
? A R P A R
P A R F A I S E U R
D E P E I G N E S D E C A N N E , D’ A C I E R E T A U T R E S
P O U R L E S É T O F F E S .
Art du
o u s allons réunir dans cet article les procè- ■
dés de l’art du Peigner, autrement du parfaifeur
de peignes , tant de canne, que d’acier & âutres,
pour le fervice des fabriques d’étoffes. Il en a
été donné une defcription fommaire , avec des.
obfervations, dans le tome I. du traité des Ma-
nufaftures, par M. Roland de la Plàtièrev • mais
ce lavant académicien n’a pas cru devoir entrer'
dans tous les détails mécaniques de ^fabrication
de ces peignes , s’attachant de préférence -à
faire connoître leur ufage & leur emploi.
Cependant, comme c’eft un objet . important
que M. Paulet, defïinateur & fabricant en étoffes
de foie de la ville deNismes, a publié & décrit
d’après fon expérience , avec autant de connoif-
fance que de recherches & de foins, nous avons
cru néceffaire de profiter de fes lumières & de
fon travail déjà configné dans le recueil de Neuchâtel,"
pour en enrichir notre di&ionnaire, où cet
art du Peigner doit auffi prendre fon rang.
L’uftenflle dont il eft queftion , eft connu
dans les différentes manufaâures où il eft en
ufage, fous différentes dénominations. Les drapiers
l’appellent communément rot, plufieurs étof-
fiers le nomment ratelet ; mais le plus grand nombre
, comme fabricans en étoffes de foie , tiffe-
rans, rubaniers , gaziers , galonniers, &c. lui ont
confervè le nom de peigne. On aura attention de
ne fe fervir, dans le cours de cet art , que du
terme de peigne, fous lequel les leâeurs doivent
comprendre les deux autres dont on vient de parle
r , comme étant trois fynonymes qui préfentent
la même idée.
C ’eft au moyen de cet uftenfile, qu’on con-
ferve l’ordre que doivent garder entce eux les fils
de la chaîne , & qu’on vient à bout de placer chaque
duite de la trame dans la pofition où elle
doit être : ce font les liffes qui confervent la largeur
qu’occupe la chaîne fuivant celle de l’étoffe ;
mais le peigne , en même-temps qu’il lie la trame
avec la chaîne , détermine, irrévocablement la
Peigner.
largeur de l’étoffe : en un mot, c’eft lui qui, pro;
prement parlant, fabrique l’étoffe ; & tous les autres
font des acceffoires indifpenfables , à la vérité*
mais c’eft en quelque forte de la perfeéfion du
P?j$n-e <lue dépend abfolument celle de l’étoffe.
On' peut affurer que de tous les uftenfiles qui
L font en ufage dans la fabrique des étoffes en général
, le peigne eft fans contredit celui qui exige
? lé plus de foins pour être conftruit comme il
faut.
La forme qu’on donne aux peignes , pour quelque
genre de tiffu qu’on les deftine , eft toujours
la même ; mais ils varient dans leur grandeur,
dans leur conftruâion & dans le nombre de dents.
Cette variété n’a pas feulement lieu dans les
différentes étoffes auxquelles on les emploie
mais dans une feule, les largeurs étant très-différentes
les unes des autres ; enforte que telle
étoffé dont le peigne, fur une largeur de dix-huit
pouces, contient huit cents dents , pourroit, sur
une même largeur, être fabriquée par un qui en
contint jufqu'à neuf cents ou mille.
On doit compter parmi les arts auxquels ces peignes
font utiles, i °. les tifterands : on comprend fous
ce nom les fabricans de toiles de lin & de coton ,
de mouffelines , linons , batiftes , &c. 2®. Les fabricans
de draps , qui comprennent toutes les étoffes
de laine, les pannes, &c. 30. Les rubaniers,
qui ne font qu’un feul & même corps ayec les
paffementiers & les galonniers , & autres parties
du tiffage. 40. Les gaziers , qui fabriquent les
gazes, marlis , crêpes , toiles de crin pour les
tamis, toiles d’or , d’argent, &c. Et enfin le fabricant
d’étoffes de foie , qui lui feul fabrique plus
de deux cents genres.
Il eft aifé de juger , par ce détail, de la variété
que le peigner eft obligé de mettre dans la fabrique
du même uftenfile , puifqu’on l’emploie à tant
d’ufages.
Il n’eft pas poffible de détailler toutes les lata
P A R
eéuts que chacun des genres exige pour le peigne l
ainfi que tous les comptes des dents dont on le
compofe. On choifira trois ou quatre exemples
des plus difficiles , pour éclaircir ce qui en fera dit
par la fuite : & quoique ces exemples foient pris
fur les peignes des étoffes de foie , ils n’en feront
pas irtoins applicables à toutes les autres ; puifque
la régularité & la perfeâion qu’ils exigent, ne peuvent
que contribuer à en faire fentir les difficultés.
Malgré l’énumération qu’on vient de faire de
fufagè auquel on emploie .les peignes , il eft à-
propos de favoir qu’il n’y en. a , â proprement
parler, que de jjffl efpèces, qu’on diftingue tant
par la matière dont on les compofe , que par la
manière dont on les conftruit.
