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 o  ° Que le k c  Siibofùclè, qui  longe  la côte  du cap Straky au cap Kaçaroun, recouvert  
 d’une  croûte  saline,  renferme,  ainsi  que  les  lagunes  adjacentes  à 1 ouest, vers  
 Tyneh,  les mêmes  abîmes  qui  y  existoient  il  y  a  deux mille  ans ; 4 .°  Que  le Birket el-Balah,  qui  communique au  nord  avec  le Menzaleh,  et qui  I  
 s’étend  jusqu’au  Râs  el-Moyeh,  vers  le  centre  de  1 isthme  de  Soueys,  est  encore  I  
 évidemment  inférieur au  niveau  de  la Méditerranée, puisqu il n est,  a  proprement  I  
 parler,  qu’un  épanchement  des  eaux  douces  ou  salées  du  Menzaleh,  suivant  ses  I  
 divers états, par  le  qantarah  ou  pont  qui  I en  séparé  sur  la  route  d Egypte  en Syrie  I  
 par  Sâlehyeh ; 
 5.0  Que  pour  tout  observateur  qui  parcourra  l’isthme  de  Soueys  d une mer à  I  
 l'autre,  sur  la  ligne  des  opérations  des  ingénieurs  Français,  l’abaissement  du  sol  i  
 des  lacs  Amers  au-dessous  de  la mer  Rouge  sera  une  chose sensible  et  frappante,  I  
 quand d’ailleurs  le  résultat de  leurs  opérations se  trouve conforme  à celui  des ingé-1  
 nieurs  de Darius,  aux traditions,  ainsi qu’aux  témoignages historiques  des écrivains 1  
 anciens  et modernes,  et  enfin  des  Qobtes  et  des  gens  instruits  du  Kaire, 
 6.°  Que  le  Mæris,  dont le Birket-Qeroun n’est  plus que  la  cunette  ou  la partie I  
 la  plus  basse  de  cet  ancien  lac,  offre  aussi  sensiblement  l’étendue  d’un  immense I  
 bas-fond dont  la profondeur,  que nulle opération  des modernes  n’a  vérifiée,  peut I  
 très-bien être celle indiquée par Hérodote, ayant cinquante itrgy/w [quatre-vingt-douze I  
 mètres]  au-dessous  des  plus  hautes  eaux de ce  lac; et que si, en  effet; cette profon-1  
 deur n etoit pas exacte  dans l’emplacement des deux  pyramides  élevées  par Mæris, I  
 rien  ne  s’oppose  à ce qu’elle  puisse l’être  pour  tout  autre  point,  car son  sol paroîtl  
 être  très-inférieur  au  lit  du Nil,  et,  par  induction,  à  celui de  la Méditerranée; 
 7.°  Que  le  sol  du  Bahr-belâ-mâ,  dont  le  dessèchement,  ainsi  que  celui  de  tous ■  
 les  autres  lacs  de  l’Égypte  qui  cessent  d’être  alimentés  par  les  eaux  du  fleuve oui  
 de  la mer,  est  dû  sans  doute  aux  anciens  travaux  de  Mæris  dont  parle  HérodoteI  
 et  aux  évaporations  excessives  dans  ces  déserts  de  sables  arides  et  brûlans; que  le  
 sol,  dis-je,  de  cette  vallée doit également être  inférieur à la Méditerranée; 
 g.” Enfin, que le bassin  des lacs de Natroun, où  l’on trouve une carrière  naturelle I  
 et inépuisable de  ce sel-pierre, doit indubitablement être inférieur au lit du Nil, dont I  
 les  eaux  qui  semblent  y  couler  souterrainement, entretiennent  dans  ces  bas-fondsl  
 une  humidité  saline  qui  est  un  des  principes  constituans  de  cette substance miné-1  
 raie. On  peut même  préjuger avec  quelque  fondement que  le  sol  en  est également!  
 inférieur  au  niveau  des  eaux  de  la Méditerranée. 
 Si l’on vient, après  cette connoissance des  lacs de l’Égypte, à considérer la n a t u r e  I  
 générale  et  particulière  de  ces  lacs,  bordés  de  plaines  basses  et  stériles,  où  l ’o n  1  
 trouve  des  sables  mouvans,  imprégnés  d’eau  saturée  de  sels  de  diverses  espèces;!  
