
N O Y E R E T N O I X .
( Art concernant les )
IL j e noyer eft un arbre d’une très-grande utilité,
tant par fon bois que par fes fruits.
Il fe multiplie ordinairement par femences ou
noix, & ne commence à donner du fruit qu’au
bout de fept ans de femence ; il eft à fa perfection
lorfqu’il eft âgé d’environ foixante ans.
Cet arbre porte fur le même pied des fleurs
mâles & des fleurs femelles, d’une odeur forte
qui n’eft pas défagréable. Les premières forment
des chatons, les dernières font aflemblées deux
ou trois enfemble.
Aux fleurs fuecèdent les fruits, qui ont une
écorce charnue, verte, acerbe & un peu amère,
que l’on nomme brou- de noix. Cette première
écorce couvre une écale ou coque ligneufe qui
renferme une amande divifée en quatre lobes.
Prefque toutes les efpèces de noyers ont les
feuilles conjuguées, & attachées fur une côte terminée
par nombre impair. -
Le noyer de la faint-Jean eft une efpèce ainft
nommée, parce qu’elle ne commence à pouffer
des feuilles que dans les premiers jours du mois de
juin, & que fa verdure n’eft complette qu’à la
faint-Jean. Cette Angularité ne fait pas le feul
mérite de ce noyer, c’eft une efpèce précieufe.
Les autres noyers, qui commencent à pouffer
dès les premiers jours de mai, font fujets à être
endommagés par les gelées du printemps, qui
perdent en même-temps le fruit ; au lieu que
le noyer de la faint-Jean ne commençant à pouffer
que quand la faifon eft affurée, n’eft jamais fu-
jet à cet inconvénient. Cet avantage devroitbien
engager à multiplier cet arbre dont la noix , qui eft
bonne , mûrit prefque aulfitôt que les autres.
Cependant il eft un moyen de fauver aufii les
noyers des premières gelées du printems, qui,
attaquant 8c les fleurs, & les jeunes pouffes
des feuilles encore tendres, privent d’une récolte
utile. Cette méthode fe pratique dans le
Pauphiné, depuis Grenoble jufqu’à Romano ,
& même jufqu’au Rhône.
Elle conftfte à greffer l’efpèee de noyer qui
pouffe dès le commencement du printems, avec
l’autre efpèce de noyer tardive qui donne des noix
d’une bonne qualité, & qui font toujours bien
pleines.
Le noyer eft d’autant plus agréable à greffer,
qu’il fe greffe très-bien, quoiqu’il ait acquis une
certaine groffeur, & qu’U foit même un arbre
d’un pied de diamètre.
Pour pratiquer cette greffe, on les couronne
vers la An de février ou au commencement de
mars, en ne les étêtant pas entièrement, mais
laiffant fubftfter les maîtreffes branches dans la
quantité néceffaire pour former un bel arbre. On
les coupe dans les jeunes arbres à quinze ou
dix-huit pouces du tronc, & dans les grands
arbres on leur laiffe dix à douze pouces de longueur.
Ces branches ainft coupées, pouffent de
nouveau bois qu’il eft bon d’avoir foin d’élaguer;
& au printems fuivant,que ces jeunes branches
ont une année, on choiftt les plus beaux fujets,
en ne laiffant fur chaque groffe branche que cinq
ou Ax jeunes pouffes que l’on greffe en flûte ,
& dont on difpofe les yeux de manière à pouffer
des branches qui donnent une belle forme à
l’arbre.
.Quand même elles ne réufliroient point toutes,
il en refte toujours affez pour former un bel
arbre, q u i, pouffant plus tard , donne toujours
des noix en abondance, & font albrs d’un très-
grand produit.
Les noyers fe plaifent le long des chemins,
dans les vignes, le long des terres labourées ,
fur les collines, & dans les gorges des montagnes
à l’expofttion du nord & du levant. Leurs racines
pénètrent dans du tu f , dans de la craie & autre
terrain ingrat: elles s’étendent à plus de Ax
toifes.
Si l’on fait une incifton au tronc du noyer au
printemps, il en fort une liqueur abondante qui
peut, -dit-on, fervir de boiffori.
Les noix ou fruits des noyers, diffèrent par
la groffeur, la figure, la dureté & le goût, félon
leurs efpèces. Il y en a même une forte dont
l’amande eft amère.
Les noix font bonnes à manger quand elles
approchent de leur maturité. On les nomme
alors cerneaux, parce qu?on les cerne pour les
tirer de leurs coquilles.
Les nojx que l’on garde pourThîyet acquièrent
un peu d’âcreté Ou de rancidité en féchant ; en
les mettant tremper quelques jours dans l’eau,
l’amande fe gonfle, on peut alors la dépouillé
de fa peau,* 1 6c elle devient douce. nu
On peut confire les noix vertes , foit avec leur
brou, ou fans brou. •
On fait avec les noix fèches & pelées une efpèce
de conferve brûlée affez agréable, que
l’on nomme nouga.'
Les noix vertes peuvent fervir- à compofer un
ratafia de fanté. Pour cela on les dépouille de
leur brou, & on les grille au fucre.
Quelquefois on met infufer les noix entières
dans de l’eau-de-vie & du fucre, ce qui fait un
ratafia très-ufité , connu fous le nom de brou
de noix.