Un peigne eft une efpèce de rateau pareil à
ceux dont, le plïeur de chaînes pour les étoffes de
foie.fe ierf.
Spn ufage, eft de ferrer les duites de la trame
les unes contre les autres ?(mefure qu’ou les place
dans, les croifemens que le mouvement qu’on
donne a la , chaîne au moyen des liffes , prélente
fans ceflV. C’eft en appuyant plus ou moins fort
ce peigne eontra l’étoffe, qu’elle acquiert plus ou
moins de force & de roideur ; mais ce n’eft pas
ici le lieu d’entrer dans ces détails. Il y a fix fortes
de peignes, qui fon t, i° . les peignes de canne ;
a0, ceux de rofeau ; 30. ceux d’ivoire ou d’os ;
4°.ceux de cuivre ; 50. ceux d’acier liés; & enfin
ceux d’acier fondu.
Les peignes de canne font ceux dont les dents
font faites avec de la canne ; de même que ceux
d’ivoire , d’o s , de cuivre , d’acier, font ceux dont
les dents font faites avec de l’ivoire , de l’os , du
cuivre ou de l’acier.
Les peignes qu’on nomme d'acier fondu, font
ceux dont les dents font d’acier comme aux précédons
, mais où ces dents font retenues dans
deux tringles de métal qui fe jettent en moule.
Ces deux tringles fe nomment en terme de ma-
nuraâure coron elles ou jumelles.
Tous les ouvriers qui fe fervent de peignes ,
peuvent fe fervir de ces fix efpèces indifféremment
; mais comme chaque talent a fes ufages,
& chaque profeflion fes outils particuliers , il eft
affez ordinaire de voir les galonniers ou rubaniers
employer des peignes d’ivoire & de cuivre,
pour certaines parties de leur fabrique feulement,
& ceux d’acier ou de canne pour tous les autres
ouvrages , ainfi que les autres ouvriers en tiffus.
La canne eft la matière dont ôn a le plus anciennement
fait des peignes ; on n’imagina de les
faire en acier , que parce que les dents des lifiè-
res , quoique plus fortes , mais toujours de canne,
plioient plus facilement que celles du corps du
peigne. On avoit dès - lors pris le foin , qui fub-
fifte encore , de les faire en fer ; & comme on
s’eft aperçu que ce métal réuffiffoit très-bien ,
jes fabricans ne tardèrent pas à fùbftituer les dents
«e fer à celles de canne.
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Il n’y a pas long-temps qu’on a imaginé en
Angleterre de faire les coronelles des peignes avec
une matière femblable à celle dont on fait les
caraélères d’imprimerie. Cette invention ingé-
nieufe eft remplie de difficultés pour réuffir comme
il faut, attendu qu’on a befoin pour cela d’un
moule dans lequel on arrange les dents d’acier dans
un ordre bien précis , après quoi on les fixe en y
coulant la matière qui en forme la monture ; mais
dans le refte de l’Europe on monte les peignes
d’acier comme ceux de rofeau , de canne , d’ivoire
, &c.
Des peignes en général.
Le peigne eft une efpèce de rateau , au travers
des dents duquel paffent tous les fils d'une
chaîne , & qui conferve leur pofition refpeftive :
c’eft lui qui fixe la largeur de l’étoffe.
Les dents qui le compofent font placées les
unes à côté des autres fur une même ligne , entre
quatre tringles qu’on nomme jumelles ou coronelles
, & retenues dans un écartement parfaitement
égal & déterminé , au moyén d'un fil de lin enduit
de poix, qu’on nomme ligneul, pareil à celui
dont fe fervent les cordonniers.
Ce n’eft pas affez pour la folidité d’un peigne
d’avoir arrêté toutes fes dents l’une après l’autre
haut & bas entre les jumelles , il faut encore
garantir les extremiiés contre la pointe de fer
dont eft armée une navette, qui endommageroit
confidérablement les premières dents , lorfquc
l’ouvrier lance cette navette de droite à gauche
& de gauche à droite.
On a pour cet effet imaginé deux montans
qu’on nomme gardes, qu i, en même temps qu’elles
préfervent les dents, contribuent encore à la fo lidité
du peigne ;la hauteur de ces gardes détermine
celle du peigne, en même temps qu’elles fervent
à fa confervation.
Ces gardes font faites de canne, de bois , d’os,
d’ivoire , & quelquefois de laiton ou de bronze.
Il eft. aifé de fentir que ,1a matière la plus dure
eft toujours la meilleure , quoiqu’elle n’influe en
rien fur .la bonté intrinféque du peigne ; il fuffit
que les gardes foient bien faites , égales entre
elles, & fur-tout qu’elles foient placées bien d’é-
querrè' avec la jumelle , & folidement arrêtées en
leur place.
Comme il eft à-propos d’éviter que la navette
ne frappe contre les deux bouts du peigne , on a
tâché de donner à ces gardes une forme extérieure
qui pût remédier à cet inconvénient. C ’eft pourquoi
on leur donne l’arrondiffement d’un grand
cercle.
Quelques ouvriers donnent aux deux gardes
mi fes en place, la forme o&ogone , dont les deux
faces principales font plus larges que les .fix autres.
Mais cette forme eft abfolument défec-
tueufe. D ’autres encore leur donnent une forme