts par la grande
bafe, ayant deux anfes diamétralement oppofées ,
dans lefquelles on paffe un bâton , par où l’on fufpend
chaque panier dans un grand vafe de terre,
fur les bords duquel les deux bouts du bâton repo-
fent, 8c dans lequel le panier doit être au large.
On remplit enfuite le panier du miel 8c des rayons
entremêlés, qu’on prend foin de brifer à mefure. Il
découle à travers-tous les vides du panier , le miel
qui, tombant dans le fond du vafe, en fort en filant
dans un autre vafe mis au deflous pour le recevoir.
Cette pratique n’eft. pas fans de grands incon-
yeniens.
vju un ne peut, quelque loin qu on fe donne, chaffet
toutes les abeilles hors des gâteaux qu’on veut
châtrer : il y en refte toujours beaucoup, malgré
ia^fumée qu’y chafle en foufllant un homme qui
tient à la main des matières propres à en fournir ;
en forte que celui qui châtre, tue, malgré lui, une
partie des opiniâtres avec fon fer tranchant, 8c noie
les autres dans le vafe où il dépofe le miel;
Il en èft peu de celles-ci qui fe fauvent, malgré
leurs mouvemens pour fe dégager du gouffre où elle!
font englouties. Enfin, -elles fuccombent après de
longs 8c vains efforts.
Il en eft pourtant parmi elles qui, peu enfoncées.
pourroient fe dégager; mais, foit avidité, foit défaui
de conduite, la plupart s’embourbent plus fort. En-
n, meiees 8c comme pétries par ceuxrqui remplif-
fent les paniers, elies périffent Le miel en reçoit
apparemment un goût défavantageux, augmenté
par le couvain, quand il y en a, félon la . durée de
1 écoulement;
Un autre inconvénient vient de 1’indifférence
qu’on a de mettre, fans diftinétion, dans les vafes
tout le miel à mefure qu’on le tire des ruches,
quoique les gâteaux foient de différentes nuances
du blanc au roux, certains tirant même fur le noir.
On feroit bien de faire .choix de ces divers gâteaux
, 8c de mettre chaque qualité à part pour le
faire couler féparément, ou bien, mêlant tout, pour
aller plus vite en befogne ( car les abeilles tâchent
de regagner l’emplacement qu’elles ont quitté par
la force de la fumée ) , il faut féparer fans délai, du
vafe où tout aura été confondu, le beau de celui
qui ne l’eft pas.
On pourroit en même-temps occuper des gens à
fauver du naufragé les abeilles qui femblent s’y
précipiter, en tirant avec leurs doigts ces pauvres
animaux, qui, en les mettant en lieu fec, fe dégageront
en marchant, du miel dont elles fe font en-,
duires, 8c s’envoleront.
Cette voie, quoique utile, ne peut que diminuer
foiblement la perte, parce que, malgré nos empref-
femens, on ne fauroit fouiller dans les vafes fans
engloutir de plus fort celles qu’on voudra fauver.
Tout cela nous montre le défaut de l’opération
de^lever le miel, en ce qu’il n’y a pas affez de fumée
pour chaffer tous ces animaux.
Le fouffle de l’homme ne fuffit pas contre les
opiniâtres au moyen de la fumée. Il faudroit donc
tâcher d’en augmenter le volume. C ’eft à quoi l’on
parviendra par l’expédient fuivant.
Employons un foufflet qui , par fon afpiration,
reçoive, dans fa capacité la fumée qu’on excitera
dehors, 8c qui, par fa epmpreflion j la chafle dans la
ruche.
Il s’agit donc d’un moyen pour introduire la fumée
du foufflet, à quoi me paroît très-propre un
petit poêle, femblable à ceux de nos appartemens,
ayant comme eux un tuyau deftiné à porter la fumée
, dont le bout d’en-haut s’emboîtât dans IV,u-
--------penre
braife recouverte de quelque mariére propre à fumer,
comme font le plantes vertes, la fiente de
boeuf, 8cc.
Après quoi, faifant afpirer le foufflet, 8cl’ouverture
du poêle ouverte, la fumée s’excitera 8c montera
par le tuyau, dans le foufflet qu’on fuppofe
arrêté fixement au fourneau! fur trois bras de fer en
trépied affez hauts, afin que le canon du foufflet
porte la fumée à fa deftination;
Ce qui exige que le couvercle de la ruche foit
percé dans fon milieu d’un trou rond, 8c propre à
recevoir exa&ement le bout du canon, qui', à caufe
; de cela, doit être coudé.
L’opération faite, on pourra retirer le canon de ce
trou, qu’on bouchera pour remettre de fuite le couvercle
à fa place.
Au moyen d’un pareil foufflet., on pourra porter
autant 8c fi peu de fumée qu’on voudra dans la
ruche, 8c par la force de la compreflion, forcer les
abeilles à fe retrancher vers le fond, ou d’en foriir.