On fait encore de la manière fuivante un bon
ratafia de noix.
On cueille les noix lorfqu’elles font encore
ni ' trop vertes, ni trop avancées * c’eft-à-
dire, lorfque le cerneau n’eft pas bien formé. On
les choifit fans aucune tache ; on les met dans
un mortier ; on les pile au nombre de dix pour
chaque pinte d’eau-de-vie. On met cette pâre
dans l’eau-de-vie, où on la laiffe infufer l ’efpace
de deux mois.
On retire cette liqueur pour la paffer jufqu’à
trois fois à travers un linge blanc ; on met fur chaque
pinte d’eau-de-vie un quarteron de fucre, 6c
on laiffe infufer le tout de nouveau pendant
un mois.
Il y en a qui ajoutent quinze clous de girofle ,
une once 6c demie de cannelle 9 6c deux gros de
macis.
Comme les noix ne donnent pas une couleur
agréable à ce ratafia, on lui en procure une en
paffant des feuilles de coqueliquct avec les noix.
On pourroit encore mieux employer l'oeillet
rouge connu fous le nom d’oeillet à ratafia.
Il ne refte plus qu’à filtrer ce ratafia pour
avoir une liqueur ftomachique excellente.
Mais le plus grand ufage qu’on fait des noix
fèches, eft d e . les piler fous la meule, 6c d’en
retirer par expreftion une première huile préférable,
Aiivant plufteurs perfonnes, au beurre
& à l’huii 9 'olive , pour faire des fritures.
Cette huile , en vieilliffant, acquiert de la vertu,
qui la fait choiftr pour entrer dans la compoft-
tion de quelques médicamens.
Quand cette première huile eft exprimée ,.on
prend la pâte qui refte, on la met dans de
grandes chaudières de fer fur un feu modéré ; on la J
tranfporte encore brûlante dans des toiles 1; on la
remet au preffoir ; on en retire alors une fécondé
huile qui a une odeur forte, mais qui
eft bonne, foit à brûler, foit à faire du favon ,
& qui eft fur-tout excellente pour les greffes
peintures, ayant foin de la mêler avec de la
litharge.
Cette huile a la Angulière propriété de faire
lécher plus promptement les couleurs. '
Arts & Métiers. Tome -V. Partie I.
Les peintres font donc fbuvent ufage de
l’huile de noix pour faire fécher leur peinture
; mais lorfque cette huile eft colorée, elle
peut gâter les nuances de leurs couleurs ; ils
déftrent de l’avoir claire 6c limpide comme de
l’eau. Voici deux procédés différens, au moyen
defquels ils peuvent blanchir l’huile de noix , 6c
lui donner la limpidité qu^ils recherchent.
Le premier eft d’expofer leur huile de noix pendant
quinze jours au foleil dans des vaiffeaux larges
& plats, fur le fond defquels il ne faut mettre
que i’épaiffeur d’une ligne d’huile. Lorfqu’elle
eft reftée cet efpace de temps au foleil pendant les
grandes chaleurs, il faut enfuite la dégraiffer en
la mêlant avec des terres abforbantes & argi-
leufes.
Le fécond procédé eft moins embarraffant ; il
s’agit de prendre un quarteron de litharge d’argent,
deux onces de blanc de cérufe, 8c deux onces de
couperofe blanche , les réduire en poudre Ane ,
les mettre dans une bouteille de la capacité de trois
pintes , verfer deffus de l’huile de noix, agiter ce
mélange pendant une heure, laiffer enfuite repo-
fer la liqueur pendant quatre jours : l’huile qui fur-
nagera alors fera claire , limpide , & telle que le»
peintres la défirent.
L’huile de noix mêlée avec de l’effence de
térébenthine, eft propre à faire un vernis gras
qui s’emploie communément pour luftrer des
ouvrages de menüiferie.
La déco&ion des feuilles de noyer dans de
l’eau Ample, Remploie à déterger les ulcères, en
y ajoutant un peu de fucre ; 8c fans fucre elle eft
très-efficace pour détruire les fourmis qui gâtent
les arbres & les prairies.
Le noyer eft encore très-précieux pour plu-
Aeurs arts. Les teinturiers eh emploient les racines
, l’écorce, fur-tout celle des racines , les
feuilles,.& le brou pour faire des teintures très-
foiides en fauve ou de couleur de c*fé, ou de
couleur de noifette. Les étoffes même que l’on
teint avec ces fubftances du noyer, n’ont pas
befoin d’être alunées.
Les menuiAers & les tourneurs font avec le
brou infufé dans l’eau, une teinture qui donne
aux bois blancs une belle couleur de noyer.
Le bois de noyer eft liant, b r u n v e in é , fo-
lide , affez plein , facile à travailler : on en fabrique
les meilleurs fabots.
Il eft également recherché par les feuipteurs ,
les ébéniftes , les armuriers, les tourneurs , &c.
C ’eft un des meilleurs bois de l’Europe pour
-faire toutes fortes de mèubles, n’étant point
fujet à la vermoulure.
C ’eft fur-tout les racines de noyelr que les ta-
bletters & les ébéniftes choiftftent pour faite ceo
Z -z