9 .0 S e b  k h a h N a t r o u n . Lacs de Natroun.
U n e vallée adjacente à la basse Egypte renferme, dans sa partie centrale et la
plus basse, quelques lagunes qui prennent leur dénomination de lacs de Natroun,
d’une substance salino-pierreuse qu’elles produisent Sa direction nord-nord-ouest
court parallèlement à la branche occidentale du Nil, dont elle est distante de dix
à douze heures de marche à l’ouest. Cette vallée prend naissance entre les pyramides
de Saqqârah et de Gyzeh, et vient se terminer sur les confins de la province
de Bahyreh au sud de Marea, capitale de l’ancienne Maréotite.
Les lacs de Natroun sont situés entre les parallèles des villages de Myt-Salameli !
et de Terrâneh sur le Nil, à une distance de douze heures de marche, à l’ouest de
Terrâneh; ce qui, à quatre mille mètres de marche à l’heure, donne quarante-huit
mille mètres de distance de ce village.
On doit penser que le fond de ces lacs est inférieur au lit du Nil et même au
niveau de la Méditerranée : on est encore fondé à croire que les eaux du fleuve
y sont conduites par infiltration , en chariant avec elles les substances salino-pier-
reuses qu’elles dissolvent dans le sol quelles parcourent, et qui servent à former
et à entretenir dans ces fosses naturelles le natroun que les arts ont su, dans tous
les temps, approprier à nos besoins industriels. Hérodote dit à ce sujet : « Le
» Nil, dans ses grandes crues, inonde non-seulement le Delta, mais encore des
» endroits qu’on dit appartenir à la Libye, ainsi que quelques cantons de l’Arabie,
» et se répand, de l’un et de l’autre côté, l’espace de deux journées de chemin, plus I
ou moins. » Pline vient à l’appui de cette assertion, quand il dit que les eaiix
du Nil agissent dans les salines de Nitrie.
C ’est avec peu de fondement, suivant moi , qu’un de nos plus modernes I
voyageurs, M. Sonnini, rejette et combat l’opinion du naturaliste Latin, que M. le I
général Andréossy adopte et développe dans son Mémoire sur la vallée des lacs I
de Natroun (1). Mon dessein n’étant pas d’entrer dans de plus grands détails sur
cette vallée et sur les couvens de ces déserts, je renvoie à la notice que j’en ai I
fournie au Courrier de l’Egypte, et sur tout aux Mémoires déjà cités de M. Sonnini
et de M. le général Andréossy. Je consignerai ici (2) une anecdote propre à faire
( i ) Mémoire sur la yallée des lacs de Natroun, Décade
Égyptienne, tom. I l , pag. 93-122 ; Mémoires sur l’Egypte,
10m. I , pag. 223; et Description de l’Egypte , E . M.
tom. 1 " , pag. 279-298.
(a) Voyage aux lacs de Natroun. Dans le voyage que je fis
aux lacs de Natroun, j’accompagnai, sur son invitation,
M. le général de division Menou, qui, à la tête de cinq
cents hommes d’infanterie, fut chargé, à l’époque du
débarquement de l’armée Anglo-Turque à Abouqyr ,
le 26 messidor an 7 [ 14 juillet 1799], de battre le
désert, afin de couper la retraite à Mourâd. Ce bey,
de concert avec l’ennemi, qui menaçoit alors les côtes
d’Abouqyr, parcourait, avec quelques partis de Mam-
louks et d’Arabes, la Bahyreh, qu’il cherchoit à soulever,
mais dont il a voit su se retirer à temps. Nous éprouvâmes,
dans cette expédition militaire, et à cette époque
des plus fortes chaleurs de l’été, de très-grandes fatigues,
et des pertes en hommes et en chevaux, comme on va
le voir dans les détails suivans.
Partis, le 15 juillet 1799, d’Embabeh, village situé sur.
la rive gauche du Nil, célèbre par la bataille des Pyra- |
mides, nous étions, le i6suivant, dans le désert,à la hauteur
et à trois heures démarché à l’ouest d’Ouârdân, marchant
sur les couvens Grecs et Syriens des lacs de Natroun,
quand le manque d’eau ( nous avions déjà perdu parles (
fatigues et la soif deux hommes, dont un Grec qui sctoit 1
tué de désespoir avec son fusil ) força le général Menou
à regagner le fleuve, où nous arrivâmes à deux heures,
près et au nord de Myt-Salameh. Repartis sur les quatre j
heures, nous regagnâmes le désert, où nous bivaquames;
connoitre la nature des déserts au milieu desquels sont situés les laés de Natroun
e, le danger de les parcourir dans les saisons trop chaudes, et sur-tout sans les
précautions convenables. On verra qu’il importe de publier cette anecdote intéressante
pour ceux qui doivent voyager dans ces contrées.