 si  l’on  considère  enfin  que  la  fraîcheur  excessive  des  nuits  entretient  constamment  
 dans l’atmosphère  de  ces  lacs  et  des  déserts  qui  les  environnent,  une  h u m i dité  
 saline  qui  pénètre  et  agit  dans  tous  les  corps,  on  reconnoîtra  que,  c o n f o r mément  
 au  sentiment  des  prêtres  d’Egypte,  rapporté  et  adopté  par  H é r o d o t e ,   
 Strabon  et  tous  les  philosophes  de  l’antiquité,  l’isthme  de  Soueys,  toute  la  bassej  
 Egypte,ainsi que toutes  les plages adjacentes à l’ouest, jusque vers  l’Oasis  d ’ A m m o n j 
 D E   L A   B A S S E   É G Y P T E .   4 7 9 
 dans  les  deserts  de  la  Libye,  appartiennent  incontestablement  au  domaine  d’une  
 mer desséchée. Ce  sentiment  a ete partagé par tous  les  voyageurs modernes  qui ont  
 visité ces contrées. Parmi ces voyageurs, on peut citer M. Hornemann, qui, en  1800,  
 ayant  traversé  l’Afrique  d’orient  en  occident  par  l’Oasis  d’Ammon,  a  reconnu  
 dans  ces  déserts les  traces  les  plus  sensibles d’un  long séjour  des  eaux de  la mer. Je  
 dirai  de plus,  d’après  l’opinion  des  prêtres  d’Egypte  et  celle  d’Hérodote,  qu’il  est  
 probable  que  la  vallce  du N il,  dont  le  sol  s’exhausse constamment du Kaire  en  remontant  
 vers  la Thébaïde,  n est  plus  aujourd’hui qu’un immense  attérissement  des  
 sables vaseux du  fleuve,  et  que  les  vallées  du  Bahr-belâ-mâ et  des  lacs de Natroun  
 ont  pu  former  anciennement  des  golfes semblables  à  ceux de la mer  Rouge. Enfin  
 j ajouterai  que,, les  deserts  de  la  Libye  et  de  1 Afrique  étant  en  général  regardés  
 comme appartenant au sol d’une mer desséchée, les Oasis, ces espèces d’îles cultivées  
 ou cultivables  que 1 on  trouve  dispersées sur l’immensité  de cette mer de sables, ne  
 sont que  des bas-fonds,  tels  qu’il  en  existe  dans  le  sein des mers,  et dont le sol  est  
 encore  en  partie  inférieur au  niveau actuel  des eaux de  la Méditerranée. 
 Il ne m appartient  pas,  dit  l’auteur du Mémoire,  d’assigner une cause  à  la révolution  
 physique  qui a  pu  changer  ainsi  la  surface  de  tant  de  contrées.  Je  ne  prétendrai  
 donc  pas  trouver  cette  cause  secondaire,  plutôt  dans  l’effet  de  ce  flux  et  
 reflux extraordinaires qui,  d après  1 Exode, d accord  avec  la  tradition  qui  s’en  est  
 conservée,  au-rapport de Diodore  (1),  chez  les  Ichthyophages,  peuples  des  côtes  
 delà mer  Rouge, auroient  mis à  sec  une grande partie  de  cette mer,  que dans  un  
 abaissement  instantané  des  eaux  de  la Méditerranée  par la  rupture  du  détroit  des  
 Colonnes  d Hercule,  aujourd’hui  de  Gibraltar  (2),  ni  enfin  que  dans  la  retraite  
 précipitée  des  eaux  après  l’époque  de  cette  catastrophe  générale,  où  le  globe  
 que  nous  habitons  a  dû rouler,  durant des  siècles,  sous  l’enveloppe  des eaux d’une  
 mer sans  bornes, catastrophe  dont  les  plaines  ainsi  que  les  entrailles  les  plus  profondes  
 et  les montagnes  les plus  élevées  de  la terre  portent  des  traces  ineffaçables.  
 Cest  en  vain  que  l’esprit  justement  inquiet  de  l’homme  se  tourmente  en  hypothèses  
 plus  ou  moins  ingénieuses,  plus ou moins vraisemblables,  sur  les  causes  de  
 ces  grandes révolutions ;  les  causes  et  les époques  de  ces épouvantables événemens  
 qui nous menacent  de  leur  cours,  périodique  peut-être,  nous  sont  inconnues,  
 et  restent  à  jamais  ensevelies  dans  la nuit étemelle  des  temps. 
 Pour  revenir  au  but  de  ce  A'Iemofre,  on  terminera  en  donnant  ici  le  tableau  
 résumé de 1 étendue superficielle  des  lacs maritimes de l’Egypte  inférieure, en  comparant  
 cette étendue à celle de  l’ancien  et du nouveau Delta. 
 (1)  Exod. cap. X IV,  v.  21,  et Psalm. CXIII,  et  Diod.  ment  la  plus  grande partie des déserts de  la  Libye et de  
 Bibl. hist. Iib.  I I I ,   S. 4°*  l’Afrique,  ses  eaux,  en  s’abaissant  d’une  hauteur  quel- 
 (2) Parmi  toutes ces  traditions  ou  hypothèses,' celle  conque  par la  rupture  naturelle ou  artificielle du  détroit  
 de l’abaissement instantané  des eaux de  la Méditerranée  de Gibraltar, auront mis à découvert  l’immensité  de  ces  
 par la rupture  du  détroit  des Colonnes, dont il  est parié  plages, dont le dessèchement les aura transformées en une  
 dans la Géographie de Strabon, nous paraît la plus admis-  mer  de sables  stériles  et  brûlans.  Voir Strabon,  Cécgr.  
 lible,  comme  elle  est  la  plus  vraisemblable.  Ainsi,  liv.  I ,  tom.  1. "   de  la  traduct.  Franc.;  et  Pline,  Hist.  
 admettant  que  la  Méditerranée  a  recouvert  ancienne-  nat.  liv.  v i ,  chap.  t.