2 4 N O T I C E S U R L A P R É P A R A T I O N D E S P E A U X
Nous ignorons si le corroyeur Égyptien, au lieu d’huile, emploie quelquefois
ou le suif ou la cire, s’il sait préparer les cuirs lisses ou à grain auxquels on
conserve leur couleur fauve ; mais il donne, comme nos corroycurs, à des cuirs
de vache et de veau, une couleur rouge, et vraisemblablement par le même
procédé, qui consiste à aluner ces cuirs dans l’état où ils sont' lorsqu’on les
noircit, à les fouler sur leur alun, à les teindre avec une décoction de bois de
Brésil ou de Fernambouc dans l’eau de chaux, à les sécher, à les lisser avant et
après les avoir huilés, et à tirer à la pommelle ceux à la surface desquels il veut
former le grain. C e n’est pas lui cependant qui prépare les cuirs dont sont faites,
en Égypte, les outres qui y servent, ou pour transporter l’eau du Nil chez les
particuliers et’ pour la porter dans les voyages sur des chameaux, ou pour contenir
la mélasse qui vient du Sa’y d , le beurre, l’huile d’olive et le miel qu’on
reçoit de Tunis et des autres villes de la Barbarie.
Ces cuirs se fabriquent à la Mecque et à Geddah; les Égyptiens ne font que
les coudre pour en former leurs outres.
Celles très-grandes qui doivent être chargées sur les chameaux, sont faites de
cuirs de taureau ; on emploie, pour les outres moins considérables, les peaux de
bouc ou de chèvre.
Les unes et les autres ont besoin, pour être conservées plus long-temps, qu’on
leur fasse subir, au moins deux fois l’an , l’opération suivante :
Lorsqu’un porteur d’eau s’aperçoit que son outre est fatiguée, il la suspend en
lui tenant la bouche ouverte : elle se sèche ; alors il y introduit un mélange de
goudron et d’huile d’olive qu’il étend soigneusement avec les mains sur la moitié
de la surface intérieure de l’outre; puis, rapprochant les deux moitiés, il les foule
ensemble pour les pénétrer du mélange; enfin, il laisse cette outre exposée à
l’air et au soleil, jusqu’à ce qu’elle ait bu tout le goudron qu’on lui a donné,
et qu’en la touchant le doigt rie soit point graissé.
Une outre ainsi soignée dure cinq à six ans en servant tous les jours. !
Les Égyptiens ont encore, pour contenir de l’eau, des bouteilles assez artiste-
ment fabriquées, que nous croyons être, sans pouvoir l’assurer, comme celles
de nos gaîniers, d’un cuir bouilli dans la cire, mais avec moins de soin..
Ils ont aussi des cruches vraisemblablement du même cuir et assez grossièrement
fabriquées, et qui servent, chez les marchands d’huile, à contenir celle
qu’ils débitent.
ART DU MAROQUINI ER.
Les peaux qui sont travaillées en Égypte avec le plus de soin et d’intelligence,
sont celles qu’on destine à faire ce qu’on appelle le maroquin, les peaux de bouc,
de chèvre et de mouton.
Ces peaux, traitées par la chaux et débourrées, passent successivement dans
des réservoirs pleins d’eau, pour y être trempées, lavées et foulées avec les pieds ;
elles sont ensuite successivement écharnées, lavées, contre-écharnées, foulées,
travaillées sur fleur, et suspendues pour être égouttées.
Alors t
A lo r s , pour ramollir et dilater ces peaux que la chaux a un peu durcies, on
les met dans une bouillie de fiente de pigeon, dans laquelle on les brasse fortement,
et où on les laisse pendant quelques heures; de là on les plonge dans un
coudiement fait avec la poudre des siliques tlu mimosa nilotica, où après les avoir
laissé macérer pendant vingt-cinq à trente heures, on les foule pendant deux.
Maroquin rouge.
A u sortir du coudrement qui a servi à les tanner, les peaux auxquelles on
veut donner une couleur rouge, sont mises pendant deux jours dans un confit
de son ; puis lavées, elles passent dans un confit de figues où on les laisse macérer
pendant vingt-quatie heures; au bout de ce temps, on les lave, on saupoudre
chacune d’elles avec du sel, on les empile pendant quelques jours ; elles éprouvent
•un mouvement de fermentation, qu’on arrête en les jetant dans l’eau; on les lave
a sept a huit îepriscs différentes, et chaque fois dans de nouvelle eau ; on les tord
on les étend, et, à l’aide d’une éponge ou d’un peloton de coton, on leur applique
en trois fois, sur fleur, la couleur rouge préparée avec le kermès ou la cochenille
et l’alun.
Les peaux, ainsi colorées, sont lavées, tordues, et ensuite mises dans un coudrement
astringent, composé comme celui qui a servi à commencer leur tannage;
lorsqu’elles y ont séjourné un temps convenable (i), on les lave, on les foule]
on les exprime, on les étend, et, à l’aide de la main imbibée d’huile de sésame]
on frotte leur surface pour l’adoucir et la lustrer.
Maroquin jaune.
L es peaux qu’on destine à être en jaune, ne passent point dans les confits de
son, de figues, et dans le sel; elles sont mises, immédiatement après l’opération
du premier tannage, dans un second coudrement ; de là, après avoir été lavées,
foulées, tordues, en partie séchées, elles sont étendues et elles reçoivent deux
couches d’une teinture jaune faite avec l’infusion d’un mélange de graines d’A vignon
et d’alun pulvérisé : à chaque couche. on a l’attention de plier en deux, fleur
contre fleur, chacune des peaux ,■ de les mettre en pile pour faire pénétrer la
couleur; après quoi on les fait sécher, on les pare du côté de la chair, on les
lustre avec un bâton du côté de la fleur.
Maroquin vert.
L e maroquinier Égyptien cache avec soin son Secret pour la préparation dé
la couleur verte : mais nous pensons quelle n’est autre chose qu’une dissolution
de vert-de-gris dans une eau acidulée par la crème de tartre; peut-être y ajoute-
t-il un peu d’indigo.
J > ) La peau du maroquin, dans ce second coudremeht, du resserrement qu’éprouve particulièrement la suuer-
acqutert ce gratn qu. en fait la Beauté, et qui es. l’effet ficie nu épiderme de cette peau. ?