O B S E R V A T I O N S G É N É R A L E S .
j M ,GR,AT:EN m 3 fak voir’ « S * 'a description particulière qu’il a
donnée des lacs de 1 Egypte, et dont nous avons transcrit textuellement ci-dessus
ce qui n avoit pas été publié,
i.” Que le bassin du Mareotls, qui longe la côte maritime d’Alexandrie jusqu’à la
Tour des Arabes, sur trente-huit a quarante mille mètres d’étendue, et qui étoit
entièrement desséché en . 800, est encore évidemment resté inférieur au niveau
de la mer, puisque, par suite d’une opération désastreuse, les eaux salées qui en
recouvrent aujourd hui toute l’étendue, y ont pris, sur divers points, sept huit et
peut-etre jusquà dix mètres de profondeur;
2.0 Que les lacs Ma’dyeh, d’Edkou, Bourlos et Menzaleh, qui embrassent le
reste de la cote maritime de l’ancien Delta, et qui tous communiquent immédiatement
par une ou plusieurs bouches à la mer, ont évidemment le fond de leur
assm inférieur a la mer, puisque les eaux saumâtres, de ces lacs, en diminuant avec
le Nil, reprennent toute la salure des eaux de mer, qui y affluent et s’y élèvent plus
ou moins, suivant la force et la direction des vents du large;
le lendemain, nous arrivâmes vers dix heures à Deyr-Maka-
ryout [couvent de Saint-Macaire ], après une nouvelle
pertedequatre hommes, d*un cheval etd’un chameau: notre
marche fut de dix heures effectives, des bords du Nil à
et couvent. Bientôt après notre arrivée, j'eus le bonheur
J’l sauver Ia vie à trois soldats qui, la bouche écumante
«dans les convulsions d'une mort violente, avoient été
rainés vers le couvent, dont i’entrée avoit été interdite
a la troupe. Les ayant fait mettre à l’ombre des murs, et
leur ayant fait donner de l’eau fraiche à propos et avec
mesure, je parvins à les rappelîr à la vie, qu'un quart
d’heure plus tard iis perdoientsans retour: la troupe fouil-
loitalors, en courant çàet là, les sables du désert, à deux
«irais cents mètres du couvent, où elletrouvoitquelque
peu d'eau saumâtre, capable à peine d’étancher une soif
inextinguible. II faut avoir ressenti quelques atteintes de
celte fièvre cruelle, causée dans ces déserts par une soif
dévorante, pour s’en faire et en exprimer l’idée. On n'a pas
besoin assurément de chercher dans une tempête sur cette
visie et profonde mer de sables de la Libye, la cause de
la perte de cette division de l'armée de Cambyse qui fut
engloutie dans les contrées d’Ammon : car il suffit bien du
souffle brûlant des vents du khamsyn pendant un ou deux
¡onrs seulement, ou d’une marche forcée dans ces déserts
privés d’eau, pour y faire périr une armée. Le 19 juillet,
sprès quinze heures de marche effective de Deyr-Snydeh
[couvent des Syriens], nous regagnâmes par le nord-ést le
il à Ouagyt, et, dans ce trajet, nous perdîmes encore
ÎUX hommes à une heure de marche seulement à l’ouest
* te fleuve. C’est sur ces indications que le colonel du
corps des ingénieurs-géographes, M. Jacotin, a porté
sur la grande carte d’Égypte les traces de cette pénible
marche que le général eut à supporter avec le soldat; car
cette expédition fut si précipitée, que nous n’eûmes pas le
temps de prendre ni les tentés, ni aucune des provisions
nécessaires. Quant à moi, après sept jours de notremarche,
dont quatre dans le désert, je rejoignis à Abouqyr le général
Menou, qui avoit pris le commandement du siège de
ce fort : après sa reddition, je revins à Rosette, où j'éprou-
vai une indisposition grave avec tous les symptômes qui
caractérisent la peste, mais dont une excessive transpiration
que je me donnai par une marche forcée, me sauva
heureusement. De retour au Kaire un mob après, je fus
attaqué d’une ophtalmie qui, pendant douze jours, me
priva totalement de la vue, que je ne recouvrai que six
semaines après. Beaucoup d’autres personnes éprouvèrent
de fortes indispositions de ce voyage. Mon cheval et deux
auiresdugénéral en restèrent quinze à vingt jours malades,
au point qu’on eut peine à les faire suivre en iesse, le dernier
jour de notre marche d’Ouagyt sur Rahmânyeh. J’ai
eu lieu d observer et de me convaincre que ia cause des
accidens que j’éprouvai particulièrement, est due, indépendamment
des fatigues, à l’effet d'une différence trop
sensible au corps entre la grande chaleur des jours, qui
est de trente-deux à trente-cinq degrés, et l’extrême fraîcheur
des nuits au sein de ces déserts, quand on n’a pas
la précaution de se bien couvrir de nuit; car une suppression
de transpiration est en Egypte, comme dans
tous les pays chauds, une des premières causes des maladies
inhérentes à leurs climats.
V