
on y néglige le produit des fleurs de cette plante, dont, comme nous l’avons vu,
on tire un parti très-avantageux dans la province de Syout.
Quand la graine de carthame est lé seul produit qu'on veut retirer de sa
culture, on la sème toujours, de même que la laitue, mais en plus grande proportion,
avec les lentilles, les pois chiches, le dourah et le pois des champs. Ainsi
la quantité de graine de laitue semée par feddân étant de deux quarante-huitièmes
à'ardeb, celle de carthame est de trois quarante-huitièmes, qui produisent communément
deux ardeb) o\x trente-deux pour un. Le prix de X ardeb est de
1 yo parats ; il augmente à mesure que l’on descend le Nil, parce que, la population
devenant plus nombreuse proportionnellement à l’étendue du territoire
cultivé, la consommation de toutes les denrées devient aussi plus considérable.
A Qené.par exemple, les grairiès de laitue et de carthame se vendent 200 parats,
c’est-à-dire, 25 pour cent de plus qu’àEsné. Une autre cause de cette augmentation
de prix, c’est qu’une partie de l’huile qui provient de ces graines s’exporte
pour l’Arabie par la voie de Qoceyr, et que la ville de Qené sert d’entrepôt
à ce commerce.
On retire d’un ardeb ‘de graine de carthame une ballas et demie d’huile, ou
cinquante-deux rotl, lesquels, à 6 parats l’un, donnent par ardeb 3 12 parats ; cette
huile ne sert que pour l’éclairage.
Le prix de la graine de colza, qui devient, en descendant du Nil, à partir
de Qené, un objet de grande culture , s’élève jusqu’à 180 parats l'ardeb. On
retire de cette mesure de la graine deux ballas d’huile du poids de trente-cinq
rotl chacune. Le prix du rotl est de y parats ; ce qui donne en argent un produit
de 350 parats par ardeb de graine.
Il en est de même de l’huile que l’on extrait de la graine de lin : l'ardeb de cette
graine, qui se vend 180 parats quand elle est destinée à cet usage, produit une
ballas et trois quarts environ, ou soixante rotl d’huile, du prix de 7 parats l’un;
ce qui donne, pour le produit en argent d’un ardeb de graine de lin converti
en huile, de 4 °o à 4 - ° médins.
Les différentes espèces d’huiles dont nous venons de parler ont, selon les
lieux, le double usage de comestible et de combustible; elles sont fabriquées
par les mêmes procédés.' (V ô y é z les Arts et Métiers, planche T , f ig . 1 , 2 , 3 , É . m .
vol. II , et la description de cette planche faite par M. Devilliers. — Voyez aussi
l’intérieur d’un moulin à huile, représenté planche X II,ê .m . vol. II.)
Les graines des plantes oléagineuses sont d’abord réduites en une espèce de
gruau sous des meules semblables à celles des moulins ordinaires ; ce gruau est
ensuite porté sous des meules de granit en forme de cône tronqué, lesquelles
tournent autour d’un arbre vertical. La pâte obtenue par cette seconde opération est
étendue entre des paillassons de feuilles de palmier de cinquante centimètres
de diamètre environ, appelés brash. On dispose ces paillassons les uns sur les
autres, au nombre de quatre-vingts ou quatre-vingt-cinq ; ce qui forme une colonne
cylindrique d’un peu plus de deux mètres de hauteur, au-dessus de laquelle il
ne s’agit plus que d’opérer une pression verticale assez forte pour exprimer l’huile
des gâteaux de pâte de graine compris entre les paillassons. On produit Cette
pression à l’aide d’un levier du second genre (Arts et Métiers, planche I , fig. 1 ,
t . M. vol. I I ) , mobile autour d’un point d’appui solide, incrusté dans l’un des
murs de la fabrique : ce levier porte à son autre extrémité un écrou fixe, que
traverse une vis verticale, à laquelle est suspendu un bloc de pierre qui sert de
contre-poids, et que l’on élève à volonté au moyen de la vis, à mesure que le
levier s’abaisse; l’huile exprimée par ce procédé coule au pourtour de la colonne,
et se rend dans une fosse pratiquée au-dessous : elle y est ensuite puisée pour être
conservée dans les vases de terre appelés ballas.
Les figures i- à 1 o qui représentent cette espèce de pressoir à huile ( Arts et
Métiets, planche I ." , i . m . vol. II), et la description de cette planche, nous dispensent
d’entrer dans de plus grands détails de fabrication.
Nous dirons seulement que le résidu ou le tourteau des diverses graines oléagineuses
dont l’huile a été extraite, sert à la nourriture des boeufs que l’on emploie
à tourner les meules sous lesquelles ces graines sont réduites en pâte. Cette
opération est ordinairement conduite par deux hommes : ils sont chargés d’atteler
et de dételer les boeufs qui travaillent par relais de deux heures, et de ramener
sans cesse sous les meules la pâte de graine qui en est continuellement repoussée ;
ils se servent, pour cela, d’une petite pelle ou d’un râteau de bois.
La presse à huile, telle que nous venons de la décrire, est la plus dispendieuse
de toutes les machines que nous avons eu occasion de remarquer en Égypte;
son prix s’élève quelquefois jusqu’à 4oo pataquès.
On fabrique généralement, au moyen de cet appareil, deux ballas d’huile par
jour, de quelque graine qu’on la tire. 11 n’y a donc que de très-légères différences
dans le prix de la fabrication des diverses espèces d’huiles. Comme ce produit est
d’un usage pour ainsi dire indispensable, on en trouve des fabriques en plus ou
moins grand nombre dans toutes les villes de l’Égypte. On en compte jusqu’à
dix dans la seule ville de Syout ; il y en a quatorze ou quinze à Menouf : ces dernières
sont toutes employées à la fabrication de l’huile de lin.
La fabrication de l’huile de sésame a des procédés particuliers.
On commence par laver la graine de sésame ; ensuite, après l’avoir laissé
pendant quelque temps tremper dans l’eau, on la fait légèrement griller dans
une espèce de four particulier, représenté par les figures 7, 8, 9 et 10 de la
planche I.rc des Arts et Métiers, È. m . vol. II. La graine de sésame qui a subi cette
torréfaction, est portée sous des meules de pierre qui viennent de Syrie ; elle
y est réduite en une espèce de pâte. Cette pâte est mise ensuite dans une cuve
de maçonnerie ayant la forme d’une portion de sphéroïde, d’un mètre et demi
de diamètre par le haut. Un homme debout dans cette cuve, se soutenant par
les mains à une corde attachée au-dessus de sa tête , foule cette pâte aux pieds,
et en exprime l’huile, qui sort au pourtour de la masse de pâte de sésame qu’il
pétrit ainsi ; l’huile est reçue dans un vase de cuivre que l’ouvrier tient, avec
l’un de ses pieds, convenablement incliné vers l’endroit d’où l’huile est exprimée.
Lorsqu’il en est rempli, il verse l’huile qu’il contient dans une ballas.