MÉMO I R E S U R LE C A N A L
les caractères de l’antiquité ; on y remarque des ports demi-circulaires de quatre-
vingts mètres de largeur, qui ne permettent pas de douter qu’il n’y ait eu dans cet
endroit une grande affluence de barques et un commerce très-actif. Ce lieu est en
effet celui que l’on choisirait encore aujourd’hui pour rassembler les productions
de la province de Bahyreh que l’on voudrait envoyer à Alexandrie. Il est d’ailleurs
dans le voisinage d’une ville considérable depuis long-temps; je veux parler de
Damanhour, qui paraît occuper la place de l’ancienne Hcnnopoüs ¡mrva ( i ).
Le canal n’offre plus rien de remarquable dans les deux lieues suivantes, si ce
n’est pourtant qu’entre les villages de Zâouyet-Ghâzal et de Gâbyl, oh a abandonné
depuis peu d’années l’ancien canal, pour en creuser un nouveau qui a été tracé en
ligne.droite et régulièrement approfondi.
Après Gâbyl, on entre dans un pays tout différent de celui qu’on vient de quitter.
Ce n’est plus une plaine riche, cultivée et meublée de villages; c’est un terrain inculte;
ce sont des, villes ruinées et des villages abandonnés : cet aspect est plus
affreux que celui du désert, peut-être parce qii’il rappelle un état florissant qui
n’est plus.
Depuis Gâbyl, Je canal d’Alexandrie, pendant quatre lieues de suite, a vingt
mètres de largeur moyenne; tantôt ses digues sont peu élevées, tantôt elles sont
de plus de huit ou dix mètres : c’est cette partie du canal qui est la plus belle et la
plus uniforme pour la largeur et la profondeur. 11 conserve dans la lieue suivante,
c est-à-dire, jusqu’à Lelohâ, à peu près la même largeur et la même uniformité que
précédemment : mais la plaine qui l’environne s’abaisse peu à peu, en sorte que le
fond du canal se trouve être à son niveau, et lui est même supérieur dans plusieurs
endroits ; il ne recommence à être au-dessous de la plaine qu’à une demi-lieue avant
Alexandrie.
Immédiatement après Lelohâ, le canal s’élargit subitement; et, dans une demi-
lieue de longueur, il a cent, deux cents et même jusqu’à deux cent cinquante mètres
de largeur. Ses digues sont à peine élevées de deux mètres, et sont si foibles, que les
eaux filtrent à travers. Il se rétrécit beaucoup ensuite; et lorsqu’on a passé Beydâh, il
n'a que cinq mètres de largeur : des digues de plus de sept mètres de hauteur, et
recouvertes de sable mouvant, menacent de le combler entièrement. Dans cet
endroit, il est à une distance moyenne de cent mètres du lac d’Abouqyr : il s’en
éloigne ensuite, et, dans l’espace d’une lieue, il prend une régularité et des dimensions
à peu près semblables à celles qu’il a avant Lelohâ. Il se rapproche du lac
vers l’extrémité occidentale de celui-ci, et le serre de si près, qu’il n’en est séparé
que par une digue en pierre de six à sept mètres d’épaisseur. Une autre muraille,
distante de celle-ci de cinquante mètres, forme la digue du côté de la plaine. Cet
endroit, appelé el-Bouçât à cause de la grande quantité de joncs qui y croissent,
est un des plus obstrués du canal, parce que les terres provenant des curages annuels
ont toujours été jetées à droite et à gauche dans l’intérieur même des digues.
(i) Le canal d’Alexandrie passe à douze ou quinze va se terminer dans celui d’Alexandrie, un peu au*
cents mètres au nord de la ville de Damanhour. Celte dessus du village d’Aflâqah.
ville reçoit les eaux du Nil par un canal particulier qui
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Depuis l’extrémité du lac, le canal parcourt un terrain entrecoupé de marais
sàlans, recouverts d’une croûte de sel de dix à douze centimètres d’épaisseur. Il
passe ensuite au.milieu d’un bois de dattiers d’une demi-lieue de longueur-, en
laissant à sa droite, un grand nombre de citernes, dont quelques-unes portént le
caractère.deis constructions Grecques ou Romaines, mais qui pour la plupart ont
été défigurées par les réparations qui y ont été faites dans les temps modernes.
Cette partie du canal qui s’approche d’Alexandrie, offre à sa droite plusieurs monticules
couverts de maisons détruites, que les Arabes, leurs derniers habitans, ont
abandonnées depuis deux ou trois cents ans. On y trouve aussi des tronçons
nombreux de colonnes de granit, et d’autres fragmens de l’architecture des'Grefcs,
qui avoient tout-à-la-fois créé et embelli cette contrée de l’Egypte.
À une demi-lieue d’Alexandrie, le fond du canal est un peu plus bas que le niveau
de la surface de la mer; mais, depuis cet endroit jusqu’à l’enceinte desArabes.il a une
contre-pente, c est-à-dire qu’il s’élève à mesure que l’on s’avance vers cette enceinte.
Enfin Je canal d’Alexandrie, large de vingt à vingt-cinq mètres, tourne au pied
du monticule où se trouve élevée la colonne de Sévère. Il devient ensuite très-
étroit, passe à travers l’enceinte des Arabes, et va se terminer dans le port vieux
sous la forme d’un égout.
La différence des hautes eaux aux basses eaux du Nil, auprès de l’entrée du
canal d’Alexandrie, est de quatre mètres, année commune. Leur profondeur
moyenne dans ce canal, lorsqu’elles ont atteint leur plus grande hauteur, est d’environ
un mètre six dixièmes! -
L’augmentation annuelle des eaux du fleuve se fait sentir à Rahmânyeh entre
le 10 et le 20 juillet, et, vers la fin du mois suivant, elles ont atteint l ’entrée
du canal d’AIex’andrie. Elles mettent ensuite un mois à le parcourir, parce qu’elles
sont ralenties.dans leur marche par les inégalités de sa pente, et sur-tout par ses
nombreux détours; car il a vingt lieues de développement, quoiqu’il n’y ait que
quinze lieues de "distance entre ses deux extrémités. Les eaux n’arrivent donc à
Alexandrie que vers le. 20 de. septembre ; et, comme le décroissement du Nil
s’aperçoit déjà à Rahmânyeh dès le y d’octobre, il s’ensuit que la navigation dans
le canal ne peut durer plus de vingt ou vingt-cinq jours.
Lorsque les eaux sont arrivées à Alexandrie, elles entrent dans quatre petits canaux
souterrains,; dont les* entrées sont distribuées le long de la demi-lieue du canal
d Alexandrie qui précède son embouchure. Elles sont conduites par ces canaux
dans des réservoirs d’où on les élève, au moyen de roues à pots, dans de petits
aqueducs qui les distribuent aux diverses citernes de la ville. Ces roues, qui sont
au nombre de soixante douze, sont mues par les chevaux et les boeufs que la province
de Bahyreh est obligée de fournir chaque année pour ce travail (1).
11 n’y a pas long-temps que l’on comptoit trois cent soixante citernes propres
a recevoir les eaux : on n’en compte plus maintenant que trois cent huit environ ;
(1) II faut élever les eaux à plus de dix mètres de mètres, pour les introduire dans celles qui se trouvent
hauteur, pour les iritroduire "dans les citernes qui sont vers le port vieux,
du côté de la porte de Rôsette ; et seulement de cinq
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